Agenda fin janvier/février

Je continue d’être assaillie de demandes en France et partout dans le monde pour des projections de mon film ou pour le lancement de mon livre. J’essaye, autant que possible, de répondre à un certain nombre d’entre elles, mais je dois aussi commencer à travailler sur mon prochain film (ARTE) et livre (La Découverte/ ARTE Edition) qui traitera des origines environnementales del’épdiémie de cancers, maladies neurologiqes (Parkinson/ Altzheimer), maladies autoimmunes, troubles de la reproduction, qui frappe le monde « occidental ».

Voici mon agenda des prochaines semaines:

– Dimanche 25 janvier: 11 heures, MJC Fernand Léger, à Corbeil Esonnes, projection de « Le monde selon Monsanto », suivie du film « Nos enfants nous accuseront », et d’un débat à 17 heures avec Jean-Paul Jaud.

– Mardi 27 janvier au vendredi 3O janvier: projection et lancement de mon livre à Lima (Pérou). Je suis l’invitée d’honneur d’un colloque organisé sur les OGM, au moment où s’annonce un débat parlementaire sur la question.

-Lundi 9 février au vendredi 13 février: tournée en Allemagne (cinq villes) où sort mon livre (chez DVA). Voir affiche. Entre janvier et décembre 2009, le film sera présenté dans cent villes d’Allemagne à l’initiative du Festival « über Macht ».

Le roundup de nouveau en accusation

Le 9 janvier dernier, Le Monde a publié un article, intitulé « Le désherbant le plus vendu au monde mis en accusation ». Il s’agit d’une nouvelle étude publiée par le professeur Gilles-Eric Séralini, biochimiste à l’Université de Caen, avec sa collègue Nora Benachour, dans la revue Chemical Research in Toxicology, qui montre « l’impact de diverses formulations et constituants » du roundup « sur des lignées cellulaires humaines. Et ce à des doses très faibles ». Cette publication confirme ce que j’ai écrit dans mon livre, dans mon chapitre sur le roundup.

Mes lecteurs peuvent consulter le comuniqué de presse sur cette importante publication du CRIIGEN – Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le Génie Génétique – , créé par l’ancienne ministre de l’environnement et avocate Corinne Lepage, dont le professeur Séralini est membre:

Par ailleurs, dans la même page du Monde, un encadré annonçait que Monsanto avait lancé « une procédure d’homologation pour un maïs transgénique tolérant à la sécheresse ».

Info ou intox?

Cela fait plus de vingt ans que les fabricants d’OGM nous promettent des plantes transgéniques « résistantes à la sécheresse ». Or, d’après les informations que j’ai pu recueillir aussi bien auprès des chercheurs du CIMMYT (centre international pour l’amélioration du maïs et du blé) de Mexico, l’un des temples de la recherche sur le maïs (parrainé par la fondation Rockfeller), mais aussi auprès de chercheurs américains, comme Roger Elmore, l’affaire n’est pas aisée, ainsi que le résume parfaitement Benjamin Sourice, le coordinateur du site combat-monsanto, que je copie ici. En effet, la résistance à la sécheresse n’est pas conférée par un seul gène qu’il suffirait d’identifier puis de transférer dans une plante cible, mais par plusieurs gènes qui interagissent, d’où la complexité.

Par ailleurs, comme me l’ont expliqué les scientifiques du CIMMYT, point n’est besoin de fabriquer un OGM pour obtenir un maïs résistant à la sécheresse: celui-ci existe déjà dans le magnifique réservoir génétique du maïs que constitue la région de Oaxaca que j’ai visitée pour mon enquête sur Monsanto, ainsi que dans la banque de germoplasme du CIMMYT. La différence, bien sûr, c’est qu’il n’est pas breveté…

ARTICLE DE COMBAT-MONSANTO

OGM résistant à la sécheresse: découverte ou biopiraterie?

La biologie de la résistance à la sécheresse

L’annonce de la future mise sur le marché d’un maïs génétiquement modifié résistant à la sécheresse de Monsanto surprend d’un point de vue scientifique. L’expression génétique de la résistance à la sécheresse d’une plante est un phénomène complexe et encore largement sujet à étude de la part des biologistes. Il existe des plantes naturellement résistantes à la sécheresse, comme les plantes méditerranéennes ou le cactus, que les scientifiques étudient depuis de nombreuses années pour en déchiffrer le génome, mais aucune découverte majeure n’avait laisser envisager une telle annonce de la part de Monsanto.

Christian Velot, généticien et pédagogue scientifique reconnu, résume la question de la complexité biologique de la résistance ainsi: « La capacité d’une plante à résister au manque d’eau (stress hydrique) fait appel à des mécanismes extrêmement complexes impliquant un très grand nombre de gènes dont seuls quelques-uns sont connus. Le principe pour ces Plantes Génétiquement Modifiées, soi-disant résistantes à la sécheresse, est d’essayer de calquer leur métabolisme sur celui d’une plante qui consomme naturellement moins d’eau tel le sorgho africain. »

En cas de stress hydrique, la plante réagit de plusieurs façons. Dans un premier temps, elle va ralentir son métabolisme, ce qui va stopper la croissance de la plante et entraînera une baisse de la production. Si la sécheresse se prolonge, la plante puise dans se réserve hydrique et commence à perdre ses feuilles qui se dessèchent, puis la plante meurt et la récolte est détruite. Il y a donc une différence majeure entre les réactions en fonction du type de sécheresse.

Deux facteurs majeurs de tolérance à la sécheresse ont été identifiés. D’un coté le développement de la racine permettant de capter plus d’eau dans le sol, et de l’autre coté la régulation naturelle de la l’évapotranspiration de la plante. Ce processus d’évapotranspiration consiste à rejeter de l’eau dans l’atmosphère pour réguler la température et l’énergie de la plante, il se produit au niveau des stomates qui sont des cellules spécialisées de la feuille.

En 1998, un article publié dans le magazine Sciences s’intéressait à l’hormone ABA (acide abscissique) qui contrôle l’ouverture des stomates. La publication suggérait que l’inhibition du gène responsable de la production de l’hormone ABA permettrait de contrôler, ou plutôt d’empêcher, la fermeture des stomates et donc l’évapotranspiration. Cela permettrait sur une sécheresse courte que la plante ne ralentisse pas sa croissance, donc que le rendement ne soit pas affectée, en revanche cela condamne la plante plus rapidement si la sécheresse se prolonge. A l’inverse faciliter la fermeture des stomates, et donc bloquer l’evapotranspiration, permet à la plante de conserver son eau et résister plus longtemps en cas de sécheresse prolongée mais affecte largement sa productivité.

Ce dilemme scientifique est l’un des principaux de la génétique sur la question de la résistance à la sécheresse mais Monsanto semble l’avoir résolu haut la main. Auraient-ils réussi à croiser le cactus et le maïs? Lorsqu’on demande un complément d’information à Monsanto sur la cassette génétique conférant la résistance à la sécheresse, la firme répond qu’il s’agit d’une « confidential business information » qui sera jalousement protégée par un brevet.

Une autre limite se pose aux généticiens, il s’agit du comportement de la plante programmée pour résister à la sécheresse en cas de conditions hydriques normales. Ainsi un trop fort apport hydrique est tout aussi perturbant pour le métabolisme de la plante et conduira à une chute du rendement. Par exemple le blé syrien reconnu pour sa capacité naturelle à résister à la sécheresse aura des rendements moindre sous des latitudes plus humides. Or aucun agriculteur ne peut prévoir une sécheresse dans la prochaine saison avant de sélectionner ses semences.

Dans l’article « Desert Grain » paru dans la revue scientifique The Ecologist, en novembre 2008, le Pr Jack Heinemann, biologiste et expert sur la question pour l’ONU, commente: « il n’existe pas « de gênes magiques » pour la résistance à la sécheresse, parce que ce qui rend une plante tolérante variera en fonction des espèces, du type d’environnement pour lequel elle est adaptée et des objectifs du fermier ».

D’ailleurs selon Christian Velot: « dans le berceau du maïs qu’est le Mexique, on trouve naturellement du maïs qui pousse avec peu d’eau et qui est le résultat de la sélection massale pratiquée par les paysans depuis des millénaires. Mais, étrangement, ce caractère fort intéressant n’a pas été retenu par les semenciers dans leurs processus de sélection ». Si cette caractéristique naturelle n’a pas été retenue, c’est qu’elle ne peut pas être considérée comme une découverte et donc soumise à un brevet, or sans brevet la compagnie de biotech ne pourra pas demander aux producteurs des royalties sur sa « nouvelle » technologie.

Finalement, dans un autre article scientifique, M. Serge Hamon de L’Institut de Recherche pour le Développement, dont l’engouement pour les OGM n’est pas un secret, a pourtant ce commentaire: « Le fait que la quantité d’eau puisse être limitante ou de mauvaise qualité (saumâtre) peut se gérer certainement à plusieurs niveaux totalement différents […]: changements des méthodes culturales, emplois de variétés plus rustiques, sélection progressive de population plus adaptée au déficit hydrique. En revanche, la probabilité que par les biotechnologies (PGM) on arrive à gérer globalement la résistance à la sécheresse est aujourd’hui du domaine de l’utopie. (Novembre 2007) »

Benjamin Sourice
Combat Monsanto.

Photo:

– Des épis de maïs séchent dans la région de Oaxaca, le centre d’origine du maïs, aujourd’hui menacé par la contamination génétique.

Monsanto poursuit sa propagande

En parcourant le site de « combat-monsanto.org », qui s’étoffe, car il est désormais disponible en trois langues (français, anglais, espagnol), je suis tombée sur cette perle publiée dans le Journal du Dimanche du 14 décembre 2008. La journaliste qui « interviewe » le patron de Monsanto France avait essayé de me contacter mais malheureusement j’étais au Brésil et n’avais pu donner suite à sa demande. En attendant, on a là un bel exemple de propagande que je vous laisse savourer.

Je rappelle que le site « combat-monsanto.org » s’est créé à la suite de la sortie de mon film et livre et a pour but de coordonner toutes les informations planétaires sur la firme de Saint Louis, ainsi que les initiatives qui visent à empêcher que le « monde de Monsanto  » devienne le nôtre ou celui de nos (petits) enfants…

Agenda semaine du 5 janvier 2009

Bonne année à tous mes lecteurs!

Je vous informe que mon film « Torture made in USA » sera diffusé sur Canal +, le 20 mars 2009. Ce documentaire de 85 minutes, qui raconte comment l’administration de Georges Bush a légalisé la torture , en violant les lois internationales mais aussi américaines, s’inscrit dans le prolongement de mon film (et livre) « Escadrons de la mort: l’école française » , diffusé sur Canal + en 2003, puis sur ARTE en 2004, Prix du meilleur documentaire politique (Laurier du Sénat), Prix de la meilleure investigation du FIGRA, Award of Merit (Latin American Studies Association/ USA), Prix du meilleur documentaire de Egyptian Cinema Critica Association Jury.

Par ailleurs, dès le mois de janvier 2009, je commence à travailler sérieusement sur mon prochain film et livre pour ARTE, sur les origines environnementales d’un certain nombre de maladies en progression, comme le cancer ou la maladie de Parkinson.

En attendant, voici mes rendez-vous du mois de janvier pour « Le monde selon Monsanto », qui va m’occuper une bonne partie de l’année:

– Mardi 6 janvier, 20 heures 15, conférence/signature à la Librairie JONAS, 16 rue de la Maison Blanche,75013 PARIS, M° Tolbiac 

– Genève, vendredi 9 janvier, 18 heures, projection suivi d’un débat au festival des Jardins de Cocagne (voir affiche).

– Jeudi 15 janvier, de 18h à 19h30, rencontre (ouverte au public à l’ Institut de journalisme de Bordeaux, sur le thème « Écologie et Journalisme d’investigation »

20h30 : projection au Cinéma Utopia

– Vendredi 16 janvier, 20h15, Périgueux, projection/débat à l’Odyssée Théâtre.

– Mercredi 28 janvier et jeudi 29 janvier, colloque à Lima (Pérou) , en présence d’élus, d’universitaires et de militants associatifs, dans le cadre de la préparation d’une loi pour l’introduction des OGM au Pérou. Présentation de mon film et livre.

Les brevets sur le vivant violent la loi

Découvrant avec étonnement que « Anton » qui n’arrête pas de faire de la pub pour son site Web, sur mon blog (!) n’arrive pas à ouvrir les films que j’ai mis en ligne (!), j’ai donc décidé de répondre au commentaire qu’il a posté le 29/12 concernant le brevetage du vivant:

« Si vous nous expliquiez en quoi les brevets sur le vivant violent le régime général des brevets ? Eclairez-nous de vos compétences juridiques, MM Robin. J’ai bien dit juridiques, ce ne sont pas vos jugements de valeur qui nous intéressent ici ».

Comme manifestement, Anton n’a pas trouvé non plus mon livre dans les librairies ni dans les bibliothèques (!) , je copie ici la partie de mon livre qui explique pourquoi effectivement les brevets sur les OGM constituent une violation du régime général des brevets, qui n’a pas changé, y compris aux Etats Unis où la loi de 1951 continue d’interdire les brevets sur le vivant. C’est précisément en vertu de cette loi de 1951 que l’office des brevets américains avait refusé d’accorder un brevet à Chakrabarty sur sa bactérie manipulée génétiquement.

DÉBUT DE L’EXTRAIT

L’arme des brevets

« L’un de mes plus grands soucis, c’est ce que réserve la biotechnologie à l’agriculture familiale, déclarait Dan Glickman, le secrétaire à l’Agricultyure de Bill Clinton, le 13 juillet 1999, lors de ce fameux discours qui irrita tant ses collègues du Commerce extérieur américain. La question de savoir qui possède quoi alimente déjà des débats très épineux. On voit des firmes poursuivre en justice d’autres firmes pour des problèmes de brevet, même quand elles fusionnent. Les agriculteurs sont dressés contre leurs voisins dans le but de protéger les droits de propriété intellectuelle des multinationales. […] Les contrats passés avec les agriculteurs doivent être justes et ne pas les transformer en de simples serfs sur leurs terres. »

En prononçant ces mots très iconoclastes, le secrétaire à l’Agriculture américain touchait à l’un des sujets qui sont au cœur de l’opposition aux OGM : celui des brevets.

« Nous avons toujours dénoncé le double langage des firmes de la biotechnologie, m’explique Michael Hansen, l’expert de l’Union des consommateurs. D’un côté, elles disent qu’il n’y a pas besoin de tester les plantes transgéniques, parce qu’elles sont strictement similaires à leurs homologues conventionnels ; de l’autre, elles demandent des brevets, au motif que les OGM représentent une création unique. Il faut savoir : soit le soja Roundup ready est identique au soja conventionnel, soit il ne l’est pas ! Il ne peut pas être les deux à la fois au gré des intérêts de Monsanto ! »

En fait, jusqu’à la fin des années 1970, il eût été inconcevable de déposer une demande de brevet sur une variété végétale. Y compris aux États-Unis où la loi sur les brevets de 1951 stipulait clairement que ceux-ci concernaient exclusivement les machines et les procédés industriels, mais en aucun cas les organismes vivants, et donc les plantes.

À l’origine, en effet, le brevet représente un outil de politique publique qui vise à stimuler les innovations techniques en accordant à l’inventeur un monopole de fabrication et de vente de son produit, pour une durée de vingt ans.

« Les critères d’attribution des brevets sont normalement très stricts, commente Paul Gepts, un chercheur du département de biologie moléculaire qui me reçoit dans son bureau de l’université Davis (Californie), en juillet 2004. Ils sont au nombre de trois : la nouveauté du produit — c’est-à-dire le fait que le produit n’existait pas avant sa création par l’inventeur —, l’inventivité dans sa conception et le potentiel industriel de son utilisation. Jusqu’en 1980, le législateur avait exclu les organismes vivants du champ des brevets, parce qu’il estimait qu’en aucun cas ils ne pouvaient satisfaire le premier critère : même si l’homme intervient sur leur développement, les organismes vivants existent avant son action et, de plus, ils peuvent se reproduire tout seuls. »

Avec l’avènement des sélectionneurs, s’était posée la question des variétés végétales « améliorées » par la technique que j’ai déjà décrite de la « sélection généalogique » (voir supra, chapitre 7). Soucieuses de récupérer leurs investissements, les entreprises semencières avaient obtenu que soit attribué à « leurs variétés » ce qu’on appelle un « certificat d’obtention végétale », leur permettant de vendre des licences d’exploitation aux négociants ou d’inclure une sorte de « taxe » dans le prix de leurs semences. Mais ce « certificat d’obtention végétale » (appelé « Plant Variety Protection » aux États-Unis) n’était qu’un cousin très éloigné du brevet, puisqu’il n’interdisait pas aux paysans de garder une partie de leur récolte pour ensemencer leurs champs l’année d’après, ni aux chercheurs, comme Paul Gepts, ou aux sélectionneurs d’utiliser la variété concernée pour en créer de nouvelles. C’est ce qu’on appelle l’« exception du fermier et du chercheur ».

Tout a changé en 1980. Cette année-là, la Cour suprême des États-Unis a rendu un jugement lourd de conséquences, en déclarant brevetable un microorganisme transgénique. L’histoire avait débuté huit ans plus tôt, lorsqu’Ananda Mohan Chakrabarty, un généticien travaillant pour General Electric, avait déposé une demande de brevet pour une bactérie qu’il avait manipulée pour qu’elle puisse dévorer les résidus d’hydrocarbures. L’Office des brevets de Washington avait logiquement rejeté la demande, conformément à la loi de 1951. Chakrabarty avait fait appel et obtenu gain de cause auprès de la Cour suprême, qui avait déclaré : « Tout ce qui sous le soleil a été touché par l’homme, peut être breveté. »

Cette étonnante décision avait ouvert la voie à ce que d’aucuns appellent la « privatisation du vivant » : en effet, dès 1982, s’appuyant sur la jurisprudence américaine, l’Office européen des brevets de Munich accordait des brevets sur des microorganismes, puis sur des plantes (1985), des animaux (1988) et des embryons humains (2000). Théoriquement, ces brevets ne sont accordés que si l’organisme vivant a été manipulé par les techniques du génie génétique ; mais, dans les faits, cette évolution va bien au-delà des seuls OGM. Actuellement, des brevets sont accordés pour des plantes non transgéniques, notamment celles qui présentent des vertus médicinales, en violation totale des lois existantes :

« Depuis l’avènement de la biotechnologie, on assiste à une dérive du système du droit commun des brevets, m’a expliqué ainsi en février 2005 Christoph Then, le représentant de Greenpeace à Munich. Pour obtenir un brevet, il n’est plus nécessaire de présenter une véritable invention, mais bien souvent il suffit d’une simple découverte : on découvre la fonction thérapeutique d’une plante, comme par exemple le margousier indien, on la décrit et on l’isole de son contexte naturel, et on demande à la breveter. Ce qui est déterminant, c’est que la description soit effectuée dans un laboratoire, et on ne tient pas compte du fait que la plante et ses vertus soient connues depuis des milliers d’années ailleurs . »

Aujourd’hui, l’Office des brevets de Washington accorde chaque année plus de 70 000 brevets, dont environ 20 % concernent des organismes vivants. J’ai dû batailler longtemps avant d’obtenir un rendez-vous avec un représentant de cette énorme institution, qui dépend du secrétariat au Commerce américain et emploie 7 000 agents. Véritable citadelle installée dans la banlieue de Washington, l’Office des brevets est un lieu stratégique pour une firme comme Monsanto qui, entre 1983 et 2005, y a décroché 647 brevets liés à des plantes.

« L’affaire de Chakrabarty a ouvert la porte à une période très excitante, s’enthousiasme John Doll, qui travaille au département biotechnologie de l’Office et m’y reçoit en septembre 2004. Désormais, nous octroyons des brevets sur les gènes, les séquences de gènes, les plantes ou les animaux transgéniques, bref sur tous les produits issus du génie génétique.

– Mais un gène n’est pas un produit…, dis-je, un peu interloquée par le ton conquérant de mon interlocuteur.

– Certes, admet John Doll, mais dans la mesure où la firme a pu isoler le gène et en décrire la fonction, elle peut obtenir un brevet… »

FIN DE L’EXTRAIT

« Les pirates du vivant » (3)

Voici la dernière partie de mon film « Les pirates du vivant », qui raconte l’enjeu du brevetage du vivant, et donc des brevets indus (parce que violant le régime général des brevets) déposés sur des plantes, gènes, animaux ou semences. Or, cette question capitale est directement liée aux OGM: c’est l’avènement des biotechnologies qui a ouvert la porte vers cette dérive, dont je raconte l’histoire dans mon film.

Il est clair que si les semences transgéniques n’étaient pas brevetées, Monsanto et consorts ne se seraient jamais lancés dans cette aventure qui conduit vers une confiscation de la chaîne alimentaire, dont les semences constituent le premier maillon.

Je rappelle que les deux premières parties de mon film sont déjà en ligne (rubrique « les films qui m’ont conduite à Monsanto »).

« Les pirates du vivant » a remporté cinq prix:

Grand Prix du Festival international du reportage d’actualité et du documentaire de société (FIGRA), Prix Buffon, Festival international du film scientifique de Paris, Prix du Meilleur reportage, Grand Prix et Prix Ushuaïa TV du festival international de film écologique de Bourges.