la recherche indépendante interdite par les fabricants d’OGM

Avant de partir au Mexique, je n’avais pas eu le temps de commenter la décision récente de l’EFSA (European Food and Safety Authority) d’approuver le renouvellement de l’autorisation décennale du maïs MON 810 , un « feu vert controversé pour l’OGM de Monsanto » , selon le mot de Libération du 1er juillet 2009.

Je le fais, aujourd’hui, à la lumière d’un éditorial publié dans le magazine Scientific American à paraître en août, mais déjà en ligne.

Cet article confirme ce que j’ai écrit récemment sur mon Blog, après la publication dans le Washington Post d’une pétition adressée à l’Agence de protection de l’environnement des Etats Unis (EPA) par vingt-deux spécialistes américains des insectes ravageurs du maïs: il est impossible de conduire des études indépendantes pour évaluer l’effet éventuel des OGM sur l’environnement et la santé, tout simplement parce que les leaders de la biotechnologie, avec en tête Monsanto, bloquent l’accès de leurs semences aux chercheurs qui échappent à leur tutelle,sous prétexte que celles-ci sont brevetées.

La conclusion des pétitionnaires était alors sans appel: « en raison de cet accès limité, aucune recherche véritablement indépendante ne peut être légalement conduite sur de nombreuses questions critiques concernant cette technologie ».

L’article du Scientific American (dont j’ai tradit la partie principale) décrit précisément les mécanismes de la censure qui permettent à Monsanto et consorts d’empêcher toute recherche indépendante sur leurs produits, en contrôlant les études publiées, et donc d’entretenir l’illusion qu’ils ont été testés :

EXTRAIT ARTICLE:

« Lorsqu’il achète des semences génétiquement modifiées , le client doit signer un contrat qui limite l’usage qu’il peut en faire (si vous avez récemment installé un software, vous avez eu affaire au concept de Contrat de licence d’utilisateur final). Ces contrats sont considérés comme nécessaires pour protéger la propriété intelectuelle des entreprises et ils empêchent à juste titre titre que soit reproduite l’amélioration génétique qui rend la semence unique. Mais les compagnies de la biotechnologie comme Monsanto, Pioneer et Syngenta vont plus loin. Depuis une décennie leur contrat d’utilisateur interdisent explicitement l’utilisation de leurs semences pour la recherche indépendante. Sous la menace de poursuites judiciaires, les scientifiques ne peuvent pas tester les semences pour étudier les différentes conditions dans lesquelles elles se développent ou échouent. Ils ne peuvent pas comparer les semences d’une compagnie avec celles d’une autre. Et peut être encore plus important, ils ne peuvent pas examiner si les cultures génétiquement modifiées conduisent à des effets non désirés sur l’environnement.

Evidemment des études sur les semences modifiées génétiquement ont déjà été publiées. Mais ce sont exclusivement des études qui ont été préalablement approuvées par les firmes avant leur publication dans les revues scientifiques à comité de lecture. Dans plusieurs cas, des études qui avaient reçu l’accord implicite des compagnies semencières ont finalement été bloquées avant publication, parce que les résultats n’étaient pas flatteurs.

« Il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’ un refus systématique de toute demande de recherche, ce qui est déjà très grave » a écrit Elson J. Schields, un entomologue de l’Université de Cornell, dans une lettre à un officiel de l’Agence de protection de l’environnement (l’agence chargée de réglementer les conséquences environnementales des cultures transgéniques). Les refus sont sélectifs et les autorisations accordées en fonction du jugement porté par les industriels sur les chercheurs, selon qu’ils sont considérés comme « bienveillants » ou « hostiles » aux biotechnologies ».

FIN EXTRAIT ARTICLE

On comprend mieux comment l’EFSA, cette « institution contestée » parce que « génétiquement pro- OGM » (Le Monde du 30 juin 2009) a pu déclarer sans sourciller que le maïs MON 810 est  » sans risque pour la santé animale et humaine et ne constitue pas une menace pour l’environnement « .

Pour rendre son avis « éclairé », le comité scientifique européen, installé à Parme (Italie) , qui, depuis sa création en 2002 a rendu 42 avis sur les OGM – tous positifs , adoptés à l’unanimité , selon une procédure à main levée! – s’est basé sur une étude fournie par Monsanto , où des rats ont été nourris pendant 90 jours avec le maïs insecticide, dont les données brutes sont couvertes par le « secret commercial »! Cette étude a été réalisée par le même laboratoire (Hammond) qui avait conduit l’étude ridicule de 28 jours pour tester le soja roundup ready (voir mon livre et blog)!

S’ajoute à cela le profil des experts de l’EFSA dont les compétences sont très limitées, ainsi que l’explique le Pr. Pierre-Henri Gouyon, dans l’article du Monde du 30 juin:

« Nous avons affaire à des spécialistes de la biologie moléculaire, qui connaissent bien les problèmes de contamination aigüe, beaucoup moins les effets à long terme sur la santé et l’environnement. tester des OGM sur des rats pendant 90 jours, même à fortes doses, c’est très insuffisant. Certaines pathologies ont une lactence beaucoup plus longue ».

Sans oublier, bien sûr, le conflit d’intérêt, qui caractérise la majorité des experts de l’EFSA, ainsi que je le révélais dans mon livre et que Le Monde souligne également. Certes, comme le dit à mon confrère Catherine Geslain-Lanéelle, la directrice de l’EFSA, « s’il fallait disqualifier définitivement tous ceux qui ont travaillé avec l’industrie, on ne trouverait personne ».

Si le constat est recevable, on attend dans ce cas des « experts » qu’ils soient moins péremptoires, en précisant que leur avis est basé sur la seule étude existant sur le MON 810, à savoir celle de Monsanto!

Et que s’il n’existe pas de preuve de la toxicité du maïs MON 810, il n’existe pas non plus de preuve de l’absence de toxicité à long terme du maïs insecticide, car toutes les études qui auraient pu éventuellement le démontrer ont été INTERDITES!

Avec, en prime, une dernière question: si les OGM ne présentent aucun danger pour la santé et l’environnement, pourquoi les fabricants bloquent-ils la recherche indépendante? Auraient-ils peur de quelque chose???

bonjour du Chiapas

Il suffit que je prenne quelques jours de vacances sous le soleil mexicain pour que mes détracteurs personnels se déchaînent, révélant du même coup quelles sont les priorités actuelles de Monsanto: avec le cône sud (Argentine, Brésil, Paraguay), le Mexique représente indubitablement l’un des principaux champs de bataille de la multinationale de Saint Louis.

Normal: le Mexique est le centre d’origine du maïs et des millions de paysans cultivent la céréale depuis la nuit des temps du nord au sud du pays. Dans les régions de Oaxaca ou du Chiapas, où je suis actuellement, on compte des centaines de variétés traditionnelles (« criollas ») adaptées aux terroirs, climats ou pratiques alimentaires (voir photo).

C’est précisément pour protéger cette extraordinaire biodiversité que le gouvernement mexicain a déclaré un moratoire sur les cultures de maïs transgénique qui ne présentent, de surcroît, aucun intérêt pour les petits paysans , qui savent parfaitement cultiver la céréale de leurs ancêtres mayas ou aztèques sans engrais chimiques ni pesticides.

Or, sans intrants chimiques, les OGM pesticides de Monsanto ne donnent rien.

J’ai passé la journée dans une communauté indienne située à une trentaine de kilomètres de San Cristobal de las Casas: ici, comme dans les trois quarts du pays – à l’exception des Etats du Nord, où de grands producteurs blancs pratiquent une agriculture industrielle identique à celle des Etats Unis – les pratiques agricoles sont immuables, parce qu’elles ont fait la preuve de leur efficacité tant en termes de production qu’en termes de protection des ressources environnementales.

Le symbole de ce savoir faire c’est la « milpa » décrite par H. Garrison Wilkes, un spécialiste du maïs de l’Université du Massachusetts, comme « l’une des inventions les plus réussies que l’homme n’ait jamais créée ».

Le principe: les paysans cultivent en même temps une douzaine de plantes sur le même lopin de terre: du maïs, bien sûr, qui constitue la base de l’alimentation, mais aussi des haricots ( qui s’accrochent sur les pieds de maïs comme sur un tuteur: voir photo), des tomates, melons, chilis, avocats ou citrouilles qui nourrissent le sol, soit en vitamines , en aminoacides ou graisses.

Il est fréquent que les paysans sément également dans leur milpa de … l’amarante, cette « mauvaise herbe » qui est devenue le cauchemar des agriculteurs du sud des Etats unis, puisqu’ après dix ans d’épandages massifs de glyphosate sur les cultures roundup ready, elle est devenue résistante au roundup!

Proliférant sans retenue dans des sols laminés, elle est à l’origine d’un retournement de milliers d’agriculteurs nord-américains qui réclament à cor et à cri des semences non transgéniques (voir mon Blog).

Or, au Mexique, l’amarante, qui est une plante très riche en protéines, sert à fabriquer de délicieux gâteaux, appelés « alegria » que j’ai eu le plaisir de déguster (voir photo).

En attendant, le système de la milpa ne fait pas l’affaire des grands semenciers comme Monsanto qui exercent une pression permanente sur le gouvernement mexicain pour qu’il fasse disparaître les semences traditionnelles et impose dans tout le pays les semences hybrides de maïs et les OGM pesticides.

Depuis la présidence de Vicente Fox (l’ancien patron de Coca Cola pour l’Amérique centrale!), plusieurs lois ont été votées qui servent précisément ce but. La dernière en date est un texte, intitulé « ley de semillas » (loi des semences) qui vise à interdire la vente et l’échange de semences qui ne soient pas certifiées dans un catalogue validé par le ministère de l’agriculture (voir mon film » Blé: chronique d’une mort annoncée »).

Dans le même temps, le gouvernement promouvait un programme , intitulé « maïs solidario » (!) Celui-ci consiste à proposer aux petits paysans des « paquets « , comprenant des semences de maïs hybride, des engrais chimiques et herbicides.

Gratuits la première année, ces « paquets » sont payés, pour moitié par le gouvernement , avec le soutien de la banque mondiale, et pour moitié par Monsanto et consorts. A charge pour les paysans de racheter des semences, la deuxième année, car les hybrides de maïs sont quasiment stériles à la seconde génération…

Enfin, récemment, une loi a été votée, destinée à encadrer les cultures transgéniques, en contradiction totale avec le moratoire toujours en vigueur!

Mais le Mexique n’est pas à une contradiction près: depuis la signature de l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA) en 1994, avec les Etats Unis et le Canada, le gouvernement a laissé entrer dans le pays des millions de tonnes de maïs en provenance du grand voisin du nord.

Grassement subventionné par Washington, le maïs américain a poussé dans les bidonvilles des dizaines de milliers de petits paysans mexicains, car il est vendu trois fois moins cher que le maïs local, qui ne bénéficie, lui, d’aucune subvention.

Evidemment, le gouvernement américain n’a de cesse d’exiger de son homologue mexicain qu’il « libéralise » son économie, en démantelant les services publics ou les systèmes d’aide notamment à l’agriculture…

Lors de la présentation de mon film et livre à Mexico, Mérida, et hier à San Cristobal de las Casas, j’ai apporté mon soutien à la campagne « Sin maïs, no hay pais », conduite par une vaste coalition d’associations, qui dénoncent, à juste titre, le processus d’accaparement des semences du pays par les multinationales comme Monsanto.

Voici quelques liens qui rendent compte de ma visite dans le pays:

www.otrosmundoschiapas.org/index.php

www.jornada.unam.mx/2009/07/12/index.php

www.elpoderdelconsumidor.org/multimedia.html

Photos de Solène Charrasse:

1: la biodiversité du maïs traditionnel
2: communauté indienne
3: milpa
4: le haricot accroché au pied de maïs
5: dégustant une « alegria » ( gâteau d’amarante)

Le moratoire est toujours en vigueur au Mexique

J’écris sur un clavier espagnol, faute de mieux! Quelques mots seulement pour répéter que, contrairement a ce qu’affirment Anton et autres GFP qui feraient bien de voyager un peu, le moratoire sur les cultures transgéniques est toujours en vigueur au Mexique, même si récemment un cadre légal a été mis en place permettant de les autoriser.

Monsanto et Syngenta ont dépose des demandes d’autorisation pour des essais en plein champ de maïs BT et roundup ready mais le gouvernement n’a toujours pas pris de décision, en raison même du moratoire.

D’où l’importance de ma visite, comme l’explique Greenpeace sur son site.

350 722 visites!

Bonjour de Mexico où je viens de découvrir que mon Blog avait dépassé les 350 000 visites!

Merci à Capitaine Poltron et autres GFP qui ont su l’alimenter avec une assiduité remarquable!

Merci (surtout!) à tous ceux qui ont utilisé cet espace pour nourrir un débat démocratique de qualité sur l’enjeu que représentent les plantes pesticides de Monsanto et consorts, et au-delà, sur l’avenir de l’agriculture, qui doit cesser de nous empoisonner et retrouver sa fonction nourricière originelle en renonçant aux poisons chimiques.

Comme je l’ai rappelé hier lors du débat qui a suivi la projection de mon film à la Cinémathèque de Mexico: on ne peut pas produire une agriculture saine, en utilisant des poisons, même à petites doses!

La projection d’hier a failli tourner à la catastrophe! Les organisateurs avaient loué une salle de 200 places, mais dès 10 heures 30, une queue de 500 personnes s’est formée devant la salle , jusque dans la rue (voir photos).

Devant ce ras de marée, la direction de la cinémathèque a proposé de libérer en urgence sa plus grande salle, d’une capacité de 5OO personnes. Ouf!

J’invite les internautes hispanophones à lire l’article paru dans La Jornada en quatrième de couverture:

Photos de Solène Charrasse

Je prends demain un petit déjeûner avec Martha Delgado , secrétaire à l’environnement du District Fédéral, avant de rejoindre les studios de CNN pour une interview de 45 minutes.

Je vous écris du Mexique

Je vous écris du Mexique où je suis arrivée mercredi 8 juillet, en principe pour des … vacances familiales (bien méritées!)

J’ai été reçue chaleureusement par les représentants de la coalition  » Sin mais no hay pais » (sans maïs pas de pays), qui regroupe plus de 300 associations mexicaines (dont CAATA, la branche mexicaine de Pesticides Action Network) et Greenpeace, qui se sont mobilisées pour empêcher le projet du gouvernement d’autoriser des essais en plein champ de maïs transgénique (dont le MON 810 de Monsanto).

Comme je l’ai expliqué dans mon film et livre, le Mexique est le centre d’origine du maïs, et de ce fait abrite le réservoir génétique de la céréale, cultivée depuis au moins 8OOO ans par les paysans de cette contrée du monde qui ont su entretenir son extraordinaire biodiversité . Lors de mon tournage dans la région de Oaxaca, j’ai pu constater la richesse des variétés locales (« criollas ») , parfaitement adaptées aux terroirs et dont les couleurs varient à l’infini: je me souviens de cette indienne zapoteca étalant au soleil des épis magnifiques, certains étant blancs, d’autres d’un jaune doré, ou violets, rouges et noirs, ou parfois de toutes ces couleurs à la fois.

C’est précisément pour protéger la biodiversité de son maïs que le gouvernement mexicain avait déclaré un moratoire sur les cultures transgéniques, en 1998.

Or, sous la pression des fabricants d’OGM, et notamment de Monsanto – on parle au Mexique de la « loi Monsanto »- le gouvernement envisage d’autoriser des essais en plein champ de maïs transgénique, ce qui constitue une violation du moratoire toujours en vigueur, en ouvrant la voie à la légalisation des cultures OGM.

Voilà pourquoi j’ai accepté de participer à plusieurs projections publiques de mon film à Mexico, Mérida et San Cristobal de las Casas ainsi qu’à un programme d’interviews avec la presse nationale qui a répondu massivement à l’appel: en trente-six heures, j’ai déjà donné dix interviews et six autres suivront, dont six chaînes de télévision!

Photos (Solène Charrasse):

– Conférence de presse avec la coalition « Sin mais no hay pais »

– Interview avec Télé UNAM

– Interview avec Javier Cruz Mena, journaliste à Canal 40 et Canal 22

– La préparation de l’affiche dans les bureaux de Greenpeace pour la projection organisée samedi, à la Cinémathèque de Mexico.