Ca bouge en Argentine!

Enfin de bonnes nouvelles!

A la suite de différents articles parus dans le journal Pagina 12, largement déclenchés par mon enquête sur Monsanto, la présidente Christina Kirchner vient de créer , par décret, une commission d’enquête officielle sur les conséquences sanitaires dramatiques des épandages de roundup dans les zones de production de soja transgénique (qui représentent aujourd’hui 17 millions d’hectares, soit 6O% des terres cultivées).

Récemment une juge a interdit les épandages à proximité des maisons et écoles. Dans le même temps , une série de plaintes ont été déposées, à la suite de l’explosion de cancers notamment chez les enfants, nés dans les zones de cultures de soja roundup ready. Particulièrement alarmant est le cas du quartier de Ituzaingó à Córdoba, victime des épandages du poison de Monsanto, où les mères se battent depuis des années pour que cesse cet empoisonnement, responsable d’un taux particulièrement élevé de cancers , malformations foetales et de pathologies multiples.

Récemment une équipe médicale de l’hôpital italien de Rosario, dirigée par le Dr. Oliva, a confirmé les conséquences sanitaires désastreuses du modèle transgénique:

Dès mon retour du Pérou, je mettrai en ligne cette série d’articles, mais en attendant, les hispanophones peuvent déjà consulter certains d’entre eux sur le Blog, spécialement ouvert pour préparer ma visite en Argentine, Paraguay et Chili à la fin du mois de mars.

Le mépris , ça suffit!

A quelques heures de prendre mon avion pour rentrer du Pérou, je ne peux m’empêcher de répondre à « GPF », l’un de mes détracteurs personnels (lire son commentaire concernant mon message précédent). Je suis toujours impressionnée par l’arrogance et le mépris face à la souffrance humaine affichés sans aucun état d’âme par les défenseurs du modèle transgénique.

Les nombreux articles publiés récemment par Pagina 12 en Argentine dénoncent précisément l’usage massif de roundup ou glyphosate comme source d’empoisonnement des populations. Il suffit de taper « roundup » sur le site du journal pour le vérifier.

Si la présidente Christina Kirchner a décidé (enfin) de se mobiliser (alors que son gouvernement vit largement des exportations de soja) c’est que les données relevées par les différents services de l’Etat mais aussi par des médecins sont proprement alarmantes. Le martyr vécu par le barrio de Ituzaino à Cordoba, régulièrement empoisonné par les épandages aériens de glyphosate, est parfaitement documenté: sur 5OOO habitants, 200 présentent des cancers, dont de nombreux enfants, sans parler des malformations à la naissance, épilepsie, problèmes de peau, etc.

Voilà pourquoi le juge Carlos Matheu vient de prendre une décision, qui, d’avis général, fera jurisprudence, interdisant les épandages du poison de Monsanto à moins de 1500 mètres des lieux d’habitation.

J’invite « GPF  » l’anonyme à m’accompagner fin mars lors de ma tournée argentine, pour qu’à l’instar de Saint Thomas, il puisse voir de ses propres yeux. Car c’est très facile de mépriser la souffrance des autres en restant assis dans son gentil appartement parisien. Si cela ne suffit pas, je suis prête à lui louer une petite maison au milieu des champs de soja pour voir combien de temps il tiendra.

Je rappelle, en tout cas, que lorsque je suis partie filmer en Argentine et en Paraguay, mon producteur a consulté le ministère de la Santé français: celui-ci a recommandé de porter une combinaison de protection, un masque et des bottes spéciales au moment du tournage des épandages de roundup. Ce que j’ai fait avec mon équipe, car je n’avais pas envie de « déclencher un cancer dans vingt ou trente ans », pour reprendre les termes du Pr. Robert Bellé, qui m’avait dit qu' »une seule goutte de roundup pouvait affecter le mécanisme de contrôle de la division cellulaire ».

Comment GPF peut-il honnêtement ( sauf , bien sûr, s’il est payé par Monsanto et consorts pour distiller leur propagande) défendre un tel modèle agricole???

J’en profite pour remettre en ligne mon reportage « Argentine: le soja de la faim », diffusé sur ARTE en 2005, et dont j’ai remis une copie aux représentants de vingt organisations paysannes qui participaient au séminaire de Lima et vont le diffuser dans tout le pays.

La presse péruvienne parle de ma visite

J’ai reçu plusieurs mails me demandant plus d ‘informations sur ma visite au Pérou. Voici donc quelques liens la relatant (en espagnol!)

www.semillasdediversidad.blogspot.com/
http://www.soitu.es/soitu/2009/01/29/info/1233188313_987968.html
www.andina.com.pe/espanol/Noticia.aspx
http://www.elcomercio.com.pe/ediciononline/HTML/2009-01-28/defender-cultivos-nativos-mejor-manera-frenar-transgenicos.html

Dès mon retour en France, je reviendrai sur ce séminaire très riche, auquel ont partcipé plus de 200 représentants d’organisations paysannes ou de la société civile, et qui sont partis avec un mot d’ordre: appuyer , par tous les moyens, la proposition du ministre de l’environnement, Antonio Brack de déclarer le Pérou « territoire libre d’OGM », afin de préserver son, extraordinaire biodiversité et ses milliers de semences traditionnelles.

Je vous écris du Pérou

Je vous écris (rapidement, car c’est la course!) du Pérou, où je poursuis ma tournée latinoaméricaine, après le Brésil en décembre dernier.

J’ai été invitée à présenter mon film et livre lors d’un séminaire organisé par un collectif d’associations pour sensibiliser la société civile, les journalistes et les hommes politiques aux dangers que font courir les plantes transgéniques à la biodiversité.

Or, comme l’a rappelé Antonio Brack, le ministre de l’environnement qui a ouvert le séminaire, le « Pérou représente l’un des pays mégadivers », avec l’une des plus grandes biodiversités (tant en espèces végétales qu’animales) du monde.

J’ai discuté pendant plus d’une heure avec le ministre, un écologue péruvien réputé, à qui j’ai remis une copie de mon film et livre, et qui s’oppose fermement à l’introduction des OGM dans son pays, au moment où est discuté un projet de loi censé « encadrer la culture des plantes transgéniques ».

Tout indique qu’un trafic organisé de semences transgéniques illégales de maïs BT a commencé à contaminer certaines régions du Pérou, ce qui rappelle étrangement le scénario paraguayen et brésilien, qui a conduit à la légalisation forcée des cultures transgéniques…

L’enjeu est énorme, car, comme la rappelé la Dr. Antonieta Gutiérrez, de l’Université agronome de Lima, dans sa contribution au séminaire, à l’instar de Mexique, le Pérou représente l’un des réservoirs génétiques du maïs. Celui-ci est « cultivé des zones littorales jusqu’à 3000 mètres d’altitude », preuve , s’il en était besoin, que les millions de paysans péruviens qui entretiennent cette extraordinaire biodiversité depuis des millénaires, n’ont pas attendu le « génie génétique » de multinationales comme Monsanto, pour développer des variétés adaptées aux terroirs, climats, et aléas agronomiques. Même chose pour la pomme de terre, dont le Pérou constitue le centre d’origine, avec des milliers de variétés cultivées partout dans le pays.

Le problème pour Monsanto et consorts c’est que ces variétés ne sont pas brevetées, car les paysans continuent de développer leurs propres semences, au besoin en les échangeant avec leurs voisins.

Or, par l’un des plus « grands hasards », le Pérou vient d’adopter récemment une loi autorisant le brevetage des semences, ce qui ouvre la voie aux OGM de Monsanto et consorts…

J’ai donné hier une conférence de presse devant 25 journalistes (des photos suivront). Il est intéressant de noter que le gouvernement péruvien subit actuellement de nombreuses pressions pour interdire l’étiquetage des OGM, qui entrent déjà dans le pays, notamment sous forme d’huile de soja importée du Brésil.

Etonnant, non?

Pour les hispanophones, voici deux liens vers le journal El Comercio qui représente le plus grand journal du Pérou et qui a centré mon interview sur le débat autour de l’étiquetage.

Agenda fin janvier/février

Je continue d’être assaillie de demandes en France et partout dans le monde pour des projections de mon film ou pour le lancement de mon livre. J’essaye, autant que possible, de répondre à un certain nombre d’entre elles, mais je dois aussi commencer à travailler sur mon prochain film (ARTE) et livre (La Découverte/ ARTE Edition) qui traitera des origines environnementales del’épdiémie de cancers, maladies neurologiqes (Parkinson/ Altzheimer), maladies autoimmunes, troubles de la reproduction, qui frappe le monde « occidental ».

Voici mon agenda des prochaines semaines:

– Dimanche 25 janvier: 11 heures, MJC Fernand Léger, à Corbeil Esonnes, projection de « Le monde selon Monsanto », suivie du film « Nos enfants nous accuseront », et d’un débat à 17 heures avec Jean-Paul Jaud.

– Mardi 27 janvier au vendredi 3O janvier: projection et lancement de mon livre à Lima (Pérou). Je suis l’invitée d’honneur d’un colloque organisé sur les OGM, au moment où s’annonce un débat parlementaire sur la question.

-Lundi 9 février au vendredi 13 février: tournée en Allemagne (cinq villes) où sort mon livre (chez DVA). Voir affiche. Entre janvier et décembre 2009, le film sera présenté dans cent villes d’Allemagne à l’initiative du Festival « über Macht ».

Le roundup de nouveau en accusation

Le 9 janvier dernier, Le Monde a publié un article, intitulé « Le désherbant le plus vendu au monde mis en accusation ». Il s’agit d’une nouvelle étude publiée par le professeur Gilles-Eric Séralini, biochimiste à l’Université de Caen, avec sa collègue Nora Benachour, dans la revue Chemical Research in Toxicology, qui montre « l’impact de diverses formulations et constituants » du roundup « sur des lignées cellulaires humaines. Et ce à des doses très faibles ». Cette publication confirme ce que j’ai écrit dans mon livre, dans mon chapitre sur le roundup.

Mes lecteurs peuvent consulter le comuniqué de presse sur cette importante publication du CRIIGEN – Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique – , créé par l’ancienne ministre de l’environnement et avocate Corinne Lepage, dont le professeur Séralini est membre:

Par ailleurs, dans la même page du Monde, un encadré annonçait que Monsanto avait lancé « une procédure d’homologation pour un maïs transgénique tolérant à la sécheresse ».

Info ou intox?

Cela fait plus de vingt ans que les fabricants d’OGM nous promettent des plantes transgéniques « résistantes à la sécheresse ». Or, d’après les informations que j’ai pu recueillir aussi bien auprès des chercheurs du CIMMYT (centre international pour l’amélioration du maïs et du blé) de Mexico, l’un des temples de la recherche sur le maïs (parrainé par la fondation Rockfeller), mais aussi auprès de chercheurs américains, comme Roger Elmore, l’affaire n’est pas aisée, ainsi que le résume parfaitement Benjamin Sourice, le coordinateur du site combat-monsanto, que je copie ici. En effet, la résistance à la sécheresse n’est pas conférée par un seul gène qu’il suffirait d’identifier puis de transférer dans une plante cible, mais par plusieurs gènes qui interagissent, d’où la complexité.

Par ailleurs, comme me l’ont expliqué les scientifiques du CIMMYT, point n’est besoin de fabriquer un OGM pour obtenir un maïs résistant à la sécheresse: celui-ci existe déjà dans le magnifique réservoir génétique du maïs que constitue la région de Oaxaca que j’ai visitée pour mon enquête sur Monsanto, ainsi que dans la banque de germoplasme du CIMMYT. La différence, bien sûr, c’est qu’il n’est pas breveté…

ARTICLE DE COMBAT-MONSANTO

OGM résistant à la sécheresse: découverte ou biopiraterie?

La biologie de la résistance à la sécheresse

L’annonce de la future mise sur le marché d’un maïs génétiquement modifié résistant à la sécheresse de Monsanto surprend d’un point de vue scientifique. L’expression génétique de la résistance à la sécheresse d’une plante est un phénomène complexe et encore largement sujet à étude de la part des biologistes. Il existe des plantes naturellement résistantes à la sécheresse, comme les plantes méditerranéennes ou le cactus, que les scientifiques étudient depuis de nombreuses années pour en déchiffrer le génome, mais aucune découverte majeure n’avait laisser envisager une telle annonce de la part de Monsanto.

Christian Velot, généticien et pédagogue scientifique reconnu, résume la question de la complexité biologique de la résistance ainsi: « La capacité d’une plante à résister au manque d’eau (stress hydrique) fait appel à des mécanismes extrêmement complexes impliquant un très grand nombre de gènes dont seuls quelques-uns sont connus. Le principe pour ces Plantes Génétiquement Modifiées, soi-disant résistantes à la sécheresse, est d’essayer de calquer leur métabolisme sur celui d’une plante qui consomme naturellement moins d’eau tel le sorgho africain. »

En cas de stress hydrique, la plante réagit de plusieurs façons. Dans un premier temps, elle va ralentir son métabolisme, ce qui va stopper la croissance de la plante et entraînera une baisse de la production. Si la sécheresse se prolonge, la plante puise dans se réserve hydrique et commence à perdre ses feuilles qui se dessèchent, puis la plante meurt et la récolte est détruite. Il y a donc une différence majeure entre les réactions en fonction du type de sécheresse.

Deux facteurs majeurs de tolérance à la sécheresse ont été identifiés. D’un coté le développement de la racine permettant de capter plus d’eau dans le sol, et de l’autre coté la régulation naturelle de la l’évapotranspiration de la plante. Ce processus d’évapotranspiration consiste à rejeter de l’eau dans l’atmosphère pour réguler la température et l’énergie de la plante, il se produit au niveau des stomates qui sont des cellules spécialisées de la feuille.

En 1998, un article publié dans le magazine Sciences s’intéressait à l’hormone ABA (acide abscissique) qui contrôle l’ouverture des stomates. La publication suggérait que l’inhibition du gène responsable de la production de l’hormone ABA permettrait de contrôler, ou plutôt d’empêcher, la fermeture des stomates et donc l’évapotranspiration. Cela permettrait sur une sécheresse courte que la plante ne ralentisse pas sa croissance, donc que le rendement ne soit pas affectée, en revanche cela condamne la plante plus rapidement si la sécheresse se prolonge. A l’inverse faciliter la fermeture des stomates, et donc bloquer l’evapotranspiration, permet à la plante de conserver son eau et résister plus longtemps en cas de sécheresse prolongée mais affecte largement sa productivité.

Ce dilemme scientifique est l’un des principaux de la génétique sur la question de la résistance à la sécheresse mais Monsanto semble l’avoir résolu haut la main. Auraient-ils réussi à croiser le cactus et le maïs? Lorsqu’on demande un complément d’information à Monsanto sur la cassette génétique conférant la résistance à la sécheresse, la firme répond qu’il s’agit d’une « confidential business information » qui sera jalousement protégée par un brevet.

Une autre limite se pose aux généticiens, il s’agit du comportement de la plante programmée pour résister à la sécheresse en cas de conditions hydriques normales. Ainsi un trop fort apport hydrique est tout aussi perturbant pour le métabolisme de la plante et conduira à une chute du rendement. Par exemple le blé syrien reconnu pour sa capacité naturelle à résister à la sécheresse aura des rendements moindre sous des latitudes plus humides. Or aucun agriculteur ne peut prévoir une sécheresse dans la prochaine saison avant de sélectionner ses semences.

Dans l’article « Desert Grain » paru dans la revue scientifique The Ecologist, en novembre 2008, le Pr Jack Heinemann, biologiste et expert sur la question pour l’ONU, commente: « il n’existe pas « de gênes magiques » pour la résistance à la sécheresse, parce que ce qui rend une plante tolérante variera en fonction des espèces, du type d’environnement pour lequel elle est adaptée et des objectifs du fermier ».

D’ailleurs selon Christian Velot: « dans le berceau du maïs qu’est le Mexique, on trouve naturellement du maïs qui pousse avec peu d’eau et qui est le résultat de la sélection massale pratiquée par les paysans depuis des millénaires. Mais, étrangement, ce caractère fort intéressant n’a pas été retenu par les semenciers dans leurs processus de sélection ». Si cette caractéristique naturelle n’a pas été retenue, c’est qu’elle ne peut pas être considérée comme une découverte et donc soumise à un brevet, or sans brevet la compagnie de biotech ne pourra pas demander aux producteurs des royalties sur sa « nouvelle » technologie.

Finalement, dans un autre article scientifique, M. Serge Hamon de L’Institut de Recherche pour le Développement, dont l’engouement pour les OGM n’est pas un secret, a pourtant ce commentaire: « Le fait que la quantité d’eau puisse être limitante ou de mauvaise qualité (saumâtre) peut se gérer certainement à plusieurs niveaux totalement différents […]: changements des méthodes culturales, emplois de variétés plus rustiques, sélection progressive de population plus adaptée au déficit hydrique. En revanche, la probabilité que par les biotechnologies (PGM) on arrive à gérer globalement la résistance à la sécheresse est aujourd’hui du domaine de l’utopie. (Novembre 2007) »

Benjamin Sourice
Combat Monsanto.

Photo:

– Des épis de maïs séchent dans la région de Oaxaca, le centre d’origine du maïs, aujourd’hui menacé par la contamination génétique.