Le vendredi 15 février, Le Monde publiait un article intitulé “Les surfaces cultivées en OGM ont augmenté de 12% en 2007”. Très justement le quotidien du soir notait que cette affirmation était fondée sur les chiffres fournis par l’International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAAA), un “institut basé aux Etats-Unis et financé par des organisations comme la Fondation Rockfeller ou la société Monsanto”.
Chaque année, l’ISAAA publie un rapport triomphaliste où elle constate immanquablement l’augmentation des cultures transgéniques dans le monde. Le problème c’est que les chiffres qu’elle avance sont invérifiables, et parfois en contradiction avec ceux fournis par les pays concernés. C’est le cas notamment de l’Inde , où “l’institut annonce pour 2006 une surface cultivée en OGM supérieure de 400 000 hectares à la statistique gouvernementale”, commentait Le Monde.
Je suis allée en Inde, et la réalité est beaucoup moins reluisante que ne le laisse entendre l’ISAAA. Dans l’Etat de l’Andhra Pradesh, qui autorisa les cultures de coton BT dès 2002, la récolte fut si catastrophique que le ministre de l’agriculture , Raghuveera Reddy , a décidé de bannir les trois variétés transgéniques de Monsanto à l’origine du désastre et a porté plainte contre Mahyco-Monsanto, la filiale indienne de la multinationale, pour que les paysans soient indemnisés.
Dans l’Etat du Maharashtra, où le coton transgénique fut introduit en 2005, les performances dans les champs furent si mauvaises, que dans le secteur de Vidharba – le centre cotonnier de l’Etat- un paysan se suicide toutes les huit heures.
J’ai pu filmer l’inhumation d’un jeune producteur de coton BT de vingt-cinq ans qui s’était suicidé en buvant du …pesticide. Les raisons de son geste désespéré était la « récolte nulle » et l‘ « endettement ».
En effet, en Inde, il est toujours (jusqu’à quand ?) interdit de breveter les semences. Pour se « rattraper », Monsanto vend ses semences transgéniques quatre fois plus chères que les semences conventionnelles.
Pour se les procurer, les petits paysans doivent emprunter à des taux usuriers. Si l’on ajoute à cela le coût des engrais et des pesticides, c’est un engrenage infernal qui a conduit à la mort 2500 paysans de juin 2005 à décembre 2007, dans le seul secteur de Vidharba.
Car, contrairement aux promesses de la firme de Saint Louis, le coton BT, qui a été manipulé pour repousser les attaques du ver américain, ne permet pas de réduire la consommation d’insecticides. « C’est un mensonge », m’ont affirmé le docteur Abdul Qayum et Kiran Sakkhari, deux agronomes, qui suivent depuis 2002, les performances du coton BT dans le district de Warangal, dans l’Etat de l’Andhra Pradesh. D’abord, le coton BT ne protège pas contre les insectes suceurs très nombreux, ni contre le ver américain : immanquablement, à partir du soixantième jour, il faut également traiter contre le ver américain. De plus, les plants de coton transgénique sont terrassés par une maladie qui ne cesse de progresser dans les champs transgéniques, d’année en année. C’est la rhizoctonia qui entraîne la mort de la plante. Les paysans n’avaient jamais vu cela. Nous pensons que cela est dû à une mauvaise interaction entre le gène BT qui a été introduit et la plante réceptrice que la manipulation génétique a fragilisée. C’est un échec total ».
« Le problème, poursuivent les agronomes indiens, c’est que les paysans peuvent difficilement revenir en arrière : après le rachat de Mahyco, Monsanto contrôle la quasi totalité du marché des semences de coton en Inde, et les semences non transgéniques ont pratiquement disparu… »
Photo :
Les funérailles d’un jeune paysan de 25 ans qui s’est suicidé en buvant du pesticide, parce que sa récolte de coton BT était « nulle ».
Une veuve qui exhibe la photo de son mari, une autre victime du coton BT.
Dans les bureaux du Vidharba Jan Andolan Samiti, un mouvement paysan qui enregistre les suicides dans ce secteur cotonnier du Maharashtra.