Monsanto sait que le « principe d’équivalence en substance » est une escroquerie
Apparemment, il y a des problèmes de son avec les séquences « rushes » que je mets en ligne. En attendant de régler ce problème, je livre une nouvelle séquence pré-montée, mais finalement coupée pour cause de longueur.
Il s’agit de l’interview de Kirk Azevedo, un ancien salarié de Monsanto, que j’ai également présentée dans mon livre.
Elle prouve qu’au moment où elle se battait pour faire approuver le « principe d’équivalence en substance » partout dans le monde, la firme savait pertinemment qu’un OGM n’était nullement équivalent à la plante conventionnelle dont il était issu…
EXTRAIT LIVRE:
Le « nouveau Monsanto » va « sauver le monde »
À peine nommé P-DG de Monsanto en avril 1995, Robert Shapiro lance la grande « révolution culturelle » censée faire basculer la vieille entreprise chimique dans l’ère des « sciences de la vie ».
Ce nouveau concept, fondé sur l’application de la biologie moléculaire à l’agriculture et à la santé, est présenté officiellement lors du « Global Forum » qu’organise le « gourou » en juin 1995, dans un grand hôtel de Chicago.
Cinq cents cadres venus de toutes les filiales de la firme sont conviés à découvrir sa nouvelle politique, dans une ambiance fusionnelle qui rompt avec les rigidités légendaires de la maison. Encourageant les participants à lui donner du « Bob », l’« homme de la renaissance », en bras de chemise, émeut jusqu’aux larmes lorsqu’il évoque la honte qu’éprouvent parfois certains salariés à dire pour qui ils travaillent.
Cette époque est révolue, car le « nouveau Monsanto » va « sauver le monde ».
Fort du nouveau mot d’ordre, « Nourriture, santé et espoir », Robert Shapiro galvanise ses troupes en annonçant des plantes fabriquant des plastiques biodégradables, des maïs fournissant des anticorps contre le cancer, des huiles de colza ou de soja protégeant contre les maladies cardiovasculaires…
Des témoins racontent qu’une employée, Rebecca Tominack, exaltée par ses propos, s’avança vers le P-DG, pour lui dire : « Je suis avec vous » ; puis, retirant de son cou son badge d’identité, elle le lui passa autour du cou, dans un geste d’allégeance repris par une centaine de salariés…
« J’étais vraiment très impressionné par le discours visionnaire de Robert Shapiro, qui nous donnait envie de travailler pour rendre le monde meilleur », m’explique Kirk Azevedo, salarié de Monsanto de 1996 à 1998, que je rencontre le 14 octobre 2006 dans une petite ville de la côte ouest, où il exerce désormais le métier de chiropracteur.
Contacté par un chasseur de tête, ce diplômé de chimie avait démissionné des laboratoires Abbott, où il était chargé de tester de nouveaux pesticides, pour rejoindre ce qu’il considérait alors comme l’« entreprise du futur ».
Sa mission était de promouvoir auprès des négociants de semences et des agriculteurs californiens deux variétés de coton transgénique que Monsanto s’apprêtait à lancer sur le marché : un coton Roundup ready et un coton dit « Bt », manipulé génétiquement pour produire une lectine insecticide (comme les pommes de terre transgéniques d’Arpad Pusztai), grâce à l’introduction d’un gène issu de la bactérie bacillus thuringiensis.
« J’étais vraiment très enthousiaste, me raconte Kirk Azevedo. Je pensais effectivement que ces deux OGM allaient entraîner une réduction de la consommation d’herbicides et d’insecticides. Mais la première note discordante est venue trois mois après mon embauche. J’avais été invité à Saint-Louis pour visiter le siège et participer à un stage destiné aux nouvelles recrues. À un moment, alors que je défendais avec ferveur la biotechnologie qui allait permettre de diminuer la pollution et la faim dans le monde, l’un des vice-présidents de Monsanto m’a pris à part et m’a dit : “Ce que raconte Robert Shapiro est une chose, mais ce qui compte pour nous, c’est de faire de l’argent. C’est lui qui entretient la galerie, mais nous ne comprenons même pas de quoi il parle…”
– C’était qui ?
– Je préfère ne pas dire son nom, hésite Kirk Azevedo. En tout cas, à l’époque, je me suis dit que ce cadre supérieur devait constituer une exception… Jusqu’à l’été 1997, où j’ai connu ma seconde grande désillusion. J’étais dans un champ en train d’évaluer une parcelle expérimentale de coton Roundup ready, dont la culture n’était pas encore autorisée. Il y avait avec moi un scientifique de Monsanto, spécialiste du coton. Nous discutions de ce que nous allions faire de ce coton, une fois récolté. Comme j’étais très “pro-OGM”, j’ai dit qu’on devrait pouvoir le vendre au prix du “premium California”, parce qu’après tout il n’y avait qu’un gène de différence avec la variété d’origine, ce qui ne devait pas changer la qualité.
C’est alors qu’il m’a dit : “Non, il y a d’autres différences, les plants de coton transgéniques ne produisent pas que la protéine de résistance au Roundup, mais aussi d’autres protéines inconnues produites par le processus de manipulation.”
« J’étais sidéré ! À l’époque, on parlait beaucoup de la maladie de la “vache folle”, l’encéphalite spongiforme bovine, et de sa contrepartie humaine, la maladie de Creutzfeldt-Jacob, des pathologies graves provoquées par des macroprotéines qu’on appelle “prions”. Or, je savais que nos graines de coton transgénique allaient être vendues comme fourrage pour le bétail, et je me suis dit que nous n’avions même pas vérifié si ces “protéines inconnues” n’étaient pas des prions…
J’ai fait part de mes inquiétudes au scientifique de Monsanto, qui m’a répondu qu’on n’avait pas le temps de s’occuper de ce genre d’histoire…
Par la suite, j’ai essayé d’alerter mes collègues et, petit à petit, j’ai été mis à l’écart. J’ai aussi contacté l’université de Californie et des représentants du département agricole de l’État, mais je n’ai rencontré que de l’indifférence. J’étais tellement perturbé que j’ai finalement décidé de démissionner, pour ne pas être complice d’un comportement aussi irresponsable. Mais ce ne fut pas une décision facile à prendre… En partant, j’ai renoncé à un très bon salaire et j’ai sacrifié des dizaines de milliers de stock-options. En fait, Monsanto achète le silence de ses salariés…
– Que pensez-vous aujourd’hui du discours de Robert Shapiro ?
– C’est du baratin ! Quand je repense à la manière dont nous travaillions à l’époque, c’était une perpétuelle course contre la montre ; et le seul objectif, c’était de s’imposer au plus vite sur le marché des semences. Si on veut vraiment sauver le monde, on commence par vérifier soigneusement l’innocuité des produits que l’on fabrique. »
FIN DE L’EXTRAIT