Alors que je suis en tournage au Népal, je viens d’apprendre que Sofia Gatica a été maltraitée par la police, puis arrêtée, après une manifestation sur le site de Córdoba où Monsanto veut installer la plus grande usine de roundup du monde.
Je reproduis ci-dessous le billet que j’avais écrit sur mon Blog le 20 août 2012 où je relate l’histoire exemplaire de cette femme qui s’est battue contre l’empoisonnement de son quartier, situé au coeur des champs de soja transgénique.
J’avais reçu Sofía chez moi en juin dernier, lorsqu’elle était venue présenter son combat à l’UNESCO.
L’histoire de Sofía
Monsanto, encore et toujours. La firme vient d’essuyer un beau désaveu en Argentine, où Sofia Gatica, une mère de famille très courageuse vient de recevoir le prestigieux prix Goldman, pour le combat qu’elle mène depuis des années contre les épandages de roundup sur les champs de soja transgéniques qui jouxtent son quartier d’habitation.
http://www.goldmanprize.org/recipient/sofia-gatica
J’avais raconté le drame de Sofia Gatica et de celles qu’on appelle les « mères de Ituzaingó», du nom du quartier qu’elles habitent dans la banlieue de Córdoba, dans mon livre Le monde selon Monsanto.
Puis, en mars 2009, j’avais rencontré Sofia Gatica (ci-dessous à ma gauche) lors de deux conférences que j’avais données en Argentine sur le désastre environnemental et sanitaire du modèle transgénique (voir photos ci-dessous).
L’histoire de Sofia est exemplaire. Rien ne préparait, en effet, cette mère de famille à incarner la lutte contre les OGM de Monsanto. Au début des années 2000, Sofia perd unepetite fille peu après sa naissance, qui souffre d’un dysfonctionnement grave des reins. Désireuse de comprendre à quoi peut être due cette malformation congénitale très rare, Sofia commence à faire du porte à porte dans son quartier, entouré de champs de soja transgénique, arrosé plusieurs fois par an de roundup, le sinistre herbicide de Monsanto.
Sofia découvre que de nombreuses familles ont des problèmes de santé récurrents qui sont survenus après l’introduction des OGM en Argentine. Avec seize autres mères de famille, elle fonde l’association des « mères de Ituzaingó », qui mène une véritable enquête épidémiologique. Elle découvre ainsi que dans le quartier le taux de cancer est quarante-et-un fois supérieur à la moyenne nationale, et que l’incidence des troubles neurologiques, des malformations congénitales, ou des morts foetales y est exceptionnellement élevée.
Commence alors un difficile combat pour que les autorités acceptent simplement de s’intéresser à ce drame humain, et au-delà au désastre qu’entraînent les cultures transgéniques pour l’environnement et les populations qui vivent à proximité des OGM :Sofia a été plusieurs fois menacée de mort par ceux qui profitent des OGM de Monsanto.
Lors de la conférence que j’avais donnée à la Bibliothèque nationale de Buenos Aires, je me souviens que l’Association des avocats environnementalistes d’Argentine m’avait annoncé qu’elle allait se baser sur les nombreuses révélations du Monde selon Monsantopour assister les riverains qui voulaient porter plainte contre les épandages de roundup.
De mon côté, j’avais rencontré Alberto Hernandez, le secrétaire d’Etat à l’agriculture à qui j’avais remis un exemplaire de mon livre.
C’est ainsi qu’en 2009, puis en 2010, plusieurs juges ont pris des arrêtés interdisant l’épandage des poisons agricoles à moins de 1500 mètres des habitations.
Et puis, en juin dernier, s’est ouvert le premier procès argentin contre les épandages de pesticides à proximité des zones résidentielles.
Deux grands « sojeros » (producteurs de soja transgénique) sont accusés d’avoir commandité l’épandage aérien de glyphosate (la substance active du roundup) et d’endosulfan au-dessus de champs d’OGM proches du quartier d’Ituzaingó. J’ai été invitée à participer à ce procès comme témoin, mais j’ai dû malheureusement décliner en raison du tournage de mon film Les moissons du futur , qui montre que ce sont les pesticides et OGM- et précisément le modèle agronomique et économique qu’ils incarnent- qui affament le monde…
En d’autres termes : si on veut nourrir le monde, il faut de toute urgence interdire les poisons chimiques – pesticides et OGM – en développant des techniques agroécologiques, respectueuses des ressources naturelles, moins gourmandes en énergies fossiles et eau, captatrices de dioxyde de carbone et non plus émettrices de gaz à effet de serre comme l’est aujourd’hui l’agriculture chimique, et surtout saines pour l’environnement et les humains.