la tarte aux cerises industrielle

Au moment où je rédige mon livre « Notre poison quotidien », qui sortira en même temps que mon film éponyme sur ARTE, je tombe sur ce texte, consacré à « la tarte aux cerises de supermarché« .

Il a été rédigé par Claude Bourguignon, un ingénieur agronome qui travailla à l’INRA, avant de quitter l’honorable maison pour cause de désaccord. Spécialiste de la microbiologie des sols, c’est lui qui démontra, pour la première fois, que les sols cultivés à grand renfort d’engrais chimiques et de pesticides, étaient biologiquement … morts. Tout ce qui fait la vie, et donc la qualité des terres, à savoir les populations microbiennes et fongiques, est détruit par les produits chimiques, conduisant à une perte des nutriments et à l’érosion des sols.

Membre de la Société américaine de microbiologie – en France , il n’ y a plus aucune chaire de microbiologie des sols, y compris à l’INRA! – Claude Bourguignon a créé avec sa femme le Laboratoire d’analyse microbiologique des sols, qui intervient dans de nombreux pays, pour aider les agriculteurs à retrouver la fertilité de leurs sols.

Voici, en tout cas, la liste des produits chimiques utilisés pour la fabrication d’une tarte aux cerises de supermarché, depuis le champ de blé jusqu’à l’usine agroalimentaire.

Bon appétit!

Histoire de la Pâte
Pour obtenir la farine, les grains de blé ont été enrobés d’un fongicide  avant semis. Pendant sa culture, le blé a reçu de 2 à 6 traitements de  pesticides selon les années, 1 traitement aux hormones pour raccourcir les tiges
afin d’éviter la verse et 1 dose importante d’engrais: 240 kg d’azote, 100 kg  de phosphore et 100 kg de potassium à l’hectare, tout de même !
Le blé moissonné, dans le silo, après récolte, les grains sont fumigés au tétrachlorure de carbone et au bisulfide de carbone, puis arrosés au chlopyriphosméthyl. Pour la mouture, la farine reçoit du chlorure de nitrosyl, puis de l’acide ascorbique, de la farine de fève, du gluten et de l’amylase.
Ensuite, il faut faire lever la pâte. La poudre levante est traitée au  silicate de calcium et l’amidon est blanchi au permanganate de potassium. Pas de  pâte sans corps gras. Ceux-ci reçoivent un antioxydant (pour éviter le
rancissement) comme l’hydroxytoluène de butyl et un émulsifiant type lécithine.

Histoire de la Crème
La crème sur laquelle vont reposer les cerises se fait avec des oeufs, du  lait, et même de l’huile.
* Les oeufs proviennent d’un élevage industriel où les poules sont  nourries avec des granulés contenant des :
– antioxydants (E300 à E311),
– arômes,
– émulsifiants: alginate de calcium,
– conservateurs : acide formique,
– colorants : capsanthéine,
– agents liants: lignosulfate
– et enfin des appétants : glutamate de sodium, pour qu’elles puissent  avaler tout ça.
Elles reçoivent aussi des antibiotiques, bien entendu, et surtout des anticoccidiens. Les oeufs, avant séchage, reçoivent des émulsifiants, des agents actifs de surface comme l’acide cholique et une enzyme pour retirer le sucre du blanc.
* Le lait provient d’un élevage industriel où les vaches reçoivent une alimentation riche en produits chimiques :
– antibiotiques : flavophospholipol (F712) ou monensin-sodium (F714)
– antioxydants : ascorbate de sodium (F301), alphatocophérol de synthèse
(F307), buthyl-hydrox-toluène (F321) ou éthoxyquine (E324),
– émulsifiants : alginate de propylène-glycol (F405) ou polyéthylène  glycol
(F496),
– conservateurs : acide acétique, acide tartrique (E334), acide  propionique
(F280) et ses dérivés (F281 à E284),
– composés azotés chimiques : urée (F801) ou diurédo-isobutane (F803),
– agents liants : stéarate de sodium,
– colorants : F131 ou F142
– et enfin des appétants pour que les vaches puissent manger tout ça,  comme le glutamate de sodium.
* Les huiles, quant à elles, ont été :
– extraites par des solvants comme l’acétone,
– puis raffinées par action de l’acide sulfurique,
– puis lavageà chaud,
– neutralisées à la lessive de soude,
– décolorées au bioxyde de chlore ou au bichromate de potassium
– et désodorisées à 160°C avec du chlorure de zinc.
– Enfin, elles ont été recolorées à la curcumine.
La crème de la tarte, une fois fabriquée, reçoit des arômes et des  stabilisants comme l’acide alginique (E400).

Histoire des Cerises (complété d’apres des elements de « Aromatherapie »  Jean Valnet 1990, Maloine)
Les cerisiers ont reçu pendant la saison entre 10 et 40 traitements de pesticides selon les années.
* Les cerises sont :
– décolorées à l’anhydride sulfureux
– et recolorées de façon uniforme à l’acide carminique ou à l’érythrosine.
– Elles sont plongées dans une saumure contenant du sulfate d’aluminium
– et à la sortie, reçoivent un conservateur comme le sorbate de potassium (E202).
Elles sont enfin enduites d’un sucre qui provient de betteraves qui, comme  les blés, ont reçu leur bonne dose d’engrais et de pesticides. Ce sucre est  extrait par :
– défécation à la chaux et à l’anhydride sulfureux,
– puis décoloré au sulfoxylate de sodium,
– puis raffiné au norite et à l’alcool isopropylique.
– Il est enfin azuré au bleu anthraquinonique.
Par ces traitements, les cerises ayant donc perdu tout leur goût, il est necessaire d’ajouter un parfum artificiel alimentaire. Ce parfum est une recréation synthetique du goût et de l’odeur à partir d’éléments  artificiels
issus de la chimie du pétrole aux prix de revient extrêmement faibles-  par économie d’echelle – en comparaison du parfum naturel de fruit.
L’exemple developpé est ici la cerise, mais de tels composés servent à recréer aussi bien des parfums artificiels de fraise, d’ananas, de framboise, de miel, de  caramel, de muguet.. etc.
* Le parfum artificel de cerise se compose donc des molécules synthetiques (donc à la stéréochimie inversée) suivantes :
– acétate d’ethyle
– acéthyl méthylcarbinol
– butyrate d’isoamyle
– caproate d’ethyle
– caprylate d’isoamyle
– caprate d’ethyle
– butyrate de terpenyle
– geraniol
– butyrate de geranyl – acetylacetate d’ethyle
– heptanoate d’ethyle
– aldéhyde benzoique
– aldéhyde p-toluique
– vanilline
– essence artificielle d’amande amère SAP
– essence artificielle de girofle Bourbon
– essence artificielle de cannelle Ceylan
– essence de lie de vin .

Voleurs d’yeux bientôt en DVD

J’ai le plaisir de vous informer que mon film « Voleurs d’yeux« , couronné par le Prix Albert Londres en 1995, sera  distribué en octobre prochain dans un DVD, édité par les Éditions Montparnasse. Celui-ci regroupera tous les documentaires récompensés depuis la création du Prix audiovisuel, ainsi que le souligne le texte de présentation du coffret  coffret:

Des vallées afghanes aux tours de verre de La Défense, les grands reporters du Prix Albert Londres écrivent l’Histoire de notre temps. Avec pour seules armes, une caméra, de la patience et de l’obstination.

 

Ce coffret, qui regroupe tous les films récompensés depuis la création du Prix, témoigne du courage, de l’indépendance et du talent de tous ceux dont le métier est de nous informer de l’état du monde. En racontant les guerres, en Irak au Rwanda ou au Moyen-Orient. En décrivant aussi, la vie quotidienne à Beyrouth, à Sarajevo, à Gaza…

 

Sans oublier de porter la plume dans la plaie en dénonçant, quand il le faut, des injustices ou des scandales plus proches de nous.

Ce coffret de 10 DVD est vendu au bénéfice de l’Association Albert Londres.

Prix de vente conseillé : 70 euros (10 DVD, environ 25 heures de programmes).

Christophe de Ponfilly, Les Combattants de l’insolence (Afghanistan, 52 mn, 1985) – Philippe Rochot, Village chrétien de Mardouché, La bataille de Sabra, Une méthode d’enlèvement , Journaliste au Liban, Beyrouth et les otages (Liban, 1986) – Frédéric Laffont, La guerre des nerfs (Liban, 1987) – Daniel Leconte, Barbie, sa deuxième vie (Bolivie, France, 52 mn, 1988) – Denis Vincenti et Patrick Schmitt, Les Enfants de la honte (France – 1989) – Gilles de Maistre, J’ai douze ans et je fais la guerre (Irlande, Colombie, Cambodge, Mozambique, USA, 53 mn, 1990) – Dominique Tierce et Hervé Brusini, L’Affaire Farewell (France, URSS, 45 mn, 1991) – Lise Blanchet et Jean Michel Destang, Le Grand Schpountz (France – 52 mn, 1992) –  Jean-Jacques Le Garrec Cinq jours dans Sarajevo (Bosnie, 1993) – Florence Dauchez, Rachida, lettre d’Algérie (Algérie, 52 mn, 1994) – Marie-Monique Robin, Voleurs d’yeux (Argentine, Mexique, Colombie, 57 mn, 1995) – Patrick Boitet et Frédéric Tonolli, Les Seigneurs de Behring (Russie, 52 mn, 1996) – Claude Sempere, La Corse (France, 1997) – Catherine Jentile et Manuel Joachim, Chronique d’une tempête annoncée (Israël, Palestine, 1998) – Christophe Weber et Nicolas Glimois, Les blanchisseuses de Magdalen (Irlande, 52 mn, 1999) – Rivoherizo Andriakoto Les damnés de la terre (Madagascar, 52 mn, 2000) – Danielle Arbid, Seule avec la guerre ( Liban, 59 mn, 2001) – Thierry et Jean-Xavier de Lestrade, La justice des hommes (Rwanda, 91 mn, 2002) – Bertrand Coq et Gilles Jacquier, Reportages à Naplouse (Palestine, 2003) – Rithy Panh, S 21, la machine à tuer des Khmers Rouges (Cambodge, 100 mn, 2004) – Grégoire Deniau et Guillaume MartinTraversée clandestine (Maroc, Espagne, 50 mn, 2005), Manon Loizeau et Alexis MarantLa malédiction de naître fille (Inde, Pakistan, Chine, 52 mn, 2006) – Anne Poiret, Gwen Le Gouil, Fabrice LaunayMuttur, un crime contre l’humanitaire (Sri Lanka, 50 mn, 2007) – Alexis Monchovet, Stéphane Marchetti et Sébastien Mesquida, Rafah, chroniques d’une ville dans la bande de Gaza (Palestine, 52 mn, 2008) – Alexandre DereimsHan, le prix de la liberté (Corée du Nord, Chine, 52 mn, 2009) – Jean Robert VialletLa Mise à mort du travail (France, 180 mn, 2010).

Voici le texte qui accompagnera mon film:

Tout a commencé par une conversation à Bogota avec Hernando Corral, l’un des journalistes les plus respectés de Colombie.  » Tu devrais travailler sur le vol d’organes » m’a-t-il dit, c’est un sujet dangereux, mais tu as l’avantage d’être française et de ne pas vivre ici« .

Rentrée à Paris, j’ai contacté des organisations humanitaires comme La Cimade, l’Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), la Fondation France Liberté, et toutes ont confirmé leur préoccupation pour ce sujet. Un collectif a été créé pour soutenir mon enquête, produite par l’agence CAPA.

Il a notamment été décidé que Sylvie Deplus, ophtalmologiste et membre active de la FIDH, serait ma conseillère médicale dans cette investigation qui s’annonçait particulièrement difficile.

Pendant six mois, j’ai enquêté du nord au sud de la planète, recherchant des témoins – victimes, médecins, avocats, juges,  ou hommes politiques – prêts à rompre la loi du silence pour dénoncer un trafic  alors présenté par l’ Agence d’information des Etats Unis (USIA) comme une « rumeur fomentée par le KGB pour discréditer l’Occident« .

Finalement, le documentaire  m’a conduite en Argentine, où le ministère de la Santé venait de démanteler un trafic de cornées prélevées sur les malades mentaux du plus grand hôpital psychiatrique public du pays, en Colombie, où  les autorités avaient arrêté un réseau de trafiquants de cornées , dont les victimes étaient les chiffonniers de Cartagena, au Mexique où l’on peut se procurer des reins avec une étonnante facilité, aux Etats Unis et dans le cabinet d’un ophtalmogiste français.

Diffusé d’abord sur Planète, sous le titre de « Voleurs d’organes » (couronné par six prix internationaux), le film a ensuite été programmé dans une version raccourcie sur M6, sous le titre de « Voleurs d’yeux« . C’est ce dernier qui a reçu le Prix Albert Londres , déclenchant l’ire de l’USIA et du Dr. Ignacio Barraquer, propriétaire de la plus garnde clinique ophtalmologique de Bogota,  qui ont alors mené une énorme campagne de désinformation et de diffamation, ainsi que je l’ai raconté dans mon livre « Voleurs d’organes: enquête sur un trafic » ( Editions Bayard).

Quinze ans plus tard, et malgré toutes les épreuves que j’ai dû traverser, je suis très fière de cette enquête que je referais exactement de la même manière, s’il le fallait. N’en déplaise à tous ceux qui ont voulu étouffer un trafic odieux, dont l’existence est aujourd’hui reconnue par la plupart des instances internationales comme le Conseil de l’Europe qui écrivait en 2003 qu’il ne représente malheureusement pas « un problème nouveau« …

Réponses à quelques contre vérités

À la bonne heure, le débat reprend sur mon Blog ! Et je constate que certains détracteurs  patentés, tel « La coupe est pleine » dont j’ai démontré le lien avec le lobby pro-OGM (voir mon ancien Blog « Le monde selon Monsanto »), n’ont pas perdu leur virulence, n’hésitant pas à tomber dans l’injure. Il est plus facile d’insulter ses adversaires que d’argumenter, surtout quand on se contente de répéter les pseudo données fournies par un commanditaire, doté d’un service de propagande puissant ainsi que je l’ai démontré dans mon film et livre « Le monde selon Monsanto ».

Je me contente de répondre à quelques contre vérités véhiculées dans les commentaires concernant mon article sur  l’échec du coton BT en Inde.

« La Coupe est pleine » a notamment écrit :

Il y a quand même quelque chose d’étrange, vous affirmez qu’en 2002 déjà ce coton était « un cauchemar ». Soit mais alors comment expliquer qu’en 2009 ce maudit coton couvrait 92,4 POURCENTS de la surtface (sic) de coton Indienne ! (cf le rapport de l’ISAAA). Il faut vraiment que les Indiens soient masochistes pour cultiver autant une plante si nulle ….

Le problème, et il est de taille, c’est que l’ International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAAA) est tout sauf une source fiable. Dans un article, publié le 15 février 2008, intitulé « Les surfaces cultivées en OGM ont augmenté de 12 % en 2007 », Le Monde soulignait que l’ISAAA est un « institut basé aux Etats-Unis et financé par des organisations comme la Fondation Rockfeller ou la société Monsanto”.

Chaque année, l’organisme  publie un rapport triomphaliste où il  constate  immanquablement l’augmentation des cultures transgéniques dans le monde. Mais les chiffres qu’il avance sont invérifiables, et parfois en contradiction avec ceux fournis par les pays concernés. C’est le cas notamment de l’Inde , où “l’institut annonce pour 2006 une surface cultivée en OGM supérieure de 400 000 hectares à la statistique gouvernementale”, commentait le quotidien du soir.

Par ailleurs, ainsi que je l’expliquais dans mon livre, si les paysans indiens se sont lancés dans la culture du coton transgénique, c’est parce que la majorité d’entre eux n’avait pas le choix : Monsanto a racheté Mahyco, la principale compagnie semencière de coton en Inde, imposant  du même coup ses semences OGM. Il est aujourd’hui très difficile d’acheter dans le sous-continent des semences de coton qui ne soient pas transgéniques.

Enfin, si l’Inde vient de rejeter la demande de mise sur le marché de l’aubergine BT de Monsonto c’est  aussi parce qu’elle a tiré les leçons de l’échec du coton BT, que j’ai minutieusement décrit dans mon livre, après l’avoir constaté de mes propres yeux dans les Etats de l’Andra Pradesh et du Maharashtra. La propagande des détracteurs brevetés par la multinationale de Saint Louis ne peut pas changer la réalité des faits.

Voici ce que j’ai écrit dans mon livre il y a deux ans, et le constat a depuis largement été confirmé :

Le dramatique échec du coton transgénique de Monsanto

Le  20 février 2002, au grand dam des organisations écologistes et paysannes, le Comité d’approbation du génie génétique du gouvernement indien donne son feu vert aux cultures de coton Bt. Cela fait déjà belle lurette que les fameux négociants de Mahyco Monsanto Biotech sillonnent les campagnes du sous-continent pour vendre leurs produits transgéniques à un moment où la première vague de suicides décime les villages.
Pour attirer le chaland, la firme ne lésine pas sur les moyens : elle engage une star de Bollywood pour vanter les OGM à la télévision (très regardée en Inde), tandis que des dizaines de milliers d’affiches sont apposées dans tout le pays où l’on voit des paysans tout sourire posant à côté d’un tracteur flambant neuf, prétendument acquis grâce aux bienfaits du coton Bt.

La première année, 55 000 paysans, soit 2 % des producteurs de coton indiens, acceptent de se lancer dans l’aventure transgénique.
« J’ai entendu parler de ces semences miraculeuses qui allaient me libérer de l’esclavage des pesticides, témoigne en 2003 pour The Washington Post un paysan de vingt-six ans de l’Andhra Pradesh, l’un des premiers États à avoir autorisé la commercialisation des OGM (en mars 2002).
La saison dernière, dès que je voyais les parasites arriver, je paniquais. J’ai pulvérisé des pesticides sur mes cultures au moins vingt fois, mais cette année, ce ne fut que trois fois . »
Indépendamment de cet avantage manifeste (qui, comme nous le verrons, disparaîtra rapidement en raison de la résistance développée par les insectes aux plantes Bt), le reste du tableau est beaucoup moins brillant, ainsi que le rapportent les paysans interrogés par The Washington Post, au terme de leur première récolte OGM :
« J’ai été moins bien payé pour mon coton Bt, parce que les acheteurs ont dit que la longueur de sa fibre était trop courte, rapporte ainsi l’un d’entre eux. Les rendements n’ont pas augmenté, et comme le prix de la semence est si élevé, je me demande si cela valait la peine . »

En effet, le brevetage des semences étant (pour l’heure) interdit en Inde, la firme de Saint-Louis ne peut pas faire appliquer le même système qu’en Amérique du Nord, à savoir exiger que les paysans rachètent tous les ans leurs semences sous peine de poursuite ; pour compenser ses « pertes », elle a donc décidé de se rabattre sur le prix des semences, en le quadruplant : alors qu’un paquet de 450 grammes coûte 450 roupies pour les semences conventionnelles, son prix s’élève à 1 850 roupies pour les OGM.

Enfin, note mon confrère du Washington Post, « le ruineux ver américain n’a pas disparu »…
Ces résultats plus que médiocres n’empêchent pas Ranjana Smetacek, la directrice des relations publiques de Monsanto India , de déclarer avec un bel aplomb :
« Le coton Bt a très bien marché dans les cinq États où il a été cultivé . »

Les témoignages rapportés par The Washington Post ont pourtant été confirmés par plusieurs études.
La première a été commanditée, dès 2002, par la Coalition pour la défense de la biodiversité (CDB) de l’Andhra Pradesh, qui regroupe cent quarante organisations de la société civile, dont la Deccan Development Society (DDS), une ONG très respectée, spécialiste de l’agriculture raisonnée et du développement durable.
La CDB a demandé à deux agronomes, le docteur Abdul Qayum, ancien cadre du ministère de l’Agriculture de l’État, et Kiran Sakkhari, de comparer les résultats agricoles et économiques du coton Bollgard avec ceux du coton non transgénique, dans le district du Warangal, où
1 200 paysans avaient succombé aux promesses de Monsanto.
Pour cela, les deux scientifiques ont observé une méthodologie très rigoureuse, consistant à suivre mensuellement les cultures transgéniques, depuis les semis (août 2002) jusqu’à la fin de la saison (mars 2003), dans trois groupes expérimentaux : dans deux villages, où vingt-deux paysans avaient planté des OGM, quatre ont été sélectionnés par tirage au sort ; à la mi-saison (novembre 2002), vingt et un paysans, provenant de onze villages, ont été interrogés sur l’état de leurs cultures transgéniques, avec, à la clé, une visite de leurs champs ; enfin, à la fin de la saison (avril 2003), un bilan a été dressé auprès de 225 petits paysans, choisis de manière aléatoire parmi les 1 200 producteurs OGM du district, dont 38,2 % possédaient moins de cinq acres (deux hectares) de terres, 37,4 % entre cinq et dix acres et 24,4 % plus de dix acres (ces derniers étant considérés en Inde comme de gros paysans).
Bien évidemment, dans le même temps, étaient enregistrées, avec la même rigueur, les performances des producteurs de coton conventionnel (groupe contrôle). Si je donne tous ces détails, c’est pour bien souligner qu’une étude scientifique digne de ce nom est à ce prix, à moins de n’être que de la propagande fumeuse

Les résultats de cette vaste enquête de terrain sont sans appel :
« Les coûts de production du coton Bt ont été en moyenne plus élevés de 1 092 roupies (par acre) que pour le coton non Bt, parce que la réduction de la consommation de pesticides a été très limitée, écrivent les deux agronomes. De plus, la baisse de rendement a été significative (35 %) pour le coton Bt, ce qui a entraîné une perte nette de 1 295 roupies en comparaison avec le coton non transgénique, lequel a enregistré un profit net de 5 368 roupies. 78 % des agriculteurs qui avaient cultivé du coton Bt ont déclaré qu’ils ne recommenceraient pas l’année prochaine . »
Pour donner de la chair à ce dispositif irréprochable d’un point de vue scientifique, la Deccan Development Society (DDC) a joint à l’initiative une équipe de « camerawomen aux pieds nus », pour reprendre l’expression du docteur P.V. Satheesh , le fondateur et directeur de l’association écologiste.
Ces six femmes qui sont toutes des paysannes illettrées et dalit (elles font partie des intouchables, situés tout en bas de l’échelle sociale traditionnelle) ont été formées aux techniques vidéos dans un atelier ouvert par la DDC, en octobre 2001, dans le petit village de Pastapur et baptisé « Community Media Trust ».
D’août 2002 à mars 2003, elles ont filmé mensuellement chez six petits producteurs de coton Bt du district de Warangal, également suivis par les deux agronomes de l’étude.
En résulte un film qui constitue un document exceptionnel sur l’échec des cultures transgéniques : on comprend, d’abord, tout l’espoir que les paysans ont mis dans les semences Bt. Les deux premiers mois, tout va bien : les plants sont en bonne santé et les insectes absents ; arrive le désenchantement : la taille des plants est très petite et les capsules moins nombreuses que dans les champs de coton conventionnel adjacents ; en octobre, alors qu’avec la sécheresse, les parasites ont déserté les cultures traditionnelles, les plantes OGM sont assiégées par les thrips du cotonnier et les mouches blanches ; en novembre, alors que débute la moisson, l’angoisse se peint sur les visages : les rendements sont très bas, les capsules difficiles à cueillir, la fibre du coton plus courte, d’où un prix de 20 % plus bas…

J’ai rencontré mes consœurs indiennes, un jour de décembre 2006, dans un champ de coton du Warangal, où elles étaient venues filmer, en compagnie de Abdul Qayum et Kiran Sakkhari. Je dois dire que j’ai été impressionnée par le professionnalisme de ces femmes magnifiques, qui, bébé dormant dans le dos, ont déployé caméra, pied, microphones et réverbérateur pour interviewer un groupe de paysans, désespérés par l’échec catastrophique de leurs cultures Bt.
Car depuis le premier rapport publié par les deux agronomes, la situation n’a fait qu’empirer, déclenchant la seconde vague de suicides qui gagnera bientôt l’État du Maharashtra.
Inquiet de cette situation dramatique, le gouvernement de l’Andhra Pradesh a conduit à son tour une étude qui a confirmé les résultats obtenus par Abdul Qayum et Kiran Sakkhari . Conscient des conséquences électorales que ce désastre pouvait entraîner, le ministre de l’Agriculture Raghuveera Reddy a alors sommé Mahyco Monsanto d’indemniser les agriculteurs pour l’échec de leurs cultures, ce que la firme s’est empressée d’ignorer.

Propagande et monopole

Pour se défendre, la multinationale de Saint-Louis a brandi une étude, publiée fort opportunément par le magazine Science, le 7 février 2003 . Ah ! les études qui font la pluie et le beau temps, dès qu’elles sont cautionnées par des revues scientifiques prestigieuses, lesquelles ont rarement — pour ne pas dire « jamais » — la bonne idée de vérifier l’origine des données présentées…

Ici, en l’occurrence, les auteurs, Matin Qaim, de l’université Berkeley (États-Unis) et David Zilberman, de l’université de Bonn (Allemagne), qui « n’ont jamais mis les pieds en Inde », pour reprendre l’expression de Vandana Shiva, ont conclu que, d’après des essais réalisés en plein champ dans « différents États indiens », le coton Bt « réduit les dégâts causés par les insectes nuisibles et augmente les rendements de manière substantielle », à savoir « jusqu’à 88 % » !

« Ce qui gêne réellement dans cet article qui glorifie la performance extraordinaire du coton Bt, commentera The Times of India, c’est qu’il est fondé exclusivement sur des données fournies par Mahyco Monsanto, concernant un petit nombre d’essais sélectionnés par la firme, et pas sur les résultats provenant des champs des paysans lors de la première récolte de coton Bt . »

Pourtant, poursuit le journal — et c’est bien cela le but recherché par la publication dans Science —, cet « article a été abondamment cité par plusieurs organismes comme la preuve des performances spectaculaires des cultures transgéniques ».

De fait, en 2004, l’étude sera longuement commentée dans un rapport de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Intitulé « La biotechnologie agricole répond-elle aux besoins des pauvres ? », cet opus a fait couler beaucoup d’encre, parce qu’il constituait un plaidoyer en faveur des OGM qui seraient capables d’« augmenter partout la productivité agricole » et de « réduire les dommages environnementaux causés par les produits chimiques toxiques », selon le mot d’introduction de Jacques Diouf, le directeur général de l’organisation onusienne.
Le rapport, en tout cas, a rempli d’aise Monsanto, qui s’est empressé de le mettre en ligne .

De même, en France, la veille de la publication de l’étude dans Science, l’Agence France Presse en diffusait un compte rendu élogieux, dont je cite un extrait, car il montre parfaitement comment la désinformation fait subrepticement son chemin, sans que l’on puisse jeter la pierre à l’agence de presse, car après tout, elle n’a fait qu’extrapoler sur les non-dits savamment calculés de l’article d’origine :
« Du coton génétiquement modifié pour résister à un insecte nuisible pourrait voir son rendement augmenter jusqu’à 80 %, selon des chercheurs qui ont fait des essais en Inde », explique la dépêche, qui précise :
« Les résultats de leurs travaux sont surprenants : on n’avait jusqu’à présent observé qu’une progression dérisoire des rendements, dans des études similaires menées en Chine et au États-Unis … »

On imagine l’impact que peut avoir cette information — largement reprise dans les médias, comme par exemple, au Québec, Le Bulletin des agriculteurs — sur des paysans (petits et moyens) qui se battent chaque jour pour leur survie.
D’autant plus que, faisant fi de toutes les données enregistrées sur le terrain, Matin Qaim n’hésite pas à déclarer :
« En dépit du coût plus élevé des semences, les fermiers ont quintuplé leur revenu avec le coton génétiquement modifié. »
Quant à son collègue David Zilberman, il a le mérite d’exposer clairement le véritable objectif de l’« étude » dans une interview au Washington Post, en mai 2003 :

« Ce serait une honte que les peurs distillées par les anti-OGM empêchent ceux qui le désirent de bénéficier de cette importante technologie . »

En attendant, The Times of India est plus prosaïque :

« Qui va payer pour l’échec du coton Bt ? », s’interroge le journal, qui rappelle qu’une loi indienne de 2001 sur la « protection des variétés végétales et des droits des agriculteurs » enjoint les sélectionneurs d’indemniser les paysans lorsque ceux-ci ont été « trompés » par les semences qu’on leur a vendues, que ce soit pour « la qualité, les rendements ou la résistance aux insectes nuisibles ».

C’est précisément cette loi qu’a voulu faire appliquer le ministre de l’Agriculture de l’Andhra Pradesh.
N’y parvenant pas, il a décidé en mai 2005 de bannir de l’État trois variétés de coton Bt produites par Mahyco Monsanto (lesquelles seront introduites peu après dans l’État du Maharashtra) .
En janvier 2006, le conflit avec la firme de Saint-Louis franchissait un nouveau cap : le ministre Raghuveera Reddy portait plainte contre Mahyco Monsanto auprès de la Monopolies and Restrictive Trade Practices Commission (MRTPC), l’organisme indien chargé du contrôle des pratiques commerciales et des mesures anti-trust, pour dénoncer le prix exorbitant des semences transgéniques ainsi que le monopole établi par le géant des OGM dans le sous-continent indien.

Le 11 mai 2006, la MRTPC donnait raison au ministre de l’Andhra Pradesh, en exigeant que le prix du paquet de 450 grammes de semences soit ramené à celui pratiqué par Monsanto aux États-Unis ou en Chine, à savoir 750 roupies maximum (et non plus 1 850 roupies). Cinq jours plus tard, la multinationale contestait la décision devant la Cour suprême, mais elle était déboutée de sa requête le 6 juin 2006, les juges estimant qu’ils n’avaient pas à interférer dans une décision qui relève de la seule compétence des États .

Quand je suis arrivée en décembre 2006 dans l’Andhra Pradesh, la situation en était là : Monsanto Mahyco avait finalement baissé le prix de ses semences au niveau exigé par le gouvernement provincial, mais le conflit était loin d’être terminé, car il restait l’épineux problème des compensations financières.

« En janvier 2006, m’explique Kiran Sakkhari, le ministère de l’Agriculture a menacé de retirer ses licences d’exploitation à la firme si elle n’indemnisait pas les paysans pour les trois dernières récoltes.

Mais je croyais que l’Andhra Pradesh avait banni trois variétés de coton Bt en 2005 ?

C’est exact, me répond l’agronome, mais Monsanto Mahyco les a immédiatement remplacées par de nouvelles variétés transgéniques ! Le gouvernement provincial n’a pas pu l’empêcher, à moins de demander à New Delhi d’interdire définitivement les OGM. Et le résultat fut aussi catastrophique, ainsi que nous l’avons révélé dans une seconde étude . Cette année, cela risque d’être encore pire, car, comme vous le voyez dans ce champ de coton Bollgard, les plants sont atteints d’une maladie appelée “rhizoctonia” qui provoque des nécroses au niveau du collet, c’est-à-dire sur la partie entre la racine et la tige. À terme, la plante dessèche et meurt.
– Les agriculteurs disent qu’ils n’ont jamais vu ça, précise le docteur Abdul Qayum. Dans la première étude que nous avions conduite, nous avions observé la maladie uniquement dans quelques plants de coton Bt. Mais avec le temps, elle s’est répandue et maintenant on la constate dans de nombreux champs de coton Bt qui commencent à contaminer les champs non transgéniques. Personnellement, je pense qu’il y a une mauvaise interaction entre la plante réceptrice et le gène qui y a été introduit. Cela a provoqué une faiblesse dans la plante, qui ne résiste plus à la rhizoctonia.

D’une manière générale, ajoute Kiran Sakkhari, le coton Bt ne résiste pas à des situations de stress comme la sécheresse ou, au contraire, de fortes précipitations.

Pourtant, dis-je, d’après Monsanto, la vente de semences transgéniques ne cesse de progresser en Inde ?

C’est ce que l’entreprise affirme et globalement c’est vrai, même si les chiffres qu’elle avance sont difficiles à vérifier, me répond l’agronome. Mais cette situation s’explique en grande partie par le monopole qu’elle a su établir en Inde, où il est devenu très difficile de trouver des semences de coton non transgéniques. Et c’est très inquiétant, car, comme nous l’avons constaté lors de notre seconde étude, la promesse que le Bt allait réduire la consommation de pesticides n’a pas été tenue, bien au contraire… »


désastre du coton BT et révélations d’un ancien cadre de Monsanto en Inde

Comme je l’expliquais dans un précédent texte, le gouvernement indien a décidé de suspendre sine die l’autorisation de mise sur le marché de l’aubergine BT, produite par Monsanto.

De même que le maïs MON 810, dont le gouvernement français a interdit la culture il y a deux ans, cette aubergine a été manipulée génétiquement pour fabriquer un insecticide, censé combattre les parasites de ce légume, dont l’Inde est le centre d’origine.
Le moratoire indien est notamment dû à deux témoignages qui ont soulevé un vif débat dans le sous-continent où , comme je le démontrais dans mon film et livre « Le monde selon Monsanto », les cultures de coton BT , autorisées en 2002, ont tourné au cauchemar pour des dizaines de milliers de petits paysans indiens.
La première mise en garde contre les effets néfastes de l’aubergine BT est venue du Dr. Keshav Kranthi , un scientifique qui aurait « détesté être taxé d’anti OGM », ainsi que l’écrit le journal The Telegraph.
De fait, il suffit de se pencher sur le CV très officiel du Dr. Kranthi, pour comprendre qu’il est (ou fut ?) un fervent défenseur de la biotechnologie, travaillant comme directeur de l’Institut Central de recherche sur le coton de Nagpur :
http://www.cicr.org.in/profiles/kranthi.htm
Il n’empêche qu’il a publié un rapport très critique sur les effets dramatiques à moyen terme du coton BT qui a entraîné l’apparition d’insectes très virulents ainsi qu’une baisse substantielle des rendements. Pour venir à bout de ces nouveaux fléaux, les paysans doivent utiliser des insecticides extrêmement toxiques, et donc s’endetter (sans parler des dangers pour leur santé).
Les anglophones peuvent lire l’interview très détaillée du scientifique :

http://www.telegraphindia.com/1100216/jsp/nation/story_12110833.jsp

Dans son rapport, le Dr. Kranthi note qu’au cours des trois dernières années, la consommation moyenne d ‘herbicides sur les fermes productrices de coton BT a considérablement augmenté, confirmant le miroir aux alouettes que représentent les plantes OGM. Dans le même temps, les rendements chutaient de 560 lint par hectare à 512.

Un fiasco.

Au moment où le Dr. Kranthi mettait en garde le gouvernement indien contre l’introduction de l’aubergine BT, Tiruvadi Jagadisan , qui fut l’un des membres de la direction de Monsanto en Inde pendant vingt ans, montait publiquement au créneau pour révéler que la firme avait « l’habitude » de falsifier les données scientifiques qu’elle soumet aux autorités indiennes.
J’invite les internautes à lire l’article de India Today ou sa traduction en français :

http://indiatoday.intoday.in/site/Story/83093/Top%20Stories/Monsanto+’faked’+data+for+approvals+claims+its+ex-chief.html

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2991

Toutes ces informations ne font que confirmer ce que j’ai longuement dénoncé dans « Le monde selon Monsanto ».

A propos de l’espérance de vie

Je profite du commentaire posté par Laurent Berthod sur « l’allongement de notre espérance de vie » pour aborder ce sujet que j’ai bien sûr traité de fond en comble avant de me lancer dans mon enquête sur les produits chimiques.

De fait, dès qu’on travaille sur le cancer et les maladies chroniques, une question revient avec la régularité d’un pendule : si la pollution chimique fait tant de dégâts, comment expliquer alors que notre espérance de vie ne cesse d’augmenter ?

La question fait le bonheur des fabricants de produits chimiques qui en profitent pour livrer un deuxième argument : il n’y a pas d’augmentation générale des cancers, mais seulement une impression trompeuse due au vieillissement général de la population (sous-entendu : les cancers sont plus fréquents chez les personnes âgées) et à de meilleures capacités de diagnostic.

Il suffit de se pencher sérieusement sur chacun de ces poncifs pour comprendre qu’aucun ne tient. Concernant le « vieillissement de la population » : dans l’interview qu’elle m’a accordée, Linda Birnbaum, la directrice du National Institute of Environmental and Health Studies des Etats Unis, m’a expliqué que l’espérance de vie était en train de stagner aux Etats Unis , et que tout indiquait qu’elle allait commencer à baisser. Sa prudence s’explique par le fait qu’il faudra attendre encore plusieurs années avant de confirmer la tendance à la baisse que plusieurs facteurs expliquent : aujourd’hui, 45 % de la population américaine est obèse, et 70% en surcharge pondérale, et l’augmentation est constante depuis des années.

Signe le plus visible de l’épidémie de maladies chroniques qui frappe la population américaine, l’obésité est associée au diabète, aux infarctus, et aux cancers. On estime que l’espérance de vie d’un obèse est de dix à vingt ans inférieure à une personne « « normale ».

Or, on sait aujourd’hui que l’obésité n’est pas due uniquement à la malbouffe et au manque d’exercice physique, mais aussi à l’exposition à des substances chimiques « obésogènes », comme les perturbateurs endocriniens, qui peuvent induire l’obésité chez des sujets qui ont été exposés in utero. C’est ce que certains scientifiques appellent « l’origine fœtale des maladies de l’adulte » : en d’autres termes, certaines molécules chimiques peuvent affecter particulièrement les fœtus et provoquer des maladies, vingt ou trente ans plus tard, chez le sujet adulte.

De plus, les personnes âgées d’aujourd’hui, celles-là mêmes sur lesquelles nous nous basons pour chanter l’augmentation de l’espérance de vie, ont toutes entre 70 et 90 ans. Elles sont nées bien avant la guerre, c’est-à-dire avant que l’environnement ne soit massivement pollué par les quelque 100 000 molécules chimiques qui ont été mises sur le marché, au cours des cinquante dernières années. Les vieux d’aujourd’hui ont grandi dans un environnement sain. Or, on sait que les produits toxiques qui contaminent notre environnement et y compris notre alimentation ont un effet d’autant plus grand que le sujet exposé est jeune.

Les statistiques fournies par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un organisme basé à Lyon, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, confirment cette interprétation des faits : l’incidence du cancer a été multipliée par deux au cours des trente dernières années, dans les pays dits « développés ». Et, ainsi que me l’a dit très clairement Christopher Wild, le directeur du CIRC, cette évolution est due à « l’environnement et au style de vie ».

Je rappelle que l’incidence désigne le nombre de malades que l’on trouve sur une population de 100 000 habitants, or celle-ci n’a cessé d’augmenter dans les pays occidentaux, à la différence des pays dits « sous développés » qui n’ont pas encore adopté notre mode de vie industriel.

J’invite les internautes à consulter les cartes du cancer réalisées par le CIRC qui sont bien plus parlantes que n’importe quel discours.

Un exemple:le cancer du sein:

http://globocan.iarc.fr/map.asp?selection=3142&title=Breast&sex=2&type=0&statistic=2&map=5&window=1&size=2&colour=1&scale=0&submit=%C2%A0Execute%C2%A0

De cette carte, il ressort très clairement que l’incidence du cancer du sein est cinq fois plus élevée en Europe, Amérique du Nord et       Australie que dans les pays dits du « Sud ». C’est la même chose pour les vingt cancers les plus courants en Occident.

L’astuce des fabricants de produits chimiques et de certains scientifiques qui roulent pour eux (j’y reviendrai longuement) est de confondre systématiquement l’incidence du cancer et le taux de mortalité de la maladie. Or, il est un fait, que grâce aux progrès médicaux, le taux de mortalité dû au cancer a chuté, mais il n’en reste pas moins que le taux d’incidence ne cesse de croître, et qu’on assiste à une augmentation permanente du nombre de nouveaux cas par an, et notamment chez les enfants et personnes jeunes.

Ainsi que le souligne Devra Davis, épidémiologiste et spécialiste du cancer, l’incidence du cancer du cerveau chez les enfants a augmenté de 1 à 3%, chaque année, depuis trente ans, alors que les méthodes de diagnostic de cette pathologie n’ont pas changé pendant la même période.