Le point sur le débat parlementaire
J’ai co-signé la lettre adressée à François Fillon, parue dans Libération du 16 avril, sous le titre « OGM : lettre à François Fillon ».
Dans ce texte, on pouvait notamment lire ce petit rappel fort pertinent sur les engagements pris par le gouvernement lors du Grenelle de l’environnement :
«Le 25 octobre, l’ensemble des négociateurs, y compris les représentants de la profession agricole et du gouvernement, concluaient à l’unanimité sur l’«adoption d’une loi sur les biotechnologies et les OGM avant la fin du printemps 2008», reposant notamment «sur les principes suivants : responsabilité ; principe de précaution ; transparence et participation ; libre choix de produire (règles de coexistence) et de consommer sans OGM».
Ce même jour enfin, dans son discours de clôture, le président de la République affirmait :
«La vérité est que nous avons des doutes sur l’intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM.»
Force est de reconnaître qu’en première lecture les sénateurs se sont employés à vider ces engagements de leur contenu.
On pouvait donc craindre le pire lors de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale, pendant les dix premiers jours d’avril. Certes, on a entendu des énormités et des contre vérités proférées , comme je l’ai déjà souligné, par certains députés de l’UMP , comme Christian Jacob, qui ont affirmé avec un incroyable aplomb que la « contamination n’était pas un problème », alors que de l’aveu même des producteurs d’OGM canadiens, l’introduction du colza transgénique il y a dix ans a fait disparaître le colza conventionnel et bien sûr biologique dans tout le pays, en raison même de la contamination (j’y reviendrai dans un message ultérieur).
En attendant, tous ceux qui ont assisté aux débats confirment que , pour la première fois en France, on a vraiment débattu et qu’un trouble sérieux s’est répandu dans les rangs de l’UMP quant à l’utilité des « OGM pesticides », pour reprendre les mots du président Sarkozy. J’ajouterai « de Monsanto », car, je rappelle, que l’enjeu de la loi concerne l’introduction dans nos champs des seuls OGM cultivés actuellement : à savoir les « OGM pesticides de Monsanto ». Les « autres », les « beaux, les magnifiques », pour l’heure, n’existent pas…
Il n’en reste pas moins que la loi est passée (en première lecture à l’assemblée nationale) et qu’elle constitue un recul par rapport aux engagements du Grenelle de l’environnement puisqu’elle repose sur une illusion : la possibilité d’organiser la coexistence entre les cultures OGM et non OGM (certains députés ont proposé des distances réglementaires de dix ou quinze mètres… !)
C’ est un leurre ! Ainsi que je l’ai vu en Amérique du nord ou du sud, l’introduction des OGM met en péril la biodiversité et menace immanquablement l’agriculture conventionnelle et biologique. Et qu’on cesse de parler de « liberté ou de choix de l’agriculteur » : ce sont les OGM qui contaminent les plantes conventionnelles et pas le contraire !
Si la loi était donc confirmée, on peut s’attendre à la disparition programmée de l’agriculture biologique (à un moment où la demande pour les produits bio est en pleine expansion) et à la multiplication des contentieux et litiges interminables dans les campagnes, ainsi que c’est déjà le cas au Canada ou aux Etats Unis (ce sera le thème d’un message ultérieur).
Un détail ne trompe pas : suivant l’exemple britannique, les assureurs agricoles français viennent d’annoncer qu’ils refusaient d’assurer les producteurs d’OGM notamment contre les risques de contamination…
Pour l’heure, seul l’amendement 252, introduit par André Chassaigne, député communiste du Puy-de-Dôme, permet de limiter la casse ( à noter qu’un amendement similaire (180) avait été proposé par Louis Giscard d’Estaing qui l’a finalement retiré, face à la pression de son groupe).
Je rappelle que cet amendement a permis de modifier l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi par l’injonction que les cultures transgéniques doivent se développer dans le respect «des structures agricoles, des écosystèmes locaux, et des filières de production et commerciales qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés », et en toute transparence.»
Dans les faits, si l’amendement était maintenu, cela limiterait considérablement les territoires cultivés en OGM, puisque ceux-ci devraient être exclus, par exemple, des secteurs sous AOC (Appellation d’origine contrôlée).
Mais bonjour le casse-tête dans les campagnes !
En deuxième lecture de la loi, les 16 et 17 avril, les sénateurs n’ont pas complètement évincé l’amendement (malgré la demande expresse du Premier ministre François Fillon) mais en ont potentiellement limité la portée, en renvoyant à une définition ultérieure du Haut Conseil des biotechnologies sur la définition du « sans OGM »…
Et là deux conceptions risquent de s’affronter: celle des pro-OGM, qui vont soutenir qu’un produit peut être déclaré « sans OGM » s’il comprend moins de O,9% d’OGM, ce qui correspond au seuil d’étiquetage défini par la réglementation européenne.
Quant aux anti-OGM, ils vont défendre que le sans-OGM correspond au seuil de détection technique , soit moins de O,1% d’OGM.
Comme les souligne très justement Gaëlle Dupont, dans Le Monde , « l’enjeu est important , car des seuils choisis dépendront les distances de sécurité entre les champs et les modalités d’indemnisation des agriculteurs containés, donc la viabilité économique des cultures OGM ».
Il n’en reste pas moins que l’affaire n’est pas encore pliée, et qu’il appartient désormais aux CITOYENS ET ÉLECTEURS CONSCIENTS ET INFORMÉS DE SE MÊLER DE CE QUI LES REGARDE.
Pour cela j’appelle à signer la pétition pour soutenir le maintien de l’amendement 252 :
et à interpeller les députés dans leurs circonscriptions, avant le deuxième examen de la loi à l’assemblée nationale (dont la date n’est pas fixée).
Je rappelle, en effet, que la loi a été adoptée, en première lecture, à une courte majorité : par 249 voix contre 228.
Le vote du groupe UMP fut le suivant : 245 pour, 10 contre et 31 abstentions. 26 UMP étaient absents et n’avaient pas donné de délégation de vote. D’après le député François Grosdidier, un certain nombre de députés qui se sont abstenus auraient voté contre la loi, si François Fillon n’était intervenu devant le groupe UMP pour un « appel à la discipline ».
Le vote du groupe du Nouveau Centre fut de 4 pour, 1 contre, 10 abstentions, 7 absents sans délégation de vote
Le vote du groupe socialiste et PRG est le suivant : 197 contre, 0 pour, 0 abstentions. Par contre 8 députés étaient absents et n’avaient pas laissé de délégation : Christian Bataille, Jean Michel Boucheron, Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Paul Chanteguet, Gilles Cocquempot, Michel Destot, Manuel Valls.
Le vote du groupe GDR (communistes et verts) est unanime 24 contre.
Sur les 7 non inscrits, 4 ont voté contre (notamment François Bayrou et Jean Lassalle) et 3 étaient absents.
Il est ENCORE TEMPS DE CONTACTER LES DÉPUTÉS QUI SE SONT ABSTENUS ET LES ABSENTS SANS DÉLÉGATION DE VOTE pour les convaincre de voter contre la loi en deuxième lecture.
Les internautes peuvent consulter le résultat du vote nominal sur le site de l’Assemblée Nationale, pour savoir quelle fut la position de leur représentant au Palais Bourbon: