La loi d’airain des brevets

Curieusement lors du débat au parlement et au sénat la question des brevets n’a jamais été abordée. Pourtant, le fait que les semences transgéniques soient brevetées est un élément capital pour comprendre la stratégie de Monsanto et consorts.
Je rappelle que j’ai réalisé un documentaire sur le brevetage du vivant et les conséquences qu’il entraîne pour les pays en voie de développement et la biodiversité. Intitulé « Les pirates du vivant » et diffusé sur ARTE en novembre 2005, ce film a remporté cinq prix: le prix de l’investigation au FIGRA (Festival international du grand reportage et du documentaire de société-Le Touquet), le Prix Buffon au Festival du film scientifique de Paris (Paris Science) et trois prix au festival international du film de l’environnement de Bourges.
www.alerte-verte.com/
Avant d’expliquer plus en détails quels changements dramatiques les semences transgéniques brevetées entraînent dans les campagnes, je retranscris la partie de mon livre qui raconte pourquoi l’interdiction de breveter le vivant est violée depuis l’avènement des OGM.

EXTRAIT:

L’arme des brevets

« L’un de mes plus grands soucis, c’est ce que réserve la biotechnologie à l’agriculture familiale, déclarait Dan Glickman, le 13 juillet 1999, lors de ce fameux discours qui irrita tant ses collègues du Commerce extérieur américain. La question de savoir qui possède quoi alimente déjà des débats très épineux. On voit des firmes poursuivre en justice d’autres firmes pour des problèmes de brevet, même quand elles fusionnent. Les agriculteurs sont dressés contre leurs voisins dans le but de protéger les droits de propriété intellectuelle des multinationales. […] Les contrats passés avec les agriculteurs doivent être justes et ne pas les transformer en de simples serfs sur leurs terres. »

En prononçant ces mots très iconoclastes, le secrétaire à l’Agriculture de Bill Clinton touchait à l’un des sujets qui sont au cœur de l’opposition aux OGM : celui des brevets.

« Nous avons toujours dénoncé le double langage des firmes de la biotechnologie, m’explique Michael Hansen, l’expert de l’Union des consommateurs. D’un côté, elles disent qu’il n’y a pas besoin de tester les plantes transgéniques, parce qu’elles sont strictement similaires à leurs homologues conventionnels ; de l’autre, elles demandent des brevets, au motif que les OGM représentent une création unique. Il faut savoir : soit le soja Roundup ready est identique au soja conventionnel, soit il ne l’est pas ! Il ne peut pas être les deux à la fois au gré des intérêts de Monsanto ! »

En fait, jusqu’à la fin des années 1970, il eût été inconcevable de déposer une demande de brevet sur une variété végétale. Y compris aux États-Unis où la loi sur les brevets de 1951 stipulait clairement que ceux-ci concernaient exclusivement les machines et les procédés industriels, mais en aucun cas les organismes vivants, et donc les plantes. À l’origine, en effet, le brevet représente un outil de politique publique qui vise à stimuler les innovations techniques en accordant à l’inventeur un monopole de fabrication et de vente de son produit, pour une durée de vingt ans.

« Les critères d’attribution des brevets sont normalement très stricts, commente Paul Gepts, un chercheur du département de biologie moléculaire qui me reçoit dans son bureau de l’université Davis (Californie), en juillet 2004. Ils sont au nombre de trois : la nouveauté du produit — c’est-à-dire le fait que le produit n’existait pas avant sa création par l’inventeur —, l’inventivité dans sa conception et le potentiel industriel de son utilisation. Jusqu’en 1980, le législateur avait exclu les organismes vivants du champ des brevets, parce qu’il estimait qu’en aucun cas ils ne pouvaient satisfaire le premier critère : même si l’homme intervient sur leur développement, les organismes vivants existent avant son action et, de plus, ils peuvent se reproduire tout seuls. »

Avec l’avènement des sélectionneurs, s’était posée la question des variétés végétales « améliorées » par la technique que j’ai déjà décrite de la « sélection généalogique » (voir supra, chapitre 7).
Soucieuses de récupérer leurs investissements, les entreprises semencières avaient obtenu que soit attribué à « leurs variétés » ce qu’on appelle un « certificat d’obtention végétale », leur permettant de vendre des licences d’exploitation aux négociants ou d’inclure une sorte de « taxe » dans le prix de leurs semences.
Mais ce « certificat d’obtention végétale » (appelé « Plant Variety Protection » aux États-Unis) n’était qu’un cousin très éloigné du brevet, puisqu’il n’interdisait pas aux paysans de garder une partie de leur récolte pour ensemencer leurs champs l’année d’après, ni aux chercheurs, comme Paul Gepts, ou aux sélectionneurs d’utiliser la variété concernée pour en créer de nouvelles. C’est ce qu’on appelle l’« exception du fermier et du chercheur ».

Tout a changé en 1980. Cette année-là, la Cour suprême des États-Unis a rendu un jugement lourd de conséquences, en déclarant brevetable un microorganisme transgénique.
L’histoire avait débuté huit ans plus tôt, lorsqu’Ananda Mohan Chakrabarty, un généticien travaillant pour General Electric, avait déposé une demande de brevet pour une bactérie qu’il avait manipulée pour qu’elle puisse dévorer les résidus d’hydrocarbures.
L’Office des brevets de Washington avait logiquement rejeté la demande, conformément à la loi de 1951. Chakrabarty avait fait appel et obtenu gain de cause auprès de la Cour suprême, qui avait déclaré :
« Tout ce qui sous le soleil a été touché par l’homme, peut être breveté. »

Cette étonnante décision avait ouvert la voie à ce que d’aucuns appellent la « privatisation du vivant » : en effet, dès 1982, s’appuyant sur la jurisprudence américaine, l’Office européen des brevets de Munich accordait des brevets sur des microorganismes, puis sur des plantes (1985), des animaux (1988) et des embryons humains (2000).
Théoriquement, ces brevets ne sont accordés que si l’organisme vivant a été manipulé par les techniques du génie génétique ; mais, dans les faits, cette évolution va bien au-delà des seuls OGM.
Actuellement, des brevets sont accordés pour des plantes non transgéniques, notamment celles qui présentent des vertus médicinales, en violation totale des lois existantes :

« Depuis l’avènement de la biotechnologie, on assiste à une dérive du système du droit commun des brevets, m’a expliqué ainsi en février 2005 Christoph Then, le représentant de Greenpeace à Munich. Pour obtenir un brevet, il n’est plus nécessaire de présenter une véritable invention, mais bien souvent il suffit d’une simple découverte : on découvre la fonction thérapeutique d’une plante, comme par exemple le margousier indien, on la décrit et on l’isole de son contexte naturel, et on demande à la breveter. Ce qui est déterminant, c’est que la description soit effectuée dans un laboratoire, et on ne tient pas compte du fait que la plante et ses vertus soient connues depuis des milliers d’années ailleurs . »

Aujourd’hui, l’Office des brevets de Washington accorde chaque année plus de 70 000 brevets, dont environ 20 % concernent des organismes vivants. J’ai dû batailler longtemps avant d’obtenir un rendez-vous avec un représentant de cette énorme institution, qui dépend du secrétariat au Commerce américain et emploie 7 000 agents. Véritable citadelle installée dans la banlieue de Washington, l’Office des brevets est un lieu stratégique pour une firme comme Monsanto qui, entre 1983 et 2005, y a décroché 647 brevets liés à des plantes.

« L’affaire de Chakrabarty a ouvert la porte à une période très excitante, s’enthousiasme John Doll, qui travaille au département biotechnologie de l’Office et m’y reçoit en septembre 2004. Désormais, nous octroyons des brevets sur les gènes, les séquences de gènes, les plantes ou les animaux transgéniques, bref sur tous les produits issus du génie génétique.

– Mais un gène n’est pas un produit…, dis-je, un peu interloquée par le ton conquérant de mon interlocuteur.

– Certes, admet John Doll, mais dans la mesure où la firme a pu isoler le gène et en décrire la fonction, elle peut obtenir un brevet… »

FIN DE L’EXTRAIT

Résultats du premier week end au Canada

Voici l’e-mail que je viens de recevoir de nos amis de l’ONF concernant la sortie salle au Canada. Ces résultats ne concernent pas la médiathèque de Toronto où j’ai lancé le film lundi soir. Pour la petite histoire: devant l’affluence, les organisateurs du Canadian Film Board ont dû ouvrr une deuxième salle en urgence!

Bonjour,

Très bon premier week-end en salle pour Le monde selon Monsanto.

Cinéma Parallèle (Ex-Centris) 3 projos par jour, salle de 90 places : 628 entrées

Cinéma Le Clap, 2 projos par jour, salle de 55 places : 239 entrées

Cinéma AMC (version anglaise), 4 projos par jour, salle de 340 places : 254 entrées

Sherbrooke : une seule projection 450 entrées approx.

De plus, un autre cinéma (le Lido) va programmer le film à Lévis (rive sud de Québec) à partir de vendredi le 30.

Les chiffres complets de la première semaine à venir vendredi PM.

Cordialement,

François Jacques
Agent de mise en marché

Sortie au Japon/ bilan RTL Luxembourg

ARTE vient de m’informer que le film sera diffusé au Japon sur la NHK le 14 juin entre 19 et 21 heures.

Par ailleurs, ARTE m’a fait suivre ce message de la direction de RTL Luxembourg:

« Le film Monsanto en version luxembourgeoise a eu un impact appréciable.
Comme nous ne disposons pas de mesure quotidienne de l’audience en télé au Luxembourg, nous ne pouvons pas chiffrer le succès, mais le retour du public, ainsi que la couverture presse était conséquente.

Cordialement

Steve Schmit
Station Manager TV »

La loi est adoptée

J’ai suivi depuis le Canada les derniers débats parlementaires concernant la loi OGM que le gouvernement a décidé de faire passer en force malgré le rejet du parlement et surtout de la majorité des Français.
Je copie un excellent résumé de l’agence AP à propos de ce qu’il convient d’appeler un « déni de démocratie »…

Le projet de loi sur les OGM définitivement adopté par le Parlement
AP | 22.05.2008 | 11:12
Fin du marathon parlementaire sur les OGM. Le Parlement a définitivement adopté jeudi le projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés après un dernier vote du Sénat.
Après les députés mardi, les sénateurs ont approuvé par 183 voix contre 42 les conclusions de la commission mixte paritaire. Les sénateurs UMP et centristes ont voté pour, les communistes et les Verts contre. Les socialistes, qui vont saisir le Conseil constitutionnel, n’ont pas participé au vote.
Le débat a été expédié en une heure. La secrétaire d’Etat à l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet, qui représentait le gouvernement en l’absence de son ministre de tutelle Jean-Louis Borloo, a invité les sénateurs à adopter le texte pour éviter une condamnation de la France pour non-transposition de la directive européenne sur les OGM. Paris risquait une amende de 38 millions d’euros et une astreinte de 360.000 euros par jour à partir du 5 juin. « Seul ce texte permettra de sortir d’une situation de vide juridique », a-t-elle assuré.
« NKM » a précisé que le gouvernement proposerait des modifications de la réglementation européenne lors de la présidence française de l’Union européenne au second semestre.
La gauche a dénoncé une « mascarade de débat » et un « passage en force ». Les sénateurs socialistes n’ont pas participé au vote pour ne pas cautionner ce « déni de démocratie », selon leur orateur Daniel Raoul. Il a confirmé l’intention du PS de saisir le Conseil constitutionnel. L’opposition juge notamment le texte contraire au principe de précaution de la Charte de l’environnement, adossée à la Constitution.
Les communistes et les Verts ont voté contre le projet de loi qui « trahit » les engagements du Grenelle de l’environnement, selon Jacques Muller (Verts). « Les lobbys semenciers productivistes agricoles (…) continuent de faire la loi dans notre pays », s’est-il insurgé.
En trois mois et demi de navette parlementaire, ce projet de loi sur les OGM, le premier issu des travaux du Grenelle de l’environnement réuni à l’automne dernier, aura déchaîné les passions. Le texte a semé la zizanie au sein de la majorité, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet dénonçant notamment le « concours de lâcheté et d’inélégance » entre l’UMP et le gouvernement.
Il a ensuite donné lieu au vote-surprise d’une motion de procédure déposée par la gauche lors de la deuxième lecture à l’Assemblée. Le gouvernement a décidé de passer outre en convoquant une commission mixte paritaire Assemblée-Sénat, qui a figé le texte dans sa version adoptée le 16 avril par les sénateurs.
L’article premier du texte reprend l’amendement du député communiste André Chassaigne stipulant que les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés que dans « le respect des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales sans OGM ».
Le gouvernement et la majorité ont limité la portée de cet amendement. Le seuil correspondant au « sans OGM » sera fixé espèce par espèce par le gouvernement sur avis du Haut conseil des biotechnologies, créé par la nouvelle loi. Et cela, dans l’attente d’une définition du « sans OGM » au niveau européen.
Les écologistes estiment que cette loi ne protégera pas l’agriculture française et les consommateurs du risque de contamination par les OGM. Ils exigeaient notamment une définition du sans OGM correspondant au seuil de détection de 0,1%. AP

Devedjan interdit les OGM dans les cantines de son département

Voici une information étonnante, quand on sait les pressions qu’a exercées la direction de l’UMP sur ses députés pour que ceux-ci votent en faveur de la loi OGM…

« Les OGM interdits… dans les Hauts-de-Seine de Devedjian
Par La rédaction du Post , le 14/05/2008

Patrick Devedjian, un anti-OGM?
Selon Bakchich, le président du conseil général des Hauts-de-Seine Patrick Devedjian -également secrétaire général de l’UMP-, a « demandé l’interdiction absolue des OGM dans les cantines des collèges du département ». Qui est aussi un fief de la Sarkozye.

D’où vient cette information?
La revue L’Écologiste a publié un extrait du cahier des clauses techniques particulières pour appel d’offre concernant l’alimentation dans les collèges du Conseil général des Hauts-de-Seine, en avril 2008:

« Organismes génétiquement modifiés et substances à fort potentiel allergisant.
Le Département exige du prestataire (…) l’exclusion systématique des denrées alimentaires ou ingrédients étiquetés avec une présence d’OGM. Il doit apporter la garantie d’absence d’OGM dans les produits livrés. »

Joint par Le Post, le conseil général des Hauts-de-Seine confirme, en y apportant une nuance: « La décision d’interdire les OGM dans les cantines des collèges du département n’est pas une décision récente de Patrick Devedjian. Nous ne faisons que continuer ce qui a déjà été fait auparavant. »

« Cette interdiction s’applique pendant trois ans, jusqu’en 2011. Elle s’applique dans 14 collèges, où les repas sont assurés par des prestataires extérieurs. C’est eux qui sont directement concernés par l’interdiction ».

Comment le conseil général justifie-t-il cette interdiction?
« Nous ne sommes pas contre les OGM mais nous les interdisons dans certaines cantines par principe de précaution car on ne connaît pas exactement les effets des OGM à long terme », nous précise-t-on au conseil général. »

L’article peut être consulté ici.

Livre: les traductions en cours (mai 2008)

Je viens d’apprendre que le livre était classé Quatrième meilleure vente au Canada!

Par ailleurs, voici les traductions en cours et les dates de publication annoncées à l’étranger. Les noms des maisons d’édition seront communiqués ultérieurement…

FRANCAIS sur le territoire du Canada
Editions STANKE
paru : le 14 mai 2008

ANGLAIS
parution prévue pour 2009

ALLEMAND
parution prévue pour 2009

ESPAGNOL
parution prévue pour octobre 2008

BRESILIEN
parution prévue pour octobre 2008

JAPONAIS
parution prévue pour 2009

ITALIEN
parution prévue pour début 2009

COREEN
parution prévue pour fin 2008

NEERLANDAIS
parution prévue pour 2009

GREC
parution prévue pour 2009.