La manipulation génétique est une technique aléatoire

En lisant les différents posts assénés par mes détracteurs personnels (!) qui assurent que la technique de manipulation génétique à l’aide d’un canon à gène est d’une précision chirurgicale, je me suis dit qu’il valait mieux donner la parole à … Monsanto, et notamment à Stephen Padgette, l’un des « inventeurs » du soja roundup-ready, qui a fait un récit édifiant de ses improbables exploits à ma consoeur Stephanie Simon du Los Angeles Times. J’invite les anglicistes à lire cet excellent article.

Voici, pour ma part, ce que j’ai écrit dans mon livre (chapitre 7):

DÉBUT EXTRAIT

En cette année 1985, les chercheurs de Saint-Louis n’ont qu’une seule obsession : trouver le gène qui immunisera les cellules végétales contre le Roundup. C’est d’autant plus urgent que Calgene, une start-up californienne, vient d’annoncer dans une lettre publiée dans Nature qu’elle est parvenue à rendre le tabac résistant au glyphosate . On parle déjà d’un accord avec le Français Rhône-Poulenc pour développer des cultures résistantes au glyphosate. Au même moment, l’Allemand Hoechst met les bouchées doubles pour trouver le gène de résistance à son herbicide Basta, sans oublier Dupont (glean) et Ciba-Geigy (atrazine).

Bref, tous les géants de la chimie poursuivent le même but et désormais la concurrence est à couteaux tirés, car l’enjeu n’est pas seulement scientifique, mais surtout économique : on imagine déjà les brevets qu’on pourra déposer sur toutes les grandes cultures vivrières du monde…

À Saint-Louis, en tout cas, le stress s’installe durablement, car le fameux gène reste introuvable. Les chercheurs de Jaworski tournent en rond. Certes, ils sont parvenus à identifier le gène de l’enzyme, qui, comme nous l’avons vu (voir supra, chapitre 4), est bloquée par l’action des molécules de glyphosate, provoquant la nécrose des tissus et la mort de la plante. L’idée est de le manipuler pour désactiver la réaction à l’herbicide, puis de l’introduire dans les cellules végétales, mais rien n’y fait.

« C’était comme le projet Manhattan, raconte Harry Klee, l’un des chercheurs de l’équipe. L’antithèse de la manière dont on travaille dans un laboratoire : normalement, le scientifique fait une expérience, il l’évalue, en tire une conclusion puis il passe à une autre variable. Avec la résistance au Roundup, on essayait vingt variables à la fois : les mutants, les promoteurs, de multiples espèces végétales, on essayait tout en même temps . »

La quête durera plus de deux ans jusqu’à ce jour de 1987 où des ingénieurs ont l’idée d’aller fouiller dans… les poubelles de l’usine de Luling, située à plus sept cents kilomètres au sud de Saint-Louis. C’est sur ce site qui longe le fleuve Mississipi que Monsanto produit chaque année des millions de tonnes de glyphosate.

Des bassins de dépollution sont censés traiter les résidus de la production, dont une partie a toutefois contaminé les sols et les mares environnantes. Des prélèvements sont effectués pour récolter des milliers de microorganismes, afin de détecter ceux qui ont survécu naturellement au glyphosate et d’identifier le gène qui leur confère la précieuse résistance…
Il faudra attendre encore deux ans pour qu’un robot qui analyse la structure moléculaire des bactéries collectées tombe, enfin, sur la perle rare : « Un moment inoubliable, un vrai eureka », rapporte Stephen Padgette, l’un des « inventeurs » du soja Roundup ready, qui est aujourd’hui l’un des vice-présidents de Monsanto .

Pour autant, l’affaire est encore loin d’être dans le sac : il faut désormais trouver la construction génétique qui permettra au gène de fonctionner une fois qu’il aura été introduit dans les cellules végétales, en l’occurrence de soja — car après les premiers essais réalisés sur la tomate, c’est sur cette oléagineuse que l’équipe est censée travailler.
Un formidable enjeu : avec le maïs, le soja domine l’agriculture américaine, rapportant à l’époque 15 milliards de dollars par an à l’économie nationale. Jusqu’en 1993, date de la naissance officielle du soja Roundup ready, Stephen Padgette et ses collègues du programme « résistance au Roundup » partageront leur temps entre le laboratoire et les serres qui couvrent le toit de Chesterfield Village, dans la banlieue huppée de Saint-Louis où Monsanto a installé son activité biotechnologique.
Il faudra « 700 000 heures et un investissement de 80 millions de dollars » pour parvenir au résultat : une construction génétique, comprenant le gène d’intérêt (« CP4 EPSPS »), le fameux promoteur « 35S » de la mosaïque du chou-fleur, ainsi que deux autres bouts d’ADN provenant notamment du pétunia, censés contrôler la production de la protéine.

« La cassette génétique du soja Roundup ready est complètement artificielle, note le biologiste japonais Masaharu Kawata, de l’université de Nagoya, elle n’a jamais existé dans le royaume naturel de la vie et aucune évolution naturelle n’aurait pu la produire . »

C’est tellement vrai que les chercheurs de Saint-Louis ont eu un mal fou à l’introduire dans les cellules de soja. Ils ont dû renoncer à la « mule » Agrobacterium tumefaciens, car ils étaient toujours confrontés au même problème : à chaque fois qu’ils inondaient les cellules d’antibiotique, celles qui n’avaient pas ingurgité la « cassette » mouraient effectivement, mais elles empoisonnaient les « bonnes », selon un phénomène que Robert Horsch appela la « mort collopérative », un néologisme funèbre alliant « collatéral » (comme dégât collatéral) et « coopératif », qui a le mérite de la clarté…

Face à cette résistance de la nature, l’équipe décide de sortir l’artillerie lourde : un « canon à gènes », inventé par deux scientifiques de l’université Cornell et développé en collaboration avec Agracetus, une entreprise biotech du Wisconsin (que Monsanto rachètera en 1996).
Quand John Sanford et son collègue Tedd Klein ont l’idée de cette arme de la dernière chance, on les traite de fous, alors qu’à la même époque, les laboratoires sont prêts à tout pour contraindre l’ADN sélectionné à pénétrer dans les cellules cibles, preuve s’il en était besoin que la biotechnologie n’a rien à voir avec la bonne vieille technique de la sélection généalogique : certains chercheurs utilisent des aiguilles microscopiques ; d’autres des charges électriques pour provoquer de petits trous dans la paroi des cellules et permettre à l’ADN d’entrer… Mais rien ne marche !

Aujourd’hui, le canon à gènes est l’outil d’insertion le plus utilisé par les « artilleurs » du génie génétique.
Le principe : on fixe les constructions génétiques sur des boulets microscopiques en or ou en tungstène, puis on les bombarde dans une culture de cellules embryonnaires.

Pour bien comprendre l’imprécision de la technique, je cite le récit qu’en a fait en 2001 Stephen Padgette à ma consœur Stephanie Simon, du Los Angeles Times :

« Le problème était que le canon à gènes insérait l’ADN au hasard, écrit-elle. Parfois, un “paquet” éclatait avant d’atterrir dans une cellule ; ou deux paquets de gène faisaient doublon. Pire : l’ADN pouvait tomber à un endroit qui interférait avec le fonctionnement de la cellule. L’équipe a dû tirer le canon des dizaines de milliers de fois avant d’obtenir quelques petites douzaines de plantes qui avaient l’air prometteur. Après trois ans d’essais en champs sur ces spécimens, une seule lignée de soja manipulé semblait supérieure. Elle pouvait résister à de fortes doses de glyphosate, ainsi que le confirmèrent les essais sous serre. […] “Elle était blindée [bulletproof]”, se souvient Padgette avec fierté. En 1993, Monsanto l’a déclarée gagnante . »

Mais à quel prix ! Comme le souligne Arnaud ApothekerDu poisson dans les fraises dans son livre , « dans sa volonté de soumettre la nature, l’homme utilise des technologies guerrières pour forcer les cellules à accepter des gènes d’autres espèces. Pour certaines plantes, il utilise l’arme chimique, ou bactériologique, pour infecter des cellules avec des bactéries ou des virus ; pour les autres, il se contente des armes classiques, avec l’utilisation du canon à gènes. Dans les deux cas, les pertes sont considérables, puisqu’en moyenne une cellule sur mille intègre le transgène, survit et peut générer une plante transgénique ».

En 1994, en tout cas, Monsanto dépose une demande de mise sur le marché de son soja Roundup ready (RR), qui représente le premier OGM de grande culture. Et nous allons voir que, là aussi, la firme a tout « blindé », pour reprendre le mot de son vice-président…

FIN DE L’EXTRAIT
Photo (Marc Duployer): un champ de soja roundup ready dans l’Iowa (Etats Unis)

Un rapport de Greenpeace Allemagne sur la dangerosité des pesticides

Greenpeace Allemagne vient de publier un rapport très détaillé sur la dangerosité des pesticides utilisés dans l’agriculture qui contaminent la chaîne alimentaire et menacent la santé des consommateurs. Voici le résumé qu’en fait le site combat-monsanto.org:

Pesticides: la liste noire de Greenpeace

Après avoir dressé la liste des pesticides dangereux utilisés dans le monde, Greenpeace passe au crible les 5 principales entreprises productrices de phytosanitaires. Aucune n’évite les critiques, et toutes sont accusées de mettre gravement en danger la santé des populations et celle de l’environnement. L’ONG réclame une démarche forte de l’Union européenne pour limiter l’impunité des multinationales.

 » Les portefeuilles sales de l’industrie des pesticides « . Dès le titre de son rapport, Greenpeace accuse, et son plaidoyer est plutôt inquiétant. L’ONG environnementale a examiné les produits phytosanitaires proposés par les entreprises leaders du secteur : les Allemands Bayer Crop Science et BASF, les Américains Dow Agro-Science et Monsanto, et le Suisse Syngenta, qui a eux cinq représentent les trois quarts du marché des pesticides.

Le rapport est accablant pour la filière et alarmant pour les consommateurs du monde entier.

En janvier 2008, Greenpeace sort un rapport intitulé «  Black list of pesticides « . Cette liste noire des pesticides recense les produits phytosanitaires qui menacent la santé et l’environnement. Selon ce texte, 170 pesticides utilisés dans l’Union européenne et 327 utilisés dans le monde sont dangereux pour la santé humaine. Greenpeace demande alors que ces substances soient progressivement interdites. Elle publie ensuite la liste des pesticides pour lesquels la toxicité ne peut être ni confirmée ni infirmée, faute d’information publique suffisante. Ce rapport, familièrement dénommé  » Yellow list « , n’indique certes pas de dangerosité avérée, mais témoigne du secret, prétendu industriel, qui règne sur les produits phytosanitaires.

En publiant mi-juin le 1e classement au monde des principales compagnies productrices de pesticides, la section allemande de l’ONG a donné le coup de grâce à la filière. Basée sur les risques et les effets de ces pesticides sur l’organisme et l’environnement, l’étude a considéré 512 substances, et littéralement compté les points : 2 points si le produit appartient à la Black list, 1 s’il appartient à la Yellow list, ou s’il ne peut être détecté dans l’alimentation. Le total, déjà peu glorieux, a été réévalué selon les parts de marché de l’entreprise. Le rapport conclut à de grandes différences entre les impacts sur la santé et l’environnement des 5 multinationales étudiées. Toutes catégories confondues, Monsanto reste le  » leader  » du toxique, mais, au final, les cinq firmes sont sur le banc des accusés.

Un tiers des pesticides sur le marché sont dangereux. Près de la moitié des pesticides produits par les sociétés étudiées font partie de la Black list. Il s’agit principalement d’insecticides. Autrement dit, plus d’un tiers des phytosanitaires mis sur le marché mondial présentent un risque pour la santé humaine et pour l’environnement.

Monsanto propose moins de principes actifs que ses concurrents, mais ils font très largement partie de la liste noire. 60% des 15 produits vendus par Monsanto sont dangereux, contre 53% pour Bayer (163 substances), 48% pour BASF (45), et 39% pour Dow (29) et Syngenta (69). En parts de marché, Bayer et Syngenta sont les entreprises qui vendent le plus de substances dangereuses pour la santé humaine.

En moyenne, seuls 16% des pesticides produits par ces cinq entreprises, Monsanto en tête, font partie de la Yellow list. Monsanto est également l’entreprise qui propose le plus de pesticides non détectables (75%, contre 50% chez Dow). Ces substances, qui ne peuvent être détectées dans la nourriture, faute de moyens scientifiques adéquats, posent le problème du principe de précaution. Greenpeace réclame un suivi, du producteur aux assiettes, de la présence de pesticides dans l’alimentation, et demande qu’aucun pesticide indétectable ne soit autorisé. Elle interpelle également les  » acteurs impliqués dans le secteur alimentaire doivent remplacer les pesticides de la Black list par d’autres substances « .

L’Europe doit légiférer

L’ONG formule par ailleurs plusieurs recommandations à l’Union européenne. Outre une aide à la recherche de substituts aux substances dangereuses, elle propose la validation systématique des pesticides avant leur mise sur le marché.

Appel presque entendu par les ambassadeurs européens, qui ont décidé la révision des lois en vigueur sur les pesticides. Les ministres de l’agriculture de l’Union devraient ainsi débattre lundi 23 juin de la possibilité de réduire le nombre des produits phytosanitaires autorisés. En parallèle, le parlement européen a annoncé que 33 polluants, dont de nombreux pesticides, seraient soumis à des normes de qualité environnementale d’ici 2018. Une échéance qui parait bien lointaine, et qui ne risque pas de porter atteinte à l’économie du secteur : les 5 entreprises leaders ont réalisé 18,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur les pesticides en 2007.

Retrouvez sur ce lien le rapport de greenpeace en anglais.

La propagande n’a pas peur du ridicule!

Tandis que j’étais à Washington, je suis tombée sur cet article de l’AFP proprement sidérant!
Il concerne une « étude » réalisée par une chercheuse de l’Université Cornell, censée montrer que l’utilisation de l’hormone de croissance laitière de Monsanto, permet de … réduire l’effet de serre!
J’ai longuement expliqué dans mon film et livre (chapitres 5 et 6), ainsi que dans mon Blog, les effets dramatiques sur la santé des vaches et des consommateurs de cette hormone transgénique, interdite partout sauf aux Etats Unis.

Manifestement, l’Université Cornell continue d’entretenir des liens financiers étroits avec la firme de Saint Louis: le professeur Dale Bauman, chercheur à Cornell, avait été payé par Monsanto, pour conduire des tests censés mesurer l’effet de la rBHG (pour « recombinant Bovine Growth Hormone) sur les vaches. Cette étude avait été dénoncée pour sa complaisance à l’égard de Monsanto et la médiocrité de son protocole qui évitait les problèmes qui fâchent.
L’une des étudiantes du Professeur Bauman, Susan Sechen, qui avait fort opportunément écrit sa thèse sur les bienfaits de la rBGH, avait été tout aussi opportunément recrutée par le Center for Veterinary Medecine (CVM), le département vétérinaire de la Food and Drug Administration (FDA), au moment où Monsanto déposait sa demande de mise sur le marché.
La FDA lui confia la mission d’évaluer les données vétérinaires fournies par Monsanto, sous la houlette de Margaret Miller, qui avait travaillé chez Monsanto de 1985 à 1989, avant de devenir l’adjointe du docteur Robert Livingston, le directeur du bureau de l’évaluation des nouveaux médicaments au CVM.
Vive les « portes tournantes »!
Susan Sechen fut notamment la co-auteure d’un article très controversé, et aujourd’hui reconnu comme étant « flawed » ( présentant des « défauts » manifestes) dans la revue Science, au moment où le Congrès enquêtait sur le conflit d’intérêt la caractérisant, ainsi que Margaret Miller et Michael Taylor (cf: ce blog ou mon livre)

Voici en tout cas la « découverte » qu’a faite la chercheuse de Cornell, avec le soutien du Pr… Bauman.
A noter que le journaliste de l’AFP, que l’information ne semble pas troubler, parle d’une version alimentaire de l’hormone de croissance bovine dont je n’ai jamais entendu parler.
On estime qu’actuellement 30% des élevages laitiers des Etats Unis sont piqués avec l’hormone de croissance transgénique, censée augmenter la production laitière des vaches de 10 à 20%. Comme les élevages qui utilisent l’hormone sont aussi les plus gros( plusieurs milliers de têtes, principalement en Californie) , plus de la moitié du lait produit aux Etats Unis est issue de vaches piquées, et la totalité du lait consommé est contaminé, car l’étiquetage étant interdit, le lait issu de troupeaux piqués est mélangé avec le lait conventionnel.

Aux Etats Unis le seul moyen d’échapper à l’hormone transgénique, c’est de ne pas boire de lait du tout, ni aucun dérivé, ou ne consommer que des produits laitiers biologiques…
L’argument selon lequel l’hormone de croissance transgénique permet de réduire l’effet de serre (!!!) m’avait déjà été servi par un gros éleveur, qui possédait deux troupeaux de plusieurs milliers de vaches aux Etats Unis et en Russie, que j’avais rencontré lors de la foire mondiale du lait qui s’est tenue à Madison en octobre 2006 (voir dans mon Blog: « un représentant de Monsanto se mêle les pinceaux »).

Voici donc l’article:

Des vaches laitières « plus vertes » grâce aux hormones de croissance
Par Jean-Louis SANTINI AFP – Lundi 30 juin, 21h03

WASHINGTON (AFP) – Traiter un million de vaches avec une hormone de croissance permet de produire plus de lait avec moins de ressources, ce qui entraîne une réduction d’un volume de gaz à effet de serre équivalent à 400.000 voitures de moins sur les routes, selon des chercheurs américains.

Dans leur étude publiée lundi, Judith Capper, chercheuse à l’Université Cornell (New York, nord-est) et principal auteur, souligne que la production de lait à grande échelle requiert de vastes superficies de cultures et d’importantes sources d’énergie pour produire les aliments nécessaires au bétail.
Or le recours à cette hormone de croissance STH reconstituée, premier produit de la biotechnologie utilisé dans les élevages américains il y a près de 15 ans, permet de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane dans l’atmopshère en nécessitant moins d’énergie et de terres de culture. Et dans le même temps, elle assure des niveaux de production de lait suffisant pour satisfaire la demande, assure cette scientifique dont l’étude paraît dans les Annales de l’Académie nationale américaine des Sciences (PNAS) datée du 30 juin.

Cette recherche a montré que le fait de donner un complément d’hormone de croissance quotidien dans les aliments d’un million de vaches a permis de produire la même quantité de lait avec 157.000 moins d’animaux comparativement à un nombre similaire de bovins sans complément alimentaire de STH.

Cette différence a permis l’économie de 491.000 tonnes de maïs et 158.000 tonnes de soja et la réduction de 2,3 millions tonnes d’aliments pour le bétail.

Ces besoins moindres permettent de diminuer la superficie des terres cultivées de 219.000 hectares ainsi que l’érosion du sol par 2,3 millions de tonnes annuellement, selon cette recherche.

Les Etats-Unis comptaient 9,2 millions de vaches en 2007 et chaque million de ces animaux nourris avec un complément d’hormone de croissance a entraîné une réduction de 824 millions de kilos de CO2, de 41 millions de kilos de méthane et de 96.000 kilos d’oxyde nitreux, les principaux gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique.

En d’autres termes, traiter un million de vaches laitières avec un complément d’hormone de croissance revient à réduire les émissions de CO2 équivalent au gain qui résulterait du retrait des routes de quelque 400.000 voitures ou au fait de planter 300 millions d’arbres, estiment les auteurs.

« Généraliser le recours au complément d’hormone de croissance dans la nourriture des vaches laitières permettrait d’améliorer la durabilité de la production tout en réduisant la contribution de cette industrie à l’acidification de l’eau, la prolifération des algues et le réchauffement climatique », souligne Judith Capper.

« Pouvoir maintenir durablement la production est important dans l’agriculture pour répondre aux besoins d’une population croissante tout en minimisant l’impact sur l’environnement » note Dale Bauman, professeur de science animal à l’université Cornell et un des co-auteurs de cette étude.

L’élevage de bovins dans le monde produit davantage de gaz à effet de serre que le trafic routier, affirmait l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) dans un rapport publié fin 2006.

Selon cet organisme, l’élevage « représente 9% du CO2 dérivant des activités humaines », mais il produit « une bien plus grande part des gaz à effet de serre les plus nocifs ».

Le secteur « est responsable de 65% des émissions d’hémioxyde d’azote – imputables essentiellement au fumier – qui a un potentiel de réchauffement global (PRG) 296 fois plus élevé que le CO2 ».

En outre, l’élevage compte pour 37% de tout le méthane rejeté par les activités humaines (agissant sur le réchauffement 23 fois plus que le CO2) en grande partie produit par le système digestif des ruminants, et 64% de l’ammoniac qui contribue sensiblement aux pluies acides.

FIN DE L’ARTICLE

Photos:
– Photo 1:une vache prise lors de mon tournage dans le Wisconsin sur la ferme d’un paysan qui avait renoncé à utiliser l’hormone de Monsanto après avoir constaté les dégâts sur son troupeau (voir rushes sur mon Blog)
– Photo 2: la même face au caméraman!
– Photo 3: la foire mondiale du lait à Madison
– Photo 4: avec le gros éleveur et le représentant de Monsanto sur le stand de la firme. Dans la main, je tiens un sac … Monsanto!

Un article dans une revue de l’INRA

J’écris des Etats Unis où je suis en tournage depuis une semaine pour mon prochain film « Torture made in USA » qui sera diffusé à la fin de l’année sur Canal+ .
Ayant été très prise (j’ai déjà conduit seize interviews!), je n’ai malheureusement pas eu le temps d’écrire dans mon Blog. Marion Desquilbert, une économiste de Toulouse qui travaille notamment pour l’Institut national de la recherche agronomique vient de m’adresser la note de lecture qu’elle vient de publier sur mon livre « le monde selon Monsanto » dans la Revue d’Etudes en Agriculture et Environnement.

J’étais invitée, hier, à Washington, par une ONG – l’Environmental Leadership Program – à une « launch party » avec des acteurs du développement durable. J’y ai découvert que la plupart des participants avaient vu mon film sur Daily Motion ou You Tube où il est copieusement piraté (découpé en dix chapitres!) depuis trois mois!
Les dirigeants de l’ELP m’ont invitée à participer à la « Politics of Food Conference » qui se tiendra à la North Carolina State University du 22 au 24 septembre prochain, où est prévue une projection de mon film, avec la participation de Vandana Shiva.

Depuis une semaine, le documentaire est légalement (!) disponible sur le site de l’ Institute for responsible technology de Jeffrey Smith:

Photo: nouveau tournage à New York
Merci à Marc Duployer , mon inséparable ingénieur du son et photographe personnel!

Le drame des victimes de l’agent orange

Comme je le disais dans mon précédent commentaire (« De la nécessité de mener des études épidémiologiques »), l’impunité des fabricants de produits toxiques, dont Monsanto constitue le paradigme, est quasiment assurée par la difficulté que rencontrent les victimes a prouvé le lien qui existe entre la maladie dont ils souffrent et l’exposition au produit suspecté.

À ce sujet, l’affaire des vétérans de la guerre du Vietnam qui se battent depuis plus de trente ans pour dénoncer les méfaits de la dioxine, présente dans l’agent orange, est exemplaire.
Il a fallu qu’ils mènent un combat acharné, pour que l’Académie nationale des sciences des Etats Unis établisse la liste des maladies pouvant être attribuées à une exposition à la dioxine.
Aujourd’hui, celle-ci compte treize pathologies graves: essentiellement des cancers (appareil respiratoire, prostate), dont certains très rares comme le sarcome des tissus mous ou le lymphome non hodgkinien, mais aussi la leucémie, le diabète (de type 2), la neuropathie périphérique et la chloracné. Cette liste évolutive a permis au Département des anciens combattants d’indemniser et de prendre en charge médicalement des milliers de vétérans (sur les quelque 3,1 millions de soldats américains ayant servi pendant la guerre du Viêt-nam).

Pour mon enquête, j’ai rencontré Alain Gibson, , le vice-président de l’association Vietnam Veterans of America, qui, à la différence de nombreuses victimes américaines, qui sont tombées malades parfois vingt ou trente ans après l’exposition à l’agent orange, a commencé à en subir les conséquences peu de temps après son retour aux Etats Unis (il souffre de neuropathie périphérique)

Je mets en ligne l’interview (prémontée) qu’il m’a accordée et que j’avais dû finalement couper, pour cause de longueur.

Ce témoignage est longuement développé dans mon livre.

Je rappelle que la dioxine est un produit qui n’existe pas dans la nature, mais que cette substance hautement toxique est générée lors du processus de fabrication de produits chimiques (très nombreux, comme le Pentax, un produit de traitement du bois, fabriqué aussi par Monsanto).
Dans le cas de l’agent orange, il s’agit de l’herbicide 2,4,5-T, qui a fait la fortune de Monsanto pendant une trentaine d’années (ainsi que d’autres fabricants comme Dow Chemicals), et dont la firme connaissait les effets toxiques qu’elle a pourtant cachés (j’y reviendrai).

Combien d’agriculteurs qui ont utilisé ce produit sans précaution ou de consommateurs qui ont mangé des aliments contenant des résidus de 2,4,5-T et donc de dioxine sont, aujourdhui malades ou morts?

On ne le saura jamais, car aucune étude épidémiologique d’envergure n’a jamais été menée sur ce sujet, selon le bon vieux principe, qui garantit, encore une fois, l’impunité des empoisonneurs: « pas cherché, donc pas vu, pas su ».

Toute ressemblance avec le roundup est, bien sûr, fortuite…
Il est intéressant de noter que les autorités ont attendu le lancement du roundup sur le marché, en 1974, pour interdire définitivement le 2,4,5-T…

De la nécessité de mener des études épidémiologiques

L’un de mes détracteurs anonymes préférés, a écrit un commentaire désarmant de naïveté : »
 » le RoundUp est utilisé depuis 40 ans sans aucun problème apparent… »

Soit dit en passant le roundup a élé lancé sur le marché américain au milieu des années 1970, c’est-à-dire il y a trente ans…

Comme chacun sait, les effets d’un produit cancérigène, comme le tabac ou l’amiante, ne sont pas immédiats!

Les études menées sur la cancérogenèse montrent , au contraire, que les cancers provoqués par la toxicité d’une substance à laquelle une personne a été exposée se manifestent en moyenne une trentaine d’années après l’exposition, au terme d’un processus qui se déroule en plusieurs étapes.

Et c’est précisément cela la chance des fabricants de produits cancérigènes dont l’impunité est assurée par le processus même de la cancérogenèse.

Comment savoir, en effet, quel produit toxique a déclenché, trente ans plus tôt, le mécanisme qui « conduit aux premières étapes du cancer », comme le dit très justement le Professeur Bellé?

C’est d’autant plus difficile que notre environnement quotidien est envahi par des molécules cancérigènes (ce qui sera le thème de mon prochain film pour ARTE) et que le seul moyen d’établir un lien entre un cancer et un produit toxique suspect c’est de conduire des études épidémiologiques sur des populations connues pour utiliser fréquemment ledit produit (comme les agriculteurs qui utilisent du roundup depuis trente ans).
Or, il n’y a pas de crédits pour cela!

Le meilleur exemple pour illustrer cela c’est l’agent orange, dont on a nié les effets cancérigènes pendant trente ans, à cause d’une étude épidémiologique manipulée par Monsanto…
Je rappellle que l’agent orange, utilisé par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam, était constitué de deux herbicides, aujourd’hui interdits, le 2,4,5-T et le 2,4-D, qui ont fait la fortune de Monsanto pendant plus de trente ans…

Avant de revenir sur cette (lamentable) affaire malheureusement exemplaire, je voudrais mettre en ligne l’interview que j’ai réalisée du Dr. Nguyen Thi Ngoc Phuong , obstétricienne de renommée internationale à l’hôpital Tû DÛ, à Hô-Chi-Minh-Ville (ex Saïgon), qui a connu l’époque où on niait l’existence d’un lien entre l’exposition à la dioxine et certaines formes de cancer (notamment de la moelle épinière, mais aussi des poumons, du foie, etc). Aujourd’hui, elle se bat pour que l’on reconnaisse les effets tératogènes (capables de provoquer des malformations génétiques) et mutagènes (capables de modifier de manière permanente et transmissible l’ADN des sujets exposés) de la dioxine.