Rencontre avec Yves Manguy à Poitiers

Hier soir (jeudi 21 février), Ségolène Royal (en meeting électoral à Paris) organisait une avant première de mon documentaire « Le monde selon Monsanto », au cinéma Le Castille de Poitiers. Je m’y suis rendue avec Marie Laure Lessage, directrice du développement de ARTE. Nous avons été accueillies par la presse régionale réunie au grand complet: le Courrier de l’Ouest, la Nouvelle République, France 3, etc. Alors qu’elle avait été montée à la dernière minutes, la projection a fait le plein: environ deux cents personnes!
Il faut dire que j’étais sur mes terres: je suis née en 1960 sur une ferme , située dans les Deux Sèvres à une cinquantaine de kilomètres de Poitiers. Mon père était agriculteur, comme son père et grand père et arrière grand père. Ma mère, elle, était fille d’artisans. Mes parents se sont rencontrés à la JAC (jeunesse agricole catholique) qui fut le creuset d’une nouvelle élite paysanne, fière de ses origines et très engagée dans le développement du monde rural. Comme tous les jeunes agriculteurs de leur génération, ils croyaient aussi aux bienfaits de l’agriculture productiviste censée résoudre le problème de l’autosuffisance alimentaire. Qui se souvient aujourd’hui des grandes disettes de blé qui ont jalonné l’histoire de la France jusqu’au début du XXe siècle?

Très marqués par le Concile de Vatican II, mes parents croyaient aussi que l’on pouvait changer le monde en balayant devant sa porte: ils ont fondé l’un des premiers GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun) de France, une sorte de ferme communautaire où vivaient trois familles « associées » (et deux salariés). A l’école du village, on nous appelaient les « enfants du kolkhoze », et je me souviens qu’en mai 1968, des étudiants en sociologie de Lyon étaient venus filmer cette « expérience » communautaire dans cette terre traditionnelle (et conservatrice) de Gâtine. Mon père (Joël) a raconté cette aventure dans un livre « Au nom de la terre. La foi d’un paysan » (Presses de la Renaissance).

Hier, donc, était présent Yves Manguy, un agriculteur de Charente qui fut le premier porte parole de la Confédération paysanne ( à sa création en 1987) et participa récemment à la grève de la faim, avec José Bové, contre l’introduction du maïs MON 810 de Monsanto.
Yves a été si ému par le film qu’il en… pleurait, incapable d’ouvrir le débat, ainsi qu’on le lui avait demandé…
Quand il eut retrouvé son souffle, il a expliqué pourquoi il avait rompu avec le modèle agro-industriel qui « va droit dans le mur, ainsi que le montre ce film capital »…

Puis, s’adressant directement à moi, il a ajouté: « j’ai appris, ce soir, que tu étais la fille de Joël, avec qui j’ai partagé tant d’idéaux… J’avais vu ton film sur le soja transgénique en Argentine et les biopirates (diffusés tous les deux sur ARTE et disponibles sur www.alerte-verte.com/), sans savoir qui en était l’auteur… »

La pudeur veut que je m’arrête là dans l’émotion partagée…

Photo: lors de mon tournage aux Etats Unis, avec Troy Roush, un agriculteur victime de la « police des gènes » de Monsanto…

Le film prend son envol

Bon, disons le carrément: hier soir j’étais très émue… ARTE avait organisé une magnifique avant première du film au cinéma l’Arlequin, rue de Rennes.

Dès 19 heures, les invités faisaient la queue pour s’assurer de pouvoir entrer, car le bruit avait couru que les places seraient chères. De fait, la salle de quatre cents places fut pleine à craquer, certains spectateurs acharnés ayant accepté de s ‘ asseoir parterre.

C’est Jérôme Clément , le président du directoire d’ARTE, qui a ouvert la soirée consacrant ainsi le lancement du documentaire dans la plus belle arène qui soit: celle du public.

Pour un réalisateur, c’est toujours un moment d’émotion intense de voir un film prendre son envol puis vivre sa vie comme un être autonome qui parcourt les villes et campagnes, alimentant les conversations des dîners familiaux, les réunions citoyennes ou les joutes politiques. Et hier soir, il faut dire que je fus comblée: entourée chaleureusement par les équipes d’ARTE qui ont réussi à transformer cette soirée en un véritable événement (merci à Henriette, Maud, Rima, Susanna, Isabelle, Adrienne…), j’ai senti que la (fragile) alchimie de ce film particulièrement long (1 heure cinquante) avait pris et que je pouvais lâcher le bébé en toute tranquillité…

Pourquoi un film sur Monsanto?

Pourquoi avoir enquêté sur Monsanto?

Cette question m’est régulièrement posée, et c’est bien naturel. Pourquoi passer trois ans à tenter de reconstituer la genèse d’une multinationale américaine, dont certains ignorent jusqu’au nom? Je retransmets ici , en exclusivité, ce que j’ai écrit dans la préface de mon livre, qui sortira le 6 mars, cinq jours avant la diffusion du film sur ARTE.

Une enquête nécessaire

“Vous devriez faire une enquête sur Monsanto . Nous avons tous besoin de savoir qui est réellement cette multinationale américaine qui est en train de mettre la main sur les semences, et donc la nourriture du monde… » La scène se passe à l’aéroport de New Dehli en décembre 2004. Yudvir Singh, mon interlocuteur, est le porte parole de la Bhartiya Kisan Union, un syndicat paysan du Nord de l’Inde qui compte vingt millions de membres. Avec lui, je viens de passer deux semaines à sillonner le Penjab et l’Haryana, les deux États symboles de la « révolution verte », où est produite la quasi totalité du blé indien.

À l’époque, je réalise deux documentaires pour ARTE , dans le cadre d’une soirée « Thema » consacrée à la biodiversité, intitulée « Main basse sur la nature » ( qui a été diffusée le 15 novembre 2005) . Dans le premier, – « Les pirates du vivant » – , je raconte comment l’avènement des techniques de manipulation génétique a provoqué une véritable course aux gènes où les géants de la biotechnologie n’hésitent pas à s’emparer des ressources naturelles des pays en voie de développement par une utilisation abusive du système des brevets . C’est ainsi qu’un certain Larry Proctor, un agriculteur du Colorado, qui se présente comme un « «électron libre », a décroché un brevet sur le haricot jaune, cultivé au Mexique depuis la nuit des temps ; prétendant en être l’ « inventeur » américain , il réclame des royalties à tous les paysans mexicains qui désirent exporter leurs récoltes vers les États Unis. C’est ainsi aussi qu’une firme américaine, du nom de… « Monsanto », a obtenu un brevet européen sur une variété indienne de blé, utilisée pour fabriquer les célèbres « chapatis »…
Dans le second documentaire , intitulé « Blé : Chronique d’une mort annoncée ? » , je retrace l’histoire de la biodiversité, et des menaces qui pèsent sur elle, à travers la grande saga de la céréale dorée, depuis sa domestication par l’homme il y a dix mille ans, jusqu’à l’arrivée des organismes génétiquement modifiés (OGM), dont … Monsanto est le leader mondial.
Dans le même temps, je réalise un troisième film pour ARTE Reportage, intitulé « Argentine : le soja de la faim », qui dresse un bilan ( désastreux ) des cultures transgéniques au pays de la vache et du lait (diffusé le 18 octobre 2005). Or, il se trouve que les OGM en question, qui recouvrent la moitié des surfaces cultivées du pays , concernent un soja dit « roundup ready », parce qu’il a été manipulé par … Monsanto pour résister aux épandages de roundup , l’herbicide le plus vendu au monde depuis trente ans, et fabriqué par … Monsanto .

Pour ces trois films , – qui finalement présentent plusieurs facettes complémentaires d’une même problématique, à savoir les conséquences des biotechnologies sur l’agriculture mondiale, et au-delà , sur la production de l’alimentation humaine – , j’ai parcouru le monde pendant un an : Europe, Etats Unis, Canada, Mexique, Argentine, Brésil, Israël, Inde, et partout, que je le veuille ou non , planait le spectre de la firme Monsanto , suscitant , tel le « big brother » du nouvel ordre agricole mondial , beaucoup d’inquiétudes…
Voilà pourquoi la recommandation de Yudvir Singh , au moment où j’allais quitter l’Inde, est venue consacrer un sentiment diffus qu’il fallait effectivement que je m’intéresse de plus près à l’histoire de cette multinationale nord-américaine, créée en 1901 à Saint Louis dans l’État du Missouri, à qui appartiennent aujourd’hui 90% des OGM cultivés dans le monde et devenue le premier semencier de la planète.
À peine rentrée de New Dehli , je me suis ruée sur mon ordinateur et j’ai tapé « Monsanto » dans mon moteur de recherche préféré . J’ ai découvert plus de sept millions de références qui dessinent le portrait d’une entreprise qui , loin de faire l’unanimité , est considérée comme l’une des plus controversées de l’ère industrielle.
De fait, si l’on ajoute à « Monsanto » le mot « pollution » – qui s’écrit de la même manière en anglais et en français – on obtient 343 OOO articles ! Avec « criminal » – qui marche en anglais et en espagnol – le nombre est de 165 000. Pour « corruption », il est de 129 000, et si l’on tape « Monsanto manipulated scientific data » (Monsanto a manipulé des données scientifiques) , on a 44 400 réponses !
À partir de là , en bonne internaute, j’ai plongé dans la toile pendant des semaines, navigant d’un site à l’autre, consultant des milliers de documents déclassifiés , de rapports ou d’articles de presse, qui m’ont permis, d ‘ assembler patiemment toutes les pièces d’un puzzle hautement polémique que la firme préfère occulter sur son site Internet.

En effet , quand on ouvre la page de garde de « Monsanto.com », on découvre que celle-ci se présente comme une « compagnie agricole », dont l’ objectif est d’ « aider les paysans du monde à produire des aliments plus sains, tout en réduisant l’impact de l’agriculture sur l’environnement ». Ce qu’elle ne dit pas c’est qu’avant de s’intéresser à l’agriculture, elle fut d’abord l’une des plus grandes entreprises chimiques du XXème siècle, spécialiste notamment des plastiques, polystyrènes et autres fibres synthétiques. Dans sa rubrique « Qui nous sommes/ l’histoire de la compagnie », on ne trouve pas un mot sur tous les produits extrêmement toxiques qui ont pourtant fait sa fortune pendant des décennies. Parmi eux , je citerai les PCB – les polychlorobiphényles , des huiles chimiques utilisées comme isolants dans les transformateurs électriques pendant plus de cinquante ans et vendues en France sous le nom de pyralène, d’aroclor aux Etats Unis ou de clophen en Allemagne, dont Monsanto a caché la nocivité jusqu’à leur interdiction au début des années 1980 – ; le 2-4-5-T – un herbicide puissant , comprenant de la dioxine, qui constituait la base de l’agent orange, le défoliant utilisé par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam, dont Monsanto a savamment nié la toxicité en présentant des études scientifiques truquées – ; le 2-4-D ( l’autre composant de l’agent orange ) ; le DTT, aujourd’hui interdit , l’aspartame, dont l’innocuité est loin d’avoir été établie, les hormones de croissance laitière et bovine ( interdites en Europe en raison des risques qu’elles font courir à la santé des animaux et des hommes ) , autant de produits hautement controversés qui ont tout simplement disparu de l’histoire officielle de la firme de Saint Louis .
Quand on épluche ses documents internes, comme le « 10 K Form », le rapport d’activités qu’elle est tenue de fournir, chaque année, aux autorités fédérales et à ses actionnaires , on découvre, pourtant , que ce passé sulfureux continue de peser sur son activité, la contraignant à provisionner des sommes considérables pour faire face aux procès qui plombent régulièrement ses résultats.

100 millions d’hectares d’ OGM

Toutes ces découvertes , en tout cas, m’ont conduite à proposer un nouveau documentaire à ARTE, intitulé « Le Monde selon Monsanto » dont l’enquête a duré deux ans. L’idée était de raconter l’histoire de la multinationale et de voir dans quelle mesure son passé pouvait éclairer ses pratiques actuelles et ce qu’elle prétend être aujourd’hui. En effet, avec 17 500 salariés, un chiffre d’affaires de 7,5 milliards de dollars en 2007 ( dont un milliard de bénéfices) et une implantation dans quarante-six pays, l’entreprise de Saint Louis affirme s’être convertie aux vertus du développement durable qu’elle entend promouvoir grâce à la commercialisation de semences transgéniques, censées faire reculer les limites des écosystèmes pour le bien de l’humanité. Depuis 1997, à grand renfort de publicité et un slogan – « Food, Health and Hope » ( Nourriture, Santé et Espoir) – , elle est parvenue à imposer ses OGM, principalement de soja , de maïs , de coton et de colza , dans de vastes territoires qui couvrent cent millions d’hectares dont la moitié se situent aux Etats Unis ( 54, 6 millions d’hectares) suivis de l’Argentine ( 18 millions), du Brésil ( 11, 5 millions), du Canada ( 6,1 millions), de l’Inde ( 3,8 millions), de la Chine ( 3,5 millions), du Paraguay ( 2 millions ), et de l’Afrique du sud ( 1,4 million). Pour l’heure, cette « flambée des surfaces OGM » a épargné l’Europe, à l’exception notoire de l’Espagne et de la Roumanie .
À noter que 70% des OGM cultivés dans le monde sont résistants au roundup, l’herbicide phare de Monsanto, dont la firme a toujours prétendu qu’il était « biodégradable et bon pour l’environnement » ( ce qui lui a valu, comme nous le verrons, deux condamnations pour publicité mensongère) et 30% ont été manipulés pour fabriquer une toxine insecticide, appelée « BT ».

Bien évidemment, dès que j’ai commencé cette enquête au long cours, j’ai contacté les dirigeants de la multinationale, pour leur demander une série d’interviews. Le siège de Saint Louis m’a renvoyée sur Yann Fichet, le porte parole de sa filiale française, installée à Lyon. Celui-ci m’a donné un rendez-vous dans un hôtel proche du Palais du Luxembourg , où il m’a avoué qu’il passait « beaucoup de temps ». Il m’a longuement écoutée et s’est engagé à transmettre ma demande au … siège du Missouri . J’ai attendu pendant trois mois, en relançant mon interlocuteur lyonnais qui a fini par me dire que ma requête était rejetée. Lors de mon tournage à Saint Louis, j’ai donc appelé Christopher Horner, le responsable des relations publiques de la firme , qui a confirmé le refus :
« Nous apprécions votre insistance à demander une interview, mais nous avons eu plusieurs conversations internes et nous n’avons pas changé notre position, m’a – t –il dit lors d’un entretien téléphonique , le 9 octobre 2006. Nous n’avons aucune raison de participer à votre documentaire …
– Est- ce que vous avez peur des questions que je pourrais vous poser, insistai-je.
– Non, non… Il ne s’agit pas de savoir si nous avons ou non les réponses à vos questions, mais de la légitimité que nous apporterions au produit final dont nous suspectons qu’il ne sera pas positif pour nous… »

Face à ce refus, je n’ai pas renoncé pour autant à donner la parole à la firme, en me procurant toutes les archives écrites ou audiovisuelles disponibles, où ses représentants s’expriment , mais aussi, et surtout, en me servant largement des documents qu’elle a mis en ligne dans lesquels elle justifie les bienfaits que les OGM sont censés apporter au monde : « Les paysans qui ont planté des cultures issues des biotechnologies ont utilisé nettement moins de pesticides et réalisé des gains économiques significatifs en comparaison avec l’agriculture conventionnelle » , peut-on, par exemple , lire dans The Pledge, une sorte de charte éthique que la multinationale publie régulièrement depuis 2000, où elle présente ses engagements et ses résultats dans le monde.

Fille d’agriculteurs, très sensible aux difficultés que traverse le monde agricole de-puis que je suis née, en 1960, dans une ferme du Poitou-Charentes, j’imagine sans mal l’impact que peut avoir un tel discours sur des paysans qui se battent chaque jour, par-tout dans le monde, pour leur survie. D’ailleurs, si j’ai réalisé cette enquête, c’est d’abord pour eux, les travailleurs de la terre, qui à l’heure où la mondialisation paupérise les campagnes du Sud comme du Nord, ne savent plus à quel saint se vouer. Le génie de Saint-Louis allait-il sauver leur vie ? J’ai voulu connaître la vérité, car l’enjeu nous concerne tous, puisqu’il s’agit de savoir qui produira, demain, la nourriture des hommes.
« La compagnie Monsanto aide les petits paysans partout dans le monde à être plus productifs et autosuffisants » , dit aussi The Pledge. Ou encore : « La bonne nouvelle c’est que l’expérience pratique montre clairement que la coexistence entre les cultures transgéniques , conventionnelles et biologiques n’est pas seulement possible, mais qu’elle se déroule paisiblement partout dans le monde ». Et enfin, cette phrase qui a particulièrement attiré mon attention, parce qu’elle concerne l’une des questions majeures que posent les OGM, à savoir celle de leur éventuelle dangerosité pour la santé humaine : « Partout dans le monde, les consommateurs sont la preuve vivante de l’innocuité des cultures issues des biotechnologies . Pour la saison 2003-2004, ils ont acheté l’équivalent de vingt huit milliards de dollars en denrées transgéniques produites par des agriculteurs des États Unis ».

En cherchant à vérifier cette belle affirmation, je pensais à tous les consommateurs qui se nourrissent du travail des agriculteurs et qui peuvent, par leurs choix éclairés, peser sur l’évolution des pratiques agricoles et, au-delà, du monde. À condition d’être informés. C’est donc aussi pour eux que j’ai réalisé cette enquête .

Toutes ces citations du Pledge sont au centre de la polémique qui oppose les défenseurs des biotechnologies à ceux qui, au contraire, les rejettent. Pour les premiers, la firme de Saint Louis a effectivement tourné la page de son passé de chimiste irresponsable pour proposer des produits capables de résoudre la faim dans le monde et la contamination environnementale, en suivant des « valeurs » qui guideraient son activité : « Intégrité, transparence, dialogue, partage et respect » , ainsi que le proclame son Pledge de 2005.
Pour les seconds, toutes ces belles promesses ne sont que de la poudre aux yeux qui masque un vaste projet hégémonique menaçant la sécurité alimentaire du monde mais aussi l’équilibre écologique de la planète, et qui s’inscrit dans la droite ligne de l’histoire sulfureuse de Monsanto , dont il constitue même l’ apogée.
J’ai voulu en avoir le cœur net et pour cela j’ai suivi une double démarche : d’abord, j’ai travaillé sur Internet pendant des jours et des nuits.
De fait, la grande majorité des documents que je cite dans mon film et livre sont disponibles sur la toile, il suffit de les chercher et de les relier entre eux, ce que j’invite le lecteur à faire, car c’est vraiment fascinant : tout est là, et personne ne peut raisonnablement dire qu’on ne savait pas, et encore moins ceux qui sont chargés d’écrire les lois qui nous gouvernent. Ensuite, j’ai repris mon bâton de pèlerin, et je me suis rendue aux Etats Unis, au Canada, au Mexique, Paraguay, en Inde, au Vietnam, en France, Norvège, Italie, Grande Bretagne.
Partout, j’ai confronté la parole de Monsanto à la réalité du terrain, rencontrant des dizaines de témoins que j’avais préalablement identifiés sur la toile. Car, ils sont nombreux ceux qui, aux quatre coins du monde, ont tiré la sonnette d’alarme, dénonçant, ici, une manipulation, là, un mensonge, ou encore des drames humains à répétition, souvent au prix de difficultés personnelles et professionnelles extrêmes : de fait, comme le téléspectateur le découvrira tout au long de mon documentaire, il n’est pas simple d’opposer sa vérité à celle de Monsanto , qui, effectivement , vise à « mettre la main sur les semences, et, donc, la nourriture du monde ». Un objectif que la firme est en passe d’atteindre, à moins que les paysans et consommateurs européens en décident autrement, entraînant dans leur sillon le reste du monde…

C’est parti!

J’étais censée commencer ce blog, mercredi 20 février, le lendemain de l’avant première de mon film au cinéma l’Arlequin.

Mais, ce soir, je ne résiste pas à l’envie de me jeter à l’eau un peu plus tôt. Ce fut un drôle de week end. D’abord, il y eut comme un sentiment de « relâche » après une semaine qui avait démarré sur les chapeaux de roue par la présentation du documentaire à la presse , mardi (12 février), au siège de ARTE.

Une quarantaine de journalistes avaient répondu à l’appel. Ce fut un moment très émouvant: d’abord, parce qu’après deux ans de travail intense, parsemés d’embûches et de stress, j’attendais avec une impatience mêlée d’angoisse d’être confrontée au jugement de mes pairs; ensuite, parce que j’ai pu mesurer l’engagement des équipes de la chaîne franco-allemande derrière cette « grosse bête » , pour reprendre les mots de Pierrette Ominetti, la responsable de l’unité documentaire, qui en a suivi la gestation; enfin, parce que Nicolas Hulot, qui a écrit une très belle préface pour mon livre, avait aussi accepté de participer à cette présentation aux médias.

La projection a été suivie d’un débat de qualité qui m’a regonflée à bloc, car j’ai eu le sentiment que « Le monde selon Monsanto » allait remplir la mission que je lui avais assignée: contribuer au débat sur les OGM, à un moment où la France s’interroge sur l’opportunité de les introduire sur son territoire.

Les jours qui ont suivi, j’ai enchaîné les interviews, à raison de trois par jour, jusqu’au vendredi(15 février) en fin de journée.

Ce soir là, j’ai navigué sur la toile par simple curiosité : j’ai tapé « Le monde selon Monsanto » dans Google, et j’ai constaté avec surprise qu’il y avait déjà plus de 6000 « hits »! Le lendemain, à 20 heures, le chiffre avait atteint les 11 000. Et dimanche soir, il dépassait les 13 500. Ce soir, au moment, où je mets ce premier message en ligne, il a grimpé à 15 600 ! Que se passe-t-il? Comment l’information s’est-elle répandue sur le Net, alors que, pour l’heure, seuls trois médias ont rendu compte de mon film ou de mon livre: l’Express (bonnes feuilles), Rue 89 (bonnes feuilles, une interview filmée, et un entretien absolument capital du Professeur Robert Bellé du CNRS) et TSR2, la chaîne suisse qui a diffusé mon documentaire dimanche soir à 20 heures 30? Est-ce le début d’un ras de marée qui confirme que décidément cette enquête tombe à point nommé? À dire vrai , j’en serais ravie, car, après m’être échinée à dépecer l’implacable machine de Monsanto, j’ai acquis une intime conviction qui me pousse, ce soir, à lancer un cri d’alarme : il est urgent que les citoyens s’emparent du sujet des OGM, parce qu’il y a véritablement péril en la demeure…

Des nouvelles du roundup

Un ami vient de m’apprendre que Monsanto faisait de la publicité pour le roundup sur TF1…

Je rappelle que, dans mon film, le Pr. Robert Bellé qui travaille à l’unité de recherche de Roscoff, pour le CNRS et l’Université Pierre et Marie Curie, explique que le roundup « provoque les premières étapes qui conduisent au cancer », mais que ses tutelles lui ont « demandé de ne pas communiquer, parce qu’il y a la question des OGM derrière ».

Dans une interview qu’il a donnée à Rue 89, il va encore plus loin.

Par ailleurs, je rappelle que Monsanto a été condamné deux fois pour « publicité mensongère », à New York et à Lyon, car contrairement à ce que la firme a toujours assuré le roundup n’est pas « biodégradable » ni « respectueux de l’environnement », mais c’est un produit « écotoxique », pour reprendre les termes du jugement en première instance du tribunal de Lyon (cliquer sur « extrait du jugement »).

Je remets en ligne l’interview que j’avais réalisée du Pr. Gilles Eric Séralini, chercheur à l’université de Caen, qui dit que le « roundup est un tueur d’embryons ».