La maladie de Parkinson enfin reconnue comme maladie professionnelle

Fini le déni ! Un décret, publié le 4 mai au Journal Officiel, a , enfin, intégré la maladie de Parkinson dans le tableau des maladies professionnelles de la sécurité sociale. C’est un grand pas en avant, malgré l’opposition de la … FNSEA, qui a tout fait pour que cette reconnaissance n’ait pas lieu, ainsi que je l’ai révélé sur ce Blog. Pourquoi le principal syndicat agricole s’opposait-il à ce que la maladie de Parkinson soit officiellement reconnue comme une maladie professionnelle des agriculteurs, victimes des poisons chimiques qu’ils déversent à longueur d’année dans leurs champs ? Sans doute – mais ce n’est qu’une hypothèse !- parce que la FNSEA est très liée aux coopératives agricoles qui gagnent énormément d’argent avec la vente desdits poisons. Peut-être, aussi parce que les promoteurs du modèle agroindustriel craignent que les paysans malades se retournent contre lesdites coopératives, qui continuent de nier (pas toutes, heureusement, mais la majorité) la toxicité des pesticides, ou contre la FNSEA, qui continue de pratiquer la politique de l’autruche.

Pourtant, les professionnels du déni ne pourront rien contre la prise de conscience des paysans. Depuis la sortie de mon film et livre Notre poison quotidien, en mars 2011, il faut mesurer le chemin parcouru :

–       Paul François , dont j’ai révélé l’histoire dans mon enquête, a gagné sont procès contre Monsanto ;

–       Jean-Marie Desdion, un producteur de maïs, atteint d’un myélome multiple, a porté plainte contre Monsanto ;

–       D’autres procès se préparent ;

–       L’Appel de Ruffec , qui ouvrait mon film et livre, est devenu l’association Phyto’victimes, qui regroupe aujourd’hui plus de 200 membres ;

–       La maladie de Parkinson est reconnue comme maladie professionnelle.

Je retranscris, ici, la partie de mon livre que j’ai consacrée à la maladie de Parkinson. J’en profite pour rendre hommage à Gilbert Vendé, qui fut le deuxième agriculteur français à être reconnu en maladie professionnelle, après une longue bataille, car, à l’époque (2006), la maladie ne figurait pas dans le tableau de la Sécurité sociale.

DEBUT DE L’EXTRAIT

« Qu’on n’aille pas me dire que la maladie de Parkinson est une maladie de vieux : moi, je l’ai eue à quarante-six ans ! » Aujourd’hui âgé de cinquante-cinq ans, Gilbert Vendé est un ancien salarié agricole qui a participé en janvier 2010 à l’appel de Ruffec. Avec une grande difficulté d’élocution, caractéristique des parkinsoniens, il a raconté son histoire, provoquant l’attention émue de l’auditoire. Il travaillait comme chef de cultures sur une grande exploitation (1 000 hectares) de la « Champagne berrichonne », lorsqu’en 1998, il a été victime d’une intoxication aiguë au Gaucho.

Maladie de Parkinson et Gaucho : le cas exemplaire de Gilbert Vendé

Les amateurs de miel ont sans doute entendu parler de ce produit à base d’imidaclopride fabriqué par la firme Bayer, qui a fait des « milliards de victimes », pour reprendre les mots de Fabrice Nicolino et François Veillerette, évoquant bien sûr les indispensables butineuses[i]. De fait, mis sur le marché en France en 1991, cet insecticide dit « systémique » est un redoutable tueur : appliqué sur les semences, il pénètre dans la plante par la sève pour empoisonner les ravageurs de la betterave, du tournesol ou du maïs, mais aussi tout ce qui ressemble de près ou de loin à un insecte piqueur-suceur, y compris les abeilles. On estime qu’entre 1996 et 2000, quelque 450 000 ruches ont purement et simplement disparu en France notamment du fait de son utilisation et de celle d’autres produits insecticides[ii].

Il faudra la ténacité des syndicats d’apiculteurs, qui saisiront la justice, et les travaux courageux de deux scientifiques – Jean-Marc Bonmatin, du CNRS, et Marc-Édouard Colin, de l’INRA – pour qu’un avis du Conseil d’État parvienne à faire plier le ministère français de l’Agriculture[1]. Celui-ci finira par interdire le Gaucho en 2005, malgré les manœuvres de certains de ses hauts fonctionnaires pour soutenir jusqu’au bout son fabricant. Parmi eux, ou plutôt parmi « elles » : Marie Guillou, directrice de la très puissante Direction générale de l’alimentation (DGAL) de 1996 à 2000 (que nous avons déjà croisée dans l’affaire de Dominique Marchal, quand elle dirigeait en 2005 l’Institut national de la recherche agronomique – voir supra, chapitre 4) ; et Catherine Geslain-Lanéelle, qui lui a succédé à la DGAL de 2000 à 2003, en y faisant preuve d’un zèle tout à fait remarquable : elle refusa de communiquer le dossier d’autorisation de mise sur le marché du Gaucho au juge Louis Ripoll, alors qu’il perquisitionnait au siège de la DGAL après l’ouverture d’une instruction ! En juillet 2006, cette haute fonctionnaire sera nommée à la tête de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) à Parme, où je la rencontrerai en janvier 2010 (voir infra, chapitre 15)[iii].

Ce bref rappel historique était nécessaire pour comprendre à quel point les décisions – ou non-décisions – de ceux qui nous gouvernent ont des répercussions directes sur la vie des citoyens qu’ils sont censés servir : en l’occurrence, les manœuvres dilatoires pour maintenir le Gaucho sur le marché, en niant sa toxicité malgré les preuves accablantes, ont contribué à mettre quelque 10 000 apiculteurs sur le carreau[2] et ont rendu malades un certain nombre d’agriculteurs, comme Gilbert Vendé.

En effet, après avoir « inhalé toute une journée du Gaucho » en octobre 1998, le salarié agricole souffre de violents maux de tête, accompagnés de vomissements. Il consulte son médecin, qui confirme l’intoxication ; puis il reprend peu après le travail, « comme si de rien n’était ». « Pendant des années, j’ai pulvérisé des dizaines de produits, a-t-il expliqué à Ruffec. J’étais certes enfermé dans une cabine, mais je refusais de mettre le masque à gaz, parce que c’est insupportable de passer des heures comme cela, on a l’impression d’étouffer. » Un an après son intoxication, Gilbert Vendée ressent régulièrement d’insoutenables douleurs à l’épaule : « C’était si fort que je descendais du tracteur pour me rouler par terre », a-t-il expliqué. En 2002, il décide de consulter une neurologue à Tours, qui l’informe qu’il a la maladie de Parkinson. « Je n’oublierai jamais ce rendez-vous, a raconté l’agriculteur, la voix voilée par l’émotion, car la spécialiste a carrément dit que ma maladie pouvait être due aux pesticides que j’avais utilisés. »

Il y a fort à parier que cette neurologue connaissait la « littérature scientifique abondante suggérant que l’exposition aux pesticides augmente le risque d’avoir la maladie de Parkinson », ainsi que l’écrit Michael Alavanja[iv]. Dans sa revue systématique de 2004, l’épidémiologiste de l’Institut du cancer de Bethesda cite une trentaine d’études de cas-témoins qui montrent un lien statistiquement significatif entre cette affection neurodégénérative et l’exposition chronique aux « produits phytos » (organochlorés, organophosphorés, carbamates), notamment à des molécules très utilisées, comme le paraquat, le maneb, la dieldrine ou la roténone. Deux ans plus tard, lorsqu’avec son collègue Aaron Blair, le chercheur a analysé une première série de données provenant de l’Agricultural Health Study, il est parvenu à des conclusions similaires.

En effet, cinq ans après leur inclusion dans la méga-cohorte, 68 % des participants (57 251) ont été interrogés. Entre-temps, soixante-dix-huit nouveaux cas de maladie de Parkinson (cinquante-six applicateurs de pesticides et vingt-deux conjoints) avaient été diagnostiqués, s’ajoutant aux quatre-vingt-trois cas enregistrés lors de l’« enrôlement » (soixante applicateurs et vingt-trois conjoints). Les résultats de l’étude montrent que la probabilité de développer la maladie de Parkinson augmente avec la fréquence d’utilisation (le nombre de jours par an) de neuf pesticides spécifiques, le risque pouvant être multiplié par 2,3. Dans leurs conclusions, les auteurs notent que « le fait d’avoir consulté un médecin à cause des pesticides ou d’avoir vécu un incident provoqué par une forte exposition personnelle est associé à un risque accru[v] ». En lisant cela, j’ai bien sûr pensé à Gilbert Vendée, car tout indique que son intoxication aiguë au Gaucho fut une circonstance aggravante qui a accéléré le processus pathologique, initié par l’exposition chronique aux pesticides.

Quant à la suite de son histoire, elle ressemble étrangement à celles que j’ai déjà racontées. Devant le refus de la MSA de lui accorder le statut de maladie professionnelle, au motif que la maladie de Parkinson ne figure pas dans les fameux tableaux, l’agriculteur s’est tourné vers le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’Orléans, qui a émis un avis défavorable. Il saisit alors le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bourges, qui finalement lui donne raison en mai 2006. Pour fonder sa décision, le TASS s’appuie sur un avis favorable émis par le CRRMP de Clermont-Ferrand, qui n’a manifestement pas fait la même lecture de la littérature scientifique disponible que son homologue d’Orléans.

À l’époque, Gilbert Vendé est le deuxième agriculteur atteint de la maladie de Parkinson à être reconnu en maladie professionnelle. Quatre ans plus tard, ils étaient « une dizaine », d’après les statistiques de la MSA fournies par le docteur Jean-Luc Dupupet. L’agriculteur berrichon a alors quitté son « pays d’origine » pour s’installer à Paris, où il travaille comme bénévole à l’association France Parkinson. « Pourquoi ?, a-t-il interrogé lors de la réunion de Ruffec. Tout simplement parce que dans la capitale je vis incognito, je suis libre ! Je serais dans ma campagne, on me montrerait du doigt. Je ne pourrais pas vivre… »

Toxines et produits toxiques à l’origine de la maladie de Parkinson

Longtemps considérée comme une pathologie liée au vieillissement, la maladie neurodégénérative a été décrite pour la première fois en 1817 par le Britannique James Parkinson (1755-1824) dans son bref Essay on the Shaking Palsy (essai sur la paralysie trépidante), où il en énumère les symptômes : tremblements, gestes rigides et incontrôlés, difficultés d’élocution[3]. Ce médecin hors norme, passionné de géologie et de paléontologie, était aussi un activiste politique qui écrivait sous un pseudonyme (« Old Hubert ») des pamphlets qui, au regard de l’histoire industrielle, apparaissent aujourd’hui d’une grande lucidité : « On ne devrait plus punir d’emprisonnement les ouvriers qui s’unissent pour obtenir de meilleurs salaires, alors que leurs maîtres conspirent contre eux en toute impunité », conseillait-il ainsi dans Révolutions sans bain de sang[vi].

Dans son Essai sur la paralysie trépidante, le docteur Parkinson ne donne pas d’explications pour la maladie qui portera son nom, mais suggère qu’elle est d’origine professionnelle ou environnementale. Il avait vu juste, car si la majorité des cas sont aujourd’hui déclarés « idiopathiques » – on n’en connaît pas la cause –, un certain nombre de facteurs professionnels et environnementaux ont été identifiés. C’est ainsi qu’après la Seconde Guerre mondiale, des chercheurs ont découvert tout à fait fortuitement que des toxines pouvaient déclencher un syndrome parkinsonien, comme le rapporte le professeur Paul Blanc dans son livre : ceux-ci relevèrent un taux de prévalence de la maladie anormalement élevé chez les aborigènes Chamorro des îles Mariana de Guam et Rota, dans le Pacifique Ouest[vii]. Ils avancèrent l’hypothèse que cet excès (le taux était cent fois plus élevé qu’aux États-Unis) était dû aux graines de cycas, un petit palmier, que les Chamorro mangeaient sous forme de farine et qui contient une toxine nommée « BMAA ». Certains scientifiques contestèrent cette explication, arguant que la quantité de BMAA présente dans la farine était trop faible pour provoquer de tels troubles. Finalement, c’est un chercheur d’Hawaii qui mettra un terme à la polémique : il observera en effet que les aborigènes sont friands de chauves-souris, lesquelles raffolent de graines de cycas. Or, la toxine BMAA s’accumule dans les graisses des mammifères volants, selon le processus de bioconcentration (voir supra, chapitre 3). D’ailleurs, l’extinction des chauves-souris, très prisées pour la délicatesse de leur chair, entraînera la disparition de la maladie de Parkinson sur les îles Mariana.

Les annales industrielles confirment le rôle des produits toxiques dans l’étiologie de la pathologie. Dès le début du xxe siècle, en effet, des médecins du travail constatent que l’exposition aux poussières de manganèse provoque un syndrome parkinsonien chez des mineurs ou des ouvriers travaillant dans des aciéries. En 1913, neuf cas sont ainsi rapportés dans le Journal of the American Medical Association. Comme le souligne ironiquement Paul Blanc, l’article commençait par une « note optimiste », caractéristique de l’idéologie alors naissante (et qui sévit encore aujourd’hui) selon laquelle le progrès s’accompagne immanquablement de « dégâts collatéraux ». « L’un des signes évidents de la tendance humanitariste des temps modernes est l’intérêt sans cesse croissant pour les accidents, intoxications et maladies qui sont le lot de différentes activités industrielles », écrivaient ainsi les auteurs, avec l’arrogance qui caractérise ceux qui n’auront jamais à souffrir des maux qu’ils s’évertuent à minimiser[viii].

Tout au long du xxe siècle, les études scientifiques s’accumulent un peu partout dans le monde sur les effets psychiatriques provoqués par l’exposition au métal (notamment dans les ateliers de soudure), dont la « folie du manganèse » qui se traduit par des hallucinations et des gestes désordonnés, considérés comme des symptômes précurseurs de la maladie de Parkinson. En 1924, une étude réalisée sur des singes permet de décrypter l’effet du manganèse sur le système nerveux central, provoquant la mort prématurée de certains neurones : cette perte provoque une diminution de la production de la dopamine, un neurotransmetteur nécessaire au contrôle de la motricité[ix].

Jusqu’aux années 1980, la littérature scientifique ne concernait que les formes non organiques du manganèse, à savoir de simples oxydes ou sels du métal utilisés dans des applications industrielles. Mais en 1988, une étude publiée dans la revue Neurology révèle que des ouvriers agricoles chargés de pulvériser du maneb, un fongicide à base de manganèse, développent les signes avant-coureurs de la maladie[x]. Ces résultats sont confirmés par une autre étude publiée six ans plus tard, concernant notamment un homme de trente-sept ans qui avait appliqué du maneb sur ses semences d’orge pendant deux ans, avant de développer la maladie de Parkinson[xi]. Des effets similaires ont été observés sur les applicateurs de mancozeb, un fongicide apparenté et toujours utilisé aujourd’hui, comme le maneb.

Enfin, le rôle des toxines dans l’apparition de la pathologie a été validé par une série d’observations effectuées sur des… toxicomanes californiens. Dans les années 1980, des médecins ont en effet constaté que l’injection d’une héroïne de synthèse, appelée « MPPP », déclenchait la maladie. Or, le MPPP contient un agent contaminant, le MPTP, dont l’un des dérivés – le cyperquat – est structurellement similaire à des herbicides très utilisés, le paraquat et le diquat. Le « modèle du MPTP », qui permet de comprendre les mécanismes biologiques conduisant à la maladie de Parkinson, a fait l’objet de multiples études chez les singes[xii]. Il a servi notamment à tester les effets de la roténone, une toxine naturelle produite par certaines plantes tropicales et entrant dans la composition de nombreux insecticides. Les chercheurs ont observé qu’injectée à de faibles doses répétées, la roténone induit un syndrome parkinsonien chez des rats[4].

Une fois de plus, il faut noter que, comme le bromure de méthyle, la roténone a été interdite par la Commission européenne en 2009, mais que la France a obtenu une dérogation spéciale pour l’utiliser sur les pommes, pêches, cerises, vignes et pommes de terre jusqu’en octobre 2011[5]. À l’instar de Rachel Carson dans Le Printemps silencieux, il importe donc plus que jamais de trouver une réponse à cette question : « Qui prend ce genre de décision ? » Qui décide que les avantages agronomiques d’un poison priment sur les considérations sanitaires et les dangers qu’il fait courir à la santé des utilisateurs, mais aussi, on le verra, des consommateurs ? D’autant plus qu’on imagine sans mal le nombre de malades et de morts qu’il a fallu compter dans les laboratoires expérimentaux et les morgues avant que l’institution européenne décide enfin d’agir. Que la France demande systématiquement un « délai de grâce » – pour reprendre l’expression du journal Le Syndicat agricole en 2007 à propos de l’interdiction du Lasso de Monsanto – est tout simplement scandaleux[xiii].


[1]Il faut noter que la couleur politique n’a rien changé à l’affaire : l’immobilisme des deux ministres de l’Agriculture concernés, le socialiste Jean Glavany (octobre 1998-février 2002) et le RPR Hervé Gaymard (mai 2002-novembre 2004), fut strictement identique.

[2] On estime qu’entre 1995 et 2003, la production française de miel est passée de 32 000 à 16 500 tonnes. Au même moment, un autre insecticide tout aussi toxique, le Régent de BASF, décimait également les abeilles. Il a été aussi interdit en 2005.

[3] C’est le médecin français Jean-Martin Charcot (1825-1893) qui donnera son nom à la maladie.

[4] C’est précisément parce qu’il avait utilisé de la roténone et du paraquat qu’un jardinier parisien, travaillant dans une grande entreprise d’horticulture depuis trente-quatre ans, a obtenu le statut de maladie professionnelle en 2009. Le jardinier avait développé la maladie de Parkinson à l’âge de quarante-huit ans. C’est ce qu’a expliqué le docteur Maria Gonzales, du CHU de Strasbourg, qui faisait partie du comité d’experts saisis par le CRRMP de Paris, dans une interview à Hygiène, Sécurité, Environnement, le 19 juin 2009.

[5] Un rapport publié en janvier 2011 par Générations futures et Pesticides Action Network Europe a révélé qu’en Europe le recours aux dérogations pour utiliser des pesticides interdits avait augmenté de 500 % entre 2007 et 2010. La directive européenne sur les pesticides (91/414) comporte en effet un article, le 8.4, qui permet d’obtenir une « dérogation de cent vingt jours », donnant la possibilité à un État membre d’utiliser des pesticides interdits « en cas de danger imprévisible ». On est ainsi passé en Europe de cinquante-neuf dérogations en 2007 à trois cent vingt et un en 2010, dont soixante-quatorze pour la France (Générations futures et Pesticides Action Network Europe, « La question des dérogations accordées dans le cadre de la législation européenne sur les pesticides », 26 janvier 2011).


Notes du chapitre 6

[i] Fabrice Nicolino et François Veillerette, Pesticides, révélations sur un scandale français, op. cit., p. 56.

[ii] « Le gaucho retenu tueur officiel des abeilles. 450 000 ruches ont disparu depuis 1996 », Libération, 9 octobre 2000.

[iii] Pour plus de détails sur la carrière de Catherine Geslain-Lanéelle, voir Fabrice Nicolino et François Veillerette, Pesticides, révélations sur un scandale français, op. cit., p. 60.

[iv] Michael Alavanja et alii, « Health effects of chronic pesticide exposure : cancer and neurotoxicity », loc. cit., p. 155-197.

[v] Freya Kamel, Caroline Tanner, Michael Alavanja, Aaron Blair et alii, « Pesticide exposure and self-reported Parkinson’s disease in the Agricultural Health Study », American Journal of Epidemiology, 2006, vol. 165, n° 4, p. 364-374.

[vi] Cité par Paul Blanc, How Everyday Products Make People Sick, op. cit., p. 243.

[vii] Ibid, p. xxx.

[viii] Louis Casamajor et alii, « An unusual form of mineral poisoning affecting the nervous system : manganese », Journal of the American Medical Association, vol. 60, 1913, p. 646-640 (cité par Paul Blanc, ibid., p. 250).

[ix] Hugo Mella, « The experimental production of basal ganglion symptomatology in macacus rhesus », Archives of Neurology and Psychiatry, vol. 11, 1924, p. 405-417 (cité par Paul Blanc, ibid., p. 251).

[x] Henrique B. Ferraz et alii, « Chronic exposure to the fungicide maneb may produce symptoms and signs of CSN manganese intoxication », Neurology, vol. 38, 1988, p. 550-553.

[xi] Giuseppe Meco et alii, « Parkinsonism after chronic exposure to the fungicide maneb (manganese ethylene-bis-dithiocarbamate) », Scandinavian Journal of Work Environment and Health, vol. 20, 1994, p. 301-305.

[xii] William Langston, « The aetiology of Parkinson’s disease with emphasis on the MPTP story », Neurology, vol. 47, 1996, p. 153-160.

[xiii] « Maïs : le désherbage en prélevée est recommandé », loc. cit.

FIN DE L’EXTRAIT

Photos:

Gilbert Vendé,  Jean-Marie Desdion, et Paul François  lors de l’Appel de Ruffec (photos: Marc Duployer)

Prochain article: pour les pesticides, les mauvaises nouvelles continuent

La fin des OGM en Inde?

Mauvaise nouvelle pour les lobbyistes qui s’acharnent sur ce Blog: des informations récentes confirment ce que j’ai révélé dans mes deux précédents films et livres « Le monde selon Monsanto » et « Notre poison quotidien ».

Publiée dans Le Monde du 27 avril, la première concerne l’échec du coton transgénique en Inde que je n’ai cessé de dénoncer, documents et témoignages à l’appui,  depuis la sortie de mon enquête sur Monsanto. Récemment encore, je publiais un extrait de mon livre (voir sur ce blog), où je rapportais le suicide massif des paysans de la région de Vidharba (Etat de l’Andhra Pradesh), qui s’étaient lourdement endettés pour acheter les « semences miracles » et avaient vu leur récolte réduite à néant, en raison de la fragilité du coton BT. J’avais moi-même pu assister à l’inhumation d’un jeune paysan de vingt-cinq ans, qui s’était suicidé en avalant du pesticide (photo).

Mon texte (et photos) avait suscité un déchaînement intempestif des lobbyistes de l’industrie qui prétendaient, au contraire, que les OGM de Monsanto et consorts faisaient le bonheur des paysans indiens ! Las ! Le gouvernement de l’Andhra Pradesh  vient d’annoncer que la récolte dans cet Etat cotonnier est inférieure de moitié à celle de l’année précédente et d’ordonner que Bayer CropScience, le confrère de Monsanto, paie des compensations aux paysans sinistrés.

L’article du Monde cite le directeur de l’Institut de la recherche sur le coton qui « met en garde contre la vulnérabilité accrue du coton transgénique contre les bactéries », chose que deux scientifiques indiens rencontrés pour mon enquête soulignaient déjà ! Il note aussi que les OGM, – qui sont des créations de laboratoire, sans aucun rapport avec les réalités agronomiques du terrain ( les tests pratiqués en champs représentent de véritables farces, ainsi que je l’ai aussi révélé) -, sont de grands consommateurs d’engrais chimiques et d’eau, pour pouvoir donner des rendements corrects et être en mesure de résister aux parasites. Or, ce modèle agroindustriel , gourmand d’intrants, ne convient absolument pas à l’Inde, où l’immense majorité des paysans sont de petits producteurs exploitant rarement plus qu’un hectare. Je souligne, au passage, que ce modèle est aussi à l’origine de l’effondrement des revenus des grands céréaliers américains, dont les coûts de production n’ont cessé de grimper depuis l’avènement des OGM, ainsi qu’on le verra bientôt dans mon prochain film et livre:

www.m2rfilms.com

Le dernier paragraphe de l’article du Monde confirme aussi ce que j’ai montré il y a déjà quatre ans : les semences traditionnelles et locales de coton ont quasiment disparu, rendant problématique une sortie du désastre transgénique. La raison ? Le rachat par Monsanto et consorts des compagnies semencières locales qui a permis de faire disparaître les semences locales, en imposant des semences transgéniques. Un sinistre tour de passe-passe qui permet, ensuite, aux lobbyistes de saluer la progression des OGM en Inde ! Or, cette progression ne signifie en rien l’adhésion des paysans indiens aux OGM, mais constitue, au contraire, la preuve que Monsanto et autres Bayer ont réussi leur holdup sur le pays.

Ainsi qu’on le verra dans mon prochain film et livre, l’alternative à ce modèle suicidaire c’est l’agro-écologie qui représente un mode de production durable, respectueux des ressources naturelles et efficace, permettant aux paysans de vivre dignement de leur travail  de façon autonome. Tout le contraire des OGM qui ont transformé les paysans en de nouveaux serfs de l’industrie…

Je retranscris ici l’article du Monde et invite les internautes à surfer sur mon blog ou à lire Le Monde selon Monsanto (il n’est jamais trop tard !)

Dix ans après son introduction en Inde, le coton transgénique n’a pas rempli toutes ses promesses. La plante est vulnérable à de nouvelles maladies et la hausse des rendements est moins élevée que prévue.

Le gouvernement de l’Etat de l’Andhra Pradesh a ainsi annoncé qu’en 2011 la récolte sur près des deux tiers de ses surfaces cultivées avait été inférieure de moitié à celle de l’année précédente. Et, pour la première fois, le gouvernement du Maharashtra ainsi qu’un tribunal d’un Etat voisin, le Madhya Pradesh, ont ordonné au semencier allemand Bayer CropScience de verser près de 850 000 euros de compensation à plus de 1 000 agriculteurs pour leur avoir vendu des semences n’ayant pas donné les récoltes promises.

L’entreprise allemande rejette toute responsabilité et met en cause la « mauvaise gestion des récoltes ainsi que les conditions météorologiques difficiles ». Elle étudie un recours en justice pour obtenir l’annulation de ces décisions.

Depuis l’introduction, en 2002, du coton génétiquement modifié en Inde, les récoltes ont doublé et le pays s’est hissé au rang de deuxième producteur mondial. Mais la « révolution blanche », comme on la surnommait au départ, suscite désormais la méfiance. Les opposants aux OGM estiment qu’au début des années 2000 la hausse des rendements était due, en grande partie, à une meilleure irrigation et à des conditions météorologiques favorables. Au cours des six dernières années, le rendement moyen par hectare a stagné alors que les cultures de coton transgénique ont plus que quadruplé.

VULNÉRABILITÉ AUX BACTÉRIES

En 2009, Monsanto a admis pour la première fois que sa variété de coton Bollgard avait perdu toute résistance au ver rose dans des champs du Gujarat, à l’ouest du pays. Deux ans plus tard, le directeur de l’Institut pour la recherche sur le coton (CICR), Keshav Raj Kranthi, a mis en garde contre la vulnérabilité accrue du coton transgénique aux bactéries.

« La productivité dans le nord de l’Inde devrait décliner en raison de la baisse du potentiel des semences hybrides, de l’apparition du problème du virus de la frisolée sur les nouvelles semences hybrides génétiquement modifiées et d’un haut niveau de vulnérabilité aux parasites suceurs (les variétés non génétiquement modifiées étaient résistantes) », lit-on dans un rapport publié en mai 2011. M. Kranthi constate également que les semences transgéniques consomment davantage d’eau et de nutriments, conduisant à l’épuisement des sols. Elles ont donc besoin d’engrais pour donner des rendements maximaux.

Ces engrais, insecticides et semences génétiquement modifiées ont un coût. Les paysans doivent s’endetter, souvent auprès d’usuriers locaux ou directement auprès des vendeurs de semences et d’engrais. La moindre chute des cours du coton ou des conditions météorologiques défavorables débouchent parfois sur des tragédies. En 2006, dans la région de Vidarbha, des milliers de paysans qui ne pouvaient plus rembourser leurs dettes se sont suicidés en ingurgitant des pesticides.

APPEL À UN MORATOIRE

Le coton OGM est une nouvelle technologie qui nécessite un savoir-faire pour être mise à profit. Chacune des 780 variétés mises sur le marché indien correspond à un type de sol particulier et à des besoins différents en engrais. Pour éviter que les bactéries ou insectes développent des résistances aux variétés transgéniques, des semences locales doivent également être plantées dans de justes proportions.

« Les petits paysans n’ont aucune idée de ce qu’ils achètent et savent encore moins comment faire pousser ces nouvelles variétés. Leur savoir-faire traditionnel est en train de disparaître », s’alarme Sridhar Radhakrishnan, de la Coalition pour une Inde sans OGM.

En cas de défaillance des récoltes, l’Inde n’a prévu aucune disposition juridique pour permettre aux agriculteurs de réclamer des compensations. « Si quelque chose ne va pas ou si les fermiers sont en difficulté, les Etats doivent prévoir des lois qui obligent les entreprises à leur verser des compensations », a admis devant le Parlement indien le ministre de l’agriculture, Sharad Pawar, le 30 mars.

Dix ans après l’introduction du coton transgénique, les semences locales ont quasiment disparu. Le marché des semences transgéniques, installé à grand renfort de publicité, est estimé à 280 millions d’euros. Les semenciers promettent de commercialiser des variétés encore plus résistantes et moins consommatrices d’eau ou d’engrais. Les opposants, eux, appellent à un moratoire sur la culture du coton transgénique en Inde.

Prochain article : la maladie de Parkinson reconnue comme maladie professionnelle