Le 9 janvier dernier, Le Monde a publié un article, intitulé « Le désherbant le plus vendu au monde mis en accusation ». Il s’agit d’une nouvelle étude publiée par le professeur Gilles-Eric Séralini, biochimiste à l’Université de Caen, avec sa collègue Nora Benachour, dans la revue Chemical Research in Toxicology, qui montre « l’impact de diverses formulations et constituants » du roundup « sur des lignées cellulaires humaines. Et ce à des doses très faibles ». Cette publication confirme ce que j’ai écrit dans mon livre, dans mon chapitre sur le roundup.
Mes lecteurs peuvent consulter le comuniqué de presse sur cette importante publication du CRIIGEN – Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique – , créé par l’ancienne ministre de l’environnement et avocate Corinne Lepage, dont le professeur Séralini est membre:
Par ailleurs, dans la même page du Monde, un encadré annonçait que Monsanto avait lancé « une procédure d’homologation pour un maïs transgénique tolérant à la sécheresse ».
Info ou intox?
Cela fait plus de vingt ans que les fabricants d’OGM nous promettent des plantes transgéniques « résistantes à la sécheresse ». Or, d’après les informations que j’ai pu recueillir aussi bien auprès des chercheurs du CIMMYT (centre international pour l’amélioration du maïs et du blé) de Mexico, l’un des temples de la recherche sur le maïs (parrainé par la fondation Rockfeller), mais aussi auprès de chercheurs américains, comme Roger Elmore, l’affaire n’est pas aisée, ainsi que le résume parfaitement Benjamin Sourice, le coordinateur du site combat-monsanto, que je copie ici. En effet, la résistance à la sécheresse n’est pas conférée par un seul gène qu’il suffirait d’identifier puis de transférer dans une plante cible, mais par plusieurs gènes qui interagissent, d’où la complexité.
Par ailleurs, comme me l’ont expliqué les scientifiques du CIMMYT, point n’est besoin de fabriquer un OGM pour obtenir un maïs résistant à la sécheresse: celui-ci existe déjà dans le magnifique réservoir génétique du maïs que constitue la région de Oaxaca que j’ai visitée pour mon enquête sur Monsanto, ainsi que dans la banque de germoplasme du CIMMYT. La différence, bien sûr, c’est qu’il n’est pas breveté…
ARTICLE DE COMBAT-MONSANTO
OGM résistant à la sécheresse: découverte ou biopiraterie?
La biologie de la résistance à la sécheresse
L’annonce de la future mise sur le marché d’un maïs génétiquement modifié résistant à la sécheresse de Monsanto surprend d’un point de vue scientifique. L’expression génétique de la résistance à la sécheresse d’une plante est un phénomène complexe et encore largement sujet à étude de la part des biologistes. Il existe des plantes naturellement résistantes à la sécheresse, comme les plantes méditerranéennes ou le cactus, que les scientifiques étudient depuis de nombreuses années pour en déchiffrer le génome, mais aucune découverte majeure n’avait laisser envisager une telle annonce de la part de Monsanto.
Christian Velot, généticien et pédagogue scientifique reconnu, résume la question de la complexité biologique de la résistance ainsi: « La capacité d’une plante à résister au manque d’eau (stress hydrique) fait appel à des mécanismes extrêmement complexes impliquant un très grand nombre de gènes dont seuls quelques-uns sont connus. Le principe pour ces Plantes Génétiquement Modifiées, soi-disant résistantes à la sécheresse, est d’essayer de calquer leur métabolisme sur celui d’une plante qui consomme naturellement moins d’eau tel le sorgho africain. »
En cas de stress hydrique, la plante réagit de plusieurs façons. Dans un premier temps, elle va ralentir son métabolisme, ce qui va stopper la croissance de la plante et entraînera une baisse de la production. Si la sécheresse se prolonge, la plante puise dans se réserve hydrique et commence à perdre ses feuilles qui se dessèchent, puis la plante meurt et la récolte est détruite. Il y a donc une différence majeure entre les réactions en fonction du type de sécheresse.
Deux facteurs majeurs de tolérance à la sécheresse ont été identifiés. D’un coté le développement de la racine permettant de capter plus d’eau dans le sol, et de l’autre coté la régulation naturelle de la l’évapotranspiration de la plante. Ce processus d’évapotranspiration consiste à rejeter de l’eau dans l’atmosphère pour réguler la température et l’énergie de la plante, il se produit au niveau des stomates qui sont des cellules spécialisées de la feuille.
En 1998, un article publié dans le magazine Sciences s’intéressait à l’hormone ABA (acide abscissique) qui contrôle l’ouverture des stomates. La publication suggérait que l’inhibition du gène responsable de la production de l’hormone ABA permettrait de contrôler, ou plutôt d’empêcher, la fermeture des stomates et donc l’évapotranspiration. Cela permettrait sur une sécheresse courte que la plante ne ralentisse pas sa croissance, donc que le rendement ne soit pas affectée, en revanche cela condamne la plante plus rapidement si la sécheresse se prolonge. A l’inverse faciliter la fermeture des stomates, et donc bloquer l’evapotranspiration, permet à la plante de conserver son eau et résister plus longtemps en cas de sécheresse prolongée mais affecte largement sa productivité.
Ce dilemme scientifique est l’un des principaux de la génétique sur la question de la résistance à la sécheresse mais Monsanto semble l’avoir résolu haut la main. Auraient-ils réussi à croiser le cactus et le maïs? Lorsqu’on demande un complément d’information à Monsanto sur la cassette génétique conférant la résistance à la sécheresse, la firme répond qu’il s’agit d’une « confidential business information » qui sera jalousement protégée par un brevet.
Une autre limite se pose aux généticiens, il s’agit du comportement de la plante programmée pour résister à la sécheresse en cas de conditions hydriques normales. Ainsi un trop fort apport hydrique est tout aussi perturbant pour le métabolisme de la plante et conduira à une chute du rendement. Par exemple le blé syrien reconnu pour sa capacité naturelle à résister à la sécheresse aura des rendements moindre sous des latitudes plus humides. Or aucun agriculteur ne peut prévoir une sécheresse dans la prochaine saison avant de sélectionner ses semences.
Dans l’article « Desert Grain » paru dans la revue scientifique The Ecologist, en novembre 2008, le Pr Jack Heinemann, biologiste et expert sur la question pour l’ONU, commente: « il n’existe pas « de gênes magiques » pour la résistance à la sécheresse, parce que ce qui rend une plante tolérante variera en fonction des espèces, du type d’environnement pour lequel elle est adaptée et des objectifs du fermier ».
D’ailleurs selon Christian Velot: « dans le berceau du maïs qu’est le Mexique, on trouve naturellement du maïs qui pousse avec peu d’eau et qui est le résultat de la sélection massale pratiquée par les paysans depuis des millénaires. Mais, étrangement, ce caractère fort intéressant n’a pas été retenu par les semenciers dans leurs processus de sélection ». Si cette caractéristique naturelle n’a pas été retenue, c’est qu’elle ne peut pas être considérée comme une découverte et donc soumise à un brevet, or sans brevet la compagnie de biotech ne pourra pas demander aux producteurs des royalties sur sa « nouvelle » technologie.
Finalement, dans un autre article scientifique, M. Serge Hamon de L’Institut de Recherche pour le Développement, dont l’engouement pour les OGM n’est pas un secret, a pourtant ce commentaire: « Le fait que la quantité d’eau puisse être limitante ou de mauvaise qualité (saumâtre) peut se gérer certainement à plusieurs niveaux totalement différents […]: changements des méthodes culturales, emplois de variétés plus rustiques, sélection progressive de population plus adaptée au déficit hydrique. En revanche, la probabilité que par les biotechnologies (PGM) on arrive à gérer globalement la résistance à la sécheresse est aujourd’hui du domaine de l’utopie. (Novembre 2007) »
Benjamin Sourice
Combat Monsanto.
Photo:
– Des épis de maïs séchent dans la région de Oaxaca, le centre d’origine du maïs, aujourd’hui menacé par la contamination génétique.