bonjour du Chiapas

Il suffit que je prenne quelques jours de vacances sous le soleil mexicain pour que mes détracteurs personnels se déchaînent, révélant du même coup quelles sont les priorités actuelles de Monsanto: avec le cône sud (Argentine, Brésil, Paraguay), le Mexique représente indubitablement l’un des principaux champs de bataille de la multinationale de Saint Louis.

Normal: le Mexique est le centre d’origine du maïs et des millions de paysans cultivent la céréale depuis la nuit des temps du nord au sud du pays. Dans les régions de Oaxaca ou du Chiapas, où je suis actuellement, on compte des centaines de variétés traditionnelles (« criollas ») adaptées aux terroirs, climats ou pratiques alimentaires (voir photo).

C’est précisément pour protéger cette extraordinaire biodiversité que le gouvernement mexicain a déclaré un moratoire sur les cultures de maïs transgénique qui ne présentent, de surcroît, aucun intérêt pour les petits paysans , qui savent parfaitement cultiver la céréale de leurs ancêtres mayas ou aztèques sans engrais chimiques ni pesticides.

Or, sans intrants chimiques, les OGM pesticides de Monsanto ne donnent rien.

J’ai passé la journée dans une communauté indienne située à une trentaine de kilomètres de San Cristobal de las Casas: ici, comme dans les trois quarts du pays – à l’exception des Etats du Nord, où de grands producteurs blancs pratiquent une agriculture industrielle identique à celle des Etats Unis – les pratiques agricoles sont immuables, parce qu’elles ont fait la preuve de leur efficacité tant en termes de production qu’en termes de protection des ressources environnementales.

Le symbole de ce savoir faire c’est la « milpa » décrite par H. Garrison Wilkes, un spécialiste du maïs de l’Université du Massachusetts, comme « l’une des inventions les plus réussies que l’homme n’ait jamais créée ».

Le principe: les paysans cultivent en même temps une douzaine de plantes sur le même lopin de terre: du maïs, bien sûr, qui constitue la base de l’alimentation, mais aussi des haricots ( qui s’accrochent sur les pieds de maïs comme sur un tuteur: voir photo), des tomates, melons, chilis, avocats ou citrouilles qui nourrissent le sol, soit en vitamines , en aminoacides ou graisses.

Il est fréquent que les paysans sément également dans leur milpa de … l’amarante, cette « mauvaise herbe » qui est devenue le cauchemar des agriculteurs du sud des Etats unis, puisqu’ après dix ans d’épandages massifs de glyphosate sur les cultures roundup ready, elle est devenue résistante au roundup!

Proliférant sans retenue dans des sols laminés, elle est à l’origine d’un retournement de milliers d’agriculteurs nord-américains qui réclament à cor et à cri des semences non transgéniques (voir mon Blog).

Or, au Mexique, l’amarante, qui est une plante très riche en protéines, sert à fabriquer de délicieux gâteaux, appelés « alegria » que j’ai eu le plaisir de déguster (voir photo).

En attendant, le système de la milpa ne fait pas l’affaire des grands semenciers comme Monsanto qui exercent une pression permanente sur le gouvernement mexicain pour qu’il fasse disparaître les semences traditionnelles et impose dans tout le pays les semences hybrides de maïs et les OGM pesticides.

Depuis la présidence de Vicente Fox (l’ancien patron de Coca Cola pour l’Amérique centrale!), plusieurs lois ont été votées qui servent précisément ce but. La dernière en date est un texte, intitulé « ley de semillas » (loi des semences) qui vise à interdire la vente et l’échange de semences qui ne soient pas certifiées dans un catalogue validé par le ministère de l’agriculture (voir mon film » Blé: chronique d’une mort annoncée »).

Dans le même temps, le gouvernement promouvait un programme , intitulé « maïs solidario » (!) Celui-ci consiste à proposer aux petits paysans des « paquets « , comprenant des semences de maïs hybride, des engrais chimiques et herbicides.

Gratuits la première année, ces « paquets » sont payés, pour moitié par le gouvernement , avec le soutien de la banque mondiale, et pour moitié par Monsanto et consorts. A charge pour les paysans de racheter des semences, la deuxième année, car les hybrides de maïs sont quasiment stériles à la seconde génération…

Enfin, récemment, une loi a été votée, destinée à encadrer les cultures transgéniques, en contradiction totale avec le moratoire toujours en vigueur!

Mais le Mexique n’est pas à une contradiction près: depuis la signature de l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA) en 1994, avec les Etats Unis et le Canada, le gouvernement a laissé entrer dans le pays des millions de tonnes de maïs en provenance du grand voisin du nord.

Grassement subventionné par Washington, le maïs américain a poussé dans les bidonvilles des dizaines de milliers de petits paysans mexicains, car il est vendu trois fois moins cher que le maïs local, qui ne bénéficie, lui, d’aucune subvention.

Evidemment, le gouvernement américain n’a de cesse d’exiger de son homologue mexicain qu’il « libéralise » son économie, en démantelant les services publics ou les systèmes d’aide notamment à l’agriculture…

Lors de la présentation de mon film et livre à Mexico, Mérida, et hier à San Cristobal de las Casas, j’ai apporté mon soutien à la campagne « Sin maïs, no hay pais », conduite par une vaste coalition d’associations, qui dénoncent, à juste titre, le processus d’accaparement des semences du pays par les multinationales comme Monsanto.

Voici quelques liens qui rendent compte de ma visite dans le pays:

www.otrosmundoschiapas.org/index.php

www.jornada.unam.mx/2009/07/12/index.php

www.elpoderdelconsumidor.org/multimedia.html

Photos de Solène Charrasse:

1: la biodiversité du maïs traditionnel
2: communauté indienne
3: milpa
4: le haricot accroché au pied de maïs
5: dégustant une « alegria » ( gâteau d’amarante)

Le moratoire est toujours en vigueur au Mexique

J’écris sur un clavier espagnol, faute de mieux! Quelques mots seulement pour répéter que, contrairement a ce qu’affirment Anton et autres GFP qui feraient bien de voyager un peu, le moratoire sur les cultures transgéniques est toujours en vigueur au Mexique, même si récemment un cadre légal a été mis en place permettant de les autoriser.

Monsanto et Syngenta ont dépose des demandes d’autorisation pour des essais en plein champ de maïs BT et roundup ready mais le gouvernement n’a toujours pas pris de décision, en raison même du moratoire.

D’où l’importance de ma visite, comme l’explique Greenpeace sur son site.

350 722 visites!

Bonjour de Mexico où je viens de découvrir que mon Blog avait dépassé les 350 000 visites!

Merci à Capitaine Poltron et autres GFP qui ont su l’alimenter avec une assiduité remarquable!

Merci (surtout!) à tous ceux qui ont utilisé cet espace pour nourrir un débat démocratique de qualité sur l’enjeu que représentent les plantes pesticides de Monsanto et consorts, et au-delà, sur l’avenir de l’agriculture, qui doit cesser de nous empoisonner et retrouver sa fonction nourricière originelle en renonçant aux poisons chimiques.

Comme je l’ai rappelé hier lors du débat qui a suivi la projection de mon film à la Cinémathèque de Mexico: on ne peut pas produire une agriculture saine, en utilisant des poisons, même à petites doses!

La projection d’hier a failli tourner à la catastrophe! Les organisateurs avaient loué une salle de 200 places, mais dès 10 heures 30, une queue de 500 personnes s’est formée devant la salle , jusque dans la rue (voir photos).

Devant ce ras de marée, la direction de la cinémathèque a proposé de libérer en urgence sa plus grande salle, d’une capacité de 5OO personnes. Ouf!

J’invite les internautes hispanophones à lire l’article paru dans La Jornada en quatrième de couverture:

Photos de Solène Charrasse

Je prends demain un petit déjeûner avec Martha Delgado , secrétaire à l’environnement du District Fédéral, avant de rejoindre les studios de CNN pour une interview de 45 minutes.

Je vous écris du Mexique

Je vous écris du Mexique où je suis arrivée mercredi 8 juillet, en principe pour des … vacances familiales (bien méritées!)

J’ai été reçue chaleureusement par les représentants de la coalition  » Sin mais no hay pais » (sans maïs pas de pays), qui regroupe plus de 300 associations mexicaines (dont CAATA, la branche mexicaine de Pesticides Action Network) et Greenpeace, qui se sont mobilisées pour empêcher le projet du gouvernement d’autoriser des essais en plein champ de maïs transgénique (dont le MON 810 de Monsanto).

Comme je l’ai expliqué dans mon film et livre, le Mexique est le centre d’origine du maïs, et de ce fait abrite le réservoir génétique de la céréale, cultivée depuis au moins 8OOO ans par les paysans de cette contrée du monde qui ont su entretenir son extraordinaire biodiversité . Lors de mon tournage dans la région de Oaxaca, j’ai pu constater la richesse des variétés locales (« criollas ») , parfaitement adaptées aux terroirs et dont les couleurs varient à l’infini: je me souviens de cette indienne zapoteca étalant au soleil des épis magnifiques, certains étant blancs, d’autres d’un jaune doré, ou violets, rouges et noirs, ou parfois de toutes ces couleurs à la fois.

C’est précisément pour protéger la biodiversité de son maïs que le gouvernement mexicain avait déclaré un moratoire sur les cultures transgéniques, en 1998.

Or, sous la pression des fabricants d’OGM, et notamment de Monsanto – on parle au Mexique de la « loi Monsanto »- le gouvernement envisage d’autoriser des essais en plein champ de maïs transgénique, ce qui constitue une violation du moratoire toujours en vigueur, en ouvrant la voie à la légalisation des cultures OGM.

Voilà pourquoi j’ai accepté de participer à plusieurs projections publiques de mon film à Mexico, Mérida et San Cristobal de las Casas ainsi qu’à un programme d’interviews avec la presse nationale qui a répondu massivement à l’appel: en trente-six heures, j’ai déjà donné dix interviews et six autres suivront, dont six chaînes de télévision!

Photos (Solène Charrasse):

– Conférence de presse avec la coalition « Sin mais no hay pais »

– Interview avec Télé UNAM

– Interview avec Javier Cruz Mena, journaliste à Canal 40 et Canal 22

– La préparation de l’affiche dans les bureaux de Greenpeace pour la projection organisée samedi, à la Cinémathèque de Mexico.

Le Roundup devrait être interdit

A lire à tout prix l’article du Canard Enchaîné de cette semaine qui raconte comment Monsanto a triché pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché du roundup. Ou à défaut lire cette chronique parue dans Le NouvelObs.com

On y découvre ce que j’écrivais déjà dans mon livre: pour obtenir l’homologation du roundup, Monsanto a fourni des tests menés sur des rats, qui ont été exposés au glyphosate seul – la molécule active de son herbicide- mais pas au cocktail qui constitue les formulations commercialisées, mille fois plus toxiques que la substance active. Or, le roundup contient notamment un poison, le POEA, un détergent qui sert à améliorer la solubilité de l’herbicide et sa pénétration dans les plantes. Or, en intoxication aigüe, la dose mortelle de ce surfactant est trois fois inférieure à celle du glyphosate seul!

Ainsi que je le révélais dans mon enquête, le Professeur Robert Bellé, chercheur au CNRS et à l’Université Pierre et Marie Curie, avait découvert la manipulation lorsqu’il avait comparé les effets du roundup (des formulations commercialisées, qui ne contiennent qu’un pourcentage de glyphosate, le reste étant des surfactants couverts par le « secret commercial »)avec ceux du glyphosate seul. Les effets du roundup sur les mécanismes de la division cellulaire (« première étape qui conduit au cancer », avait-il dit) étaient beaucoup plus importants que ceux obtenus avec la molécule active isolée. Normal: sans les surfactants, le glyphosate n’arrive pas à pénétrer les cellules végétales, il ne peut donc pas avoir d’effet!

C’est ainsi qu’il avait constaté que l’homologation du roundup reposait sur une étude qui n’avait pas testé le roundup!

A l’Université de Caen, le professeur Gilles-Eric Séralini était parvenu aux mêmes conclusions.

Voici ce que j’ai écrit:

EXTRAIT

En France, l’équipe du professeur Robert Bellé, de la station biologique de Roscoff, qui dépend du CNRS et de l’Université Pierre-et-Marie-Curie, a étudié l’impact des formulations au glyphosate sur des cellules d’oursin.

« Le développement précoce de l’oursin fait partie des modèles reconnus pour l’étude des cycles cellulaires », explique Julie Marc, qui a écrit sa thèse de doctorat sur les travaux du laboratoire breton.

De fait, la découverte du « modèle de l’oursin », capitale pour la compréhension des phases précoces de la cancérogenèse, a valu en 2001 le prix Nobel de physiologie et de médecine aux Britanniques Tim Hunt et Paul Nurse et à l’Américain Leyland Hartwell.

Au début des années 2000, le professeur Robert Bellé décide de l’utiliser pour tester les effets sanitaires des pesticides. Son souci est alors motivé par le niveau de pollution constaté dans les eaux françaises ainsi que dans les aliments :

« Les données concernant la qualité des eaux souterraines font état en France d’une contamination considérée comme suspecte dans 35 % des cas, note Julie Marc, qui a consulté toutes les études disponibles. Les eaux marines font elles aussi état d’une contamination généralisée et pérenne par les herbicides. […] L’ingestion des fruits et légumes contribue également aux apports en pesticides pour les humains. Les chiffres à ce sujet sont inquiétants, puisque 8,3 % des échantillons d’aliments végétaux d’origine française analysés contiennent des résidus de pesticides supérieurs aux limites maximales et que 49,5 % en contiennent . »

Dans ce panorama peu rassurant, la région Bretagne affiche un taux de contamination record, qui affecte particulièrement les eaux destinées à la consommation humaine, poursuit Julie Marc :

« Dans 75 % des cas, la norme réglementaire pour le cumul des substances est dépassée et plus de dix substances sont parfois décelées dans le même échantillon, avec des concentrations respectives dépassant le 0,1 microgramme/litre réglementaire. Cette pollution a pour origine des usages agricoles, mais aussi l’utilisation de pesticides sur les zones non cultivées. »

Et de noter, elle aussi, l’une des aberrations de la réglementation : celle-ci a fixé le taux acceptable de résidu dans les eaux à 0,1 microgramme/litre, mais elle ne concerne qu’un seul herbicide, et ne dit rien sur l’effet cumulé de différents pesticides — ce qui est très courant — ni de leur interaction…

C’est ainsi que le professeur Bellé propose au début des années 2000 au conseil régional de Bretagne de conduire une étude visant à évaluer l’impact des herbicides sur la division cellulaire.

« L’ironie de l’histoire, m’explique le chercheur, que je rencontre dans son laboratoire de Roscoff, le 28 septembre 2006, c’est que nous avions décidé de prendre le Roundup comme contrôle dans les expériences, car nous étions persuadés que ce produit était totalement inoffensif, ainsi que le suggérait la publicité du chien avec son os ! Et évidemment, la très grosse surprise a été que cet herbicide nous donnait des effets bien plus importants que les produits que l’on testait. C’est comme cela que nous avons changé l’objet de notre recherche, en nous consacrant uniquement aux effets du Roundup.

– Comment avez-vous procédé ?, ai-je demandé.

– Concrètement, nous avons fait “pondre” des oursins, dont la caractéristique est de produire de grandes quantités d’ovules ; nous avons mis ces ovocytes en présence de spermatozoïdes, et placé les œufs fécondés dans une dilution de Roundup. Je précise que la concentration était bien inférieure à celle pratiquée généralement dans l’agriculture. Et puis, nous avons observé les effets du produit sur des millions de divisions cellulaires. Très vite, nous nous sommes rendus compte que le Roundup affectait un point clé de la division des cellules, non pas les mécanismes de la division elle-même, mais ceux qui la contrôlent. Pour comprendre l’importance de cette découverte, il faut rappeler le mécanisme de la division cellulaire : lorsqu’une cellule se divise en deux cellules filles, la copie en deux exemplaires du patrimoine héréditaire, sous forme d’ADN, donne lieu à de très nombreuses erreurs. Jusqu’à 50 000 par cellule. Normalement, un processus de réparation ou de mort naturelle de la cellule atypique (ce qu’on appelle l’“apoptose”) s’enclenche automatiquement. Mais il arrive que celle-ci échappe à cette alternative (mort ou réparation), parce que le point de contrôle des dommages de l’ADN est affecté. C’est précisément ce “checkpoint” qui est endommagé par le Roundup. Et c’est pour ça que nous disons que le Roundup induit les premières étapes qui conduisent au cancer. En effet, en échappant aux mécanismes de réparation, la cellule affectée va pouvoir se perpétuer, sous une forme génétiquement instable ; et nous savons aujourd’hui qu’elle peut constituer l’origine d’un cancer qui se développera trente ou quarante plus tard.

– Avez-vous pu déterminer ce qui, dans le Roundup, affectait la division cellulaire ?

– C’est une question capitale ! En effet, nous avons également conduit l’expérience avec du glyphosate pur, c’est-à-dire sans les adjuvants qui constituent le Roundup, et nous n’avons pas constaté d’effets : c’est donc le Roundup lui-même qui est toxique et non son principe actif. Or, quand nous avons examiné les tests qui ont servi à l’homologation du Roundup, nous avons découvert avec surprise qu’ils avaient été conduits avec du glyphosate seul… En fait, le glyphosate pur n’a aucune fonction, même pas herbicide, puisque tout seul il ne parvient pas à pénétrer dans les cellules et donc à les affecter. C’est pourquoi je pense qu’il y a un vrai problème avec le processus d’homologation du Roundup et qu’il faudrait s’intéresser de plus près aux nombreux adjuvants qui le composent ainsi qu’à leur interaction. »

Parmi les adjuvants suspectés, il y a notamment le polyoxyéthylène (POEA), dont la toxicité aiguë a été confirmée par de nombreuses études, mais aussi les substances inertes dont on ne peut rien dire, car leur identité n’est pas communiquée par le fabricant, au nom du « secret commercial » ; sans oublier le principal produit de la biodégradation du glyphosate, l’acide aminométhylphosphonique (AMPA), dont la demi-vie est élevée.

Face à ces dysfonctionnements manifestes du processus d’homologation, certains scientifiques courageux, comme le docteur Mae-Wan Ho (Royaume-Uni) et le professeur Joe Cummins (Canada), membres de l’Institute of Science in Society, réclament une révision urgente de la réglementation relative à l’herbicide le plus utilisé dans le monde .

Je dis « courageux », car l’histoire du professeur Bellé prouve, s’il en était besoin, qu’on ne touche pas impunément au produit phare d’une maison comme Monsanto…

« Évidemment, nous avons tout de suite compris l’importance que pouvaient avoir nos résultats pour les utilisateurs de Roundup, explique-t-il, puisque la concentration de l’herbicide à l’origine des premiers dysfonctionnements est 2 500 fois inférieure à celle recommandée en pulvérisation. En fait, il suffit d’une gouttelette pour affecter le processus de la division cellulaire. Concrètement, cela veut dire que pour utiliser l’herbicide sans risque, il faut non seulement porter une combinaison et un masque, mais aussi s’assurer qu’il n’y a personne à cinq cents mètres à la ronde… Un peu naïvement, nous nous sommes dit que Monsanto ne devait pas être au courant, car sinon ces recommandations figureraient sur la notice d’emploi et nous leur avons communiqué nos résultats avant même de publier l’étude . Il faut dire que nous avons été très surpris par leur réaction : au lieu de se pencher sérieusement sur nos résultats, ils ont répondu un peu agressivement que toutes les agences réglementaires avaient conclu que le produit n’était pas cancérigène pour l’homme et que, de toute façon, le cancer de l’oursin n’intéressait personne ! C’est tout sauf un argument scientifique ! On dirait qu’ils ne savent même pas que si le “modèle de l’oursin” a valu un prix Nobel à ses découvreurs, c’est précisément parce qu’on sait que les effets mesurés sur une cellule d’oursin sont parfaitement transposables à l’homme…

– Et comment ont réagi vos organismes de tutelle, le CNRS et l’UniversitéPierre-et-Marie-Curie ?

– À dire vrai, leur réaction fut encore plus surprenante, répond le professeur Bellé, après un silence. Certains représentants se sont déplacés jusqu’à Roscoff pour nous demander instamment de ne pas communiquer avec les médias grand public, sous prétexte que cela allait créer une psychose…

– Comment l’expliquez-vous ?

– Cette question m’a longtemps obsédé… Aujourd’hui, je pense qu’on ne voulait pas faire de vagues pour ne pas porter préjudice au développement des OGM, qui, comme vous le savez, ont été manipulés pour résister au Roundup…

– N’avez-vous pas peur pour votre carrière ?

– Je ne crains plus rien, murmure le chercheur. Je vais bientôt partir à la retraite et je ne dirige plus le laboratoire. C’est pour cela qu’aujourd’hui je peux me permettre de parler… »

Un « tueur d’embryons »

« Ne pas gêner le développement des OGM » : c’est aussi le seul argument qu’a trouvé Gilles-Éric Séralini pour expliquer l’inertie des pouvoirs publics face à la toxicité du Roundup. Professeur à l’université de Caen, ce biochimiste est membre de la Commission du génie biomoléculaire française, chargée d’instruire les dossiers de demande d’essais en plein champ des organismes génétiquement modifiés, ainsi que du CRII-GEN, le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique, qui ne cesse de réclamer des études plus poussées sur l’impact sanitaire des OGM.

Le professeur Séralini a conduit plusieurs études pour évaluer l’impact du Roundup et ses effets sur la santé humaine, comme il me l’explique quand je le rencontre, le 10 novembre 2006, dans son laboratoire à Caen :

« Si je me suis intéressé au Roundup, c’est parce qu’avec les OGM, qui ont été manipulés pour pouvoir l’absorber sans succomber, il est devenu un produit alimentaire, puisqu’on en trouve des résidus sur les grains de soja ou de maïs transgéniques. De plus, j’avais lu des études épidémiologiques réalisées au Canada qui montraient qu’il y avait plus de fausses couches et d’accouchements prématurés chez les couples d’agriculteurs utilisant le Roundup que dans la population générale. »

De fait, une étude publiée par l’université de Carleton, portant sur des familles de paysans de l’Ontario, a révélé que l’usage de glyphosate dans les trois mois précédant la conception d’un enfant était associé à un risque accru de fausses couches tardives (entre la douzième et la dix-neuvième semaine) . Il est intéressant de noter que, d’après une autre étude réalisée sur des familles paysannes d’Amérique du Nord, 70 % des agriculteurs présentaient une urine contaminée par le Roundup, le jour de l’application du produit dans leurs champs, avec une concentration moyenne de 3 microgrammes/litre et des pointes à 233 mg/l .
De même, un laboratoire de l’université Tech du Texas a établi que l’exposition au Roundup des cellules de Leydig, logées dans les testicules et qui jouent un rôle capital dans le fonctionnement de l’appareil génital masculin, réduisait de 94 % leur production d’hormones sexuelles . Enfin, des chercheurs brésiliens ont constaté que des femelles de rats enceintes au moment de l’exposition au Roundup donnaient plus souvent naissance à des bébés atteints de malformations du squelette .

Tous ces résultats ont été confirmés par les deux études menées par le professeur Séralini et son équipe, qui ont mesuré l’effet toxique du Roundup, d’abord sur des cellules de placenta humain, puis sur des cellules d’embryons , « issues, tient-il à préciser, d’une lignée de cellules de reins d’embryon cultivée au laboratoire, ce qui ne nécessite aucune destruction d’embryon ».

« Comment avez-vous procédé ?, lui ai-je demandé.

– Nous avons placé les cellules dans des solutions de Roundup, en variant la concentration du produit, de la plus infime, c’est-à-dire 0,001 %, jusqu’aux doses qu’on utilise en agriculture, à savoir le Roundup dilué à 1 % ou 2 %, me répond le biologiste. Nous avons aussi varié le taux d’exposition, pour déterminer à quel moment l’herbicide produisait un effet sur ce que nous appelons la “respiration des cellules”, qui conditionne leur production d’hormones sexuelles. Nous avons constaté qu’à des taux qui sont admis par la réglementation comme des niveaux de résidus acceptables sur les produits alimentaires comme les plantes transgéniques, le Roundup tuait littéralement les cellules de placenta humain, en quelques heures, et de manière encore plus sensible, les cellules issues d’embryons humains. »

Et le professeur d’ouvrir son ordinateur portable pour me montrer les clichés que son équipe a réalisés des essais. On y voit, au début, une kyrielle de cellules bien distinctes et transparentes avec au centre de chacune d’elle, une petite tache sombre qui est le noyau. Après une journée d’exposition au Roundup, elles se sont dissoutes pour constituer un amas sombre informe, une « sorte de purée », pour reprendre les termes de Gilles-Éric Séralini.

« En fait, m’explique-t-il, sous l’effet du produit, les cellules commencent à se contracter, puis, n’arrivant plus à respirer correctement, elles meurent asphyxiées. Et je précise que ce résultat est obtenu à des doses nettement inférieures à celles utilisées dans l’agriculture, puisque, par exemple, pour ce cliché, la concentration était de 0,05 %. C’est pourquoi je dis que le Roundup est un tueur d’embryons. Quand on utilise une concentration encore plus faible — en diluant le produit acheté dans le magasin 10 000 ou même 100 000 fois —, on constate qu’il ne tue plus les cellules mais bloque leur production d’hormones sexuelles, ce qui est aussi très grave, car c’est grâce à ces hormones que le fœtus peut développer ses os ou former son futur système de reproduction. On peut donc en conclure que le Roundup est aussi un perturbateur endocrinien.

– Avez-vous comparé les effets du Roundup à ceux du glyphosate seul ?

– Bien sûr ! Et nous avons constaté que le Roundup est beaucoup plus toxique que le glyphosate, alors que les essais qui fondent l’homologation du Roundup ont été réalisés avec la matière active seule. Nous avons donc contacté le commissaire européen chargé de l’agriculture, qui a reconnu que c’était un problème, mais depuis il ne s’est rien passé…

FIN DE L’EXTRAIT

Monsanto et le roundup en chute!

Monsanto et le roundup ont du plomb dans l’aile…

C’est ce que révèle cet article du Point, provenant d’une dépêche de Reuters:

Publié le 24/06/2009 à 14:56 Reuters
Recul du bénéfice de Monsanto, restructuration en vue

Le premier semencier mondial, Monsanto, annonce une baisse de 14% de son bénéfice trimestriel et un plan de restructuration prévoyant 900 suppressions d’emplois.

Le groupe envisage également de scinder ses activités de désherbants, en déclin.

Le bénéfice net du deuxième trimestre de l’exercice fiscal en cours est revenu à 694 millions de dollars (494 millions d’euros), soit 1,25 dollar par titre. Il était l’année précédente de 811 millions de dollars (578 millions d’euros), soit 1,45 dollar par action.

Ce résultat reste supérieur au consensus des analystes, qui anticipaient un bénéfice par action de 1,18 dollar. Monsanto avait annoncé en mai prévoir un résultat en baisse dans le secteur des désherbants en raison d’une compétition accrue.

En avant-bourse, le titre Monsanto s’appréciait mercredi de 3,2%, à 81,85 dollars.

Les ventes en baisse d’herbicides tels que le Roundup ont pesé sur le chiffre d’affaires trimestriel, qui baisse de 11% pour s’établir à 3,2 milliards de dollars.

Carey Gilliam, version française Gregory Schwartz