Forum pour la réduction des pesticides et projection à Saintes

Ma petite tournée poitevine s’est très bien passée.

Le forum participatif régional pour la réduction des pesticides dans les collectivités fut un grand succès. Plus de 150 élus ou techniciens des espaces verts de la région avaient répondu à l’appel du conseil régional du Poitou Charentes. Ce forum s’inscrivait dans le Plan régional pour la réduction des pesticides qui vise cinq enjeux:
– protéger la ressource en eau, notamment celle mobilisée pour l’eau potable
– maintenir la biodiversité
– surveiller, caractériser et prévenir les risques inhérents à la présence de pesticides dans les autres compartiments de l’environnement (air, sol)
– prévenir les pathologies liées aux pesticides, notamment pour les utilisateurs
– informer les publics et favoriser le débat public

www.pesticides-poitou-charentes.fr/

Lors de cette journée, des alternatives à l’usage des herbicides, et surtout du roundup, ont été présentées, démonstration à l’appui:

– la machine de désherbage à eau chaude
– la sarcleuse
(voir photos)
Lors des ateliers, il fut aussi largement question de « changer les mentalités » en cessant de vouloir s’acharner contre toute herbe folle ou sauvage qui pousse dans nos espaces publics, car celle-ci entretient la biodiversité, végétale, mais aussi des insectes qui s’en nourrissent.

Il convient donc de bannir de notre vocabulaire le terme systématique de « mauvaise herbe » qui distord la réalité et finalement nous conditionne mentalement à recourir à des pesticides chimiques dangereux pour l’environnement et la santé.

Dans mon exposé d’une heure sur le roundup, j’ai rapporté les nombreuses études qui montrent la toxicité de l’herbicide de Monsanto, et bien sûr celle du Pr. Robert Bellé, qui contrairement à ce voudraient faire croire certains, ne s’est jamais rétracté, bien qu’il ait subi des pressions pour le faire. J’ai participé le 19 avril à une projection de mon film à l’Ile de Batz avec, à mes côtés, le Professeur Bellé , qui a persisté et signé ce qu’il m’a dit dans l’ interview qu’il m’avait accordée: « le roundup déclenche les premières étapes qui conduisent au cancer ».

Je reproduis ici l’extrait de mon livre se rapportant à l’étude du Pr. Bellé:

DÉBUT EXTRAIT

En France, l’équipe du professeur Robert Bellé, de la station biologique de Roscoff, qui dépend du CNRS et de l’Université Pierre-et-Marie-Curie, a étudié l’impact des formulations au glyphosate sur des cellules d’oursin.
« Le développement précoce de l’oursin fait partie des modèles reconnus pour l’étude des cycles cellulaires », explique Julie Marc, qui a écrit sa thèse de doctorat sur les travaux du laboratoire breton.
De fait, la découverte du « modèle de l’oursin », capitale pour la compréhension des phases précoces de la cancérogenèse, a valu en 2001 le prix Nobel de physiologie et de médecine aux Britanniques Tim Hunt et Paul Nurse et à l’Américain Leyland Hartwell.

Au début des années 2000, le professeur Robert Bellé décide de l’utiliser pour tester les effets sanitaires des pesticides. Son souci est alors motivé par le niveau de pollution constaté dans les eaux françaises ainsi que dans les aliments :

« Les données concernant la qualité des eaux souterraines font état en France d’une contamination considérée comme suspecte dans 35 % des cas, note Julie Marc, qui a consulté toutes les études disponibles. Les eaux marines font elles aussi état d’une contamination généralisée et pérenne par les herbicides. […] L’ingestion des fruits et légumes contribue également aux apports en pesticides pour les humains. Les chiffres à ce sujet sont inquiétants, puisque 8,3 % des échantillons d’aliments végétaux d’origine française analysés contiennent des résidus de pesticides supérieurs aux limites maximales et que 49,5 % en contiennent . »

Dans ce panorama peu rassurant, la région Bretagne affiche un taux de contamination record, qui affecte particulièrement les eaux destinées à la consommation humaine, poursuit Julie Marc :

« Dans 75 % des cas, la norme réglementaire pour le cumul des substances est dépassée et plus de dix substances sont parfois décelées dans le même échantillon, avec des concentrations respectives dépassant le 0,1 microgramme/litre réglementaire. Cette pollution a pour origine des usages agricoles, mais aussi l’utilisation de pesticides sur les zones non cultivées. »

Et de noter, elle aussi, l’une des aberrations de la réglementation : celle-ci a fixé le taux acceptable de résidu dans les eaux à 0,1 microgramme/litre, mais elle ne concerne qu’un seul herbicide, et ne dit rien sur l’effet cumulé de différents pesticides — ce qui est très courant — ni de leur interaction…

C’est ainsi que le professeur Bellé propose au début des années 2000 au conseil régional de Bretagne de conduire une étude visant à évaluer l’impact des herbicides sur la division cellulaire.

« L’ironie de l’histoire, m’explique le chercheur, que je rencontre dans son laboratoire de Roscoff, le 28 septembre 2006, c’est que nous avions décidé de prendre le Roundup comme contrôle dans les expériences, car nous étions persuadés que ce produit était totalement inoffensif, ainsi que le suggérait la publicité du chien avec son os ! Et évidemment, la très grosse surprise a été que cet herbicide nous donnait des effets bien plus importants que les produits que l’on testait. C’est comme cela que nous avons changé l’objet de notre recherche, en nous consacrant uniquement aux effets du Roundup.

– Comment avez-vous procédé ?, ai-je demandé.

– Concrètement, nous avons fait “pondre” des oursins, dont la caractéristique est de produire de grandes quantités d’ovules ; nous avons mis ces ovocytes en présence de spermatozoïdes, et placé les œufs fécondés dans une dilution de Roundup. Je précise que la concentration était bien inférieure à celle pratiquée généralement dans l’agriculture. Et puis, nous avons observé les effets du produit sur des millions de divisions cellulaires. Très vite, nous nous sommes rendus compte que le Roundup affectait un point clé de la division des cellules, non pas les mécanismes de la division elle-même, mais ceux qui la contrôlent. Pour comprendre l’importance de cette découverte, il faut rappeler le mécanisme de la division cellulaire : lorsqu’une cellule se divise en deux cellules filles, la copie en deux exemplaires du patrimoine héréditaire, sous forme d’ADN, donne lieu à de très nombreuses erreurs. Jusqu’à 50 000 par cellule. Normalement, un processus de réparation ou de mort naturelle de la cellule atypique (ce qu’on appelle l’“apoptose”) s’enclenche automatiquement. Mais il arrive que celle-ci échappe à cette alternative (mort ou réparation), parce que le point de contrôle des dommages de l’ADN est affecté. C’est précisément ce “checkpoint” qui est endommagé par le Roundup. Et c’est pour ça que nous disons que le Roundup induit les premières étapes qui conduisent au cancer. En effet, en échappant aux mécanismes de réparation, la cellule affectée va pouvoir se perpétuer, sous une forme génétiquement instable ; et nous savons aujourd’hui qu’elle peut constituer l’origine d’un cancer qui se développera trente ou quarante plus tard.

– Avez-vous pu déterminer ce qui, dans le Roundup, affectait la division cellulaire ?

– C’est une question capitale ! En effet, nous avons également conduit l’expérience avec du glyphosate pur, c’est-à-dire sans les adjuvants qui constituent le Roundup, et nous n’avons pas constaté d’effets : c’est donc le Roundup lui-même qui est toxique et non son principe actif. Or, quand nous avons examiné les tests qui ont servi à l’homologation du Roundup, nous avons découvert avec surprise qu’ils avaient été conduits avec du glyphosate seul… En fait, le glyphosate pur n’a aucune fonction, même pas herbicide, puisque tout seul il ne parvient pas à pénétrer dans les cellules et donc à les affecter. C’est pourquoi je pense qu’il y a un vrai problème avec le processus d’homologation du Roundup et qu’il faudrait s’intéresser de plus près aux nombreux adjuvants qui le composent ainsi qu’à leur interaction. »

Parmi les adjuvants suspectés, il y a notamment le polyoxyéthylène (POEA), dont la toxicité aiguë a été confirmée par de nombreuses études, mais aussi les substances inertes dont on ne peut rien dire, car leur identité n’est pas communiquée par le fabricant, au nom du « secret commercial » ; sans oublier le principal produit de la biodégradation du glyphosate, l’acide aminométhylphosphonique (AMPA), dont la demi-vie est élevée.

Face à ces dysfonctionnements manifestes du processus d’homologation, certains scientifiques courageux, comme le docteur Mae-Wan Ho (Royaume-Uni) et le professeur Joe Cummins (Canada), membres de l’Institute of Science in Society, réclament une révision urgente de la réglementation relative à l’herbicide le plus utilisé dans le monde . Je dis « courageux », car l’histoire du professeur Bellé prouve, s’il en était besoin, qu’on ne touche pas impunément au produit phare d’une maison comme Monsanto…

« Évidemment, nous avons tout de suite compris l’importance que pouvaient avoir nos résultats pour les utilisateurs de Roundup, explique-t-il, puisque la concentration de l’herbicide à l’origine des premiers dysfonctionnements est 2 500 fois inférieure à celle recommandée en pulvérisation. En fait, il suffit d’une gouttelette pour affecter le processus de la division cellulaire. Concrètement, cela veut dire que pour utiliser l’herbicide sans risque, il faut non seulement porter une combinaison et un masque, mais aussi s’assurer qu’il n’y a personne à cinq cents mètres à la ronde… Un peu naïvement, nous nous sommes dit que Monsanto ne devait pas être au courant, car sinon ces recommandations figureraient sur la notice d’emploi et nous leur avons communiqué nos résultats avant même de publier l’étude . Il faut dire que nous avons été très surpris par leur réaction : au lieu de se pencher sérieusement sur nos résultats, ils ont répondu un peu agressivement que toutes les agences réglementaires avaient conclu que le produit n’était pas cancérigène pour l’homme et que, de toute façon, le cancer de l’oursin n’intéressait personne ! C’est tout sauf un argument scientifique ! On dirait qu’ils ne savent même pas que si le “modèle de l’oursin” a valu un prix Nobel à ses découvreurs, c’est précisément parce qu’on sait que les effets mesurés sur une cellule d’oursin sont parfaitement transposables à l’homme…

– Et comment ont réagi vos organismes de tutelle, le CNRS et l’Université Pierre-et-Marie-Curie ?

– À dire vrai, leur réaction fut encore plus surprenante, répond le professeur Bellé, après un silence. Certains représentants se sont déplacés jusqu’à Roscoff pour nous demander instamment de ne pas communiquer avec les médias grand public, sous prétexte que cela allait créer une psychose…

– Comment l’expliquez-vous ?

– Cette question m’a longtemps obsédé… Aujourd’hui, je pense qu’on ne voulait pas faire de vagues pour ne pas porter préjudice au développement des OGM, qui, comme vous le savez, ont été manipulés pour résister au Roundup…

– N’avez-vous pas peur pour votre carrière ?

– Je ne crains plus rien, murmure le chercheur. Je vais bientôt partir à la retraite et je ne dirige plus le laboratoire. C’est pour cela qu’aujourd’hui je peux me permettre de parler… »

FIN DE L’EXTRAIT

Dans une interview qu’il a donnée à Rue 89, le Professeur Bellé va encore plus loin.

Enfin, vendredi soir, j’étais à Saintes, à l’invitation de la députée socialiste Catherine Quéré.

Malgré les multiples animations dans la ville, la projection a réuni 300 personnes. Pour la petite histoire: alors qu’il faisait une chaleur torride, il fut impossible d’ouvrir les portes de la salle de projection, car au même moment, juste à côté, la maison des associations avait organisé une soirée « country music » , où l’on a dansé déguisé en cow boys et farmers texans!

Photos:
– démonstration de la machine de désherbage à eau chaude et de la sarcleuse, alternatives aux épandages de roundup-
– salle comble à Saintes. Photo de Michèle Blanc qui propose de consulter le diaporama réalisé lors de la soirée:
picasaweb.google.com/micheleblancphotos/LeMondeSelonMonsantoAvecMarieMoniqueRobin

Semaine du 30 juin: projection à Aiffres

Une seule projection/ débat/signature, toujours en Poitou Charentes. Je précise que cette projection sera l’avant dernière de l’été, du moins en France, car je pars bientôt pour les Etats Unis pour le prochain film que je réalise actuellement pour Canal +. Je profite de mes tournages en Amérique pour lancer le film à New York et Washington.

Les projections débats en France reprendront en septembre. Je rappelle qu’il me sera difficile d’honorer toutes les demandes qui s’élèvent actuellement à près de 2OO, rien que pour la France. Enfin, le film va sortir très prochainement au cinéma, à l’initiative d’ARTE.

– Le vendredi 4 juillet, je serai donc à Aiffres (près de Niort) dans les Deux Sèvres (voir affiche).

Pour ceux qui voudraient venir d’un peu loin, il faut prendre la sortie 32 de l’A 10, puis suivre la direction de Aiffres.

Le site d’Amazon

Un internaute vient de me signaler les nombreux commentaires concernant mon livre sur le site d’Amazon.
J’en retiens un que je trouve particulièrement éloquent…

5 internautes sur 6 ont trouvé ce commentaire utile :
une enquête rigoureuse et implacable, indispensable !!!, 28 mai 2008
Par Lavigne Delville Philippe (France) – Voir tous mes commentaires

Je suis agronome, travaillant en coopération pour le développement agricole des pays du Sud. Tous ceux qui, ayant un peu de culture biologique et agronomique, suivent cette question des OGM connaissent depuis longtemps les ravages de l’excès de pesticides et les énormes problèmes de contamination des espèces (cultivées, et parfois sauvages) liés aux OGM. Ils connaissent les problèmes de résistance, savent le danger de l’uniformisation génétique, et que des variétés adaptées à des écosystèmes variés ne peuvent être mises au point que sur place. Ils savent depuis 7 ou 8 ans que le gène de résistance aux herbicides introduit dans le colza passent dans les crucifères sauvages et que la contamination génétique est prouvée de longue date, ils savent (articles du Monde de 2003) que les firmes OGM préparent du gazon de golf résistant aux herbicides et que c’est monstrueux (comment imaginer que ça ne passe pas dans les mauvaises herbes voisines… qui sont les mêmes espèces!); ils savent les dégâts causés en Inde et au Paraguay. Sur ces aspects, l’enquête de Marie Monique Robin n’apporte pas grand chose de neuf, mais elle l’explique très bien à un public plus large, ce qui est essentiel.
Là où l’apport est encore plus essentiel, c’est dans la démonstration implacable des mécanismes pour imposer les OGM, les fraudes scientifiques avérées, la manipulation de l’information. Le tour de passe passe sur la qualification des OGM comme plantes non modifiées, sur les rapports FAO s’appuyant sur une décision américaine non fondée et qui servent depuis à affirmer de source « indépendante » la fiabilité des OGM, est particulièrement bien analysé.
Ce livre doit être lu par tous ceux qui s’interrogent honnêtement sur le sujet. Quant à vous qui démolissez ce livre, c’est votre droit le plus strict. Mais s’il vous plait, portez vos critiques sur la rigueur de la démonstration, sur la qualité des sources démontrant les fraudes scientifiques, sur les éventuels biais. Mais ne vous contentez pas de commentaires lapidaires et idéologiques (« elle a fait son enquête devant son ordinateur », « tout le monde sait bien que les OGM sont efficaces dans les pays pauvres ») qui ne font pas le poids face à la démonstration, et qui ressemblent tellement aux pseudos arguments d’autorité développés par Mosanto et les promoteurs (aveugles?) des biotechnologies …

Corruption: l’affaire Richard Doll

Comme prévu, je retranscris le partie de mon livre relatant l’affaire de Richard Doll, corrompu par Monsanto pendant vingt ans pour propager des informations scientifiques mensongères.
Cet extrait s’inscrit dans le cadre des deux chapitres que j’ai consacrés à la dioxine, dont Monsanto a caché la toxicité meurtrière, allant jusqu’à payer des études scientifiques manipulées, publiées dans des revues scientifiques de renom, avant que l’affaire ne soit révélée…

DÉBUT DE L’EXTRAIT

Corruption et trafic d’influence

L’histoire est tellement incroyable qu’elle mérite qu’on s’y arrête, tant elle en dit long sur les pratiques de la firme, prête à tout pour garantir son impunité. C’est tout à fait par hasard qu’en 1973 un jeune chercheur suédois du nom de Lennart Hardell découvre l’existence de la dioxine et ses effets funestes sur la santé humaine.

Il est en effet consulté par un homme de soixante-trois ans à l’hôpital universitaire de Umea : atteint d’un cancer du foie et du pancréas, celui-ci se présente comme un agent des Forêts du nord de la Suède qui, pendant vingt ans, fut chargé de pulvériser un mélange de 2,4-D et de 2,4,5-T sur des bois de feuillus (les deux herbicides composant l’agent orange).
Commence alors une longue recherche, en collaboration avec trois autres scientifiques suédois, qui conduira à la publication d’études soulignant notamment le lien entre les sarcomes des tissus mous et l’exposition à la dioxine .

En 1984, Lennart Hardell est invité à témoigner dans le cadre d’une commission d’enquête mise en place par le gouvernement australien, alors confronté aux demandes de réparations des militaires ayant participé à la guerre du Viêt-nam, aux côtés des Américains.
La commission royale sur « l’usage et les effets des produits chimiques sur le personnel australien au Viêt-nam » rend son rapport en 1985, provoquant une vive polémique .
Dans un texte, publié dans la revue Australian Society, le professeur Brian Martin, qui enseigne au Département de science et technologie à l’université de Wollongong, dénonce les manipulations ayant conduit la commission à prononcer l’« acquittement de l’agent orange ».

En effet, affichant un optimisme sidérant, le rapport conclut qu’« aucun vétéran n’a souffert de l’exposition aux produits chimiques utilisés au Viêt-nam. C’est une bonne nouvelle et la commission émet le vœu fervent qu’elle soit criée sur tous les toits »…

Dans son article, le professeur Martin raconte comment les experts cités par l’association des vétérans du Viêt-nam ont été « vivement attaqués » par l’avocat de Monsanto Australia.

« Dans son rapport, écrit-il, la commission a évalué le témoignage des experts dans les mêmes termes que Monsanto. Tous ceux qui n’excluaient pas la possibilité que les produits chimiques aient un effet toxique ont vu leurs contri-butions scientifiques et leurs réputations dénigrées. En revanche, les experts qui exonéraient les produits chimiques furent tous salués par la commission. »

Les auteurs du rapport n’hésitèrent pas à recopier presque in extenso deux cents pages fournies par Monsanto pour démonter le résultat des études de Lennart Hardell et Olav Axelson .

« L’effet de ce plagiat est de présenter le point de vue de Monsanto comme étant celui de la commission », commente Brian Martin. Par exemple, dans le volume capital concernant les effets cancérigènes du 2,4-D et du 2,4,5-T, « quand le texte de Monsanto dit “il est suggéré” que, le rapport écrit “la commission a conclu”, mais pour le reste tout a été tout simplement copié ».

Très durement mis en cause par le rapport, qui insinue qu’il a manipulé les données de ses études, Lennart Hardell épluche à son tour le fameux opus.
Il découvre « avec surprise que le point de vue de la commission est soutenu par le professeur Richard Doll dans une lettre qu’il adresse le 4 décembre 1985 à l’honorable M. Justice Phillip Evatt, le président de la commission », dans laquelle il est écrit :

« Les conclusions du docteur Hardell ne peuvent pas être défendues et à mon avis son travail ne devrait plus être cité comme une preuve scientifique. Il est clair […] qu’il n’y a aucune raison de penser que le 2,4-D et le 2,4,5-T sont cancérigènes pour les animaux de laboratoire et que même la TCDD (dioxine) qui a été présentée comme un polluant dangereux contenu dans les herbicides est, au plus, faiblement cancérigène pour les animaux . »

Or, Richard Doll n’est pas n’importe qui : décédé en 2005, il fut même longtemps considéré comme l’un des plus grands cancérologues du monde. Anobli par la reine d’Angleterre, cet épidémiologiste britannique s’était distingué pour avoir montré les liens entre le tabagisme et la genèse du cancer des poumons. Ayant osé dénoncer les mensonges des industriels de la cigarette, il avait une réputation d’incorruptible.

En 1981, Sir Richard Doll avait publié un article très cité sur l’épidémiologie du cancer, dans lequel il affirmait que les causes environnementales jouent un rôle très limité dans la progression de la maladie …

Seulement voilà : la légende a volé en éclats en 2006, lorsque The Guardian révéla que l’honorable Sir Doll avait travaillé secrètement pour Monsanto pendant vingt ans !

Parmi les archives qu’il avait déposées en 2002 dans la bibliothèque du Welcome Trust, figurait une lettre, datée du 29 avril 1986, avec l’en-tête de la firme de Saint-Louis.

Rédigée par William Gaffey, l’un des auteurs des études controversées sur la dioxine, elle confirmait le renouvellement du contrat à raison de 1 500 dollars par jour.

En fait, le (gros) lièvre avait été levé par Lennart Hardell et ses collègues, auteurs d’un article très instructif dans le American Journal of Industrial Medecine, intitulé « Les liens secrets de l’industrie et les conflits d’intérêt dans la recherche sur le cancer »…

FIN DE L’EXTRAIT

Agenda semaine du 23 juin

-Mardi 24 juin, La Rochelle, Sunny Side, à 14 heures: projection du film suivi d’un débat.

– Vendredi 27 juin, 14 heures, conférence sur le roundup, lors du forum participatif sur la réduction des pesticides, organisé par le Conseil régionlal du Poitou Charentes, en présence de Ségolène Royal (voir affiche).

– Le soir, Saintes, projection débat/signatures à 20 heures 30, salle Geoffroy Martel.

Les grands producteurs d’OGM d’Amérique n’ont pas voulu du blé RR de Monsanto(2)

Voici la suite promise expliquant le rejet du blé roundup ready par les grands producteurs d’OGM aux Etats Unis et au Canada!

Dans mon livre, j’explique que le contexte n’est pas très propice pour Monsanto: au moment où la firme dépose sa demande de mise sur le marché pour son blé transgénique, l’affaire du maïs BT Starlink (voir sur mon Blog) vient tout juste d’ébranler le pays…
Je rappelle que tous les sources des documents que je cite sont dûment répertoriées dans les vingt pages de notes de mon livre…

EXTRAIT:

On comprend mieux désormais pourquoi la résistance s’est organisée dans les plaines nord-américaines, lorsqu’en pleine « débâcle de StarLink », la firme de Saint-Louis a annoncé son intention de commercialiser son blé Roundup ready.
Il faut dire que la firme elle-même était au plus mal. Fin décembre 2002, au moment où elle publie son communiqué, le P-DG Hendrik Verfaillie est poussé vers la porte pour cause de « mauvais résultats », soit 1,7 milliard de dollars de pertes pour l’année 2002. Mais ce n’est pas le problème de la Commission canadienne du blé qui, le 27 juin 2003, déclare la guerre non seulement à Monsanto, mais aussi à son fidèle allié gouvernemental :

« Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer que le blé OGM ne soit pas introduit au Canada », déclare ainsi Adrian Measner, le président de la CCB .

Peu de temps avant, le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes s’était réuni pour discuter de la délicate question. Exclue des débats, l’association Greenpeace Canada avait fait circuler un courrier qu’elle avait adressé à Paul Steckle, le président du Comité, dans lequel elle dénonçait le « conflit d’intérêt créé par le partenariat entre Monsanto et le gouvernement du Canada ».

On y découvre que Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC, dépendant du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire) « a fourni du matériel génétique de premier choix et de propriété publique à Monsanto pour que celle-ci développe son blé RR » et que c’est l’AAC qui « a réalisé en vertu d’un contrat, les essais au champ du blé GM de Monsanto en vue de son inscription variétale ».

Enfin, le même ministère « a fourni à Monsanto au moins 800 000 dollars en fonds dans le cadre de l’Initiative d’appariement des investissements ». Dans ces conditions, on voit mal, en effet, comment le ministère de l’Agriculture et son partenaire l’Agence canadienne pour l’inspection des aliments (ACIA), qui opèrent comme des co-développeurs du blé RR, pourraient exercer en toute indépendance leur autorité réglementaire, en évaluant « comme il se doit la sécurité de la biotechnologie agricole pour la santé humaine, l’agriculture et l’environnement ».

Dans son courrier, Greenpeace évoque aussi longuement le problème de la contamination génétique que pourrait entraîner la commercialisation du blé RR. Ses experts suggèrent au « vénérable comité » de poser trois questions aux représentants de Monsanto lors de leur audition :

« Est-ce que la société Monsanto est prête à faire une déclaration publique et juridiquement contraignante qui la rendrait responsable dans l’éventualité d’une contamination génétique du blé conventionnel et biologique […] par son blé RR ?
– Si oui, combien d’argent Monsanto est-elle prête à mettre de côté pour compenser les parties victimes de tels dommages ?
– Si non, qui, d’après Monsanto, devrait payer pour de tels dommages ? »

« C’est vrai que la question de la contamination génétique a pesé lourd dans notre décision de refuser le blé RR, me dit Ian McCreary, le vice-président de la Commission canadienne du blé. Le spectre de StarLink nous hantait, et puis nous avions déjà l’exemple du colza transgénique qui avait fait pratiquement disparaître le colza conventionnel au Canada. »

Quand le colza transgénique élimine le colza biologique : l’inévitable contamination

Les premières victimes de la contamination génétique sont les agriculteurs biologiques, qui ont dû renoncer à leurs cultures de l’oléagineuse car ils ne pouvaient pas en garantir la pureté. Pour en avoir le cœur net, j’ai rencontré Marc Loiselle, l’une des figures de proue de la résistance au blé de Monsanto, qui pratique l’agriculture biologique depuis vingt-deux ans . Avec sa femme Anita, il exploite la ferme de ses grands-parents, qui avaient émigré d’Aquitaine un siècle plus tôt pour s’installer à Vonda, à une cinquantaine de kilomètres de Saskatoon. Le pays de Percy Schmeiser, l’« homme qui s’est levé contre Monsanto ».

En ce jour de septembre 2004, l’agriculteur est inquiet : un froid exceptionnel de – 9° C s’est abattu sur les prairies au milieu de l’été, mettant en péril la récolte de blé, dont une partie a gelé. Or, le blé c’est toute la vie de Marc, parce qu’il le fait vivre, bien sûr, mais aussi parce qu’il le relie à l’épopée familiale et, au-delà, à la grande aventure humaine. Ce catholique pratiquant, en effet, ne cultive pas n’importe quel blé : chaque année, il ensemence quarante-cinq hectares avec une variété ancienne, menacée d’extinction : la « Red fife », très prisée par la boulangerie artisanale. Tandis que nous roulons sur une route toute droite qui court vers l’horizon au milieu du « plat pays », il m’explique que lorsque les colons européens sont arrivés au Canada, ils avaient apporté des semences de blé qui n’étaient pas adaptées aux conditions climatiques extrêmement rudes des prairies. Jusqu’à ce jour de 1842 où un certain David Fife, un agriculteur écossais établi en Ontario, se mit à semer des graines qu’un ami de Glasgow avait récupérées dans une cargaison de blé… ukrainien en provenance de Dantzig.
Très vite, la variété de blé roux, baptisée « Red Fife » en l’honneur de son « découvreur », se répand comme une traînée de poudre dans les prairies, parce qu’elle présente une grande résistance à la rouille et, surtout, parce qu’elle mûrit assez vite pour échapper au gel de l’automne. Jusqu’à ce qu’un sélectionneur ne décide de la croiser avec la Hard Red Calcutta, une variété originaire de… l’Inde, pour en augmenter les rendements et la qualité boulangère. C’est ainsi qu’est née la Marquis qui, au début du XXe siècle, conquit un vaste territoire s’étendant du Sud du Nebraska (États-Unis) au Nord du Saskatchewan (Canada), considéré aujourd’hui comme l’un des greniers à blé du monde.

« Cette histoire, me dit Marc Loiselle, illustre très bien la grande saga du blé que les hommes ont pu développer aux quatre coins de la planète parce que l’échange de semences n’était pas encore bloqué par les brevets et autres Terminator… »

Nous voici à présent dans un immense champ de blé Red Fife, entouré de cultures de colza Roundup ready qui sèchent sur le sol.

« Avant, m’explique l’agriculteur, je faisais une rotation entre mes cultures de blé et celles de colza ou de moutarde. Mais j’ai dû arrêter car mon champ a été contaminé par du colza transgénique de mon voisin, probablement transporté par le vent. Mon agence de certification biologique m’a demandé de ne plus cultiver de colza ou toute plante apparentée pendant au moins cinq ans, parce qu’il est reconnu que la graine de colza peut rester dormante dans le sol pendant toute cette période. De toute façon, je ne crois pas que je reprendrai la culture du colza biologique, parce qu’il est impossible de se protéger de la contamination.

– Vous ne pouvez pas planter des haies ou des zones tampons, comme le recommandent les autorités agricoles ?, lui demandai-je.

– Ça ne sert à rien !, me répond Marc. On ne peut pas prévenir tous les événements de la nature : les oiseaux, les abeilles, le vent… L’agriculture travaille avec le vivant, qui n’est pas qu’un assemblage de gènes couché sur un bout de papier ! Contrairement à ce que proclame Monsanto, j’affirme qu’une fois qu’un OGM est introduit, l’agriculteur perd sa capacité de choisir quelles sortes de cultures il veut faire, car les OGM colonisent tout. Ils enfreignent ma liberté de fermier de semer ce que je veux et où je veux. Voilà pourquoi nous étions prêts à tout pour que ce malheur épargne le blé… »

Dès janvier 2002, Marc Loiselle avait rejoint une class action regroupant la plupart des agriculteurs biologiques du Saskatchewan, qui demandaient des dommages et intérêts à Monsanto et Aventis pour la perte de leurs cultures de colza .
Le 13 décembre 2007, la Cour suprême du Canada a finalement rejeté la plainte, pour des motifs techniques, car elle a estimé que l’accusation, dont elle ne conteste pas le fondement, ne pouvait être traitée dans le cadre d’une action collective, mais à un niveau individuel…

En attendant, ce que dénoncent Marc Loiselle et ses collègues a été confirmé par une étude scientifique dirigée par René van Acker, un agronome de l’université de Manitoba, à la demande de la Commission canadienne du blé .

« Nous avons réalisé des tests dans vingt-sept silos de semences certifiées de colza non transgénique et nous avons constaté que 80 % étaient contaminés par le gène Roundup ready, m’explique-t-il, lorsque je le rencontre en septembre 2004 à Ottawa. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, la quasi-totalité des champs de colza canadiens comptent des plantes Roundup ready. Quant au colza biologique, il a déjà disparu au Canada où il est difficile de trouver cinq kilomètres carrés qui n’aient pas d’OGM.

– En quoi l’expérience du colza pouvait-elle servir pour le blé ?

– La Commission canadienne du blé nous a demandé de vérifier si le gène Roundup ready était susceptible de passer d’une culture de blé à l’autre, me répond l’agronome. Pour cela, nous avons construit une modélisation du flux de gènes, qui, dans le colza, s’opère à partir de ce que nous appelons des “ponts de gènes”. Nous avons comparé tous les éléments de la modélisation, un par un, et nous avons conclu que la situation serait similaire pour le blé et qu’un flux de gènes était aussi possible.

– Ne pouvait-on pas organiser deux filières distinctes, fondées sur la ségrégation des grains ?, dis-je, en reprenant l’argument régulièrement avancé par les promoteurs des biotechnologies.

– C’est impossible, me répond l’agronome. Inévitable, la contamination dans les champs rend inefficace toute tentative de ségrégation en amont. »

De fait, cette conviction est partagée par les propriétaires de silos à céréales, ainsi que le confirme un sondage réalisé en 2003 par l’Institute for Agriculture and Trade Policy de Minneapolis . On y découvre que 82 % des professionnels contactés étaient « très préoccupés » par la commercialisation éventuelle du blé RR, parce qu’« il est impossible d’avoir un système de ségrégation avec une tolérance zéro ».
De même, en 2001, une note de service interne d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, adressée au ministre de l’Agriculture Lyle Vanclief, que Greenpeace a pu se procurer, révèle que l’argument de la ségrégation ne convainc pas les fonctionnaires ministériels eux-mêmes :

« Si le blé transgénique est autorisé, il sera difficile et coûteux de le maintenir séparé du blé non transgénique dans l’ensemble des activités de production, de manutention et de transport », peut-on y lire .

À noter que c’est aussi l’avis des instances européennes qui, officiellement, tiennent pourtant un tout autre discours, censé rassurer leurs populations récalcitrantes. Ainsi, un rapport secret remis à l’Union européenne en janvier 2002, dont Greenpeace s’est procuré une copie, confirme que l’introduction des cultures transgéniques en Europe constituerait un coup fatal pour l’« agriculture biologique et familiale » du colza, mais aussi pour les « grands producteurs de maïs conventionnel » et que la coexistence de cultures conventionnelles et transgéniques « sur une même ferme semble un scénario irréaliste, y compris sur les grandes exploitations ».

Conscient de la « sensibilité » de ces conclusions, Barry McSweeney, le directeur du centre de recherche de l’Union européenne, a cru bon de joindre une lettre au rapport, dans laquelle il écrit :

« Étant donné la sensibilité du sujet, je suggère que ce rapport soit réservé uniquement à l’usage interne de la Commission . »

« Est-ce que la contamination transgénique est réversible ?, ai-je demandé à René van Acker, un peu affolée par toutes ces informations.

– Malheureusement, je pense que non, soupire-t-il. Il n’y a pas de marche arrière possible. Une fois qu’un OGM a été lâché dans la nature, on ne peut plus le rappeler… Si on voulait supprimer le colza transgénique dans l’Ouest du Canada, il faudrait demander à tous les paysans d’arrêter de cultiver cette plante pendant au moins dix ans. Ce qui est impossible, car le colza représente notre deuxième production nationale, avec 4,5 millions d’hectares cultivés…

– Quelles sont les conséquences pour la biodiversité ?

– C’est une question très importante, notamment pour le Mexique, qui est le centre d’origine du maïs, ou pour les pays du Croissant fertile, où est né le blé. Le Canada et les États-Unis exportent vers ces régions du monde : si les transgènes s’insèrent dans les espèces sauvages et traditionnelles de maïs ou de blé, cela entraînera un appauvrissement dramatique de la biodiversité. De plus, se pose le problème des droits de propriété intellectuelle. L’affaire de Percy Schmeiser montre que Monsanto considère que toute plante lui appartient dès lors qu’elle contient un gène breveté : si ce principe n’est pas remis en cause, cela veut dire qu’à terme, la firme pourrait contrôler les ressources génétiques du monde qui constituent un bien commun. Regardez ce qui se passe au Mexique, nous sommes déjà à la croisée des chemins… »

FIN DE L’EXTRAIT

Photo: lors de la conférence-débat à Toulouse, le 5 juin dernier.

Merci à Guillaume de Crop pour ces deux photos de cette soirée à laquelle participèrent 650 personnes…