Et si nous lancions la guerre contre le dérèglement climatique et la tragédie écologique?

Comme je l’ai écrit dans mon précédent papier, j’ai ressenti un grand malaise devant la posture du gouvernement qui voudrait nous embarquer dans une « guerre des civilisations » qui risque fort de nous détourner d’un combat bien plus urgent et essentiel: celui contre le dérèglement climatique et ce que Fabrice Nicolino appelle, à juste titre, la « tragédie écologique« . Mon malaise venait aussi probablement du fait que dans mon livre Sacrée croissance! (que je suis censée écrire en … 2034), j’avais imaginé que, encouragé par les médias, François Hollande avait décidé de lancer la « guerre contre le climat« , provoquant d’immenses manifestations de liesse dans toute la France et le reste du monde…

Voici un extrait de l’introduction de mon livre:

Tout avait commencé quatre mois plus tôt, très exactement le 14 avril 2014. Ce matin-là, il s’était passé un événement incroyable, inespéré, tellement énorme que j’en frissonne encore en écrivant ces lignes. À 7 heures, alors que je commençais ma séance de rameur dans le sous-sol de ma maison de Seine-Saint-Denis, j’avais allumé la radio pour écouter le journal de France Inter. Et là, stupeur, j’avais entendu le journaliste Patrick Cohen[1] déclarer sur un ton solennel : « La situation est très grave. Le dernier rapport du GIEC – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat –, publié hier, n’exclut pas un réchauffement climatique de 4,8° C d’ici 2100 si les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser au rythme de la dernière décennie, soit 2,2 % par an. Si c’est le cas, il n’est pas sûr que l’humanité puisse survivre à la fin de ce siècle. Les rédactions de Radio France ont donc décidé de consacrer tous leurs programmes de la journée à ce rapport, capital pour l’avenir de la planète. »

Les bras m’en étaient tombés et j’avais arrêté de ramer… J’avais foncé devant la télé et là, rebelote : toutes les chaînes, privées comme publiques, ne parlaient que de cela ! En France, mais aussi dans le reste du monde : BBC, ARD, ABC, RAI… Bref, on se serait cru le 11 septembre 2001, lorsque toutes les télévisions de la planète avaient repassé en boucle les images des avions percutant les tours jumelles du World Trade Center. Le « 14 Avril » – c’est ainsi qu’on a ensuite appelé cette journée mémorable, surnommée aussi le « Grand Chambardement » – et les jours qui suivirent, les Terriens ont enfin compris les enjeux inouïs et uniques du réchauffement climatique. Et, pour la première fois, les scientifiques ont dit sans détour ce qui nous attendait si nous ne changions pas rapidement de cap (voir infra, chapitre 3). « La science nous transmet un message clair : nous devons abandonner le statu quo pour éviter toute interférence dangereuse avec le système climatique[2] », a martelé l’Allemand Ottmar Edenhofer, l’un des trois co-présidents du groupe de travail III, qui rédigea le rapport. Partout dans le monde, les quelque huit cents chercheurs qui avaient contribué à sa rédaction, rassemblant près de 20 000 études et projections scientifiques, sont – enfin ! – sortis de leur réserve pour dire clairement les choses.

Le pire scénario du GIEC

On n’avait jamais vu cela : du Nord au Sud de la planète, dans les usines, les bureaux, les foyers, les cafés, les écoles ou les commerces, les citoyens et citoyennes se sont rassemblés devant les postes de télévision ou de radio pour écouter, tétanisés, les terribles nouvelles. Avec un remarquable effort de pédagogie, les experts ont expliqué qu’avant l’ère industrielle (au milieu du xixe siècle), la concentration moyenne de l’atmosphère en dioxyde de carbone (CO2) était de 278 ppm, mais que, le 9 mai 2013, elle avait franchi le seuil de 400 ppm[3], le niveau le plus élevé depuis 800 000 ans. D’après leurs calculs, en 2012, plus de 365 milliards de tonnes de carbone avaient été émises dans l’atmosphère provenant de la combustion d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) et de la production de ciment. S’y ajoutaient 180 milliards de tonnes causées par le changement d’affectation des sols, comme la déforestation. Plus de la moitié de ces émissions avaient eu lieu après le milieu des années 1970, avec une accélération notable au cours des vingt dernières années, puisqu’entre 1992 et 2012, elles avaient augmenté de 38 %. Ces émissions anthropiques – c’est-à-dire issues de l’activité humaine – de gaz « à effet de serre » avaient entraîné un réchauffement de la Terre de 0,85 °C entre 1880 et 2012, les trois dernières décennies ayant été les plus chaudes qu’ait connues l’hémisphère Nord depuis au moins 1 400 ans.

Sur les plateaux de télévision, les climatologues ont commenté la carte du monde qui m’avait tant impressionnée quand j’avais lu un rapport intermédiaire du GIEC, publié deux semaines avant le 14 Avril et qui était passé inaperçu[4]. On y voyait les effets du changement climatique déjà constatés sur tous les continents : augmentation de la fréquence et de l’intensité des inondations, sécheresses, incendies, tempêtes et cyclones, provoquant des dégâts humains et matériels considérables et une baisse de la production alimentaire. Les experts ont aussi expliqué pourquoi le niveau de la mer augmentait inexorablement, pourquoi les océans s’acidifiaient, quelles étaient les conséquences de la fonte de la banquise, des glaciers et des calottes glaciaires, ou du dégel du permafrost de Sibérie. Et ils ont introduit une notion complètement inconnue du grand public, qui a provoqué quelques (rares) réactions d’hystérie collective : les « boucles de rétroaction positives ».

Les scientifiques ont expliqué que le processus du réchauffement climatique n’est pas linéaire, mais exponentiel. Et que certains facteurs agissent comme des turbocompresseurs qui accélèrent la tendance en cours dès que sont franchis des « seuils de basculement » (tipping points). On apprit ainsi que la fonte des glaces polaires, dont l’albédo (leur capacité à réfléchir une grande partie du rayonnement solaire) est très élevé, allait accélérer la désintégration du pergélisol des régions arctiques. Or, ces sols gelés couvrant un cinquième de la surface terrestre contiennent d’énormes quantités de carbone et de méthane (un gaz vingt-et-une fois plus réchauffant que le CO2) ; lesquelles, en se libérant, pourraient augmenter la température de la Terre d’un degré supplémentaire. Un réchauffement global de 3° provoquerait par ailleurs l’effondrement de l’Amazonie, dont les arbres et les sols cesseraient d’absorber du carbone, pour en libérer au contraire d’énormes quantités, ajoutant 250 ppm dans l’atmosphère. À ce stade de 4 ou 5 degrés de réchauffement, les humains pourraient assister impuissants au dégazage des hydrates de méthane[5], emprisonnés dans la glace des fonds marins polaires, comme cela s’est produit il y a 55 millions d’années lors du « maximum thermique » du passage paléocène-éocène (PETM), où la concentration de CO2 a atteint 1 000 ppm en 20 000 ans, provoquant un réchauffement de la planète de 6°. « La différence, expliqua Jim Zachos, un paléo-océanographe américain, c’est que le rythme des émissions actuelles de carbone est trente fois plus rapide qu’à l’époque du PETM[6]… »

Inutile de préciser que le « pire scénario du GIEC », comme nous continuons de l’appeler, aurait entraîné des conséquences funestes pour la vie sur Terre. À l’époque, les scientifiques évoquaient le commencement de la « sixième extinction des espèces » (voir infra, chapitre 6) et envisageaient des perspectives guère plus réjouissantes pour les humains : dans son rapport, le GIEC évoquait les centaines de millions de réfugiés climatiques, fuyant les zones rendues inhabitables par la désertification, la montée de la mer ou les ravages causés par les cyclones. Il mettait en garde contre le coût économique de l’inaction – lequel, d’après les Nations unies, pourrait s’élever à 300 milliards de dollars par an. Et il soulignait les risques de famines, de conflits autour des ressources devenues plus rares, comme l’eau, les énergies fossiles (voir infra, chapitre 4) ou les stocks de poissons. Mais aussi d’épidémies meurtrières (typhus, choléra, dengue, virus Ébola), sans parler de l’émergence de nouveaux agents pathogènes jusque-là inconnus.

Pour éviter ce scénario catastrophe, la conclusion des experts était sans appel : si l’on voulait limiter la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère à 450 ppm pour maintenir le réchauffement de la Terre au-dessous de 2°, il fallait impérativement réduire les émissions mondiales de 40 % à 70 % d’ici 2050 et les éliminer presque totalement d’ici la fin du siècle.

François Hollande monte au créneau

Ce n’était pas la première fois que le GIEC tirait la sonnette d’alarme, mais ses mises en garde n’avaient pas été suivies d’effet : en 2009, la conférence sur le climat de Copenhague s’était soldée par un échec lamentable, malgré l’importante mobilisation de milliers d’associations écologistes et humanitaires de par le monde. En juin 2012, le sommet « Rio + 20 » avait enterré l’immense espoir soulevé, vingt ans plus tôt, par le premier Sommet de la Terre. Enlisés dans la gestion de la crise économique et sociale qu’avaient aggravée, en 2008, les agissements criminels des grandes banques, les dirigeants avaient relégué la question du climat aux oubliettes.

Il a fallu le réveil courageux des journalistes qui, jusque-là, traitaient ce sujet plutôt mollement, comme une information parmi d’autres, pour que les politiques sortent de leur léthargie. Et le premier d’entre eux fut le président François Hollande, qui a surpris tout le monde, en convoquant dès le 15 avril 2014 le gouvernement sur le perron de l’Élysée pour annoncer que la « guerre contre le réchauffement climatique » était désormais l’objectif numéro un de sa politique. Retransmise en direct dans toute la France, sa déclaration a suscité de gigantesques manifestations de liesse populaire, similaires à celles qu’on avait connues, le 10 mai 1981, lors de l’élection du président François Mitterrand. Encore sous le choc des informations dramatiques que les médias leur avaient assénées depuis vingt-quatre heures, les Françaises et Français ont ressenti un énorme soulagement devant la fin du « Grand Déni » (voir infra, chapitre 5) qui obstruait insidieusement leur avenir, les angoissait et les empêchait d’agir.

Et puis les événements se sont enchaînés, avec une rapidité qu’aucun écologiste n’aurait pu imaginer, même dans ses rêves les plus fous. Faisant preuve d’un volontarisme insoupçonné, le président Hollande a contacté la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron – lesquels avoueront plus tard que l’initiative française les avait « libérés d’un poids insupportable ». Un conseil européen des chefs d’État et de gouvernement fut convoqué en toute urgence à Bruxelles, tandis qu’à New York, le président Barak Obama rencontrait le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. Dès le lendemain, l’Assemblée générale de l’ONU votait à l’unanimité la création de la « convention-cadre pour la grande transition vers une société zéro carbone », tout simplement appelée « CGT ».

La première conférence de la CGT s’est ouverte à Thimphou, le 15 juin 2014…

(fin de l’extrait)

[1] Patrick Cohen est devenu ensuite le porte-parole de la commission sur la Grande Transition.

[2] Communiqué de presse du GIEC, 13 avril 2014, 2014/19/PR.

[3] Une concentration de 400 ppm (parties par million) signifie que le CO2 représente 0,04 % des molécules d’air sec ; la mesure a été relevée à l’observatoire de Mauna Loa (Hawaii).

[4] GIEC, Climate Change 2014. Impacts, Adaptation, and Vulnerability, Summary for Policymakers, 31 mars 2014, p. 7.

[5] Surnommés « glace qui brûle » ou « glace de méthane », les hydrates de méthane sont inflammables dès qu’ils fondent et entrent en contact avec l’oxygène.

[6] « Lesson from 55 million years ago says climate change could be faster than expected », Daily Telegraph, 17 février 2006.

Vous comprenez mon trouble?

Partout où je présente mon film Sacrée croissance!, comme la semaine dernière à Rennes, Redon et Fougères, devant des salles combles (voir photos), je rappelle qu’à la fin de l’année (décembre) la France recevra la COP 21, la grande conférence sur le climat et qu’il faut se mobiliser pour qu’elle ne soit pas un échec. C’est pourquoi je dis et je répète: Ne nous trompons pas d’ennemi!

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A Rennes, le 21 janvier, où on a refusé une centaine de personnes.

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A Redon, le 22 janvier où on  a refusé quelque 150 personnes.

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A Fougères, le 23 janvier, où le cinéma n’en est pas revenu: 300 personnes!

Cette semaine, je pars dans le Sud-est de la France, avec cinq projections débats: Salon de Provence, Correns, Toulon, Digne, Die en Drome. Pour les lieux et horaires, consultez ce lien.

Les tueries du 7 janvier ne sont pas des « faits de guerre » mais d’atroces « faits divers »

« La peur unit mais elle peut unir d’une très mauvaise manière. Le meilleur exemple c’est l’histoire des nazis : la peur des juifs, la peur des gitans, la peur de tout. Ca peut rapprocher les gens d’une manière très laide ».

Cette phrase a été prononcée par Joe Navarro, qui a travaillé pendant vingt-cinq dans le département de la contre-intelligence au FBI américain. Après les attentats du 11 septembre, il était chargé de coordonner l’équipe du FBI dans la prison de Guantanamo. Je l’ai interviewé pour mon film Torture made in USA. Il m’avait expliqué que le FBI avait été écarté des procédures d’ « interrogatoire » des prisonniers de Guantanamo, parce que ses agents – dont lui-même- s’opposaient à l’usage de la torture. Je n’oublierai jamais ses mots que je vous invite à écouter dans la bande annonce de Torture made in USA que j’avais mise en ligne lors de la sortie du documentaire sur ARTE.

De l’effroi au malaise

Comme je l’ai écrit sur ce blog, je n’ai pas participé à la grande manifestation parisienne du 11 janvier, car j’étais en vadrouille dans les Pyrénées. À dire vrai cette impossibilité physique de me joindre à la marche pour la « République de Charlie » (selon les mots de Nicolas Demorand sur France Inter) m’a permis d’esquiver un dilemme douloureux: d’un côté, ce sentiment d’horreur et d’impuissance face à la monstruosité des crimes perpétrés contre l’équipe de Charlie et nos concitoyens du magasin casher ; de l’autre, ce malaise diffus qui n’a cessé de grandir au fur et à mesure que les politiques s’emparaient de ces drames pour revendiquer « l’union nationale » ou « l’union sacrée » au nom de la « guerre contre le terrorisme ». Et dimanche, alors que le « monde défil(ait) à Paris contre la terreur », avec, en tête, l ‘odieuse brochette de « visiteurs embarrassants » (Le Monde), ce fut carrément l’écœurement : comment un gouvernement socialiste peut-il à ce point trahir et détourner l’émotion et le désir de fraternité qui étreint tout un peuple pour nous servir un discours qui est un copié-collé de celui récité par l’un des plus grands manipulateurs de ce début de siècle ? Je veux parler de Georges Bush, qui au lendemain des attentats du 11 septembre lança la « guerre contre la terreur » et déclara :« Vous êtes avec nous ou vous êtes avec les terroristes » (20 septembre 2001 devant le congrès). Cette phrase terrible paralysa la réflexion collective, lobotomisa la presse, et justifia des mesures liberticides et anti-démocratiques sans précédent aux États Unis (comme le Patriot Act).

On connaît la suite : « La marionnette de l’industrie du pétrole », – pour reprendre l’expression de Larry Wilkerson, l’ancien chef de cabinet du général Colin Powell – déclencha la guerre en Irak au nom de la « guerre contre l’islamisme radical », alors qu’il voulait mettre la main sur les puits de pétrole de Saddam Hussein. Poussé par son vice-président Dick Cheney, le lobbyiste de l’industrie pétrolière, il approuva et encouragea l’usage de la torture, toujours au nom de la « guerre contre la terreur ». Le résultat ? Des centaines de milliers de morts, et des légions de « terroristes » dans tout le Moyen-Orient, alors qu’avant l’invasion de l’Irak les combattants de Al Qaeda et de Ben Laden (qui avaient été financés par la CIA) ne représentaient que quelques poignées d’individus isolés sans aucun soutien populaire.

Il est affligeant de voir que des hommes politiques qui ne sont pas des abrutis comme la « marionnette Bush » qui avait« un petit pois à la place du cerveau » (selon les mots de plusieurs membres de son administration qui témoignent dans Torture made in USA) ne tirent jamais, vraiment jamais les leçons du passé. Je veux parler, cette fois, du président François Hollande et de son premier ministre Manuel Valls qui veulent nous embarquer dans une « guerre de civilisations » qui risque de devenir une prophétie auto-réalisatrice, en exacerbant les tensions inter-communautaires (en France et ailleurs) et finalement en encourageant le développement du mal que le remède est censé combattre.

Le terrorisme est l’expression d’une impasse politique

Sans remonter trop loin dans l’histoire, il suffit de se pencher sur la guerre d’Algérie pour comprendre que le terrorisme est l’expression d’une impasse politique et qu’on n’en vient pas à bout avec les armes, mais avec des actes politiques courageux. Les militants du Front de libération nationale (FLN) ont posé des bombes parce que la France occupait illégalement leur pays. La solution militaire prônée par le gouvernement français n’a pas résolu le problème politique, mais elle a coûté très cher en vies humaines. Malgré la torture systématique, le napalm, les disparus, le quadrillage territorial, les déplacements massifs de population, la France a dû partir, après avoir semé la terreur et la haine. « Le terrorisme ne se résout pas avec les armes » m’avait dit très clairement le général John Johns, qui avait été élève du général Paul Aussaresses dans l’école des forces spéciales de Fort Bragg. Je l’avais interviewé en 2003, pour mon film (et livre) Escadrons de la mort : l’école française. C’était quelques jours avant le déclenchement de la guerre en Irak, et il faisait partie d’un think tank opposé à l’intervention militaire qui mettait en garde contre les dérives funestes qu’entraîne immanquablement l’usage de la force pour affronter un problème politique: « Au Vietnam, m’avait-il dit, nous avons utilisé les mêmes méthodes que les Français en Algérie, et nous avons perdu la guerre … Les terroristes qui se revendiquent de l’islamisme radical se nourrissent d’un problème politique ; si nous répondons avec une solution militaire, nous perdrons la guerre et fabriquerons des armées de terroristes».

Le général John Johns et son collègue le colonel Carl Bernard, qui participait à l’interview, avaient vu juste : la « guerre contre le terrorisme » fut un fiasco ! Ce jour-là, les deux vétérans américains avaient , en revanche, longuement expliqué le « problème politique » qui constitue le terreau pour le recrutement des apprentis djihadistes : la question palestinienne, jamais résolue ; le non respect des résolutions de l’ONU pour la création d’un État palestinien ; l’ occupation de la Cisjordanie par des colonies israéliennes illégales, souvent peuplées d’extrémistes religieux juifs . Si on y ajoute le pétrole tant convoité par les va-t-en-guerre occidentaux et la misère qui frappe l’immense majorité des populations arabes, on comprend que nous ne sommes pas en face d’une « guerre de civilisations » mais bel et bien d’une « guerre de classes », comme le rapporte Hervé Kempf dans un excellent article où il cite le milliardaire Warren Buffet. Le récent rapport d’Oxfam où l’on découvre que quatre-vingt cinq personnes possèdent autant de richesses que trois milliards et demi d’humains confirme que c’est la barbarie institutionnelle inhérente au système capitaliste globalisé qui génère les deux mamelles du terrorisme : l’humiliation et la haine.

En finir avec le racisme et l’exclusion

Et bien évidemment ce constat n’épargne pas la France, avec sa « double face » , tel Janus, jamais assumée : celle des droits de l’homme et celle des guerres coloniales, de la sale guerre algérienne, de la torture érigée en « arme de guerre contre la subversion ». Il fallait entendre le général Bigeard, le héros de la « bataille d’Alger », qui décrivait avec une belle emphase le « racisme anti-bougnoules » sur lequel s’est fondé l’empire colonial pour comprendre que ce racisme-là n’est pas mort avec les accords d’Évian. Il a perduré quand les usines Renault et les barons de la sidérurgie ont fait venir par bateaux la main d’œuvre algérienne pour nourrir la croissance des Trente Glorieuses. La République entassa leurs familles dans des bidonvilles ignobles, puis dans des cités ghettos de la Seine-Saint-Denis, le département où je vis depuis plus de vingt ans. Il perdure encore, quand on sait la difficulté que connaissent les « jeunes des quartiers » – le bel euphémisme !- à trouver du travail. En 1986, alors que Le Pen était un nain, j’ai réalisé un reportage sur « les Français qui changent de nom ». Entendez : les citoyens d’origine arabe qui demandaient aux services de la République de franciser leur nom, contre une somme rondelette. Parmi ceux que j’avais filmés, il y avait un … dentiste, d’origine tunisienne, qui estimait que son patronyme arabe causait du tort à son cabinet. Et combien sont-ils , aujourd’hui, ces fils et filles « issus de l’immigration », qui , malgré toutes les embûches, ont réussi à faire des études et finalement quittent l’indigne « mère patrie » parce qu’ils savent que l’ « égalité des chances » est un leurre ? Sans parler des contrôles au faciès et des brimades quotidiennes que subissent les basanés vivant au pays des droits de l’homme…Sans oublier non plus la promesse mensongère du candidat Hollande d’accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales. Ce renoncement a été vécu comme une trahison par tous ceux qui vivent et travaillent dans notre pays depuis des décennies en toute légalité. Comme les parents de Farid Aïd, le candidat du Front de Gauche sur la commune de Pierrefitte, où j’habite, qui sont arrivés en France dans les années 1950, ont élevé une famille de cinq enfants et n’ont toujours pas le droit de participer aux scrutins locaux !

Les amitiés troubles avec le Qatar

Et ce n’est pas tout ! Alors qu’avec la crise économique la misère et le désespoir s’étendaient dans les ghettos de la République, le gouvernement d’abord de Sarkozy, puis de Hollande a décidé de livrer la clé de nos banlieues au Qatar ! Après avoir racheté le PSG ou les magasins Printemps (dans des conditions fort avantageuses),   « le micro-Etat du golfe Persique, deuxième pays le plus riche au monde par habitant et défenseur d’un islam wahhabite sans concession, investit dans les banlieues françaises, soutient des associations de quartier, finance des mosquées, forme des imams et drague les jeunes générations grâce au miroir aux alouettes du football-spectacle », comme l’écrit Marianne. Un constat partagé par Mezri Haddad, philosophe et ancien ambassadeur tunisien qui précise : « Dans chaque euro investi en France, il y a du poison néo-wahhabite. À plus forte raison dans les banlieues, où la ferveur religieuse et le bigotisme compensent le chômage, où le repli identitaire se nourrit de l’exclusion sociale et où la foi est au-dessus de la loi. ».

Les amitiés troubles entre l’ancien locataire de l’Elysée et le richissime souverain du Qatar, qui a imposé l’enseignement de la charia au lycée (franco-qatari) Voltaire de Doha, n’ont pas été remises en cause par son successeur, loin s’en faut ! Obsédé par la croissance à tout prix, François Hollande n’est pas revenu sur le statut fiscal exceptionnel accordé en 2009 par la majorité UMP, à la demande de Nicolas Sarkozy, qui fait que toutes les plus values réalisées en France par les Qataris sont exemptées d’impôts ! Sans aucun état d’âme – l’argent de la « croissance » n’a pas d’odeur !- le gouvernement « socialiste » a même entériné le « fonds banlieue » (après quelques légères modifications) annoncé fin 2011 par l’émirat qui a finalement signé le chèque de cinquante millions d’euros qu’il avait promis… Plutôt que de déployer 12 000 soldats sur le territoire, le gouvernement devrait mettre un terme à ces amitiés nauséabondes avec un pays antidémocratique et profondément antisémite qui n’arrête pas de souffler sur les braises anti-républicaines, à grands coups de dollars en France mais aussi en Afrique. Plutôt que de militariser notre pays, il ferait mieux de revenir sur les coupes budgétaires qui anéantissent le travail de dizaines d’associations laïques et démocratiques œuvrant dans les « quartiers ».

Ne nous trompons pas d’ennemi!

Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, la terrible histoire des frères Kouachi n’est pas l’expression d’une pseudo « guerre des civilisations » mais le résultat d’une politique discriminatoire et cynique qui, à bien des égards, s’apparente à l’apartheid (là-dessus je suis d’accord avec Manuel Valls). Il suffit de lire l’excellent papier de Reporterre sur l’enfance massacrée des deux tueurs pour comprendre que la boucherie de Charlie n’est pas un « fait de guerre » mais un atroce « fait divers » qui signe l’incapacité de la France à gérer son passé colonial, à stopper le racisme et la paupérisation galopante de sa population.

C’est pourquoi je dis à l’instar de Hervé Kempf : « Non, je ne suis pas en guerre ! », « non, je ne considère pas que le problème islamique est le plus important de l’époque ; non, je n’admets pas une unanimité qui couvrirait une inégalité stupéfiante ; non, je ne pense pas que nous avons besoin de plus de policiers et de prisons ».

 Comme mon confrère de Reporterre, je refuse de me laisser embarquer dans une guerre aussi opportuniste que dangereuse ! Comme lui, j’espère que les millions de Français qui ont manifesté en se revendiquant de Charlie ne l’ont pas fait pour qu’on militarise le pays – ce qui constituerait une insulte à la mémoire des victimes du journal satirique… Comme lui, je dis : Ne nous laissons pas confisquer le grand sursaut collectif qui a rassemblé des citoyens et citoyennes de tous horizons pour célébrer la vie et dénoncer la barbarie – sociale, économique , politique – qui engendre la barbarie et pousse des gamins des banlieues à devenir des monstres ! Ne nous trompons pas d’ennemi !

Avec Fabrice Nicolino, qui a repris la plume, malgré les douleurs physiques et morales (tiens bon, Fabrice, on a besoin de toi!), j’espère que le « déferlement » qui a suivi les tueries constituera «  un substrat, au sens agricole, un compost sur lequel pousseront les réponses que nous saurons formuler ensemble », car c’est «  l’heure idéale du tournant ».

Profitons de cet incroyable élan de fraternité et de solidarité pour exiger du gouvernement qu’il mène la seule guerre qui vaille : celle contre la machine capitaliste qui fabrique des pauvres à la chaîne, sème la haine et le désespoir, détruit la planète, dérègle le climat et menace l’avenir des nos enfants !

 

3 L’addiction au pétrole

Actuellement en « repos » dans les Pyrénées, sans télé, radio ni internet, je suis de loin les événements qui bouleversent la France depuis la tuerie de Charlie Hebdo (dont j’ai été informée par des amis). Je n’ai donc pas participé à la grande manifestation de dimanche. Je suis heureuse de savoir que les jours de Fabrice Nicolino ne sont plus en danger et j’espère qu’il retrouvera la force de reprendre la plume, car nous avons besoin de lui !

Fidèle à mes engagements, je suis descendue de ma montagne pour mettre en ligne mon troisième papier commentant l’intervention de François Hollande sur France Inter le 5 janvier. 

« La croissance économique spectaculaire que nous avons connue au cours des deux derniers siècles constitue une parenthèse tout à fait unique dans l’histoire de l’humanité. Elle fut possible grâce à la découverte et à l’exploitation des énergies fossiles, abondantes et bon marché, qui nous ont permis de développer des technologies extrêmement sophistiquées, mais aussi le commerce à une échelle jusque-là inconnue. Sans le charbon, le gaz naturel et le pétrole, nous vivrions encore dans une société agraire, semblable à celle qu’ont connue nos ancêtres au xviiie siècle ». Voilà ce que m’a dit Richard Heinberg, auteur de La fin de la croissance, et expert chargé des questions énergétiques au Post Carbon Institute (Californie), lorsque je l’ai interviewé pour Sacrée croissance !

Avec les Trente Glorieuses, les pays dits « développés » sont devenus extrêmement dépendants des énergies fossiles, pétrole en tête, « pour leur production, leur consommation, leur alimentation, leurs déplacements, leurs structures urbaines et commerciales, etc. Au point que les mouvements du prix du pétrole ont fini par être presque parallèles à ceux du chômage et de l’inflation aux États-Unis, pays dont la dépendance au pétrole est très forte», constate pour sa part Jean Gadrey dans son livre L’adieu à la croissance.

De fait, une étude publiée en 2011 dans la revue BioScience montre « une relation proportionnelle entre la consommation énergétique par habitant et le PIB par habitant » [1]. En d’autres termes : plus le PIB d’un pays est élevé, plus son niveau de consommation de pétrole est important, et vice versa. En conséquence, dès que l’accès aux champs pétroliers subit des soubresauts, conduisant à une augmentation du prix du pétrole, le PIB enregistre une baisse spectaculaire, comme ce fut le cas lors du premier choc pétrolier (1973) et, dans une moindre mesure, lors du second choc pétrolier (1979) que provoquèrent la révolution iranienne de l’ayatollah Khomeiny et la guerre entre l’Iran et l’Irak.

Une autre étude de l’économiste californien James Hamilton montre aussi « l’étroite corrélation entre les flambées des cours du pétrole et les récessions économiques durant les cinquante dernières années. » Décortiquant le troisième choc pétrolier de 2007-2008 où le prix du baril a brutalement flambé pour atteindre le record historique de 147 dollars, James Hamilton conclut que « si l’on avait pu anticiper la flambée des cours en 2007-2008 en se fondant sur cette relation historique, on aurait pu prédire avec une relative précision les taux de PIB réels des troisième et quatrième trimestres 2008»[2].

Ce constat est confirmé par Charles Hall et David Murphy, deux chercheurs de l’université de New York, qui soulignent que « depuis 1970 les flambées des cours du pétrole ont toujours précédé des récessions, tandis que la baisse des cours augurait des périodes d’expansion économique »[3].

Pour dire les choses clairement : la « croissance » après laquelle le président Hollande court désespérément dépend d’une ressource limitée que, de surcroît, la France ne possède pas (elle importe 99 % de sa consommation de pétrole), et dont le prix sera immanquablement à la hausse au cours des prochaines années. Autant dire que le chef de l’État et son gouvernement courent après une arlésienne, car la croissance ne pourra tout simplement pas revenir !

De fait, ne nous laissons pas aveugler par les manipulations américano-saoudiennes qui visent à mettre à genoux la Russie et l’Iran, en maintenant le cours du pétrole artificiellement bas : l’effondrement du prix du baril est conjoncturel et ne représente qu’un soubresaut passager (l’histoire du pétrole en regorge) dans une tendance globale à la hausse entamée il y a une dizaine d’années et contre laquelle personne ne pourra rien, car nous avons passé le fameux « pic pétrolier » (et gazier). Certes, pour les raisons que j’ai évoquées plus haut, l’ « embellie » momentanée (un baril à 55 dollars) sera bonne pour la croissance et gageons qu’en 2015 la France parviendra à grappiller quelques dixièmes de point d’augmentation du PIB, mais cela ne changera rien sur le moyen et long terme : le prix des énergies fossiles va augmenter, empêchant toute reprise durable de la « croissance » !

Nous avons passé le « pic pétrolier » (et gazier)

Paralysés par le syndrome Post-Trente Glorieuses, les dirigeants de France et d’ailleurs continuent d’ignorer les mises en garde des experts qui, dès les années 1950, ont annoncé l’épuisement programmé des énergies fossiles. Le premier à avoir tiré la sonnette d’alarme fut le géophysicien américain Marion King Hubbert. En 1956, cet ingénieur de la compagnie Shell fit devant l’American Petroleum Association une présentation qui deviendra célèbre, où il y expliqua que la production du pétrole suivait une courbe en forme de cloche (on parle de « cloche de Humbert »), en augmentant jusqu’à atteindre un pic, avant de décliner de manière irrémédiable en raison de l’épuisement des réserves facilement exploitables. Il alla jusqu’à prédire le « pic pétrolier » de la production américaine, qu’il fixa à 1970. Il se trompa de peu : le pic américain eut lieu un an plus tard (1971) !

Il faut noter que le fait de passer le pic ne signifie pas la fin immédiate du pétrole, mais que le niveau de la demande va progressivement dépasser l’offre, entraînant une irrésistible ascension des prix.

Alors qu’elle a longtemps réfuté la possibilité même de “pic pétrolier” (jusqu’en 2008), l’Agence internationale de l’énergie a estimé dans son rapport World Energy Outlook de 2010 que la production annuelle de pétrole brut ne dépassera probablement jamais son niveau de 2006. En effet, les nouveaux gisements découverts ne compensent pas l’épuisement des plus gros champs pétroliers. Ces nouvelles réserves demandent des investissements très lourds soit pour le forage, comme l’offshore en eaux profondes, ou pour l’extraction car la teneur en pétrole est de moins bonne qualité. D’une manière générale, on exploite deux fois plus de puits, avec des investissements deux fois supérieurs pour extraire la même quantité de produit qu’il y a dix ans. Ce qu’on appelle « le taux de retour énergétique » (TRE), à savoir la quantité d’énergie récoltée pour chaque unité d’énergie investie dans l’exploitation, ne cesse de chuter. Aux États-Unis, il était environ de 100 pour 1 en 1930, il est descendu à 30 pour 1 vers 1970, et n’était plus que de 12 pour 1 en 2005. Et on peut faire le même constat dans la plupart des pays producteurs.

En 2005, l’Américain Robert Hirsch a rédigé un rapport à la demande du ministère de l’Énergie des États-Unis, dans lequel il a dressé un tableau pour le moins inquiétant. « Au fur et à mesure que le pic approche, écrit l’expert, la volatilité des prix du pétrole va augmenter, et sans mesures d’atténuation idoines, les coûts économiques, sociaux et politiques seront sans précédentLe pic pétrolier provoquera des problèmes sérieux d’approvisionnement en carburant aux États-Unis et dans le reste du monde. Il ne s’agit pas d’une “crise énergétique” au sens habituel du terme, mais de difficultés économiques prolongées dues à une augmentation dramatique du prix du pétrole. […] L’intervention des gouvernements sera nécessaire, car les implications économiques et sociales seront chaotiques : coûts de production plus élevés des biens et services, inflation, chômage, baisse de la demande pour les produits autres que le pétrole, chute des investissements […] et une dégradation du niveau de vie[4]. » Dans une interview qu’il accorda à Global Public Media, Robert Hirsch ne cacha pas son inquiétude : « C’est un problème terrifiant dont je n’ai jamais connu d’équivalent pendant toute ma vie. Plus j’y pense, plus je regarde les chiffres, plus je me sens mal. » Cinq ans plus tard, c’était au tour du Centre de prospective de l’armée allemande de secouer le cocotier. Dans un rapport destiné à la chancelière Angela Merkel qui a fuité, les militaires énumèrent les mêmes conséquences du pic pétrolier que l’expert américain, mais en ajoutent deux : « La perte de confiance dans le processus politique et l’émergence potentielle de positions politiques extrême, [et] la famine. » Et de conclure : « Une contraction de l’économie sur une période de temps indéterminée engendrera une situation des plus instables, laquelle conduira inévitablement à l’effondrement du système. Il est impossible d’évaluer les risques en termes de sécurité d’une telle situation ».

Au cours de la première décennie du xxie siècle, le prix du baril de pétrole a été multiplié par cinq. Évidemment, ce ne fut pas bon pour l’économie des pays dépourvus de ressources en hydrocarbures comme la France, qui en 2012 a vu sa facture pétrolière atteindre les 55 milliards d’euros (soit une hausse de 8,4 % par rapport à 2011), tandis que celle du gaz grimpait à 13,5 milliards (+16,3 %) ; au total, sa facture énergétique (pétrole + gaz) représentait 3,4 % du PIB (contre 2,4 % en 2010 et 1 % dans les années 1990)[5].

En juin 2014, la compagnie British Petroleum confirma que le pic pétrolier était bel et bien derrière nous : en 2013 la production mondiale de pétrole fut de 86,5 millions de barils par jour, tandis que la consommation atteignit les… 91,3 millions de barils (dont 1,7 million pour la France)[6]. En d’autres termes, la consommation excédait la production ! Le rapport précisait que les réserves mondiales prouvées en 2013 s’élevaient à 1 688 milliards de barils, ce qui signifiait que si le niveau de consommation se maintenait, il n’y aurait plus de pétrole en 2066[7]. Or, le taux de croissance de la demande est d’environ 2,5 % par an depuis déjà une décennie[8]

Certes, en 2014, la demande mondiale a baissé, en raison de l’entrée en récession de pays émergents comme le Brésil, mais , encore une fois, cela ne change rien sur le fond : l’ère du pétrole bon marché, qui est la condition sine qua non de la « croissance »- est définitivement terminée.

Certains se raccrochent désespérément à cette nouvelle « bonanza » qu’est censée incarner l’exploitation du gaz de schiste, laquelle explique (partiellement) l’effondrement du cours du pétrole. Mais tout indique que c’est un mirage, ainsi que me l’a expliqué Richard Heinberg, dont je retranscris les mots : « Mon institut a conduit une étude pour laquelle il a acheté le droit d’accéder aux données concernant 63 000 puits de forage. Nous avons analysé ces données et constaté qu’il y a très peu de secteurs où les puits sont véritablement rentables et que, de plus, ils s’épuisent très vite. C’est pourquoi les exploitants ont abandonné ces petits gisements pour se tourner vers ceux plus grands des schistes de Marcellus en Pennsylvanie ou d’Eagle Ford au Texas. Mais il s’est avéré que l’exploitation n’était pas non plus rentable et que les foreurs perdaient de l’argent avec chaque mètre cube de gaz qu’ils produisaient. C’est pourquoi mon institut a conclu que l’exploitation des gaz de schiste constituait une bulle dans l’industrie qui allait éclater très vite ».

 

En résumé : La croissance ne reviendra pas car la France de 2015 n’est pas celle des années 1950 et 1960 où il fallait reconstruire un pays ruiné par la guerre et dont la population avait encore de nombreux besoins à satisfaire ; cette « croissance » ne fut possible que parce que les pays occidentaux disposèrent d’énergies fossiles et de minerais bon marché, en imposant leurs conditions aux pays producteurs (majoritairement situés dans le sud). Aujourd’hui, ces ressources s’épuisent ( y compris celles de tous les minerais, à l’exception de la bauxite) d’autant plus vite que les pays dits « émergents » (c’est-à-dire longtemps maintenus à l’écart des bienfaits de la « croissance ») veulent aussi leur part du gâteau. La baisse des ressources conjuguée avec l’augmentation de la demande signe définitivement le glas de la « croissance »…

Source : Sacrée croissance ! Editions La Découverte/ ARTE Edition

 Pour des informations synthétiques sur le pic pétrolier ou celui des minerais, le rapport entre le PIB et la pauvreté, le chômage, etc, consultez les 30 fiches pédagogiques en ligne sur ce blog.

Prochain article : Le réchauffement climatique coûte de plus en plus cher.

 

[1] James Brown et al., « Energetic limits to economic growth », BioScience, vol. 61, n° 1, janvier 2011.

[2] James Hamilton, « Causes and consequences of the oil shock of 2007-08 », Brookings Papers on Economic Activity, mars 2009.

[3] Charles Hall et David Murphy, « EROI, insidious feedbacks, and the end of economic growth », Sustainable Use of Renewable Energy (SURE) conference, Syracuse, New York, novembre 2010

[4] Robert Hirsch et al., Peaking of World Oil Production, op. cit.

[5] En 2013, le pétrole représentait 32 % de la consommation énergétique mondiale, avant le charbon (30 %) et le gaz (24 %).

[6] BP Statistical Review of World Energy, juin 2014.

[7] Pour le gaz, la production avait légèrement dépassé la consommation : 9,3 milliards de m3/jour contre 9,2 milliards, les réserves prouvées couvrant cinquante ans de besoins. D’après l’INSEE, « les réserves prouvées sont les quantités d’hydrocarbures qui, selon les informations géologiques et techniques disponibles, ont une forte probabilité (>90%) d’être récupérées dans le futur, à partir des gisements connus et dans les conditions technico-économiques existantes ».

[8] Si le taux de croissance de la consommation de pétrole est de 2,5 % par an, cela signifie qu’il faut découvrir environ tous les trente ans de nouvelles quantités de pétrole équivalentes à toutes les quantités découvertes auparavant.

2 Le syndrome post-Trente Glorieuses

     Bouleversée par le drame qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo, j’ai repoussé la mise en ligne de ce papier. Et puis je me suis dit que le meilleur hommage que je pouvais rendre à mes confrères assassinés c’était de continuer mon travail de journaliste… Une pensée émue pour Bernard Maris, dont la chronique hebdomadaire, le vendredi sur France Inter, face à ses deux collègues économistes « orthodoxes » des Echos me réjouissait et m’a inspirée pour réaliser Sacrée croissance! . Une pensée aussi pour l’ami Fabrice Nicolino, dont la vie ne serait plus en danger…

Je poursuis donc ma série pour commenter l’intervention de François Hollande sur France Inter, lundi dernier.

 

 Tout indique que le président Hollande est gravement malade. D’après mes informations, il souffre d’une pathologie très courante chez les hommes politiques de sa génération, qui, – fait aggravant- ont fréquenté les bancs de l’ENA : le « syndrome post-Trente Glorieuses » (SPTG). Dans mon livre Sacrée croissance ! , je décris les symptômes caractéristiques de cette maladie psychiatrique très invalidante qui finit par lobotomiser tous ceux qui en sont atteints, au point qu’ils n’arrivent plus à penser par eux-mêmes : troubles obsessionnels et tics de langage se traduisant par une propension incontrôlée à prononcer le mot « croissance » au moins une fois par minute lors d’interviews ou de discours.

Lundi matin, lors du 7-9 de France Inter,  j’ai renoncé à compter le nombre de fois que le chef de l’État a invoqué la formule magique. Mais, pas l’ombre d’un doute : il souffre du SPTG. Ce syndrome est apparu après le premier choc pétrolier de 1973, qui a porté le coup de grâce à l’époque des Trente Glorieuses. Cette année-là, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) avait décidé de multiplier par quatre le prix du baril de pétrole (entre octobre 1973 et janvier 1974). Ce choc ébranla toute l’économie mondiale, en premier lieu en Europe occidentale et aux États-Unis, très dépendants de l’or noir. De fait, avec la « crise du pétrole », l’âge d’or de la croissance était bel et bien révolu.

En France, elle affichait encore une belle santé en 1973 (6,6 %), car le « choc » ne vint qu’après la fin de l’année. En 1974, elle tombait à 4,7 %, le « choc » étant amorti par les commandes industrielles passées par les monarchies du Golfe soudainement richissimes. Puis, ce fut la descente aux enfers, ainsi que je l’ai rappelé dans mon précédent billet.

Depuis, la classe politique – de droite, comme de gauche- et les économistes orthodoxes (qui sont aussi les conseillers du prince) gardent une nostalgie sans borne pour l’époque bénie des Trente Glorieuses, laquelle ne fut pourtant pas si glorieuse que le veut la légende car, comme me l’a expliqué l’économiste (pas orthodoxe) Jean Gadrey, elle « marqua l’entrée dans l’ère de la démesure et du gaspillage » (j’y reviendrai).

L’expression « Trente Glorieuses » a été forgée par l’économiste Jean Fourastié (1910-1990), qui l’utilisa dans son livre Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946, paru en 1979. Il s’est inspiré des « Trois Glorieuses », les trois journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830 qui avaient fait chuter Charles X et porté Louis-Philippe sur le trône de la monarchie constitutionnelle, mettant un terme aux quinze années de la Restauration.

Jean Fourastié a choisi cette page de l’histoire pour incarner les trente ans qui séparent la fin de la Seconde Guerre mondiale et le premier choc pétrolier, en hommage au « progrès » que ces trois décennies sont censées avoir apporté : « Ne doit-on pas dire glorieuses les trente années qui ont fait passer la France de la vie végétative traditionnelle aux niveaux de vie et aux genres de vie contemporains ? » écrit-il ainsi en fondant sa démonstration sur la comparaison de deux petits villages français, Madère (M) et Cessac (C), que toutes les statistiques semblent opposer : pour une population presque équivalente (534 pour M contre 670 pour C), la population active est essentiellement agricole (74 %) dans le premier, minoritaire (24 %) dans le second. Le nombre d’actifs est nettement inférieur (52 % contre 32 %) du fait de la scolarisation et de la retraite. Tout est notablement différent : la natalité (4 % contre 2 %), la mortalité infantile (9,5 % contre 1,4 %), les rendements de blé à l’hectare (12 contre 35), de travailleurs à l’hectare (28 contre 8), d’animaux de labour (100 contre 1) remplacés par des tracteurs (2 contre 40). L’équipement des ménages contraste encore davantage : réfrigérateurs (5 contre 210), machine à laver le linge (0 contre 180), WC intérieur (10 contre 150), téléphone (5 contre 110), automobile (5 contre 280), radio (50 contre 250).

Le clou de cette démonstration c’est que Madère et Cessac sont, en fait , le même village, Douelle en Quercy en 1949 et 1975 !

Personne ne contestera que pour beaucoup de Français et Françaises les « Trente Glorieuses » sont synonymes de « confort » et d ‘une « amélioration des conditions de vie matérielle ». D’ailleurs, quand on observe la courbe dite de « bien être subjectif » de la population, on constate que celle-ci a atteint son plus haut niveau au milieu des années 1970 (6,7 sur 10) pour ensuite stagner, alors que le PIB par habitant a continué à augmenter (+ 75% entre 1973 et 2012).

Dès 1974, l’économiste américain Richard Easterlin a démontré qu’une augmentation du PIB n’implique pas nécessairement une hausse du niveau de bien-être ressenti par les populations. Ce constat, qualifié de « paradoxe d’Easterlin » par la science économique, a été confirmé par de nombreuses études, qui conclurent qu’au-delà d’un certain seuil de revenus – estimé à environ 12 000 euros par an –, l’augmentation de la richesse matérielle d’un pays s’accompagne d’un accroissement de plus en plus faible, voire nul, de la satisfaction de la population.

Aux États-Unis, Derek Bok, ancien président de l’université Harvard, a montré en 2010 qu’au cours des trente-cinq années précédentes, le revenu par habitant a augmenté de près de 60 %, tandis que le pourcentage d’Américains se déclarant « très heureux » ou « parfaitement heureux » est pratiquement resté stable[1].

Les experts ont noté le même découplage pour l’espérance de vie : alors que la croissance économique s’est accompagnée, dans le passé, d’une progression, elle n’est plus corrélée au PIB au-delà d’un seuil de revenus de 15 000 euros par an. Certains pays, comme le Chili ou le Costa Rica, dont le PIB par habitant est de deux à quatre fois inférieur à celui des États-Unis, ont ainsi pratiquement la même espérance de vie. D’après l’Organisation mondiale de la santé, l’espérance de vie à Cuba est même supérieure à celle de la première puissance mondiale !

« Les modes de vie du modèle productiviste, l’alimentation inadéquate et excessive, les pollutions (chimiques, de l’air, de l’eau), les inégalités et les violences tendent […] à influer négativement sur la santé, surtout sur celle des catégories les plus exposées, explique Jean Gadrey dans son livre Adieu à la croissance. Dans les pays qui parviennent à le financer, le système de soins est alors engagé dans une course poursuite de “réparation” de dégâts divers produits par une économie et une société pathogènes[2]. »

Et le paradoxe du système croissanciste est que plus le coût des « réparations » est élevé, plus le PIB augmente ! Le découplage s’observe aussi pour d’autres variables de développement humain, comme l’éducation, la pauvreté, les délits ou la cohésion sociale.

Finalement, l’ensemble de ces données prouve qu’on peut, dans tous ces domaines, atteindre les mêmes résultats avec nettement moins de richesses matérielles

En résumé : L’époque des « Trente glorieuses » constitue une parenthèse dans l’histoire de la France et des pays occidentaux. Elle tient au contexte spécifique de l’après-guerre, marquée par la reconstruction et la nécessité de couvrir un certain nombre de besoins alors insatisfaits des populations. Elle tient aussi à l’abondance d’énergies fossiles bon marché (pétrole et gaz), dont on pensait (à tort) que les ressources étaient inépuisables. La croissance qui caractérise les « Trente Glorieuses » fut donc exceptionnelle et ne reviendra jamais, car les conditions tout aussi exceptionnelles qui l’ont permise ne seront plus jamais réunies, notamment dans les pays dits « développés ». Tout indique même qu’il est préférable qu’elle ne revienne jamais car les dégâts qu’elle entraîne sont désormais supérieurs aux bienfaits…

Source: Sacrée croissance!, Editions La Découverte et ARTE Editions.

Je vous invite à écouter l’interview que m’a accordée Herman Daly, un économiste américain considéré comme le père de l’économie écologique, qui explique pourquoi la croissance est devenue « anti-économique ».

 Prochain papier : L’addiction au pétrole

[1] Derek Bok, The Politics of Happiness. What Government Can Learn from the New Research on Well-Being, Princeton University Press, Princeton, 2010.

[2] Jean Gadrey, Adieu à la croissance,  p. 42.

1 La croissance ne résoudra pas le problème du chômage ni de la pauvreté

Ce matin, François Hollande était l’invité du 7-9 de France Inter. Avec une belle constance, le président a réitéré à maintes reprises son incantation à la déesse croissance : « Je ferai tout pour que la croissance soit la plus haute possible, pour que nous ayons plus de 1% de croissance », a-t-il juré, en assurant que seule la croissance était à même de faire reculer le chômage. Cette affirmation n’a pas été questionnée par Patrick Cohen et ses collègues de la maison ronde, alors que les faits – têtus- la contredisent catégoriquement.

Reprenons donc les faits : depuis la chute brutale de 1975 (-1,1%) , due au contre-coup du premier choc pétrolier, le taux de croissance du PIB n’a plus jamais retrouvé son niveau de l’époque des Trente Glorieuses ( de 1949 à 1975, le taux de croissance moyen fut de 5,3 %, avec un pic à 7,9 %). L’érosion fut lente mais régulière : la France ne connaîtra plus jamais de croissance à plus de 4 % (sauf en 1988 et 1989), puis plus jamais de croissance à plus de 3 % (sauf en 1998, 1999 et 2000). Après ce fut la descente aux enfers, les « meilleures années » ayant été 2004 et 2006 (2,5 %), avec un record d’années négatives ou proches de zéro : 2008 (– 0,1 %), 2009 (– 3,1 %), 0 % en 2012 et 0,3 % en 2013. Pourtant, et malgré son irrésistible baisse, le taux de croissance a continué à augmenter en moyenne de 1,8 % par an entre 1982 et 2012. Cela signifie qu’en trente ans, le volume de la production des biens et services marchands fut grosso modo multiplié par deux. Sur la même période, le taux d’accroissement démographique fut d’environ 0,5 % par an. D’un point de vue matériel, la France continua donc de s’enrichir. Pourtant, malgré cette croissance encore positive, le chômage s’est envolé.

Dans une chronique diffusée sur France Info, le 24 septembre 2014, l’historien Thomas Snegaroff rappelait la triste réalité que le président Hollande semble avoir oubliée : en 1975, alors que « la gauche et la droite se chamaillaient sur le chiffre hautement symbolique du premier million de chômeurs », le ministre du Travail Michel Durafour déclarait la main sur le cœur que cette hypothèse était complètement « fantaisiste ». Cependant, la fatidique barre fut franchie en 1976. « Même son de cloche pour le deuxième million de demandeurs d’emploi. Élu en mai 1981, François Mitterrand avait promis que ce chiffre ne serait jamais atteint », poursuivait mon confrère. La promesse fut réitérée, en septembre de la même année, par son Premier ministre Pierre Mauroy. Las ! C’est à la télé que les Français apprirent la mauvaise nouvelle deux mois plus tard. En 1992, le Premier ministre Pierre Bérégovoy fit une promesse lors du Grand Jury RTL/Le Monde : « Celle que jamais ne sera atteint le seuil des 3 millions de chômeurs. » Patatras ! C’est son successeur Édouard Balladur qui dut confirmer, peu de temps après, ce que tout le monde craignait. Et en 2014, le chômage de masse poursuivit son irrésistible ascension : début septembre, 3 398 000 chômeurs étaient inscrits sur le registre de Pôle Emploi (en catégorie A, c’est-à-dire sans aucune activité) – et au moins autant étaient éjectés de ces statistiques, aux motifs qu’ils travaillaient encore quelques heures par semaine ou que, ne pouvant plus bénéficier de la moindre allocation chômage, ils renonçaient à s’inscrire à Pôle Emploi.

On le voit, la « croissance » (pourtant bien supérieure à celle dont rêve le président Hollande) n’a pas résolu le problème du chômage ! En revanche, entre les années 1982 et 2012 elle s’est accompagnée en France (comme ailleurs) d’une augmentation sans précédent de la pauvreté : de 2002 à 2012, le pourcentage des personnes pauvres (seuil de pauvreté fixé à 50 % du revenu médian national) est passé de 6,5 % à 7,9 %, une augmentation de 30 % ; soit, au total, 5 millions de personnes. Quant au nombre de citoyens sans domicile fixe, il a augmenté de 50 %, pour atteindre 141 000 en 2012. D’une manière générale, malgré la progression du PIB, les inégalités se sont creusées dans tous les pays de la zone OCDE, où l’indice de l’inégalité des revenus (GINI) a progressé de 10 % en moyenne entre le milieu des années 1980 et la fin des années 2000.

La vérité toute crue c’est que la croissance des trente dernières années a surtout profité à une minorité qui s’est « régalée », tandis que l’immense majorité « dégustait , pour reprendre les mots de Libération (11 octobre 2013) : En 2014, alors que « 3,5 millions d’Européens dépendaient des points de distribution alimentaire de la Croix-Rouge, un chiffre qui avait bondi de 75 % entre 2009 et 2012 », « le patrimoine des riches, sur l’ensemble de la planète, culminait à 178 milliards d’euros, en hausse de 4,9 % en un an»… Dans le même temps, les dividendes versés aux actionnaires des entreprises cotées en bourse n’ont cessé de progresser : 731 milliards d’euros, en 2013, dont 36,8 milliards en France (troisième place mondiale ). En août 2014, le montant des dividendes versés par les entreprises françaises à leurs actionnaires s’élevait à 31 milliards d’euros, autant que le Crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE) consenti si généreusement par le président Hollande auxdites entreprises ! Une étude publiée par la société de gestion Henderson Global Investors soulignait que la France était le « plus important payeur de dividendes en Europe, en hausse de 30,3 % par rapport au deuxième trimestre 2013 », ainsi que le rapportait Le Nouvel Observateur (23 août 2014). Et, cerise sur le gâteau : plus les profits augmentaient, plus la part accordée aux salariés diminuait – d’après l’INSEE, la part des richesses produites revenant aux salariés français est ainsi passée de 62 % en 1960 à 57 % en 2005…

En résumé : depuis le milieu des années 1970, la croissance n’a pas servi à résoudre le problème du chômage ni de la pauvreté ; en revanche, elle a engraissé copieusement le patrimoine des nantis, rentiers, boursicoteurs et spéculateurs qui n’ont pas investi les fortunes accumulées dans l’économie réelle, mettant fin au bon vieux « théorème de Schmidt » (du nom d’Helmut Schmidt, l’ancien chancelier allemand de 1974 à 1982), selon lequel « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain »… Car depuis ce qu’on appelle la « financiarisation de l’économie » (j’y reviendrai ultérieurement), les profits d’aujourd’hui font les  chômeurs de demain et les pauvres d’après-demain

 

Prochain papier : Pourquoi la croissance ne reviendra pas.

Source : Sacrée croissance !, Editions La Découverte