Le procès de Corrientes

Quelques mots avant de prendre l’avion pour Paris…
J’ai donc temoigne pendant quatre heures lors du proces de cinq militaires argentins qui se tient actuellement a Corrientes, dans le nord de l’Argentine.
Ces officiers de renseignement sont accuses d’avoir torture et fait disparaitre plusieurs citoyens de la region qu’ils avaient enleves a leur domicile.

Les avocats des familles, avec le soutien du ministere public, m’avaient citee a comparaitre, non pas pour me prononcer sur ces affaires que je ne connais pas, mais pour presenter mes interviews des responsables de la junte militaire que j’ai realisees pour mon film et livre « Escadrons de la mort: l’ecole francaise ».

C’etait , en effet, la premiere (et unique) fois que des generaux argentins reconnaissaient que la torture et la disparition forcee furent systematiques dans la guerre sale qu’ils ont livree apres le coup d’etat du 24 mars 1976.

Repondant aux questions des juges et avocats, j’ai explique que la « guerre antisubversive » menee par les generaux argentins avait ete preparee de longue date ( depuis le debut des annees 1960) , grace a l’enseignement des militaires francais qui ont exporte les techniques de la « bataille d’Alger » dans le cadre d’un accord secret, signe par Pierre Messmer, alors ministre des armees …

Evidemment, ce fut un moment tres emouvant et eprouvant pour moi: c’est la premiere fois que je participais a un tribunal oral , de surcroit en espagnol, sur un sujet aussi douloureux…

Dans l’apres midi, le gouvernement et parlement de la province ont organise une projection de mon film suivie d’un debat (photos), qui m’a permis de mesurer le chemin parcouru par l’Argentine, qui, a la difference de la France, a su annuler les lois d’amnistie pour juger les responsables de la guerre sale…

Je vous écris d’Argentine

Monsanto c’est une question de droits de l’homme

(desolee, mais je tape sur un clavier espagnol et je n’ai pas d’accent…)

Me voici donc a Buenos Aires, ou je suis arrivee tard dans la nuit. M ‘attendaient un representant du secretariat des droits de l’homme et le chef de police charge de ma securite.
Curieux telescopage: la derniere fois que je suis venue en Argentine c’etait en avril 2005, lors du tournage de mon reportage (pour Arte Reportage) « Argentine: le soja de la faim » (disponible en DVD notamment sur Amazon). Je raconte cette enquete dans mon livre « Le monde selon Monsanto » ou j’expose la catastrophe sanitaire, environnementale et sociale que represente l’introduction du soja roundup ready au pays de la vache et du lait, en 1997.

A peine arrivee a l’aeroport d’Ezeiza, j’ai ete conduite chez mon ami Horacio Verbitsky, un journaliste et ecrivain tres renomme qui travaille pour le journal Pagina 12, et qui m’offre l’hospitalite jusqu’a mon depart, ce soir, pour Corrientes. Un peu perturbe par les trois voitures de police qui faisaient le planton devant son appartement, conformement aux instructions donnees par le ministere de la justice, il a appele le ministre de l’interieur pour demander que mes gardes du corps soient plus discrets¡¡

Horacio etait deja au courant du buzz qu’a provoque mon enquete sur Monsanto, et je lui ai remis un DVD et un exemplaire de mon livre, ainsi qu’une copie du reportage que j’avais fait il y a trois ans.
 » A l’epoque, m’a-t-il dit, je n’avais pas compris l’enjeu que representait le soja de Monsanto pour mon pays, car comme le gouvernement j’etais anesthesie par les consequences de la crise economique de 2000 et la necessite de se procurer des devises. Mais nous commencons a nous reveiller. L’expansion du soja roundup ready est telle qu’elle menace la securite alimentaire du pays: si nous n’y prenons garde, les cultures vivrieres vont disparaitre et nous allons devoir importer des aliments, ce qui est un comble dans un pays qui fut toujours autosuffisant… »

Ce que me decrit Horacio est la confirmation de ce que j’avais decouvert en 2005: encourages par le cours du soja sur le marche international ( que doppe l’engouement pour les biocarburants) des investisseurs etrangers ( dont Monsanto, qui investit dqns ce qu’on appelle des « pools de semis ») proposent des prix exorbitants pour racheter les terres du pays: extenues par les epandages de roundup ( par avion) qui rendent les cultures traditionnelles tres difficiles ( riz, lentilles, ble, etc) ainsi que l’elevage et la production de lait, de nombreux paysans cedent leurs exploitations , contribuant ainsi a l’expansion du « desert vert ».
Parallellement, dans le nord du pays, les memes « investisseurs » acquierent des millions d’hectares, avant d’arracher cette vegetation d’une grande biodiversite, pour semer le soja de Monsanto.

« C’est une catastrophe, m’explique Horacio. Le gouvernement vient de le comprendre. C’est pourquoi, il vient de decider d’augmenter l’impôt preleve sur chaque tonne de soja exporte, pour freiner le processus, provoquant la colere des producteurs de soja. J’ai donc decide de me meler de ce sujet et vais faire un papier sur ton film et livre dans Pagine 12 ».

« Tu sais, dit-je a mon ami, tu presides le CELS, le plus important organisme des droits de l’homme d’Argentine, et Monsanto c’est une question de droits de l’homme… »

Nous parlons alors de ma comparution au tribunal de Corrientes ou sont juges les hommes du general Diaz Bessone que j’avais interviewe pour mon film et livre  » Escadrons de la mort: l’ecole francaise » ( tous les deux disponibles sur Amazon).
Horacio me rappelle que c’est precisement l’interview de Diaz Bessone qui a permis l’annulation par la cour suprême des lois d’amnestie et donc la reouverture des proces contre les militaires tortionnaires de la dictature argentine ( 1976-1982).
Dans cette interview, le general Diaz Bessone, qui etait alors libre, en vertu de la grâce qu’avait accordee le president Menem ( qui autorisera les yeux fermes les cultures transgeniques de Monsanto, avant d’etre poursuivi pour corruption) aux chefs et ministres de la junte, expliquait le rôle qu’avait joue l’ « enseignement des militaires francais » dans le deroulement de la guerre sale en Argentine.
Ce faisant, pour la premiere fois , il avait justifie la disparition forcee comme une technique planifiee de la « guerre antisubversive », alors que jusqu’a cette date, les generaux de la junte militaire niait l’existence de disparus dans le pays ( estimes a 30 000).
Cette interview etait passee en boucle sur toutes les radios et televisions argentines, provoquant une  » commotion nationale » qui a donc conduit a l’abrogation des gràces presidentielles et des lois d’amnestie.

Aujourdh’ui, le general Diaz Bessone, ainsi que son collegue le general Harguindeguy ( qui lui m’avait explique que la technique des escadrons de la mort initiee en Algerie par le general Aussaresses avait ete reprise par toute l’armee argentine) et le general Bignone ( qui m’avait explique que le modele des putchistes etait la  » bataille d’Alger ») sont aux arrêts domiciliaires dans l’attente de leur proces…

Voila pourquoi , en tout cas, je suis actuellement en Argentine…

Communiqué de la Commission des droits de l’homme de Corrientes

Comunicado de Prensa

La Comisión de Derechos Humanos de Corrientes, conjuntamente con las Comisiones de Derechos Humanos de la Honorables Cámaras de Diputados y Senadores de Corrientes y el ex-Subsecretario de DDHH de Corrientes Dr. Pablo Vassel, convocan por este medio a la comunidad en general a la charla que brindará la periodista francesa Marie Monique Robin en el Recinto de la Legislatura correntina el jueves 10 a las 19,00 hs.
La visita, declarada de Interés por la Legislatura de Corrientes, se da en el marco de la Causa “Nicolaides Cristino, Demarchi Juan Carlos, Barreiro Rafael Julio Manuel, Losito Horacio, Píriz Roberto, Reynoso Raúl Alfredo p/sup. Asociación ilícita agravada en concurso real con los delitos de privación ilegal de la libertad agravada, abuso funcional, aplicación de severidades, vejaciones, apremios ilegales y aplicación de tormentos” mas conocida en nuestra comunidad como « Causa RI9 », en la que Robin será testigo.
El aporte testimonial de la reconocida periodista de investigación y notable escritora, será imprescindible para entender el contexto ideológico en que se dio el genocidio argentino, y la influencia que tuvo en las dictaduras militares latinoamericanas la doctrina militar francesa desarrollada a partir de las experiencias colonialistas de ese país en Indochina y Argelia.
La autora de la investigación que fue difundida como libro y documental fílmico, denominada « Escuadrones de la Muerte-La Escuela Francesa », además de testimoniar en la Justicia expondrá su material en el Recinto a la comunidad en general, debido a que su importancia excede el marco de una investigación judicial.
Adhiere a la actividad, la 1er Cátedra de DDHH de Corrientes que se desarrolla en en ámbito de nuestra ciudad.

Agenda de la semaine du 7 avril

– Lundi 7 avril: projection/débat/signatures à Chartres. J’en rentre! Il y avait salle comble (300 personnes?) Cette soirée était organisée en soutien aux 58 faucheurs volontaires, dont le procès se tiendra dans cette ville les 8 et 9 avril. Ils sont accusés d’avoir « fauché » , le 18 août 2007, une parcelle de maïs génétiquement manipulé de Monsanto à Poinville (Eure et Loire).

Lors du débat, ce soir, plusieurs personnes m’ont demandé ce que je pensais des faucheurs volontaires. J’ai répondu que je considérais qu’ils étaient des lanceurs d’alerte et devraient donc être protégés comme tels…
J’ai rapporté aussi la remarque qu’a faite Philippe Martin, député PS et président du conseil général du Gers, lors du débat à l’assemblée nationale.
Faisant suite à une proposition d’amnistier les faucheurs, il a rappelé son expérience de préfet du Gers et du Landes: des consignes venant du ministère de l’intérieur lui avaient été données de ne pas poursuivre les militants de FNSEA qui avaient procédé à d’importantes dégradations et destructions d’équipements.
Qui tenait alors le ministère de l’intérieur? Jean-Louis Debré, le frère de Bernard Debré ( député UMP), l’un des plus fervents défenseurs des OGM de Monsanto, qui n’a pas hésité à déclarer d’étonnantes « vérités » au Parisien du 2 avril:

« Or, on sait très bien que les OGM vont être une des réponses à la faim dans le monde. Car si on ne double pas la production agricole, on ne pourra pas nourrir tout le monde. »
– « Le vin français est complètement OGM ! Le phylloxéra au début du siècle décimait la vigne. On est allé aux Etats Unis chercher des ceps, naturellement résistants au phylloxéra. Mais c’était quoi, si ce n’est un OGM ? »

A noter que , pour son action continue en faveur des OGM, Bernard Debré a reçu le premier Monsanto d’Or, décerné par Greenpeace…

J’étais citée à témoigner lors du procès des faucheurs volontaires, mais je ne pourrai pas y aller, car je suis aussi citée à comparaître lors d’un procès en Argentine contre les militaires de la junte de Videla, qui se déroule actuellement à Corrientes.

Cette comparution fait suite à mon documentaire et livre « Escadrons de la mort: l’école française » où j’avais montré comment les militaires français avaient exporté les méthodes de la guerre sale (tortures, disparitions) développées en Algérie notamment vers l’Argentine.

J’avais réussi à interviewer quatre généraux de la dictature militaire argentine (1976-1982) , dont le général Harguindéguy (ex ministre de l’intérieur de Videla), le général Bignone ( chef de la dernière junte militaire), le général Lopez Aufranc et le général Diaz Bessone (qui dirigea le deuxième corps d’armée dans la région de Corrientes, puis fut ministre de la planification).
Ces interviews avaient provoqué un cataclysme en Argentine et sont, aujourd’hui, considérés comme des aveux, d’où ma citation à comparaître.

Pendant mon (bref) séjour (je rentre dimanche), je serai accompagnée de gardes du corps, mis à disposition par le gouvernement argentin…

Je vais essayer de continuer mon blog, mais ne suis pas sûre d’y arriver…

Je précise que mes récents déplacements (Ariège, Toulouse, Chartres) m’ont empêchée d’écrire autant que je j’aurais voulu, alors que je meurs d’envie de commenter les inepties prononcées par certains députés (UMP) dans l’hémicycle.

Dès que je peux, j’y reviendrai…

Agenda de la semaine du 14 avril

– Lundi 14 avril, à 20 heures: projection/ débat au cinéma l’Entrepôt (Paris, XIVe), à l’initiative du député vert Yves Cochet.

– Mardi 15 avril, à 20 heures 30, projection/débat, au cinéma Le Prado (Marseille).

– Vendredi 18 avril, à 18 heures, projection au cinéma Vautier à Elne (Perpignan) des trois films qui m’ont conduite à enquêter sur Monsanto: « Les pirates du vivant », « Blé: chronique d’une mort annoncée? », « Argentine: le soja de la faim ».

– samedi 19 avril, 20 heures, projection/débat, dans la salle Ker Anna, à l’île de Batz (Bretagne).

Le mensonge de Christian Jacob, député UMP

Les députés sont « intoxiqués »

Hier, sur France Info, vers 10 heures 15, les auditeurs ont pu être témoins d’un gros mensonge proféré par Christian Jacob, député UMP de Seine et Marne, interrogé avec Yves Cochet, député vert de Paris, à propos du « débat » sur les OGM actuellement en cours à l’assemblée nationale.

Je précise que le « mensonge » de Christina Jacob n’est peut-être pas volontaire mais qu’il peut être dû à « l’intoxication » des députés de la majorité, pour reprendre les mots du sénateur (également UMP) Jean-François Legrand (Reuters, « France-OGM lobbies », 2/4/2008).

Dans les colonnes du Monde , du mercredi 2 avril,le sénateur Legrand dénonçait l’extraordinaire lobbying exercé par les semenciers, et tout particulièrement Monsanto, sur les élus de la nation. Il y disait notamment:

« Certains ont fait main basse sur l’UMP afin de défendre des intérêts mercantiles « ripolinés » pour les rendre sympathiques: on a parlé de l’avenir de la science, de celui de la recherche… la force de frappe de Monsanto et des autres semenciers est phénoménale ».

Sur France Info, en tout cas, Christian Jacob a proféré une information fausse, avec un aplomb sidérant.

Répondant à une question de la journaliste sur les risques de contamination que font courir les OGM aux cultures non transgéniques, il a affirmé :
« la preuve qu’il n’y a pas de danger, c’est ce qu’il se passe au Mexique, où le maïs transgénique est cultivé depuis des années, sans que cela ait mit en péril les variétés traditionnelles »….

C’est FAUX! LES CULTURES OGM SONT INTERDITES AU MEXIQUE PRÉCISÉMENT POUR PROTÉGER LA BIODIVERSITÉ DU MAÏS , DONT LE MEXIQUE CONSTITUE LE CENTRE D’ORIGINE!

Comme je l’explique dans mon livre et film, le Mexique n’a cependant pas pu empêcher l’importation de maïs américain, en raison de l’accord de « libre échange » qu’il a signé avec les Etats Unis et le Canada (ALENA), mais ce maïs est réservé exclusivement à la consommation animale et humaine…

Une absurdité: le maïs transgénique s’est bien évidemment retrouvé dans les champs, contaminant les variétés traditionnelles, et provoquant un vif émoi dans les communautés indiennes de Oaxaca, où sont apparus des « maïs monstrueux », ainsi que le révèle mon enquête.

Concernant le « mensonge » de Christian Jacob , on aurait aimé que Yves Cochet le relève à l’antenne, mais malheureusement il n’avait pas l’air informé….