les OGM de Monsanto entraînent une augmentation de la consommation d’herbicides

J’étais récemment dans l’Etat du Minnesota (USA), et très précisément dans la Red River Valley, une région d’agriculture intensive où l’on cultive à perte de vue le soja Roundup Ready de Monsanto.

Accompagnée d’un scientifique et d’un technicien agricole de l’Université de Minneapolis, j’ai rencontré des farmers qui m’ont confirmé ce que je décrivais déjà dans mon livre, et sur mon Blog: leurs champs sont envahis par des mauvaises herbes résistantes au roundup, entraînant une augmentation exponentielle de leur consommation d’herbicides!

Mieux: ils m’ont assuré qu’ils voulaient renoncer aux OGM de Monsanto pour retourner à des semences de soja conventionnel, qu’ils ont d’ailleurs bien du mal à trouver, en raison du (quasi) monopole de Monsanto sur les semences (cf. mon livre).

« Les paysans de la région se détournent de plus en plus des OGM » m’a , pour sa part , raconté Nick Kgar, un journaliste d’une télévision locale de Fargo (le « Fargo » des Frères Cohen!) , qui a tenu à m’interviewer, dès qu’il a su que j’étais de passage dans la région (voir photos).

Aujourd’hui, tout ce que je rapportais déjà dans mon livre a été confirmé par le dernier rapport, publié par Charles Benbrook , qui fut directeur de la division agricole de la prestigieuse Académie nationale des sciences, avant de créer un centre de promotion de l’agriculture biologique.

Intitulé « Impacts of Genetically Engineered Crops on Pesticide Use: the Firts Thirteen Years », ce rapport confirme ce que Charles Benbrook avait déjà constaté dans ses études précédents (voir mon livre et Blog): contrairement aux promesses de Monsanto, les OGM roundup ready n’ont pas entraîné une baisse de la consommation d’herbicides, mais une augmentation de + 382 millions de livres depuis leur introduction en 1996.

Les anglophones peuvent lire ce rapport ici

Les non anglophones peuvent lire cet article du Monde, publié le 29 novembre dernier que je copie, en y ajoutant un commentaire:

Les organismes génétiquement modifiés (OGM) permettent-ils de réduire la consommation de pesticides ? L’argument, contesté par les écologistes, est mis en avant par les entreprises de semences transgéniques. Une étude, publiée en novembre par The Organic Center, un centre de recherche américain opposé aux biotechnologies, ravive ce débat en affirmant que la généralisation du soja, du maïs, et du coton OGM aux Etats-Unis depuis 1996 a abouti à une surconsommation de pesticides de 144 000 tonnes (soit deux fois la quantité utilisée par an en France).

Le directeur scientifique du centre, Charles Benbrook, ancien directeur du bureau de l’agriculture de l’Académie des sciences américaine, devenu consultant, a utilisé les données collectées chaque année par le ministère américain de l’agriculture (USDA), qui évalue par sondage les surfaces traitées et les quantités appliquées par hectare. Ces données ne distinguant pas les plantes transgéniques des conventionnelles, M. Benbrook a donc estimé « l’impact » des biotechnologies en mettant en équation les chiffres de l’USDA avec des estimations – effectuées à partir de données publiques – des traitements appliqués en moyenne en fonction des modes de culture.

Selon ces résultats, l’utilisation de maïs et de coton génétiquement modifiés pour sécréter une toxine mortelle pour les insectes ravageurs (plantes Bt) aurait permis « d’économiser » 29 000 tonnes d’insecticides depuis 1996. En revanche, la généralisation du soja Round Up Ready (RR), conçu par Monsanto pour résister au passage de son herbicide vedette, aurait abouti à une surconsommation de 173 000 tonnes d’herbicides.

Le soja RR a conquis les agriculteurs américains : il représente 90 % des surfaces cultivées de soja. « C’est ce succès qui a entraîné l’accroissement des quantités de pesticides utilisées, affirme Charles Benbrook. L’utilisation d’un seul herbicide a favorisé l’apparition de mauvaises herbes résistantes. Plus on avance dans le temps, moins le système marche. Une seule application suffisait au départ pour contrôler les mauvaises herbes. Deux à trois sont parfois nécessaires aujourd’hui. »

« DONNÉES INCOMPLÈTES »

Le rapport de M. Benbrook est contesté par le cabinet de conseil britannique PG Economics, spécialisé dans l’analyse de l’impact des biotechnologies – et en général favorable à ces dernières. « M. Benbrook utilise des données incomplètes de façon erronée », résume Graham Brookes, de PG Economics. Premier écueil : les données de l’USDA s’arrêtent en 2007 pour le coton, en 2006 pour le soja et en 2005 pour le maïs. Elles ont été complétées par extrapolation par M. Benbrook. Deuxième critique : ce dernier sous-évaluerait les traitements réalisés par les cultivateurs de soja traditionnel, peu nombreux aux Etats-Unis, donc jugés non représentatifs.

PG Economics utilise les données commercialisées par l’organisme privé DMR Kynetec, qui procède par sondage et, contrairement à l’USDA, distingue les modes de culture. Selon ces chiffres, M. Benbrook surestime l’utilisation des herbicides de 28 000 tonnes sur la période étudiée. Les mêmes données confirment toutefois une tendance à l’augmentation de l’usage des herbicides sur le soja OGM américain depuis le début des années 2000, de 10 % à 15 % par rapport à la période antérieure à 1996. Il augmente également sur le coton (de 18 % à 22 %), mais baisse sur le maïs (8 % à 12 %).

A ce débat sur les tonnages utilisés s’ajoute une controverse sur le glyphosate, la molécule active du Round Up, présentée comme moins dangereuse que celles qu’elle a remplacées. « C’est l’une des moins nocives utilisées actuellement, mais elle n’est pas sans risque », répond M. Benbrook.

Gaëlle Dupont
Mon commentaire:

Ce que ne dit pas Gaëlle Dupont c’est que Charles Benbrook ne pouvait pas utiliser les données de l’USDA de 2008, tout simplement parce que le secrétariat à l’agriculture a décidé d’arrêter de les rendre publiques!
Cette décision a provoqué de nombreuses réactions aux Etats Unis provenant d’ONG, comme Greenpeace ou WWF, mais aussi de l’Association des producteurs de soja (ASA) ou de Syngenta, le concurrent suisse de Monsanto, qui ont tous écrit à l’USDA lui demandant de revenir sur cette bien étrange décision. Seul Monsanto n’a pas écrit, ainsi que l’ont révélé plusieurs journaux ou sites comme celui-ci.

Je traduis ce que dit Charles Benbrook dans cet article:

« Les données de 2007 auraient montré une augmentation énorme de la quantité d’herbicides épandus sur les cultures roundup ready, en particulier de soja. Les médias agricoles ne cessent de rapporter des histoires , au cours des dernières années, au sujet d’agriculteurs confrontés à des mauvaises herbes résistantes au glyphosate et à d’autres herbicides. Je trouve curieux que le Département de l’agriculture ait décidé d’arrêter de collecter les données, précisément au moment où il y a un intérêt majeur et un besoin d’informations solides sur l’usage des pesticides dans les cultures de soja. Je ne serais pas surpris qu’il y ait eu un lobbying discret de Monsanto pour faire enterrer ce programme ».

Photo: avec Nick Kgar, le journaliste de Fargo.