James Maryanski (FDA): « la réglementation américaine des OGM ne repose sur aucune donnée scientifique mais sur une décision politique ».
Le texte qui fonde la réglementation américaine des aliments transgéniques a été publiée, le 29 mai 1992, par la Food and Drug Administration (FDA), l’agence gouvernementale chargée de la sécurité des aliments et des médicaments.
Comme je le raconte dans mon film , cette « réglementation » repose sur sur ce qu’on appelle le « principe d’équivalence en substance », qui a été repris un peu partout dans le monde .
D’après ce « principe », une plante transgénique est a priori équivalente à la plante conventionnelle dont elle est issue, en vertu de quoi il n’est pas nécessaire de conduire des tests pour évaluer ses effets éventuels sur la santé humaine ou sur l’environnement.
Quand on épluche le texte de la FDA, on découvre un petit encadré qui précise: « pour toute information, adressez-vous au Dr. James Maryanski ».
Je reproduis ici un extrait du compte-rendu que j’ai fait dans mon livre de ma rencontre avec James Maryanski:
EXTRAIT:
Je dois dire que j’ai dû batailler longtemps pour retrouver celui qui occupa le poste clé de « coordinateur pour la biotechnologie » à la FDA, de 1985 à 2006.
Entré à l’agence en 1977, ce microbiologiste exerçait en 2006 une retraite active en travaillant comme « consultant indépendant » sur la « sécurité des aliments OGM » auprès de divers gouvernements, ainsi que le stipule le CV qu’il m’a remis.
Finalement, j’ai pu rencontrer l’ancien cadre de la FDA, un jour de juillet 2006 à New York, alors qu’il revenait d’une consultation au Japon.
À dire vrai, je ne m’attendais pas à tomber sur ce petit homme timide aux yeux clairs, à la voix douce et posée. En revoyant plus tard cet entretien filmé de trois heures, j’ai pu mesurer la panique contrôlée, seulement perceptible aux tressaillements nerveux de ses yeux, qui s’est emparé de lui à plusieurs reprises…
D’emblée, je l’interroge sur les consignes transmises par la Maison-Blanche pour rédiger la réglementation des aliments transgéniques :
« En gros, le gouvernement a pris la décision de ne pas créer de nouvelles lois, m’explique-t-il avec prudence. Il pensait que, pour la FDA, le Food Drug and Cosmetic Act qui réglemente la sécurité des aliments, à l’exception de la viande, de la volaille et des œufs qui dépendent du secrétariat de l’Agriculture, pouvait s’appliquer aux nouvelles technologies… À la FDA, le commissaire David Kessler a créé un groupe comprenant des scientifiques que je supervisais et des juristes : ce groupe était chargé d’examiner comment nous pouvions réglementer les aliments issus de la biotechnologie dans le cadre du Food Drug and Cosmetic Act…
– Mais cette décision de ne pas soumettre les OGM à un régime spécifique n’était pas fondée sur des données scientifiques, c’était une décision politique ?,demandé-je, provoquant de sa part une légère crispation.
– Euh… Oui, c’était une décision politique… qui touchait beaucoup de domaines, pas seulement la nourriture… Elle s’appliquait à tous les produits de la biotechnologie », lâche l’ancien responsable de la FDA, qui a beaucoup de mal à finir sa phrase. (FIN DE L’EXTRAIT)
Or, contrairement à ce qu’affirment les promoteurs des OGM, le principe d’équivalence en substance a rencontré une forte résistance parmi les scientifiques de la FDA. C’est ce que révèlent les documents aujourd’hui déclassifiés de l’agence que l’on peut consulter sur le site de l’Alliance pour la bio-intégrité.
EXTRAIT
Quand je rencontre James Maryanski, j’ai choisi de lui lire un mémorandum que lui avait adressé, le 8 janvier 1992, le docteur Linda Kahl, « compliance officer » dont la mission était de synthétiser les avis de ses collègues sur le projet de directive.
« Le document essaie de forcer une conclusion définitive selon laquelle il n’y a pas de différence entre les aliments modifiés par manipulation génétique et ceux modifiés par les pratiques traditionnelles du croisement, écrit-elle. Cela s’explique par l’objectif de réglementer le produit et pas le processus. »
Et la scientifique d’ajouter, en indiquant que cet objectif s’apparente à une « doctrine » : « Les processus de manipulation génétique et de croisement traditionnel sont différents et, selon les experts de l’agence, ils conduisent à des risques différents »
« Qu’avez-vous répondu à Linda Kahl, ai-je demandé à James Maryanski, dont le visage s’est décomposé dès que j’ai commencé à lire le document.
– Mon travail était de consulter tous les scientifiques… pour qu’ils donnent leur expertise sur les questions que nous devions régler, bredouille-t-il. Ce n’est pas moi qui ai pris la décision finale, mais c’est le commissaire de la FDA, le docteur David Kessler…
– Certes, dis-je, mais le docteur Linda Kahl vous posait une question très précise : “Est-ce qu’on demande aux experts scientifiques de fournir la base d’une réglementation en l’absence de toute donnée scientifique” . Que lui avez-vous répondu ?
– Euh… Mais nous étions au début du processus de consultation…
– Je ne crois pas : Linda Kahl vous écrit ce mémorandum en janvier 1992, quatre mois avant la publication de la directive, je vois mal comment la FDA aurait pu obtenir des données scientifiques en si peu de temps…
– Certes… Mais la directive a été conçue pour guider l’industrie en lui indiquant le genre de tests qu’elle devrait faire… » (FIN DE L’EXTRAIT)
Voilà comment la FDA a affirmé – hors de toute donnée scientifique- qu’il n’y avait pas besoin de tester les OGM d’un point de vue sanitaire ou environnemental, en ignorant les inquiétudes de ses propres scientifiques…
Photo:
Avec Steven Druker, l’avocat de l’Alliance pour la Bio-intégrité qui a obtenu la déclassification des documents internes de la FDA sur les OGM.
« Food, Health and Hope » ( Nourriture, Santé, Espoir »: le slogan de Monsanto qui accompagne le lancement des OGM.