A quand le débat public avec « Ryuujin »? (suite)

Suite de mon dialogue avec « Ryuujin »!

Ryuujin », s’il vous plait lisez mon livre et les posts de mon blog, et regardez mon film! Je ne peux pas passer mon temps à répéter ce que j’ai déjà dit et redit!

90% des OGM cultivés dans les champs appartiennent à Monsanto.

Ce sont des plantes pesticides : soit elles ont été manipulées pour résister aux épandages de roundup (70% soit pour produire une toxine insecticide (BT).

Les 10% restants cultivés dans les champs appartiennent effectivement à Syngenta ou Pioneer (lire l’extrait de mon mon livre ou je raconte les accords passés entre Pioneer et Monsanto), et sont aussi des plantes pesticides, principalement BT.
Comme je l’ai longuement expliqué la « technologie BT » a été découverte au même moment par plusieurs laboratoires , d’où une interminable guerre des brevets devant les tribunaux américains, à laquelle je consacre plusieurs pages dans mon livre…

Concernant les tests toxicologiques sur les OGM cultivés, désolée d’insister : aucun OGM n’a subi plus de trois mois de tests, et effectivement, comme je l’ai longuement développé sur ce Blog, à chaque fois les tests ont révélé des problèmes, l’exemple le plus inquiétant étant le maïs MON 863 (voir mes posts) et le MON 810 , dont le gouvernement a décidé de suspendre les cultures. Pourquoi à votre avis?
Tous vos posts confirment que vous n’avez même pas pris la peine de lire mon livre, ce qui est malhonnête, étant donné votre acharnement à me dénigrer.

EXTRAIT DE MON LIVRE (chapitre 9):

La course aux semences

S’il est effectivement une chose que l’on doit reconnaître à Robert Shapiro, c’est que le « visionnaire illuminé » se double d’un redoutable businessman, qui a su transformer en un temps record un géant de la chimie en un opérateur quasi monopolistique sur le marché international des semences.
Pourtant, la partie était loin d’être gagnée. Car lorsque, en 1993, l’équipe de Stephen Padgette tient enfin son soja Roundup ready, chez Monsanto, personne ne sait quoi en faire… Bien sûr, le premier réflexe, c’est de déposer un brevet sur le précieux gène, mais après ?
La firme de Saint-Louis n’est pas un semencier et la seule solution, c’est de vendre sa trouvaille à des « gens du métier ».
Dick Mahoney, le P-DG de l’époque, pense tout de suite à Pioneer Hi-Bred International, qui contrôle 20 % du marché américain des semences (40 % pour le maïs et 10 % pour le soja). Créée en 1926 à Des Moines (Iowa) par Henry Wallace (qui deviendra le vice-président des États-Unis de 1941 à 1945), la société est surtout connue pour avoir inventé les variétés hybrides de maïs qui ont fait sa fortune.
Le principe : au lieu de laisser le maïs se polliniser naturellement par voie aérienne, on force les plantes à s’autoféconder pour obtenir des lignées pures, avec des caractéristiques génétiques stables.
Le résultat, ce sont des « hybrides » qui permettent des rendements plus élevés, mais dont les graines sont quasiment stériles. Pour les semenciers, c’est une aubaine puisque, du coup, les agriculteurs sont obligés de racheter leurs semences tous les ans…
Cette technique d’hybridation ne fonctionne toutefois que pour les plantes dites « allogames », qui se reproduisent par la fécondation de l’ovule d’une plante par le pollen d’une autre plante, mais pas pour les plantes dites « autogames », comme le blé ou le soja, où chaque plante assure sa propre reproduction avec ses organes mâles et femelles internes. Nous verrons que ce « détail » n’échappera pas à Monsanto, qui le contournera par le système des brevets… Mais nous n’en sommes pas encore là.
En 2002, le journaliste américain Daniel Charles rapportera en détail l’étonnant feuilleton de la mutation de Monsanto au cours des années 1990, dans son livre déjà cité (voir supra, chapitre 7), Lords of the Harvest, feuilleton que je résume ici.
Lorsque Robert Shapiro, qui est alors chef de la division agricole de Monsanto, rencontre en 1993 Tom Urban, le patron de Pioneer Hi-Bred International, pour lui faire l’article sur son gène Roundup ready, il est reçu fraîchement :
« Félicitations !, ironise ce dernier. Vous avez un gène ! Nous en avons 50 000 ! Ce n’est pas vous qui tenez les clés du marché, mais nous ! C’est vous qui devriez payer pour avoir le droit de mettre votre gène dans nos variétés ! »

À l’époque, Shapiro n’a pas le choix : après des années de recherche à fonds perdus, la consigne de la maison, c’est de faire, enfin, entrer de l’argent. Un premier accord est signé avec Pioneer, qui accepte de payer, en une seule fois et pour solde de tout compte, 500 000 dollars pour pouvoir introduire le gène Roundup ready dans ses variétés de soja.
En revanche, s’inspirant de son succès avec Nutrasweet pour le Coca light, Robert Shapiro a obtenu que soit imprimé « Roundup ready » sur les sacs de semences. Mais au bout du compte, il n’y a pas de quoi fanfaronner : comme le souligne Daniel Charles, « le gène Roundup ready est devenu un véhicule pour que Monsanto vende plus d’herbicides, mais pas beaucoup plus ».

Commence alors une seconde négociation portant sur l’autre « caractéristique génétique », selon l’expression consacrée, que Monsanto possède alors en magasin : le gène Bt, pour lequel il y a urgence, puisque plusieurs firmes en revendiquent la paternité (ce qui entraînera une interminable guerre des brevets).
Cette fois-ci, l’OGM n’est pas associé à la vente d’un pesticide, puisque c’est le gène lui-même qui est un pesticide, conçu a priori pour tuer la pyrale du maïs, un parasite très fréquent de la céréale (j’y reviendrai). Robert Shapiro obtient donc d’être payé pour cette performance et décroche la somme forfaitaire et définitive de 38 millions de dollars.
Dans les deux cas, les sommes versées par le semencier de Des Moines se révéleront dérisoires au regard de l’immense succès que rencontreront immédiatement les deux types d’OGM, et principalement le soja Roundup ready.

Devenu P-DG de Monsanto en avril 1995, Shapiro essaiera de renégocier les deux accords, mais en vain…
« Dans l’histoire de l’agriculture, jamais une invention technique n’avait été adoptée aussi rapidement et avec autant d’enthousiasme », note Daniel Charles, qui rappelle que, dès 1996, le soja Roundup ready couvrait 400 000 hectares aux États-Unis, puis 3,6 millions en 1997 et 10 millions en 1998 .
Pour comprendre l’engouement que suscitent, dans un premier temps, les cultures Roundup ready, il faut se mettre dans la peau d’un farmer américain, comme John Hofman, le vice-président de l’Association américaine du soja, réputée proche de Monsanto.
En octobre 2006, au moment de la moisson, celui-ci m’a reçue sur son immense ferme de l’Iowa, dont il n’a pas voulu me communiquer la superficie.
« Avant d’utiliser la technique Roundup ready, m’explique-t-il au milieu d’une parcelle de soja transgénique de plusieurs dizaines d’hectares, je devais labourer la terre pour préparer les semis. Puis je devais appliquer plusieurs herbicides sélectifs pour venir à bout des mauvaises herbes au cours de la saison. Avant la moisson, je devais inspecter mes champs pour arracher les dernières mauvaises herbes à la main. Maintenant, je ne laboure plus mes champs : je pulvérise une première fois du Roundup, puis je sème directement dans les résidus de la récolte précédente. C’est ce qu’on appelle le “semis direct”, qui permet de réduire l’érosion du sol. Puis, au milieu de la saison, je fais une seconde application de Roundup, et ça suffit normalement jusqu’à la moisson. Le système Roundup ready me permet donc d’économiser du temps et de l’argent… »

Dès l’été 1995, des démonstrations sont organisées dans les plaines du Middle West, où affluent les farmers attirés par ces plantes au pouvoir étrange.
« Nous laissions les agriculteurs conduire eux-mêmes l’épandeur, raconte un négociant en semences, et puis ils allaient boire un pot et observaient les champs. C’était un spectacle formidable. […] Ils n’arrêtaient pas de regarder et ne pouvaient en croire leurs yeux. À la fin, ils voulaient tous en acheter . »
« C’était un phénomène incroyable, renchérit un autre négociant du Minnesota, et je pense que je ne reverrai jamais une chose pareille. Les agriculteurs auraient fait n’importe quoi pour se procurer les semences de soja Roundup ready. Ils achetaient tous les sacs disponibles . »

L’engouement pour le soja RR est tel que les principaux semenciers américains se ruent à Saint-Louis pour décrocher le gène magique. Mais Robert Shapiro a tiré les leçons de son expérience avec Pioneer Hi Bred. Désormais, c’est lui qui mène le jeu : pour obtenir le droit d’insérer le gène dans leurs variétés, les entreprises semencières doivent souscrire une licence, qui permet à Monsanto d’encaisser des royalties sur chaque semence transgénique vendue. De plus, Shapiro impose une clause qui sera dénoncée comme abusive par les instances réglementaires chargées de la concurrence : en signant leur contrat, les entreprises s’engagent à ce que 90 % des OGM résistants à un herbicide qu’elles vendront contiennent le gène Roundup ready . Une manière de faucher l’herbe sous le pied des concurrents de Monsanto, comme l’Allemand AgrEvo, qui dut renoncer à mettre sur le marché des OGM résistants à Liberty, un herbicide connu en Europe sous le nom de Basta, parce qu’il ne trouvait pas d’entreprises semencières partenaires.

Mais dès 1996, le P-DG de Monsanto change de stratégie : comprenant que pour assurer le maximum de bénéfices, il faut posséder les semences, il se lance dans un ambitieux programme d’acquisitions des entreprises semencières, qui bouleversera profondément les pratiques agricoles mondiales…
Pour atteindre ses objectifs, Robert Shapiro ne lésine par sur les moyens : il rachète pour un milliard de dollars Holden’s Foundation Seeds, très implantée sur le marché américain du maïs, dont les profits annuels ne dépassent guère quelques millions de dollars, faisant de son patron, Ron Holden, un « homme très riche du jour au lendemain ». Puis il acquiert en cascade de nombreuses sociétés : Asgrow Agronomics, le principal sélectionneur de soja des États-Unis ; Dekalb Genetics (pour un prix de 2,3 milliards de dollars), la deuxième compagnie semencière américaine et la neuvième mondiale, qui dispose de nombreuses succursales ou de joint-ventures notamment en Asie ; Corn States Hybrid Services (maïs) ; Custom Farm Seeds, Firm Line Seeds (Canada) ; les sélectionneurs britanniques Plant Breeding International et Unilever (blé) ; mais aussi Sementes Agroceres, leader sur le marché brésilien du maïs, Monsoy, numéro un brésilien pour le soja, Ciagro (Argentine), Mahyco, principal fournisseur des semences de coton en Inde, ainsi que Maharashtra Hybrid Seed Company, Eid Parry and Rallis, trois entreprises indiennes, la Sud-Africaine Sensako (blé, maïs, coton), National Seed Company (Malawi), Agro Sedd Corp (Philippines), sans oublier la division internationale de Cargill, le premier négociant de semences du monde, implantée en Asie, Afrique, Europe et Amérique du Sud et centrale, que Monsanto a rachetée pour 1,4 milliard de dollars.

En deux ans, Robert Shapiro a dépensé plus de huit milliards de dollars et fait de Monsanto la deuxième firme semencière du monde (derrière Pioneer) .
Pour financer ce coûteux programme d’acquisitions, il a vendu sa division chimique à Solutia, en 1997 (voir supra, chapitre 1). Mais cela n’a pas suffi : il a dû contracter un endettement record, soutenu par la Bourse de New York qui, à l’époque, croit toujours aux « promesses de la biotechnologie ». En 1995, le cours de l’action de Monsanto grimpe de 74 %, puis de 71 % en 1996. Les investisseurs suivent les yeux fermés le « gourou de Saint-Louis », jusqu’à ce faux pas de mars 1998 qui entame sa descente aux enfers….

FIN DE L’EXTRAIT

A quand le débat public avec « Ryuujin »? (suite)

Je retransmets ici la réponse que « Ryuujin » a communiquée sur mon Blog concernant mon invitation à participer à un débat public:

« Je vous invite a me contacter par mail pour discuter de ces details. Une projection/debat ne m’interesse pas, car elle portera immanquablement sur Monsanto, qui ne m’interesse pas. Je suis un scientifique et un agronome ; ce qui a trait aux infractions a la loi de cette compagnie etc…etc… sort de mon cadre de competence. Si vous souhaitez exploiter au mieux mes quelques competences, un debat scientifique sur les applications de la transgenese serait plus approprie, mais je doute que cela vous suffise, meme s’il y a deja pas mal de boulot sur ces points, votre information scientifique etant defaillante (sans doute parceque vous n’etes pas journaliste scientifique). Alors pourquoi pas un debat portant sur des modeles d’agriculture pour le futur ? Cela aurait l’avantage d’etre constructif. »

La réponse de Ryuujin est typique de la manière dont procèdent mes détracteurs qui systématiquement bottent en touche, en s’évertuant à nier le sujet de mon enquête: les OGM de Monsanto.

Mon enquête ne porte par sur les « applications de la transgénèse », que je connais par ailleurs fort bien notamment dans le domaine médical, mais sur les seuls OGM qui existent dans les champs: ceux de Monsanto!

Il est dès lors légitime de s’interroger sur la manière dont ceux-ci ont été mis sur le marché (absence d’évaluation sanitaire et environnementale sérieuse, due au « principe d’équivalence en substance » ) et quels impacts ils ont sur l’environnement, l’agriculture vivrière ou la biodiversité.

L’astuce des défenseurs de la firme de Saint Louis consiste à noyer le poisson en faisant croire qu’il y a d’autres OGM que ceux de Monsanto dans les champs, qui sont, je le rappelle,des plantes pesticides…

C’est faux! Dans le domaine agricole, les « bons OGM » (comme des plantes manipulées pour résister à la sécheresse ou à des maladies) ne sont qu’une chimère dont on attend toujours qu’elle devienne une réalité concrète…

Concernant les applications de la transgénèse dans le domaine médical, l’astuce des défenseurs de Monsanto consiste aussi à brouiller les cartes.

Un exemple: l’insuline. De fait, depuis une vingtaine d’années on utilise la transgénèse pour fabriquer de l’insuline en laboratoire.
Le principe? Les scientifiques ont identifié le gène qui code pour l’insuline humaine. Ils ont introduit celui-ci par manipulation génétique dans des bactéries, ce qui permet de reproduire la molécule en grande quantité. Ensuite, on casse les constructions, on purifie et on isole l’insuline qui n’est pas transgénique!

Dans ce cas, la transgénèse est un outil de production, utilisée en milieu confiné, et c’est parfait! Il faut préciser que l’insuline ainsi fabriquée est rigoureusement testée (au minimum deux ans) comme n’importe quel médicament. De plus, elle est destinée à une population de malades qui acceptent de courir un risque (comme avec n’importe quel médicament) , car ils n’ont pas le choix.

Rien à voir avec les plantes transgéniques que Monsanto a imposées dans nos champs!
Celles-ci n’ont pas été rigoureusement testées et elles atterrissent dans l’assiette de millions de consommateurs qui n’ont rien demandé!
Je rappelle que les OGM actuellement cultivés (plantes résistantes au roundup ou plantes BT) ont été testées au maximum trois mois, ce qui , au mieux, permet de mesurer leurs effets toxiques aigus, mais en aucun cas leurs effets toxiques chroniques.

A noter aussi que la plupart des études réalisées sur trois mois notamment sur des rats ont révélé des effets statistiquement significatifs qui confirment l’urgence à … poursuivre les études!

N’en déplaise à Ryuujin », je raconte tout cela en détail dans mon livre…

A quand le débat public avec « Ryuujin »?

Je note que M. ou Mme « Ryuujin » dispose de beaucoup de temps pour systématiquement dénigrer mon enquête (sur mon Blog et autres forums): il suffit de vérifier les horaires de ses (nombreux) posts. Je l’invite donc de nouveau à un débat public, ce qui lui permettra d’assumer son identité.
Pour le reste, ses arguments sont un tissu d’approximations et de contre-vérités sur l’agriculture sud-américaine, et notamment des petits producteurs, qu’il ou elle semble mépriser, avec une superbe affligeante…

Des arguments pour les députés

La loi OGM est basée sur un leurre

Les débats parlementaires sur la loi OGM laissent un goût amer, parce qu’ils révèlent le peu de préparation de nos élus à traiter une question aussi grave que l’introduction des plantes transgéniques dans nos champs.
Pourtant, ils ont une chance inouïe que n’avaient pas leurs collègues d’Outre-Atlantique, il y a douze ans : pouvoir bénéficier du bilan que l’on peut dresser, aujourd’hui, d’une décennie de cultures OGM dans ce grand laboratoire à ciel ouvert que constitue l’Amérique du Nord et du Sud.

Pendant trois ans, j’ai sillonné les prairies et pampas du nouveau monde transgénique et j’ai écouté les paysans, petits et grands, y compris ceux qui se sont lancés les yeux fermés dans la culture des plantes pesticides de Monsanto. Et que m’ont-ils dit ?

1) La coexistence entre les cultures OGM et non-OGM est impossible.
C’est un leurre ! Un exemple : au Canada, le colza Roundup ready de Monsanto a contaminé toutes les variétés conventionnelles et fait disparaître le colza biologique, ainsi que me l’a expliqué René van Acker, agronome à l’université de Manitoba.
Quant aux « distances de sécurité », ça fait belle lurette qu’elles sont passées aux oubliettes : le colza, comme le maïs du sud-ouest de la France, est une plante allogame qui se reproduit par pollinisation croisée, grâce aux vents et aux insectes que les bricoleurs du génie génétique ne parviennent toujours pas à contrôler…

C’est précisément l’expérience qu’ils ont eue avec le colza transgénique qui a poussé les grands céréaliers du Canada et des États-Unis à s’allier avec… Greenpeace pour s’opposer à la mise sur le marché du blé Roundup ready de Monsanto, en 2002.
C’est ce que m’a rapporté Ian McCreary, qui n’est pas un dangereux écolo-radical, mais le vice-président de la puissante Commission canadienne du blé, regroupant les céréaliers canadiens, lesquels sont, en général, des producteurs d’OGM (maïs, colza, soja).
« Certes, nous avions peur de perdre nos marchés à l’exportation, car nous savions que les consommateurs européens et japonais n’auraient pas mangé de blé transgénique, mais nous ne voulions pas non plus mettre en danger la biodiversité du blé, m’a-t il expliqué. Enfin, nous craignions que le blé Roundup ready entraîne une augmentation de nos dépenses d’herbicides à cause de l’apparition de “volontaires”… »

2) Car, n’en déplaise à une certaine compagnie de Saint Louis, ses OGM n’entraînent pas la réduction de la consommation de pesticides, mais au contraire, à moyen terme (après trois ou quatre ans), une… augmentation.

Pour la « technologie Roundup ready », selon le terme de Monsanto (à savoir les plantes manipulées génétiquement pour pouvoir absorber le Roundup – elles représentent 70 % des cultures transgéniques mondiales –, un herbicide très toxique fabriqué aussi par la firme), les producteurs sont, aujourd’hui, confrontés à un double problème :
l’apparition de mauvaises herbes devenues tolérantes puis résistantes au Roundup (d’où la nécessité d’augmenter les doses, voire de passer à des classes d’herbicides plus puissants, que Monsanto a d’ailleurs déjà dans son pipe line) ; et les fameux « volontaires ». Ce sont des graines (par exemple de colza Roundup ready) qui sont tombées sur le sol lors de la moisson et qui germent l’année d’après. Si le paysan a décidé de procéder à une rotation de ses cultures, il se retrouve alors avec des pousses de colza dans un champ de blé, dont il ne peut se débarrasser parce qu’elles sont résistantes au Roundup !

Concernant les OGM dits « Bt » – comme le maïs MON 863, dont la culture a été suspendue par le gouvernement français –, le bilan n’est guère plus brillant : une étude publiée par l’université de l’Arizona confirme les prédictions des entomologistes, à savoir que les insectes ravageurs du coton sont devenus résistants à la toxine.
Je rappelle que le Bt est une toxine insecticide naturelle produite par une bactérie du sol (bacillus thurigiensis) et utilisée sous forme de pulvérisation par les agriculteurs biologiques. Monsanto a introduit le gène qui code pour la toxine dans ses OGM, lesquels la produisent donc en permanence. Pour repousser l’inévitable phénomène de la résistance des insectes (ah ! L’incontrôlable évolution des espèces !), la firme et les autorités agricoles exigent que les producteurs plantent 20 % de leurs champs avec des variétés non-OGM – les fameuses « zones refuges » –, où sont censés pulluler les insectes « normaux » pour que ceux-ci se croisent avec leurs cousins devenus résistants au bacillus thurigiensis, provoquant ainsi une « dilution génétique »…
À terme, les grands perdants de la « technologie Bt » sont les agriculteurs biologiques, qui ne pourront plus recourir à l’insecticide naturel, en raison même de la résistance développée par les insectes…

3) Quand vous parlez avec les farmers nord-américains, il y a un mot qui les fait méchamment se crisper : « StarLink ». Ce maïs Bt, produit par Aventis, a provoqué en 2000 une énorme catastrophe sanitaire. Il faut dire que son histoire est exemplaire de l’aberration kafkaïenne qui caractérise le processus d’homologation des plantes transgéniques.
En effet, soupçonnant que ce maïs pesticide était allergène, l’agence de protection de l’environnement (EPA) l’avait autorisé pour la consommation animale, mais interdit pour la consommation humaine !
Résultat : des épis de StarLink se sont retrouvés dans la chaîne alimentaire. Voilà comment des milliers de citoyens américains, qui mangeaient des enchiladas et tacos dans les restaurants tex-mex, ont été saisis de symptômes qui « allaient de la simple douleur abdominale, diarrhée et éruption cutanée, jusqu’à des réactions plus rares mettant la vie en danger », selon le docteur Marc Rosenberg, un allergologue qui fut chargé de conseiller le gouvernement dans cette lamentable affaire, laquelle a coûté à Aventis un milliard de dollars…
À noter, que huit ans après le retrait du marché de toutes les semences StarLink, le maïs maudit continue de contaminer les stocks des États-Unis à hauteur de 1 %…

4) Last but not least, le cauchemar des agriculteurs du monde transgénique, c’est la « police des gènes », créée par Monsanto pour vérifier que les « serfs » du nouvel ordre agricole, pour reprendre le mot de Dan Glickman, l’ancien secrétaire à l’Agriculture de Bill Clinton, ont bien racheté leurs semences, chaque année, ainsi que l’exige le « contrat d’utilisation de la technologie » qu’ils doivent signer. Car les OGM sont brevetés. Un petit « détail » lourd de conséquences, qui a profondément bouleversé la vie dans les campagnes nord-américaines et qui, curieusement, fut totalement absent des débats parlementaires français.

Photo:

David Runyon, l’une des (nombreuses) victimes de la police des gènes me montre un épi de maïs bio dont il espère qu’il ne sera pas contaminé par le maïs OGM…

Rush 7: un modèle agricole criminel

J’ai vu que mes détracteurs attitrés, qui manifestement n’ont rien d’autre à faire que de s’acharner sur mon Blog (!), continuent de parler de ce qu’ils ne connaissent pas.
Avant l’arrivée du soja transgénique au Paraguay, les petits paysans n’avaient pas de problèmes avec les épandages d' »herbicides sélectifs », puisqu’ils n’en utilisaient pas eux-mêmes.
C’est précisément la caractéristique de l’agriculture vivrière que de n’avoir que très peu recours aux fameux « intrants » si chers aux agro-industriels, comme Monsanto (normal: c’est de cela qu’ils vivent).

Au Paraguay, l’avènement des cultures transgéniques a exacerbé les conflits agraires, car, appuyés par les multinationales de l’agro-business, avec lesquelles ils marchent main dans la main, les grands producteurs de soja ne reculent devant rien pour étendre leur empire.

Je retranscris ici une partie du chapitre 14 de mon livre, intitulé « Paraguay, Brésil, Argentine: la « république unie du soja ».

Les gros bras du soja et la répression

Contrairement à l’Argentine où l’expansion transgénique rencontre peu de résistance organisée, au Paraguay, les actions collectives contre le soja RR se sont multipliées à partir de 2002.
Regroupées au sein du Front national pour la souveraineté et la vie, les organisations paysannes comme le MAS de Jorge Galeano ou le MCP (Movimiento campesino paraguayo) et les associations de la société civile comme la CONAMURI, à laquelle appartient Petrona Talavera, mènent campagne contre la sojisation (transgénique) du pays.

Il ne se passe pas une semaine sans que soit organisée une manifestation, un blocage de route ou une occupation de terres pour freiner l’« avancée » des OGM de Monsanto.

Face à cette situation, le gouvernement du président Nicanor Duarte a choisi de répondre par la répression et la criminalisation du mouvement anti-soja.
Depuis 2002, des centaines de paysans ont été incarcérés, et une dizaine assassinés. Dans certains cas, la police locale se comporte ouvertement comme une milice armée à la solde des sojeros, n’hésitant pas à tirer à vue sur les opposants.
Comme ce jour de février 2004, où un camion transportant une cinquantaine de paysans venus bloquer la mise en route de mosquitos ( machines d’épandage) dans le département de Caaguazú, fut mitraillé par des fusils M16, provoquant deux morts et dix blessés graves.
Un peu partout dans le pays, avec l’aval du président Duarte, de gros bras armés ont été recrutés pour protéger les engins d’épandage et les grandes propriétés de soja.
Persuadés de leur impunité, certains sojeros renouent avec les techniques éprouvées par la longue dictature de Stroessner, en faisant purement et simplement éliminer les leaders paysans trop encombrants.
C’est ainsi que le 19 septembre 2005, deux policiers ont tenté d’abattre Benito Gavilán, à Mbuyapey, dans le département de Paraguari, en lui tirant une balle dans la tête. Celui-ci a miraculeusement survécu, mais a perdu un œil.
Un peu partout, dans les secteurs qui bordent la « frontière du soja » que les producteurs essayent de déplacer toujours plus vers l’intérieur du pays, sont menées des opérations musclées, visant à déloger par la force les petits producteurs récalcitrants.

Le 3 novembre 2004, dans le département de l’Alto Paraná, 700 policiers ont ainsi été mobilisés pour expulser 2 000 paysans sans terre qui campaient avec leurs familles face aux 65 000 hectares de soja RR récemment acquis par Agropeco, entreprise appartenant à un Paraguayen d’origine allemande et à un investisseur italien.
Le duo avait racheté l’immense domaine au fils du dictateur Stroessner, qui l’avait obtenu grâce à un détournement de la réforme agraire ! Les familles cultivaient une bande de terre longeant la Ruta 6. Lors de l’opération où treize paysans furent incarcérés, les cultures et le campement furent détruits.

Mais le symbole des méthodes dictatoriales qu’entraîne le modèle transgénique, c’est la communauté rurale de Tekojoja, située à soixante-dix kilomètres de Caaguazú, à quelques kilomètres de la « frontière du soja ». Cinquante-six familles y mènent un combat désespéré contre les appétits de deux puissants sojeros d’origine brésilienne, Ademir Opperman, un potentat local, et Adelmar Arcario, qui possède 50 000 hectares au Paraguay et cinq importants silos dans la région.
Le 3 décembre 2004, les deux complices organisent une première tentative d’éviction des familles par la force, en faisant brûler des maisons et détruire vingt hectares de récoltes. Mais, soutenues par le MAS, les familles résistent et réoccupent leurs terres.
Le 24 juin 2005, à cinq heures du matin, cent vingt policiers, appuyés par des miliciens privés recrutés par Opperman, prennent d’assaut la communauté, en présence de deux avocats qui exhibent un ordre d’expulsion signé par un juge.
« C’était de faux titres de propriété acquis illégalement auprès de l’INDERT (Instituto nacional de desarrollo rural y de la tierra), m’explique Jorge Galeano, accouru sur les lieux dès qu’il fut informé de l’opération. La Cour suprême d’Asunción a reconnu l’irrégularité de l’acquisition, en septembre 2006, mais depuis les familles vivent dans une très grande précarité. »

En ce jour de janvier 2007, celles-ci ont quitté leurs tentes en plastique pour se réunir sur le lieu du drame qui a bouleversé leur vie, espérant que mon reportage les protégera d’une nouvelle action violente.
« Ce fut terrible, raconte une vieille dame édentée. Les policiers ont arrêté cent soixante personnes, dont quarante enfants. Nous avons passé plusieurs jours en prison. Quand nous avons été relâchés, nos maisons avaient été brûlées, nos récoltes détruites et nos animaux tués. Et puis, nous avions perdu deux compagnons… »

En silence, les familles se sont rapprochées de deux mausolées fleuris qui s’élèvent au milieu d’une clairière.

« C’est ici qu’ont été assassinés Angel Cristaldo, qui avait tout juste vingt ans, et Leoncio Torres, un père de famille de quarante-neuf ans, qui essayaient de barrer la route aux bulldozers, explique Jorge Galeano. La police a d’abord voulu faire croire qu’ils étaient morts lors d’un affrontement entre forces de l’ordre et paysans armés, mais nous avons la preuve qu’il s’agit bien de meurtres. »

De fait, le jour de l’assaut, un anthropologue canadien, Kregg Hetherington, qui enquêtait dans la communauté de Tekojoja, a été témoin de toute l’opération et pris des photos.
Sur les clichés, dont Jorge m’a remis une copie, on voit les policiers en uniforme qui encadrent les camions, chargés du mobilier que les hommes d’Opperman ont pillé dans les modestes baraques en planches, avant que celles-ci ne soient la proie des flammes. Des hommes en armes s’affairent autour des tracteurs qui ravagent les cultures, tandis que des paysans aux mains nues essayent de freiner leur progression. Un homme en T-shirt bleu gît sur le sol, la poitrine ensanglantée. Un autre, également en T-shirt bleu, a le bras explosé. Visages ravagés par la douleur.

« Je portais aussi un T-shirt bleu, murmure Jorge Galeano, les hommes d’Opperman se sont trompés de personne… » Grâce au témoignage de Kregg Hetherington, un mandat d’arrêt a été lancé contre le sojero qui, au moment de ma visite à Tekojoja, était en fuite…

Mais, déjà, il faut repartir, car à une dizaine de kilomètres de là, une autre communauté nous attend qui veut témoigner aussi de son désarroi : celle de Pariri, où survivent tant bien que mal plusieurs centaines de familles, encerclées par les champs d’OGM. Moi qui ai voyagé du nord au sud des Amériques, où les cultures transgéniques prolifèrent, je n’avais jamais vu autant de soja. C’est un océan vert qui occupe le moindre espace jusqu’au parvis en terre battue de la petite église où se sont réunis les habitants de Pariri. Un homme s’approche de Jorge avec son fils d’une dizaine d’années, dont les jambes sont couvertes de brûlures. Pour se rendre à l’école, le petit doit traverser un champ de soja qui vient d’être arrosé de Roundup. Une femme se plaint de migraines persistantes, une autre de vomissements, un homme dit qu’il n’a plus la force de travailler depuis que les épandages ont repris.

« Que pouvons-nous faire ?, interroge un vieil homme. Partir, comme l’ont déjà fait une quarantaine de familles ? Pour faire les poubelles dans un bidonville ? Aidez-nous ! »

Jorge est ému. Je suis en colère. J’allume une cigarette et j’écoute le discours qu’il improvise devant ces hommes et ces femmes qui crèvent pour que les cochons et les poulets de la grande Europe puissent manger du soja, parce que nous ne sommes plus fichus de les nourrir avec des aliments produits localement.

« Ne partez pas !, s’écrie Jorge. Il faut résister au modèle de production transgénique que veulent nous imposer les multinationales comme Monsanto et qui conduit à une agriculture sans agriculteurs. L’agriculture familiale telle que nous la pratiquons fait travailler cinq personnes sur chaque hectare cultivé, tandis que le soja RR n’emploie qu’un ouvrier à temps plein sur vingt-cinq hectares . À terme, l’objectif de Monsanto est de contrôler la production de la nourriture du monde, et c’est pour cela qu’elle veut nous empêcher de pratiquer notre métier. Nous ne voulons pas du modèle transgénique, parce qu’il est criminel : il pollue l’environnement, détruit les ressources naturelles, crée le chômage, la misère, l’insécurité et la violence. Il nous rend dépendants de l’extérieur pour quelque chose d’aussi fondamental que la nourriture : il tue la vie, mais une fois qu’il s’est installé, il est très difficile de revenir en arrière, c’est pourquoi nous devons lutter, pour nous et surtout pour l’avenir de nos enfants… »

Photos: celles prises par Kregg Hetherington lors de l’assaut à Tekojoja.