Ma visite au Chili et au Paraguay

Je termine, aujourd’hui, ma tournée dans le cône sud où mon film et livre sur Monsanto remportent un énorme succès, à tel point que le livre est en rupture de stock dans les librairies!

Les demandes pour le DVD sont nombreuses, et je remercie ARTE d’avoir décidé de produire cette version espagnole, qui sera disponible en mai. En attendant, nombreuses sont les personnes que j’ai rencontrées au cours des conférences et projections qui avaient déjà vu (et téléchargé) la version piratée sur Internet!

Après l’Argentine, j’ai passé une journée et demie au Chili où j’ai donné une série d’interviews et présenté mon enquête à la Biblioteca nacional (voir photo).

J’invite les hispanophones à regarder cette ITW diffusée sur CNN Chili.

Au Chili, les cultures d’OGM sont interdites. En revanche, le pays reproduit des semences transgéniques sur environ 22 OOO hectares , exportées vers les Etats Unis. Cette production de semences a lieu dans des endroits maintenus secrets, ce qui inquiète les agriculteurs biologiques qui craignent la contamination de leurs cultures (notamment de maïs).

Par ailleurs, le réseau RAP-AL, la branche latino-américaine de Pesticides Action Network, qui a coordonnée ma visite, mène un travail de sensibilisation considérable sur l’utilisation massive de pesticides pour les cultures de fruits, légumes et fleurs destinées à l’exportation. Chaque année, des centaines de travailleurs agricoles sont intoxiqués par les « agrotóxicos » qui polluent l’environnement et la chaîne alimentaire.

Le 2 avril, je suis arrivée au Paraguay, à un moment de grandes tensions politiques. D’après mes informations, le nouveau président Fernando Lugo, l’ex « évêque des pauvres », élu en avril dernier grâce au soutien des secteurs populaires, subit des pressions « preputschistes », selon les termes employés par l’un de mes interlocuteurs, de la part des grands producteurs de soja et des entreprises liées à l’agroexportation pour renoncer à ses engagements en faveur de l’agriculture familiale. Le conflit concerne un décret que le président s’apprêtait à signer qui permettra aux petits paysans, producteurs de sésame, de vendre leurs récoltes sans passer par les multinationales de l’agrobusiness, comme Cargill, dont je rappelle que la division internationale a été rachetée par … Monsanto.

Je rappelle qu’au Paraguay, 2% de la population détiennent 70% des terres, avec des latifundias qui dépassent les 50 000 hectares, Ces grands propriétaires terriens, dont une majorité d’origine brésilienne, cultivent du soja transgénique de Monsanto qui couvre, aujourd’hui, 2,5 millions d’hectares.

Pour étendre leur empire transgénique, destiné à nourrir les poules, les vaches et les cochons des élevages intensifs d’Europe, ils n’hésitent pas à recourir à des milices privées, liées à l’ancien dictateur Stroessner, pour chasser les petits paysans de leurs lopins de terre. Des dizaines de paysans ont été assassinés au cours des dernières années.

Comme dans l’Argentine voisine, le processus de « sojisation » s’accompagne d’une déforestation dramatique, qui met en péril la biodiversité et la sécurité alimentaire du pays (voir mon film et livre).

Vendredi matin, j’ai présenté la partie de mon film tournée au Paraguay au Congrès devant quelque deux cents personnes (voir photo). Etait présente la Dr. Gaciela Camarra, du ministère de la santé, dont je parle dans mon livre, qui a exposé les nombreuses intoxications que provoquent les épandages de roundup dans tout le pays. Le ministère de la santé a créé un registre spécial qui comprend déjà plusieurs centaines de cas.

Puis, j’ai rencontré Oscar Rodríguez, vice-ministre des Affaires étrangères, et Henry Moriya, vice-ministre de l’agriculture, avec qui je me suis entretenue pendant une heure, après leur avoir remis une copie de mon livre. Malheureusement, en raison de la crise politique, le président Lugo a annulé le rendez-vous prévu.

Les soir, le film a été présenté devant plus de 3OO personnes dans un cinéma d’Assunción.

Samedi, j’ai rejoint Guayaibi le département de San Pedro, où j’ai présenté mon film, en présence du ministre de « Emergencia nacional », Camilo Soares , venu soutenir la résistance paysanne aux tentatives de déstabilisation dirigées par le secteur de l’agro-exportation. Au même moment, le gouverneur de San Pedro, – le seul gouverneur du pays qui dénonce les méfaits des cultures transgéniques pour l’agriculture familiale et l’environnement -, et qui devait ouvrir l’événement, était en route pour Asunción pour voir en urgence le président Lugo… C’est lui qui devait me remettre la « clé de Guayaibi » (voir photo) qui fait que je suis désormais « citoyenne d’honneur » de la ville…

Enfin, dans l’après-midi, j’ai présenté mon film à dans la ville de Coronel Oviedo, dans une salle de la pastorale catholique qui avait invité 3OO étudiants en agronomie. A la fin du débat qui a duré deux heures, plusieurs d’entre eux sont venus me voir très émus: fils de « sojeros », ils ont décidé d’acheter le DVD (qu’ils ont commandé) pour organiser des projections un peu partout dans la région où les épandages de roundup provoquent un désastre sanitaire.

Photos:

– 1 et 2 :Conférence à la Bibliothèque nationale de Santiago du Chili. La banderole dit « Monsanto sème la mort ». A la tribune, Marco Enríquez-Ominami, député.

– 3: L’interview à CNN Chile

– 4: présentation de mon enquête au Congrès d’Asunción.

– 5: ma rencontre avec Oscar Rodríguez, vice-ministre des Affaires étrangères et Henry Moriya, vice-ministre de l’agriculture

Je vous écris d’Argentine (suite)

Je vois que les commentaires d’ « Anton » sont toujours aussi délicats et respectueux de la souffrance humaine. Je dois dire que j’ai été scandalisée par sa remarque déplacée sur le « ventre disgracieux » de Florencia… C’est honteux! Le petit garçon de la jeune femme a souffert le martyr pendant plusieurs semaines après les épandages de roundup : dermitis sur les jambes, yeux rougis, et démangeaisons sur tout le corps. Florencia l’a amené aux urgences où les médecins ont confirmé qu’il s’agissait d’une intoxication due à des « agrotóxicos ».

Aujourd’hui, j’ai rencontré d’autres victimes du modèle transgénique pesticide et criminel de Monsanto: les mères du quartier d’Ituzáingo de Córdoba, qui sont venus spécialement pour me rencontrer, d’abord à ma conférence à l’université d’agronomie de Buenos Aires, puis à la Bibliothèque nationale (voir photos). J’ai déjà raconté sur mon Blog le calvaire vécu par ce quartier situé en bordure des champs de soja. Une enquête officielle confirmée par Alberto Hernandez, le sécrétaire à l’agriculture, que j’ai rencontré aujourd’hui (voir photo), – la ministre ayant été retenue pour une réunion d’urgence liée à l’épidémie de dengue qui frappe le pays-, fait état de 500 cas de cancer pour une population de 4000 habitants. Une juge de Córdoba vient d’interdire les épandages de l’herbicide de Monsanto à moins de 1500 mètres des habitations. Par ailleurs, le ministère de la santé vient de débloquer 1 700 000 pesos (plus de 300 000 Euros) pour aider les familles à se soigner.

Bienvenue au pays du soja roundup ready!

Pour les hispanophones, à lire cet article de deux pages de Página 12.

Par ailleurs, un agronome argentin m’a signalé, ce matin, que Monsanto Argentine avait mis sur son site un article censé critiquer mon film et livre: c’est amusant car c’est le même papier que celui mis en ligne par Monsanto Brésil, lors de ma visite en décembre! Comme l’avait révélé Le Monde (voir sur ce Blog), c’est un papier envoyé par le siège de la firme à Saint Louis!

Photos:

– Conférence à l’université d’agronomie de Buenos Aires, financée largement par … Monsanto.

– A gauche, Javier Souza, agronome, le coordinateur latino-américain de RAPAL, la branche sud-américaine de Pesticides Action Network, qui coordonne ma visite en Argentine, Chili et Paraguay.

– Sofia et Rita , deux mères du quartier d’Ituzáingo montrant un bilan des maladies enregistrées dans leur quartier.

– rencontre avec Alberto Hernandez, le secrétaire à l’agriculture.

– Conférence à la Bibliothèque nationale.

« Les données brutes sont à la disposition des experts » dit Anton!

Je viens de lire les commentaires postés sur mon Blog et ceux de « Anton » ne lassent pas de me surprendre tant ils révèlent – au choix! – sa méconnaissance des dossiers, sa naïveté ou sa volonté de désinformer.

Par exemple, le 30 mars, il écrit:

« Je parlais ici de l’évaluation toxicologique , je sais que MMR et le CRIIGEN raconte des mensonges (les données brutes sont à la disposition des experts) … »

« Les données brutes sont à la disposition des experts »!

Voilà qui est effectivement rassurant!

Le problème c’est que concernant un sujet aussi grave que la sécurité alimentaire et donc la santé des consommateurs, les données brutes des études toxicologiques devraient être accessibles à tous ceux qui en font la demande, et notamment aux scientifiques indépendants pour qu’elles puissent être examinées et soumises à une contre-expertise en toute transparence.

Or, pour les OGM c’est impossible!

Deux exemples que je raconte dans mon livre:

Lorsque le Pr. Ian Pryme de l’Université de Bergen, en Norvège, a voulu se procurer les données brutes de l’étude toxicologique de trois mois (!) réalisée par Stephen Padgette de Monsanto sur des rats adultes (!) nourris au soja Roundup ready, la firme a refusé de les communiquer en invoquant le secret commercial!

Voici ce que le Pr. Pryme m’a déclaré:

– Avez-vous essayé de vous procurer les données brutes de l’étude ? demandai-je.
– Oui, mais malheureusement, Monsanto a refusé de les communiquer au motif qu’elles étaient couvertes par le secret commercial…

C’est la première fois que j’entendais un tel argument concernant les données d’une recherche… Normalement, dès qu’une étude est publiée, n’importe quel chercheur peut demander à consulter les données brutes, pour répéter l’expérience et contribuer au progrès scientifique. Le refus de Monsanto donne immanquablement l’impression que la firme a quelque chose à cacher : soit que les résultats ne sont pas suffisamment convaincants, soit qu’ils sont mauvais, soit que la méthodologie et le protocole utilisés ne sont pas suffisants pour résister à une analyse scientifique rigoureuse. Pour faire notre étude, nous avons donc dû nous contenter du résumé fourni par la firme aux agences de réglementation… »

De même, concernant le maïs MON 863, il a fallu que le gouvernement allemand saisisse la justice pour que Monsanto soit contraint de communiquer les données brutes de son étude toxicologique!

Au même moment , le CRIIGEN de Corinne Lepage saisissait la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) pour obtenir que la Commission du génie Biomoléculaire – les fameux « experts » – fournissent les données brutes, car les « experts » refusaient de les communiquer, en invoquant le « secret commercial » de Monsanto!!

En attendant, après la communication des données brutes, la Commission européenne a , comme par hasard, décidé de mettre le MON 863 sous le tapis!

Photo:

– Annonce de ma conférence, hier, à l’Université d’agronomie de Buenos Aires, où les agronomes présents ont découvert avec surprise le manque d’évaluation scientifique du soja Roundup ready qui recouvre, pourtant, près de 18 milliosn d’hectares en Argentine.

Une journée au milieu de l’empire du soja roundup ready

La journée fut très longue aujourd’hui: je suis partie à l’aube rejoindre la petite ville de Los Toldos, à 400 kilomètres au nord de Buenos Aires. Une association locale avait beaucoup insisté pour que je vienne soutenir leur combat. Située au coeur de l’empire transgénique, la ville est cernée par le soja pesticide de Monsanto et subit , plusieurs fois par an, les épandages de roundup largué par avion.

Résultat: la population est régulièrement intoxiquée et présente tous les signes bien connus d’un empoisonnement au roundup, à savoir irruptions cutanées, dermitis, vomissements, nausées, maux de tête et troubles de la vue.

En fin d’après-midi, le film « Le monde selon Monsanto » a été présenté devant une centaine de personnes. À la fin du débat, les habitants ont décidé de se regrouper pour porter plainte pour empoisonnement. Je vais transmettre leur calvaire , demain, à Graciela Ocaña, la ministre de la Santé qui me reçoit entre deux projections.

La rencontre avec les habitants de Los Toldos fut d’autant plus étonnante qu’ils avaient tous vu mon film « Escadrons de la mort: l’école française », rediffusé sur Canal 7, le 24 mars dernier, pour l’anniversaire du coup d’Etat, conduit en 1976 par le général Videla et consorts. Je rappelle que dans ce film et livre, j’avais révélé comment les militaires français avaient exporté les méthodes dites de la « guerre antisubversive » développées pendant la guerre d’Algérie, vers l’Amérique latine, et notamment en Argentine. J’avais réussi à interviewer trois généraux de la Junte sur leurs liens avec les Français, et ces interviews avaient provoqué un cataclysme en Argentine, au point de conduire à la réouverture des procès contre les chefs de la dictature, dont les trois que j’avais interviewés.

Mardi, avant de m’envoler pour le Chili, je dois rencontrer le procureur de Buenos Aires qui m’a demandé de témoigner, pour la deuxième fois, dans un procès.

Certains habitants de Los Toldos m’ont demandé s’il y avait un rapport entre  » Escadrons de la mort: l’école française » et « Le monde selon Monsanto ». J’ai répondu que oui. D’abord, ces deux films (et livres) traitent de questions de droits de l’homme; et puis, si Monsanto a pu s’implanter si facilement en Argentine c’est grâce au « travail » des dictateurs qui ont démantelé les systèmes de protection de l’agriculture argentine, les services publics, et ouvert l’économie du pays aux multinationales. La privatisation de l’économie argentine a ensuite été poursuivie par le président Ménem, hautement corrompu.

Photos:

– Déjeuner avec l’association de Los Toldos qui mène la résistance contre le soja de Monsanto

– Le soja pousse jusqu’aux portes des écoles et maisons, qui sont littéralement inondées de roundup lors des épandages par avion. Les habitants décrivent un « nuage blanc » qui s’abat sur leurs maisons.

– Florencia, mère d’un enfant d’un an, a été plusieurs fois intoxiquée par les épandages. Un mois après la dernière « fumigación », elle porte encore les traces d’une dermitite, ainsi que son petit garçon.

Je vous écris d’Argentine

Je suis arrivée à Buenos Aires, hier matin, où j’initie une tournée dans le cône sud. En Argentine, je suis invitée par RAPAL, la branche latino-américaine de Pesticides Action Network, et un collectif d’ONG, comme el Foro Ciudadano de Participación por la Justicia y los Derechos Humanos, et Océano, le distributeur de mon livre en Amérique latine.

J’ai dû résister beaucoup pour que mon voyage en terre argentine n’excède pas les quatre jours, tant les demandes ont afflué de tout le pays pour que je vienne présenter mon film et livre sur Monsanto. À peine arrivée, j’ai enchaîné les interviews avec la presse, depuis mon hôtel: huit en quelques heures!

Pour les hispanophones, je mets un lien vers l’interview que j’ai donnée à une radio de Mar del Plata.

Ne pouvant répondre à toutes les demandes, j’ai choisi de privilégier les rencontres avec la presse, pour qu’elle poursuive le travail de conscientisation sur le désastre sanitaire, environnemental et social que représentent les cultures de soja roundup ready dans le pays. J’invite mes lecteurs à regarder mon reportage « Argentine: le soja de la faim », diffusé sur ARTE en 2005, et disponible sur ce Blog (rubrique « les films qui m’ont conduite à Monsanto ».

Depuis que le journal Página 12 a rendu compte de mon travail sur Monsanto, les choses ont commencé à bouger au pays de la vache et du lait, où les plantes pesticides de Monsanto couvrent plus de dix-sept millions d’hectares. La présidente Christina Kirchner a créé une commission d’enquête pour dresser le bilan des épandages de roundup qui empoisonnent les terres, l’eau et intoxiquent les habitants (voir sur mon Blog).

J’ai aussi décidé de privilégier les rencontres avec les agronomes argentins. C’est ainsi que ce matin, j’ai présenté mon enquête à l’Université d’agronomie de La Plata, devant un auditoire très nombreux (voir photos). dans la foulée, j’ai donné une conférence de presse à laquelle participait une douzaine de journalistes.

Enfin , j’ai décidé de soutenir les victimes du modèle agricole transgénique, qui commencent à s’organiser dans tout le pays, en portant plainte devant la justice argentine pour intoxication.

Demain, je me rends à Los Toldos, une commune de la province de Buenos Aires, où les habitants se battent contre les épandages de roundup qui littéralement empoisonnent leur vie.

Photos:

– Ce matin à l’Université d’Agronomie de La Plata

– Le 8 mars à Montbéliard , où j’étais invitée par le Pavillon des Sciences. 650 personnes! Merci à Daniel Novak qui a mis ses photos à la disposition de mon Blog.

Enfin, pour nous redonner le moral, ce papier très intéressant sur le bannissement du roundup dans les jardins et espaces publics français.