Nouvelles en vrac: Argentine, Monsanto, Albert Londres et Notre Dame des Landes

La semaine qui vient de s’écouler fut particulièrement riche et émouvante. Par un hasard de calendrier, plusieurs événements se sont succédé qui m’ont replongée dans des enquêtes très différentes que j’ai conduites au cours des vingt dernières années.

Pour commencer, j’ai reçu ce lien vers une page de France TV qui m’a surprise et, je dois reconnaître, fait très plaisir. Il s’agit d’un court reportage de Catherine Le Brech et Hervé Pozzo, avec texte, archives et interview, synthétisant l’incroyable affaire qu’a suscité mon film Voleurs d’organes, diffusé sur Planète Câble,  (une version plus courte diffusée sur M6 s’intitulait Voleurs d’yeux) qui m’a valu le prix Albert Londres en 1995 et…  beaucoup d’ennuis.  Je vais bientôt rendre accessible sur mon site les principaux documents de cette histoire digne d’un vrai polar à laquelle j’ai consacré un livre (Voleurs d’organes : enquête sur un trafic) que je mettrai bientôt en ligne sous forme de PDF.

http://www.mariemoniquerobin.com/

Dans le reportage , mes confrères ont interviewé Stéphane Joseph, le directeur de la communication du prix Albert Londres, qui raconte le rôle de « pseudo journalistes sud-américains » et de la CIA  dans la campagne de diffamation et de discrédit qui a suivi ma nomination pour le « Goncourt de la presse ». Avec du recul, je me dis, aujourd’hui, que c’était la première fois, dans ma carrière de journaliste, que je faisais face à un lobbying très puissant, capable d’envoyer à Paris des émissaires de Washington et de Bogota, pour défendre à tout prix leurs sordides intérêts… Il faut croire que j’avais mis « la plume dans la plaie« , pour reprendre l’expression d’Albert Londres,  car si tel n’était pas le cas, il est difficile de comprendre cette énergie déployée pour me faire enlever un prix certes « très prestigieux », mais inconnu en Colombie et aux États Unis…

http://geopolis.francetvinfo.fr/marie-monique-robin-prix-tv-1995-pour-voleurs-dorganes-15537

Vendredi, j’ai été auditionnée à l’ambassade d’Argentine dans le cadre du procès qui se tient actuellement à Rosario contre le général Ramón Diaz Bessone , l’un des membres de la junte militaire qui prit le pouvoir après le coup d’État de mars 1976. J’avais interviewé cet idéologue fasciste et tortionnaire pour mon film (et livre) Escadrons de la mort : l’école française qui provoqua une « commotion nationale » en Argentine au point de permettre la réouverture de plus de quatre cents procès contre les bourreaux de l’une des dictatures les plus sanglantes du XXème siècle (au moins 20 000 disparus). Comme je l’ai raconté sur ce blog, j’ai déjà participé physiquement à trois procès en Argentine, comme « témoin clé ». Pour la deuxième fois, ne pouvant me rendre en Argentine, j’ai été auditionnée par vidéo conférence.J’ai été reçue chaleureusement par le ministre Luis maria Sobron, consul d’Argentine (que l’on voit sur la photo).

Pendant mon audition, le tribunal a diffusé mon film Escadrons de la mort: l’école française qui était sorti au cinéma ainsi que sur une chaîne argentine.

Pour les hispanophones, voici l’un des articles qui rapportent mon témoignage.

http://www.pagina12.com.ar/diario/suplementos/rosario/10-39035-2013-05-26.html

Vous pouvez trouver plus d’informations sur cette enquête qui a conduit trois généraux argentins en prison sur mon  site :

http://www.mariemoniquerobin.com/escadronsdelamortsynospis.html

Samedi, j’ai participé au sit-in organisé par Estelle, Louise et Amande, trois jeunes femmes dynamiques qui ont répondu à l’appel de Occupy Monsanto.

http://occupy-monsanto.com/

Ce mouvement, aujourd’hui planétaire, a été initié aux Etats Unis pour attirer l’attention des citoyens et des pouvoirs publics sur  le danger que représente la firme de Saint Louis pour l’environnement, la santé des humains et la souveraineté alimentaire des peuples. Ce 25 mai, des sit-in ont eu lieu dans de nombreuses villes du monde Le monde selon Monsanto. J’ai, pour ma part, reçu des messages de tous les pays où j’ai présenté mon film et mon livre (traduit en seize langues : du Brésil, Paraguay, Argentine, Mexique, Canada, Japon, Allemagne…

Malgré une météo très incertaine, quelque 1500 personnes s’étaient réunies sur le parvis des droits de l’homme de l’esplanade du Trocadéro.

Photos: Nadia Collot

https://www.facebook.com/events/160596650769757

Pour ceux et celles qui n’auraient pas encore vu Le monde selon Monsanto: le film sera rediffusé sur ARTE, samedi 1er juin, à 12 heures 10.

Sur l’impact du documentaire et du film éponyme, lire sur mon site personnel:

http://www.mariemoniquerobin.com/monsantosynopsis.html

Enfin, j’informe les internautes que j’organise un bus , le 8 juin, pour tous ceux et celles qui désirent participer à ma remise de légion d’honneur à Notre Dame des Landes, par Dominique Méda, sociologue et philosophe française. Cette journée sera l’occasion de lancer un débat public sur les concepts de « développement «  et de « richesse », des thèmes traités depuis de nombreuses années par Dominique Méda, qui fut dans ce domaine une pionnière. Ce sera aussi l’occasion de questionner le dogme de la croissance illimitée et de réfléchir ensemble aux alternatives théoriques et pratiques que devraient promouvoir nos hommes et femmes politiques pour faire face aux nombreuses facettes de la « crise » qui nous frappe. Pour réserver des places sur le bus, il suffit d’écrire sur la boîte de m2rfilms, où vous découvrirez le projet de ma prochaine enquête , baptisée provisoirement Sacrée croissance !,  pour laquelle ( comme pour Les moissons du futur), j’ai lancé une nouvelle souscription (environ 1500 à ce jour).

www.m2rfilms.com

Voleurs d’yeux bientôt en DVD

J’ai le plaisir de vous informer que mon film « Voleurs d’yeux« , couronné par le Prix Albert Londres en 1995, sera  distribué en octobre prochain dans un DVD, édité par les Éditions Montparnasse. Celui-ci regroupera tous les documentaires récompensés depuis la création du Prix audiovisuel, ainsi que le souligne le texte de présentation du coffret  coffret:

Des vallées afghanes aux tours de verre de La Défense, les grands reporters du Prix Albert Londres écrivent l’Histoire de notre temps. Avec pour seules armes, une caméra, de la patience et de l’obstination.

 

Ce coffret, qui regroupe tous les films récompensés depuis la création du Prix, témoigne du courage, de l’indépendance et du talent de tous ceux dont le métier est de nous informer de l’état du monde. En racontant les guerres, en Irak au Rwanda ou au Moyen-Orient. En décrivant aussi, la vie quotidienne à Beyrouth, à Sarajevo, à Gaza…

 

Sans oublier de porter la plume dans la plaie en dénonçant, quand il le faut, des injustices ou des scandales plus proches de nous.

Ce coffret de 10 DVD est vendu au bénéfice de l’Association Albert Londres.

Prix de vente conseillé : 70 euros (10 DVD, environ 25 heures de programmes).

Christophe de Ponfilly, Les Combattants de l’insolence (Afghanistan, 52 mn, 1985) – Philippe Rochot, Village chrétien de Mardouché, La bataille de Sabra, Une méthode d’enlèvement , Journaliste au Liban, Beyrouth et les otages (Liban, 1986) – Frédéric Laffont, La guerre des nerfs (Liban, 1987) – Daniel Leconte, Barbie, sa deuxième vie (Bolivie, France, 52 mn, 1988) – Denis Vincenti et Patrick Schmitt, Les Enfants de la honte (France – 1989) – Gilles de Maistre, J’ai douze ans et je fais la guerre (Irlande, Colombie, Cambodge, Mozambique, USA, 53 mn, 1990) – Dominique Tierce et Hervé Brusini, L’Affaire Farewell (France, URSS, 45 mn, 1991) – Lise Blanchet et Jean Michel Destang, Le Grand Schpountz (France – 52 mn, 1992) –  Jean-Jacques Le Garrec Cinq jours dans Sarajevo (Bosnie, 1993) – Florence Dauchez, Rachida, lettre d’Algérie (Algérie, 52 mn, 1994) – Marie-Monique Robin, Voleurs d’yeux (Argentine, Mexique, Colombie, 57 mn, 1995) – Patrick Boitet et Frédéric Tonolli, Les Seigneurs de Behring (Russie, 52 mn, 1996) – Claude Sempere, La Corse (France, 1997) – Catherine Jentile et Manuel Joachim, Chronique d’une tempête annoncée (Israël, Palestine, 1998) – Christophe Weber et Nicolas Glimois, Les blanchisseuses de Magdalen (Irlande, 52 mn, 1999) – Rivoherizo Andriakoto Les damnés de la terre (Madagascar, 52 mn, 2000) – Danielle Arbid, Seule avec la guerre ( Liban, 59 mn, 2001) – Thierry et Jean-Xavier de Lestrade, La justice des hommes (Rwanda, 91 mn, 2002) – Bertrand Coq et Gilles Jacquier, Reportages à Naplouse (Palestine, 2003) – Rithy Panh, S 21, la machine à tuer des Khmers Rouges (Cambodge, 100 mn, 2004) – Grégoire Deniau et Guillaume MartinTraversée clandestine (Maroc, Espagne, 50 mn, 2005), Manon Loizeau et Alexis MarantLa malédiction de naître fille (Inde, Pakistan, Chine, 52 mn, 2006) – Anne Poiret, Gwen Le Gouil, Fabrice LaunayMuttur, un crime contre l’humanitaire (Sri Lanka, 50 mn, 2007) – Alexis Monchovet, Stéphane Marchetti et Sébastien Mesquida, Rafah, chroniques d’une ville dans la bande de Gaza (Palestine, 52 mn, 2008) – Alexandre DereimsHan, le prix de la liberté (Corée du Nord, Chine, 52 mn, 2009) – Jean Robert VialletLa Mise à mort du travail (France, 180 mn, 2010).

Voici le texte qui accompagnera mon film:

Tout a commencé par une conversation à Bogota avec Hernando Corral, l’un des journalistes les plus respectés de Colombie.  » Tu devrais travailler sur le vol d’organes » m’a-t-il dit, c’est un sujet dangereux, mais tu as l’avantage d’être française et de ne pas vivre ici« .

Rentrée à Paris, j’ai contacté des organisations humanitaires comme La Cimade, l’Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), la Fondation France Liberté, et toutes ont confirmé leur préoccupation pour ce sujet. Un collectif a été créé pour soutenir mon enquête, produite par l’agence CAPA.

Il a notamment été décidé que Sylvie Deplus, ophtalmologiste et membre active de la FIDH, serait ma conseillère médicale dans cette investigation qui s’annonçait particulièrement difficile.

Pendant six mois, j’ai enquêté du nord au sud de la planète, recherchant des témoins – victimes, médecins, avocats, juges,  ou hommes politiques – prêts à rompre la loi du silence pour dénoncer un trafic  alors présenté par l’ Agence d’information des Etats Unis (USIA) comme une « rumeur fomentée par le KGB pour discréditer l’Occident« .

Finalement, le documentaire  m’a conduite en Argentine, où le ministère de la Santé venait de démanteler un trafic de cornées prélevées sur les malades mentaux du plus grand hôpital psychiatrique public du pays, en Colombie, où  les autorités avaient arrêté un réseau de trafiquants de cornées , dont les victimes étaient les chiffonniers de Cartagena, au Mexique où l’on peut se procurer des reins avec une étonnante facilité, aux Etats Unis et dans le cabinet d’un ophtalmogiste français.

Diffusé d’abord sur Planète, sous le titre de « Voleurs d’organes » (couronné par six prix internationaux), le film a ensuite été programmé dans une version raccourcie sur M6, sous le titre de « Voleurs d’yeux« . C’est ce dernier qui a reçu le Prix Albert Londres , déclenchant l’ire de l’USIA et du Dr. Ignacio Barraquer, propriétaire de la plus garnde clinique ophtalmologique de Bogota,  qui ont alors mené une énorme campagne de désinformation et de diffamation, ainsi que je l’ai raconté dans mon livre « Voleurs d’organes: enquête sur un trafic » ( Editions Bayard).

Quinze ans plus tard, et malgré toutes les épreuves que j’ai dû traverser, je suis très fière de cette enquête que je referais exactement de la même manière, s’il le fallait. N’en déplaise à tous ceux qui ont voulu étouffer un trafic odieux, dont l’existence est aujourd’hui reconnue par la plupart des instances internationales comme le Conseil de l’Europe qui écrivait en 2003 qu’il ne représente malheureusement pas « un problème nouveau« …