La propagande n’a pas peur du ridicule!

Tandis que j’étais à Washington, je suis tombée sur cet article de l’AFP proprement sidérant!
Il concerne une « étude » réalisée par une chercheuse de l’Université Cornell, censée montrer que l’utilisation de l’hormone de croissance laitière de Monsanto, permet de … réduire l’effet de serre!
J’ai longuement expliqué dans mon film et livre (chapitres 5 et 6), ainsi que dans mon Blog, les effets dramatiques sur la santé des vaches et des consommateurs de cette hormone transgénique, interdite partout sauf aux Etats Unis.

Manifestement, l’Université Cornell continue d’entretenir des liens financiers étroits avec la firme de Saint Louis: le professeur Dale Bauman, chercheur à Cornell, avait été payé par Monsanto, pour conduire des tests censés mesurer l’effet de la rBHG (pour « recombinant Bovine Growth Hormone) sur les vaches. Cette étude avait été dénoncée pour sa complaisance à l’égard de Monsanto et la médiocrité de son protocole qui évitait les problèmes qui fâchent.
L’une des étudiantes du Professeur Bauman, Susan Sechen, qui avait fort opportunément écrit sa thèse sur les bienfaits de la rBGH, avait été tout aussi opportunément recrutée par le Center for Veterinary Medecine (CVM), le département vétérinaire de la Food and Drug Administration (FDA), au moment où Monsanto déposait sa demande de mise sur le marché.
La FDA lui confia la mission d’évaluer les données vétérinaires fournies par Monsanto, sous la houlette de Margaret Miller, qui avait travaillé chez Monsanto de 1985 à 1989, avant de devenir l’adjointe du docteur Robert Livingston, le directeur du bureau de l’évaluation des nouveaux médicaments au CVM.
Vive les « portes tournantes »!
Susan Sechen fut notamment la co-auteure d’un article très controversé, et aujourd’hui reconnu comme étant « flawed » ( présentant des « défauts » manifestes) dans la revue Science, au moment où le Congrès enquêtait sur le conflit d’intérêt la caractérisant, ainsi que Margaret Miller et Michael Taylor (cf: ce blog ou mon livre)

Voici en tout cas la « découverte » qu’a faite la chercheuse de Cornell, avec le soutien du Pr… Bauman.
A noter que le journaliste de l’AFP, que l’information ne semble pas troubler, parle d’une version alimentaire de l’hormone de croissance bovine dont je n’ai jamais entendu parler.
On estime qu’actuellement 30% des élevages laitiers des Etats Unis sont piqués avec l’hormone de croissance transgénique, censée augmenter la production laitière des vaches de 10 à 20%. Comme les élevages qui utilisent l’hormone sont aussi les plus gros( plusieurs milliers de têtes, principalement en Californie) , plus de la moitié du lait produit aux Etats Unis est issue de vaches piquées, et la totalité du lait consommé est contaminé, car l’étiquetage étant interdit, le lait issu de troupeaux piqués est mélangé avec le lait conventionnel.

Aux Etats Unis le seul moyen d’échapper à l’hormone transgénique, c’est de ne pas boire de lait du tout, ni aucun dérivé, ou ne consommer que des produits laitiers biologiques…
L’argument selon lequel l’hormone de croissance transgénique permet de réduire l’effet de serre (!!!) m’avait déjà été servi par un gros éleveur, qui possédait deux troupeaux de plusieurs milliers de vaches aux Etats Unis et en Russie, que j’avais rencontré lors de la foire mondiale du lait qui s’est tenue à Madison en octobre 2006 (voir dans mon Blog: « un représentant de Monsanto se mêle les pinceaux »).

Voici donc l’article:

Des vaches laitières « plus vertes » grâce aux hormones de croissance
Par Jean-Louis SANTINI AFP – Lundi 30 juin, 21h03

WASHINGTON (AFP) – Traiter un million de vaches avec une hormone de croissance permet de produire plus de lait avec moins de ressources, ce qui entraîne une réduction d’un volume de gaz à effet de serre équivalent à 400.000 voitures de moins sur les routes, selon des chercheurs américains.

Dans leur étude publiée lundi, Judith Capper, chercheuse à l’Université Cornell (New York, nord-est) et principal auteur, souligne que la production de lait à grande échelle requiert de vastes superficies de cultures et d’importantes sources d’énergie pour produire les aliments nécessaires au bétail.
Or le recours à cette hormone de croissance STH reconstituée, premier produit de la biotechnologie utilisé dans les élevages américains il y a près de 15 ans, permet de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane dans l’atmopshère en nécessitant moins d’énergie et de terres de culture. Et dans le même temps, elle assure des niveaux de production de lait suffisant pour satisfaire la demande, assure cette scientifique dont l’étude paraît dans les Annales de l’Académie nationale américaine des Sciences (PNAS) datée du 30 juin.

Cette recherche a montré que le fait de donner un complément d’hormone de croissance quotidien dans les aliments d’un million de vaches a permis de produire la même quantité de lait avec 157.000 moins d’animaux comparativement à un nombre similaire de bovins sans complément alimentaire de STH.

Cette différence a permis l’économie de 491.000 tonnes de maïs et 158.000 tonnes de soja et la réduction de 2,3 millions tonnes d’aliments pour le bétail.

Ces besoins moindres permettent de diminuer la superficie des terres cultivées de 219.000 hectares ainsi que l’érosion du sol par 2,3 millions de tonnes annuellement, selon cette recherche.

Les Etats-Unis comptaient 9,2 millions de vaches en 2007 et chaque million de ces animaux nourris avec un complément d’hormone de croissance a entraîné une réduction de 824 millions de kilos de CO2, de 41 millions de kilos de méthane et de 96.000 kilos d’oxyde nitreux, les principaux gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique.

En d’autres termes, traiter un million de vaches laitières avec un complément d’hormone de croissance revient à réduire les émissions de CO2 équivalent au gain qui résulterait du retrait des routes de quelque 400.000 voitures ou au fait de planter 300 millions d’arbres, estiment les auteurs.

« Généraliser le recours au complément d’hormone de croissance dans la nourriture des vaches laitières permettrait d’améliorer la durabilité de la production tout en réduisant la contribution de cette industrie à l’acidification de l’eau, la prolifération des algues et le réchauffement climatique », souligne Judith Capper.

« Pouvoir maintenir durablement la production est important dans l’agriculture pour répondre aux besoins d’une population croissante tout en minimisant l’impact sur l’environnement » note Dale Bauman, professeur de science animal à l’université Cornell et un des co-auteurs de cette étude.

L’élevage de bovins dans le monde produit davantage de gaz à effet de serre que le trafic routier, affirmait l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) dans un rapport publié fin 2006.

Selon cet organisme, l’élevage « représente 9% du CO2 dérivant des activités humaines », mais il produit « une bien plus grande part des gaz à effet de serre les plus nocifs ».

Le secteur « est responsable de 65% des émissions d’hémioxyde d’azote – imputables essentiellement au fumier – qui a un potentiel de réchauffement global (PRG) 296 fois plus élevé que le CO2 ».

En outre, l’élevage compte pour 37% de tout le méthane rejeté par les activités humaines (agissant sur le réchauffement 23 fois plus que le CO2) en grande partie produit par le système digestif des ruminants, et 64% de l’ammoniac qui contribue sensiblement aux pluies acides.

FIN DE L’ARTICLE

Photos:
– Photo 1:une vache prise lors de mon tournage dans le Wisconsin sur la ferme d’un paysan qui avait renoncé à utiliser l’hormone de Monsanto après avoir constaté les dégâts sur son troupeau (voir rushes sur mon Blog)
– Photo 2: la même face au caméraman!
– Photo 3: la foire mondiale du lait à Madison
– Photo 4: avec le gros éleveur et le représentant de Monsanto sur le stand de la firme. Dans la main, je tiens un sac … Monsanto!

Un article dans une revue de l’INRA

J’écris des Etats Unis où je suis en tournage depuis une semaine pour mon prochain film « Torture made in USA » qui sera diffusé à la fin de l’année sur Canal+ .
Ayant été très prise (j’ai déjà conduit seize interviews!), je n’ai malheureusement pas eu le temps d’écrire dans mon Blog. Marion Desquilbert, une économiste de Toulouse qui travaille notamment pour l’Institut national de la recherche agronomique vient de m’adresser la note de lecture qu’elle vient de publier sur mon livre « le monde selon Monsanto » dans la Revue d’Etudes en Agriculture et Environnement.

J’étais invitée, hier, à Washington, par une ONG – l’Environmental Leadership Program – à une « launch party » avec des acteurs du développement durable. J’y ai découvert que la plupart des participants avaient vu mon film sur Daily Motion ou You Tube où il est copieusement piraté (découpé en dix chapitres!) depuis trois mois!
Les dirigeants de l’ELP m’ont invitée à participer à la « Politics of Food Conference » qui se tiendra à la North Carolina State University du 22 au 24 septembre prochain, où est prévue une projection de mon film, avec la participation de Vandana Shiva.

Depuis une semaine, le documentaire est légalement (!) disponible sur le site de l’ Institute for responsible technology de Jeffrey Smith:

Photo: nouveau tournage à New York
Merci à Marc Duployer , mon inséparable ingénieur du son et photographe personnel!

Le drame des victimes de l’agent orange

Comme je le disais dans mon précédent commentaire (« De la nécessité de mener des études épidémiologiques »), l’impunité des fabricants de produits toxiques, dont Monsanto constitue le paradigme, est quasiment assurée par la difficulté que rencontrent les victimes a prouvé le lien qui existe entre la maladie dont ils souffrent et l’exposition au produit suspecté.

À ce sujet, l’affaire des vétérans de la guerre du Vietnam qui se battent depuis plus de trente ans pour dénoncer les méfaits de la dioxine, présente dans l’agent orange, est exemplaire.
Il a fallu qu’ils mènent un combat acharné, pour que l’Académie nationale des sciences des Etats Unis établisse la liste des maladies pouvant être attribuées à une exposition à la dioxine.
Aujourd’hui, celle-ci compte treize pathologies graves: essentiellement des cancers (appareil respiratoire, prostate), dont certains très rares comme le sarcome des tissus mous ou le lymphome non hodgkinien, mais aussi la leucémie, le diabète (de type 2), la neuropathie périphérique et la chloracné. Cette liste évolutive a permis au Département des anciens combattants d’indemniser et de prendre en charge médicalement des milliers de vétérans (sur les quelque 3,1 millions de soldats américains ayant servi pendant la guerre du Viêt-nam).

Pour mon enquête, j’ai rencontré Alain Gibson, , le vice-président de l’association Vietnam Veterans of America, qui, à la différence de nombreuses victimes américaines, qui sont tombées malades parfois vingt ou trente ans après l’exposition à l’agent orange, a commencé à en subir les conséquences peu de temps après son retour aux Etats Unis (il souffre de neuropathie périphérique)

Je mets en ligne l’interview (prémontée) qu’il m’a accordée et que j’avais dû finalement couper, pour cause de longueur.

Ce témoignage est longuement développé dans mon livre.

Je rappelle que la dioxine est un produit qui n’existe pas dans la nature, mais que cette substance hautement toxique est générée lors du processus de fabrication de produits chimiques (très nombreux, comme le Pentax, un produit de traitement du bois, fabriqué aussi par Monsanto).
Dans le cas de l’agent orange, il s’agit de l’herbicide 2,4,5-T, qui a fait la fortune de Monsanto pendant une trentaine d’années (ainsi que d’autres fabricants comme Dow Chemicals), et dont la firme connaissait les effets toxiques qu’elle a pourtant cachés (j’y reviendrai).

Combien d’agriculteurs qui ont utilisé ce produit sans précaution ou de consommateurs qui ont mangé des aliments contenant des résidus de 2,4,5-T et donc de dioxine sont, aujourdhui malades ou morts?

On ne le saura jamais, car aucune étude épidémiologique d’envergure n’a jamais été menée sur ce sujet, selon le bon vieux principe, qui garantit, encore une fois, l’impunité des empoisonneurs: « pas cherché, donc pas vu, pas su ».

Toute ressemblance avec le roundup est, bien sûr, fortuite…
Il est intéressant de noter que les autorités ont attendu le lancement du roundup sur le marché, en 1974, pour interdire définitivement le 2,4,5-T…

De la nécessité de mener des études épidémiologiques

L’un de mes détracteurs anonymes préférés, a écrit un commentaire désarmant de naïveté : »
 » le RoundUp est utilisé depuis 40 ans sans aucun problème apparent… »

Soit dit en passant le roundup a élé lancé sur le marché américain au milieu des années 1970, c’est-à-dire il y a trente ans…

Comme chacun sait, les effets d’un produit cancérigène, comme le tabac ou l’amiante, ne sont pas immédiats!

Les études menées sur la cancérogenèse montrent , au contraire, que les cancers provoqués par la toxicité d’une substance à laquelle une personne a été exposée se manifestent en moyenne une trentaine d’années après l’exposition, au terme d’un processus qui se déroule en plusieurs étapes.

Et c’est précisément cela la chance des fabricants de produits cancérigènes dont l’impunité est assurée par le processus même de la cancérogenèse.

Comment savoir, en effet, quel produit toxique a déclenché, trente ans plus tôt, le mécanisme qui « conduit aux premières étapes du cancer », comme le dit très justement le Professeur Bellé?

C’est d’autant plus difficile que notre environnement quotidien est envahi par des molécules cancérigènes (ce qui sera le thème de mon prochain film pour ARTE) et que le seul moyen d’établir un lien entre un cancer et un produit toxique suspect c’est de conduire des études épidémiologiques sur des populations connues pour utiliser fréquemment ledit produit (comme les agriculteurs qui utilisent du roundup depuis trente ans).
Or, il n’y a pas de crédits pour cela!

Le meilleur exemple pour illustrer cela c’est l’agent orange, dont on a nié les effets cancérigènes pendant trente ans, à cause d’une étude épidémiologique manipulée par Monsanto…
Je rappellle que l’agent orange, utilisé par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam, était constitué de deux herbicides, aujourd’hui interdits, le 2,4,5-T et le 2,4-D, qui ont fait la fortune de Monsanto pendant plus de trente ans…

Avant de revenir sur cette (lamentable) affaire malheureusement exemplaire, je voudrais mettre en ligne l’interview que j’ai réalisée du Dr. Nguyen Thi Ngoc Phuong , obstétricienne de renommée internationale à l’hôpital Tû DÛ, à Hô-Chi-Minh-Ville (ex Saïgon), qui a connu l’époque où on niait l’existence d’un lien entre l’exposition à la dioxine et certaines formes de cancer (notamment de la moelle épinière, mais aussi des poumons, du foie, etc). Aujourd’hui, elle se bat pour que l’on reconnaisse les effets tératogènes (capables de provoquer des malformations génétiques) et mutagènes (capables de modifier de manière permanente et transmissible l’ADN des sujets exposés) de la dioxine.

Un député victime de l »intoxication »

Un internaute m’a fait parvenir un courrier que lui a adressé son député, Daniel Garrigue, élu UMP de Dordogne, à la suite d’une lettre qu’il lui avait adressée au moment du débat sur la loi OGM.
Ce courrier est l’illustration parfaite de l’ « intoxication » des représentants de la nation, pour reprendre les termes du sénateur (UMP) Jean-François Legrand qui avait dénoncé les pressions exercées par les semenciers et Monsanto sur ses collègues dans Le Monde (voir sur mon Blog).

Le lecteur notera que le député est complètement hors sujet dans son courrier: il se dit favorable à « la recherche en plein champ », ce qui n’était pas l’objet principal de la loi qui, je le rappelle, visait à encadrer les cultures transgéniques commerciales. Curieusement, il ne dit pas un mot sur les plantes pesticides (véritable enjeu de la loi) qui envahiront bientôt nos champs si les décrets d’application de la loi, imposée par le gouvernement malgré le rejet du parlement, sont publiés. Pas un mot non plus sur le problème principal que pose cette loi, à savoir celui de la contamination des filières bio et conventionnelles qui donnera lieu à une cascade de litiges juridiques comme j’ai pu le constater au Canada ou aux Etats Unis.

Autre signe de « l’intoxication », cette phrase qu’on croirait sortie tout droit du site de Monsanto:

« Les recherches en biotechnologie rendent les résultats plus précis que les méthodes traditionnelles de sélection animales et végétales ».

Cette belle affirmation ignore les inconnues multiples qui caractérisent le processus de manipulation génétique, à savoir l’insertion aléatoire du gène avec un outil balistique dont on ignore les conséquences à moyen terme puisque celles-ci n’ont jamais été sérieusement testées.

Pour le reste, M. Garrigue affirme avec raison que les « recherches en matière de santé sont un champ d’exploration scientifique très promoteur ».

Certes! Mais quel rapport avec la loi? On ne peut qu’encourager les scientifiques du génie génétique à poursuivre leurs recherches en milieu confiné mais ça fait déjà près de trente ans qu’ils le font!

Quant au « Biopharming » – à savoir la production de plantes transgéniques censées fabriquer des médicaments et des vaccins – il reste une promesse sans réalisation concrète et sérieusement mise à mal depuis qu’un maïs transgénique à visée pharmaceutique a contaminé des champs aux Etats Unis:

www.amisdelaterre.org/OGM-pharmaceutiques-deja-l.html
www.indsp.org/biofarmFR.php

Je ne reviendrai pas sur l’argument éculé du « riz doré » sur lequel j’ai déjà écrit longuement dans mon Blog.

Quant au paragraphe sur l’amélioration de la production agricole, il est contredit par les données de terrain ou les études indépendantes que j’ai présentées dans mon livre et Blog: les plantes transgéniques ont un rendement inférieur aux plantes conventionnelles, sont plus fragiles et moins résistantes aux stress agronomiques (sécheresse ou pluies intenses) que leurs homologues non transgéniques, et ne réduisent pas la consommation d’herbicides et d’insecticides, mais au contraire l’augmentent dans un délai de quatre à six ans.

Je reproduis ici l’extrait de mon livre concernant ma rencontre avec l’agronome Roger Elmore.
Toutes les sources citées sont indiquées précisément dans mon livre.

DÉBUT EXTRAIT:

Contrairement à ce qu’a toujours affirmé Monsanto dans ses documents publicitaires, il n’est pas vrai que « cultivées dans des conditions comparables, les nouvelles variétés présentent un rendement similaire à celui des variétés [conventionnelles] à haut rendement ».

« Malheureusement, nous avons prouvé le contraire », m’explique Roger Elmore, un agronome qui a publié en 2001 une étude sur le sujet avec ses collègues de l’université du Nebraska . Travaillant aujourd’hui à l’université de l’Iowa, il me reçoit dans sa maison, située à une cinquantaine de kilomètres de Des Moines, en octobre 2006.

« Si nous avons mené cette étude — pendant deux ans et dans quatre endroits différents —, c’est que nous avions des informations provenant de différents États qui indiquaient que le soja transgénique avait un rendement moins élevé que les variétés conventionnelles apparentées, me dit-il. Nos résultats prouvent qu’effectivement la baisse de rendement est d’au moins 5 %.

– Comment l’expliquez-vous ?, lui ai-je demandé, les yeux rivés sur les courbes que me montre l’agronome.

– C’est ce que nous appelons le “yield drag” (mot à mot le “boulet du rendement”). Nous avions deux hypothèses qui pouvaient expliquer le “boulet” qui affecte le rendement des plantes transgéniques : soit il était dû à l’action du Roundup sur le métabolisme végétal, soit c’était le résultat de la manipulation génétique. Pour vérifier la première hypothèse, nous avons cultivé trois groupes de soja RR, issus de la même variété Roundup ready, dont l’un fut aspergé de Roundup, l’autre de sulfate d’ammonium, un produit qui stimule l’action des herbicides, et le troisième d’eau. Dans les trois cas, le rendement fut strictement le même, à savoir 55 boisseaux par acre. C’est donc la manipulation génétique qui explique le “yield drag”. Apparemment, l’insertion violente du gène perturbe la capacité productrice de la plante.

– Le soja transgénique n’est donc pas équivalent au soja conventionnel ?

– C’est en tout cas ce que montre notre étude…

– Comment a réagi Monsanto ?

– Disons que la firme ne tenait pas vraiment à ce que nous la publions, me répond Roger Elmore, avec la prudence requise.

– Mais est-ce qu’elle avait elle-même conduit une étude sur le rendement de son soja ?

– Les données qu’elle avait fournies étaient très faibles d’un point de vue scientifique et répondaient plus à un besoin, disons, commercial… », conclut l’agronome.

Les résultats de l’étude de Roger Elmore ont ainsi confirmé la « métanalyse » réalisée par Charles Benbrook, l’ancien directeur de la division agricole agricole de l’académie des sciences des Etats Unis, pour laquelle il avait dépouillé 8 200 mesures de rendement effectuées par les universités agronomiques des États-Unis en 1998.
Il en ressortait que le « yield drag » était en moyenne de 6,7 %, avec des pointes à 10 % notamment dans le Midwest, ce qui représentait un déficit de 80 à 100 millions de boisseaux de soja pour la seule année 1999 .

Comme le souligne Charles Benbrook, il arrive que le « yield drag » tourne carrément à la catastrophe, en raison d’un autre phénomène mis au jour en 2001 par des chercheurs de l’université d’Arkansas .
Ceux-ci ont en effet constaté que le Roundup affecte les bactéries rhizobium qui peuplent les racines du soja et les aident à se développer en fixant l’azote de l’atmosphère. La sensibilité des bactéries à l’herbicide expliquerait la baisse de rendement du soja RR, qui peut atteindre 25 % quand survient un épisode de sécheresse.

« Malheureusement, explique Charles Benbrook, il est désormais clair que les cultures Roundup ready sont plus vulnérables à certaines maladies, spécialement lorsqu’elles doivent combattre des stress comme un froid inhabituel, une attaque d’insectes ou un déséquilibre minéral ou microbien dans le sol. Ces problèmes de santé surviennent parce que le matériau génétique introduit pour rendre la plante résistante au Roundup a modifié le fonctionnement normal d’une voie métabolique clé qui déclenche et régule sa réponse immunitaire . »

Et d’ajouter : « Il est dommage que cette information n’ait été connue qu’après que 40 millions d’hectares ont été plantés en Amérique… »

Quand on épluche consciencieusement les journaux scientifiques et agricoles, on constate que les incidents ne sont pas rares au pays des cultures Roundup ready — je reviendrai sur les problèmes similaires des plantes Bt.
Par exemple, en 1999, des scientifiques de Georgie ont été contactés par des producteurs de soja qui se plaignaient du fait que les tiges de leurs plantes se cassaient de manière inexpliquée, entraînant un rendement excessivement bas. Leur étude a révélé que le soja transgénique produisait 20 % de lignine de plus que le soja conventionnel, ce qui, dans des conditions de chaleur plus élevées que la normale, provoquait une fragilité exceptionnelle des tiges …

FIN DE L’EXTRAIT

Photos:
– la maison de Roger Elmore
– Roger Elmore

Débats à Aiffres et Saintes

Le collectif « Restons libres » a filmé le débat qui a suivi la projection de mon film le vendredi 27 juin à Saintes. Celui-ci peut être consulté sur le site suivant.

Par ailleurs, 382 personnes étaient présentes lors de la projection organisée à Aiffres (Deux Sèvres) , le vendredi 4 juillet. Pourtant, j’avais déjà fait une projection avec salle comble, tout près, à Melles, Saintes et Ruffec.

A dire vrai, je ne sais pas comment je vais pouvoir honorer toutes les demandes (plus de deux cents en souffrance) qui continuent d’affluer de partout en France, mais aussi de l’étranger…