Je rentre de Bonn

Mes deux jours à Bonn où se tenait une réunion de l’ONU dans le cadre de la Convention sur la biodiversité se sont très bien passés. Le film a été présenté trois fois :

– lundi à 19 heures lors de la fête organisée par Planet Diversity, le forum des ONG parallèle à la réunion de l’ONU, en présence de Ulle Schroeder de ARTE et de Jutta Krug, de la WDR, qui diffuse le film le 29 mai.

– mardi, à 18 heures, dans le « bunker » de la rencontre onusienne devant des délégués internationaux qui participent aux travaux faisant suite au protocole de Cartagènes.

– mardi, à 20 heures 30, devant les représentants internationaux de Planet Diversity.

J’ai retrouvé Vandana Shiva, Michael Hansen, Arpad Pusztai, Jeffrey Smith, qui ont participé aux débats qui sont suivi les deux projections de Planet Diversity.

Il est intéressant de noter que tous ceux qui sont venus aux projections avaient déjà entendu parler de mon enquête , qu’ils viennent d’Amérique du nord, du sud, d’Asie ou d’Afrique.

Des demandes ont été émises pour fabriquer des versions hindi, bengali, indononésienne et en langues africaines du DVD.

Des délégués du Burkina Fasso m’ont raconté qu’ils avaient projeté le film la semaine dernière devant 500 paysans burkinabés et des députés du pays et que cela avait provoqué beaucoup d’émotions et de colère.
Actuellement les représentants de Monsanto parcourent la brousse et distribuent de l’argent aux paysans pour les convaincre de cultiver du coton BT, dont la mise sur le marché vient d’être approuvée par le gouvernement. Ils racontent que le coton BT protège de la mouche jaune, un ravageur qui a causé beaucoup de dégâts l’année dernière dans les champs. Ce qui, bien sûr, est un mensonge!

Les délégués d’Afrique de l’Ouest (Burkina Fasso, Mali, Mauritanie) vont se mettre en rapport avec ARTE pour sortir une version du DVD en trois langues africaines et m’ont invitée à faire une tournée chez eux.
A noter qu’au Mali une conférence citoyenne a voté pour un moratoire sur les OGM qui est actuellement respecté par le gouvernement.

Par ailleurs, Vandana Shiva a trouvé un coproducteur indien pour éditer une version hindi du film , en collaboration avec ARTE. Elle m’a également invitée en Inde pour des projections/ débats.

Des représentants indonésiens vont également se mettre en rapport avec ARTE pour sortir le DVD dans la langue du pays. Je rappelle que les représentants de Monsanto en Indonésie ont été condamnés pour avoir corrompu une centaine de hauts fonctionnaires afin d’imposer le coton BT, ainsi que je le raconte dans mon livre.

Les délégués argentins, paraguayens et brésiliens m’ont demandé de faire une tournée dans le cône sud lorsque le film et livre seront disponibles en espagnol et portugais.

Enfin, une déléguée japonaise à la réunion de l’ONU m’a invitée au Japon dès que le film et le livre sortiront là-bas, ce qui n’est pas pour demain: le contrat avec l’éditeur japonais prévoit deux ans de traduction!

La mobilisation continue!

Hier, alors que je quittais le « bunker » de la réunion onusienne, j’ai été assaillie de coup de téléphone m’annonçant que la loi sur les OGM avait été rejetée d’un cheveu: une voix (136 contre et 135 pour)!

En lisant la presse ce matin, j’ai compris que cette victoire était fragile, car manifestement le premier ministre a l’intention de faire passer la loi par la force, en soumettant un nouveau projet de l’article 1, dans l’urgence, à une commission paritaire de sept députés et sept sénateurs.

A dire vrai, on a de quoi être perplexe. Le Grenelle de l’environnement qui s’annonçait comme un modèle de démocratie n’était-il donc qu’une mascarade? Et quid des promesses de Nicolas Sarkozy de renforcer les pouvoirs du parlement?

Tous les sondages l’indiquent: les Français ne veulent pas d’OGM dans les champs, en tout cas pas ceux actuellement disponibles (suivez mon regard…)
Apparemment la majorité des députés (y compris un bon nombre de l’UMP) n’est pas persuadée de « l’utilité des plantes pesticides », pour reprendre les mots très justes du président à l’issue du Grenelle de l’environnement.

Pourquoi M. Fillon tient-il absolument à s’asseoir sur une décision majoritaire de l’assemblée nationale et sur le désir de la grande majorité des électeurs de ce pays pour imposer les OGM de Monsanto dans les champs?
D’où vient cet empressement?

Va-t-on assister sur un sujet aussi grave pour l’avenir de l’agriculture française à un déni de démocratie?
Comme je le dis dans toutes mes conférences débats, il appartient aux citoyens de faire entendre leurs voix.

La mobilisation continue!

Je remets en ligne mon texte « des arguments pour les députés »

La loi OGM est basée sur un leurre

Les débats parlementaires sur la loi OGM laissent un goût amer, parce qu’ils révèlent le peu de préparation de nos élus à traiter une question aussi grave que l’introduction des plantes transgéniques dans nos champs.
Pourtant, ils ont une chance inouïe que n’avaient pas leurs collègues d’Outre-Atlantique, il y a douze ans : pouvoir bénéficier du bilan que l’on peut dresser, aujourd’hui, d’une décennie de cultures OGM dans ce grand laboratoire à ciel ouvert que constitue l’Amérique du Nord et du Sud.

Pendant trois ans, j’ai sillonné les prairies et pampas du nouveau monde transgénique et j’ai écouté les paysans, petits et grands, y compris ceux qui se sont lancés les yeux fermés dans la culture des plantes pesticides de Monsanto. Et que m’ont-ils dit ?

1) La coexistence entre les cultures OGM et non-OGM est impossible.
C’est un leurre ! Un exemple : au Canada, le colza Roundup ready de Monsanto a contaminé toutes les variétés conventionnelles et fait disparaître le colza biologique, ainsi que me l’a expliqué René van Acker, agronome à l’université de Manitoba.
Quant aux « distances de sécurité », ça fait belle lurette qu’elles sont passées aux oubliettes : le colza, comme le maïs du sud-ouest de la France, est une plante allogame qui se reproduit par pollinisation croisée, grâce aux vents et aux insectes que les bricoleurs du génie génétique ne parviennent toujours pas à contrôler…

C’est précisément l’expérience qu’ils ont eue avec le colza transgénique qui a poussé les grands céréaliers du Canada et des États-Unis à s’allier avec… Greenpeace pour s’opposer à la mise sur le marché du blé Roundup ready de Monsanto, en 2002.
C’est ce que m’a rapporté Ian McCreary, qui n’est pas un dangereux écolo-radical, mais le vice-président de la puissante Commission canadienne du blé, regroupant les céréaliers canadiens, lesquels sont, en général, des producteurs d’OGM (maïs, colza, soja).
« Certes, nous avions peur de perdre nos marchés à l’exportation, car nous savions que les consommateurs européens et japonais n’auraient pas mangé de blé transgénique, mais nous ne voulions pas non plus mettre en danger la biodiversité du blé, m’a-t il expliqué. Enfin, nous craignions que le blé Roundup ready entraîne une augmentation de nos dépenses d’herbicides à cause de l’apparition de “volontaires”… »

2) Car, n’en déplaise à une certaine compagnie de Saint Louis, ses OGM n’entraînent pas la réduction de la consommation de pesticides, mais au contraire, à moyen terme (après trois ou quatre ans), une… augmentation.

Pour la « technologie Roundup ready », selon le terme de Monsanto (à savoir les plantes manipulées génétiquement pour pouvoir absorber le Roundup – elles représentent 70 % des cultures transgéniques mondiales –, un herbicide très toxique fabriqué aussi par la firme), les producteurs sont, aujourd’hui, confrontés à un double problème :
l’apparition de mauvaises herbes devenues tolérantes puis résistantes au Roundup (d’où la nécessité d’augmenter les doses, voire de passer à des classes d’herbicides plus puissants, que Monsanto a d’ailleurs déjà dans son pipe line) ; et les fameux « volontaires ». Ce sont des graines (par exemple de colza Roundup ready) qui sont tombées sur le sol lors de la moisson et qui germent l’année d’après. Si le paysan a décidé de procéder à une rotation de ses cultures, il se retrouve alors avec des pousses de colza dans un champ de blé, dont il ne peut se débarrasser parce qu’elles sont résistantes au Roundup !

Concernant les OGM dits « Bt » – comme le maïs MON 863, dont la culture a été suspendue par le gouvernement français –, le bilan n’est guère plus brillant : une étude publiée par l’université de l’Arizona confirme les prédictions des entomologistes, à savoir que les insectes ravageurs du coton sont devenus résistants à la toxine.
Je rappelle que le Bt est une toxine insecticide naturelle produite par une bactérie du sol (bacillus thurigiensis) et utilisée sous forme de pulvérisation par les agriculteurs biologiques. Monsanto a introduit le gène qui code pour la toxine dans ses OGM, lesquels la produisent donc en permanence. Pour repousser l’inévitable phénomène de la résistance des insectes (ah ! L’incontrôlable évolution des espèces !), la firme et les autorités agricoles exigent que les producteurs plantent 20 % de leurs champs avec des variétés non-OGM – les fameuses « zones refuges » –, où sont censés pulluler les insectes « normaux » pour que ceux-ci se croisent avec leurs cousins devenus résistants au bacillus thurigiensis, provoquant ainsi une « dilution génétique »…
À terme, les grands perdants de la « technologie Bt » sont les agriculteurs biologiques, qui ne pourront plus recourir à l’insecticide naturel, en raison même de la résistance développée par les insectes…

3) Quand vous parlez avec les farmers nord-américains, il y a un mot qui les fait méchamment se crisper : « StarLink ». Ce maïs Bt, produit par Aventis, a provoqué en 2000 une énorme catastrophe sanitaire. Il faut dire que son histoire est exemplaire de l’aberration kafkaïenne qui caractérise le processus d’homologation des plantes transgéniques.
En effet, soupçonnant que ce maïs pesticide était allergène, l’agence de protection de l’environnement (EPA) l’avait autorisé pour la consommation animale, mais interdit pour la consommation humaine !
Résultat : des épis de StarLink se sont retrouvés dans la chaîne alimentaire. Voilà comment des milliers de citoyens américains, qui mangeaient des enchiladas et tacos dans les restaurants tex-mex, ont été saisis de symptômes qui « allaient de la simple douleur abdominale, diarrhée et éruption cutanée, jusqu’à des réactions plus rares mettant la vie en danger », selon le docteur Marc Rosenberg, un allergologue qui fut chargé de conseiller le gouvernement dans cette lamentable affaire, laquelle a coûté à Aventis un milliard de dollars…
À noter, que huit ans après le retrait du marché de toutes les semences StarLink, le maïs maudit continue de contaminer les stocks des États-Unis à hauteur de 1 %…

4) Last but not least, le cauchemar des agriculteurs du monde transgénique, c’est la « police des gènes », créée par Monsanto pour vérifier que les « serfs » du nouvel ordre agricole, pour reprendre le mot de Dan Glickman, l’ancien secrétaire à l’Agriculture de Bill Clinton, ont bien racheté leurs semences, chaque année, ainsi que l’exige le « contrat d’utilisation de la technologie » qu’ils doivent signer. Car les OGM sont brevetés. Un petit « détail » lourd de conséquences, qui a profondément bouleversé la vie dans les campagnes nord-américaines et qui, curieusement, fut totalement absent des débats parlementaires français.

Agenda de la semaine du 12 et 19 mai

– Lundi 12 mai, Bonn, 19 heures: projection du film au Forum « Planet Diversity », à l’occasion de la réunion de l’ONU de la convention sur la biodiversité. On attend mille personnes. Seront présents plusieurs personnages de mon film: le Dr. Michael Hansen, Jeffrey Smith, Vandana Shiva, une représentante paraguayenne de la communauté de Tekojoja.

– Mardi 13 mai, 20 heures, projection du film devant les délégués de l’ONU.

– Vendredi 16 mai, 2O heures: débat/signature au Palais du Travail de Villeurbanne.

– Mardi 21 mai- lundi 26 mai: lancement du film et du livre au Canada ( Montréal, Québec, Toronto, Ottawa).

Nouvelles du film et du livre

Que de bonnes nouvelles!

D’après mon éditeur (La Découverte), des contrats de traduction ont été passés en six langues:
anglais (Etats Unis), allemand, espagnol, japonais, portugais, hollandais.
Vendredi dernier, mes éditeurs américain et espagnol qui étaient réunis à Madrid m’ont appelée pour me féliciter de la qualité de mon livre, qui sortira en Espagne en novembre et aux Etats Unis au printemps 2009.

Des contrats sont en cours avec l’Italie et la Grèce.

Le livre sort au Québec cette semaine.

Le film sera difusé sur la WDR, le 29 mai, à 23 heures 15.

Pour les germanistes, voici le texte remis à la presse allemande par la WDR:

– PROGRAMMÄNDERUNG –

WDR-Sendung: am Donnerstag, den 29. Mai 2008
um 23:15Uhr

ZUR UNO-BIODIVERSITÄTSKONFERENZ vom 19.-30- Mai in Bonn

Monsanto, mit Gift und Genen

Ein Dokumentarfilm von Marie-Monique Robin
Frankreich/Dtl/Canada 2008
109 Min
Redaktion: Jutta Krug

Der Dokumentarfilm erkundet das Reich des US-amerikanischen Konzerns « Monsanto Chemical Works », dem weltweiten Marktführer für Biotechnologie. Dem Engagement auf diesem Gebiet verdankt « Monsanto » auch, dass es zum umstrittensten Unternehmen des modernen Industriezeitalters wurde, stellte es doch das im Vietnamkrieg zu trauriger Berühmtheit gelangte Herbizid « Agent Orange » her. Heute sind 90 Prozent der angebauten gentechnisch veränderten Organismen « Monsanto »-Patente. Diesen Umstand halten viele für bedenklich.

Das 1901 in St. Louis im US-Staat Missouri gegründete Unternehmen « Monsanto Chemical Works » war im 20. Jahrhundert weltweit eines der größten Chemieunternehmen, bevor es zum mächtigen Agrochemiekonzern wurde. In der Vergangenheit machte « Monsanto » mehrfach von sich reden. Das Unternehmen produzierte das im Vietnamkrieg zu trauriger Berühmtheit gelangte Herbizid Agent Orange, das heute als chemischer Kampfstoff klassifiziert ist. Zur Produktpalette gehört ferner der umstrittene Süßstoff Aspartam, ein Wachstumshormon zur Steigerung der Milchleistung von Rindern, sowie die in der Industrie häufig verwendete Substanz PCB, die in Deutschland unter dem Namen Clophen bekannt ist und seit Beginn der 80er Jahre als hochgiftig eingestuft wird.
Heute ist « Monsanto » weltweiter Marktführer auf dem Gebiet der Biotechnologie. 90 Prozent der derzeit angebauten gentechnisch veränderten Organismen, unter anderem Soja, Raps, Mais und Baumwolle, sind « Monsanto »-Patente. Und über kurz oder lang scheint das Unternehmen die gesamte Nahrungsmittelkette zu kontrollieren. – Eine Entwicklung, die heftig debattiert wird. Der investigative Dokumentarfilm, eine WDR-Koproduktion mit Frankreich und Canada, fragt, wie es dazu kam und erklärt, worum es bei gentechnisch veränderten Organismen überhaupt geht. Am Ende steht die Frage, ob « Monsanto »-Produkte Fluch oder Segen für die Menschheit sind.

Der Dokumentarfilm stützt sich auf bisher unveröffentlichte Dokumente und auf Stellungnahmen von Wissenschaftlern, Vertretern von Bürgerinitiativen, Geschädigten, Rechtsanwälten, Politikern sowie Vertretern der staatlichen Food and Drug Administration (FDA), USA.
Die mit dem angesehenen Journalistenpreis « Albert Londres » ausgezeichnete Regisseurin Marie-Monique Robin hat drei Jahre in Nord- und Südamerika sowie in Europa und Asien recherchiert. Sie hat mit Bauern in Indien, Mexiko und Paraguay gesprochen, um die Geschichte des heute vielleicht mächtigsten Saatgutherstellers der Welt zu rekonstruieren. Dabei zeichnete sich hinter dem von den Werbekampagnen bedienten Image des sauberen und umweltfreundlichen Konzerns eine gnadenlos nach Marktführerschaft strebende Unternehmenspolitik ab.

Der Film hatte im März 2008 bei seiner ARTE-Premiere in Frankreich eine Welle an Reaktionen ausgelöst, wurde vor der Assemblée Nationale und dem Senat gezeigt und in Kopie dem Präsidenten übergeben. Eine besondere Aktualität erhält er durch die momentanen Hungersnöte in Ländern wie Haiti und Ägypten und die politische Debatte in Deutschland über die Zulassung von genmanipuliertem Saatgut.

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Der WDR programmiert den Film zur UNO-Konferenz über die Biologische Artenvielfalt vom 19.-30. Mai in Bonn.

Im Vorfeld wird es am 12. Mai um 19 Uhr auf dem PLANET DIVERSITY FESTIVAL in den Bonner Rheinauen ein öffentliches Screening geben.

Rush 10: Manuela Malastesta

L’étude toxicologie de Monsanto sur le soja Roundup ready a été répétée par une équipe de l’université d’Urbino, dirigée par Manuela Malatesta. Je rappelle que l’étude de Monsanto avait duré 28 jours et qu’elle avait été réalisée avec des rats adultes. Elle a été dénoncée par le Pr. Ian Pryme comme de la mauvaise science.
Je retranscris ici la partie de mon livre concernant Manuela Malastesta ainsi que son interview filmée.

EXTRAIT

La peur de Monsanto

J’ai rencontré Manuela Malatesta le 17 novembre 2006, à l’université de Pavie en Italie.
Elle était encore traumatisée par l’expérience qu’elle venait de vivre et qui l’avait contrainte à quitter l’université d’Urbino, où elle avait travaillé pendant plus de dix ans.

« Tout ça à cause d’une étude sur les effets du soja transgénique », me dit-elle avec un soupir.
En effet, la jeune chercheuse a fait ce que personne n’avait fait : répéter l’étude toxicologique conduite en 1996 par Monsanto.
Avec son équipe, elle a nourri un groupe de rats avec une diète habituelle (groupe contrôle) et un autre groupe avec la même diète à laquelle avait été ajouté du soja Roundup ready (groupe expérimental).
Pris dès le sevrage, les cobayes ont été suivis jusqu’à leur mort (en moyenne deux ans plus tard).
« Nous avons étudié les organes des rats au microscope électronique, m’explique Manuela Malatesta, et nous avons constaté des différences statistiquement significatives, notamment dans les noyaux des cellules du foie des rats nourris avec du soja transgénique. Tout semble indiquer que les foies avaient une activité physiologique plus élevée. Nous avons trouvé des modifications similaires dans les cellules du pancréas et des testicules.

– Comment expliquez-vous ces différences ?

– Malheureusement, nous aurions aimé poursuivre ces études préliminaires, mais nous n’avons pas pu, car les financements se sont arrêtés… Nous n’avons donc que des hypothèses : les différences peuvent être dues à la composition du soja ou aux résidus de Roundup. Je précise que les différences que nous avons constatées ne sont pas des lésions, mais la question est de savoir quel rôle biologique elles peuvent avoir à long terme, et pour cela il faudrait développer une autre étude…

– Pourquoi ne le faites-vous pas ?

– Ah !, murmure Manuela Malatesta, en cherchant ses mots. Actuellement, la recherche sur les OGM est un sujet tabou… On ne trouve pas d’argent pour cela. Nous avons tout fait pour trouver un complément de financement, mais on nous a répondu que, comme dans la littérature scientifique il n’y avait pas de données qui prouvent que les OGM provoquent des problèmes, il était donc totalement inutile de travailler là-dessus.
On ne veut pas trouver de réponses aux questions qui gênent… C’est le résultat de la peur diffuse qu’il y a de Monsanto et des OGM en général… D’ailleurs, quand j’ai parlé des résultats de l’étude à certains de mes collègues, ils m’ont vivement déconseillé de les publier, et ils avaient raison, car j’ai tout perdu, mon laboratoire, mon équipe… J’ai dû recommencer à zéro dans une autre université, grâce à un collègue qui m’a soutenue…

– Est-ce que les OGM vous inquiètent ?

– Aujourd’hui, oui ! Pourtant, au début, j’étais persuadée qu’ils ne posaient pas de problèmes, mais maintenant les secrets, les pressions et la peur qui les entourent me font douter… »

FIN DE L’EXTRAIT

Rush 9: le soja roundup ready n’est pas « équivalent » au soja conventionnel

Je mets en ligne l’interview que j’ai réalisée en Californie de Britt Baley qui a répété l’une des (deux) études réalisées par Monsanto censées montrer que le soja roundup ready était « équivalent en substance » au soja conventionnel.

Je rappelle que pour confirmer la validité scientifique du « principe d’équivalence en substance », la firme de Saint Louis a réalisé deux études:
– une étude toxicologique censée prouver l’innocuité du soja transgénique. Dans mon film, celle-ci est critiquée comme de la « mauvaise science » par le Pr. Ian Pryme de l’Université de Bergen. Cette étude n’a duré que 28 jours, sur des rats adultes, dont la diète n’a pas été précisément définie, sans examen des intestins ni des estomacs, etc. J’ai déjà retranscris sur mon Blog la partie de mon livre concernant l’interview du Pr. Pryme (Rubrique « les nouvelles de la toile »/ « l’AFIS attaque 5 »).

– une étude censée prouver que la composition organique d’un grain de soja roundup ready est similaire à celle d’un soja conventionnel. C’est précisément cette étude que Marc Lappé, aujourd’hui décédé, et Britt Baley ont répétée dans leur laboratoire, où ils ne sont pas arrivés aux mêmes conclusions que Monsanto…

Je reproduis ici l’extrait de mon livre où je rapporte cette interview.

EXTRAIT (chapitre 8)

Nous entrons là dans l’ultime phase du « plan d’action » élaboré, comme nous l’avons vu, un jour d’octobre 1986 (voir chapitre précédent).

Consciente que le lancement du soja Roundup ready doit être sans faute, parce qu’il trace la voie de tous les OGM qui suivront, la firme de Saint-Louis a décidé d’avoir recours au mécanisme de la « consultation volontaire » prévu par la directive de la FDA.

C’est ainsi que le docteur Roy Fuchs, le directeur scientifique de Monsanto qui siégeait assidûment dans les « workshops » onusiens, a été chargé de concevoir deux études, dont le but était d’apporter la preuve scientifique que le principe d’équivalence en substance est bien fondé (ce qui confirme que les textes de la FAO, l’OMS et l’OCDE étaient purement théoriques et ne reposaient sur aucune donnée scientifique…).

La première visait à comparer la composition organique du soja Roundup ready avec celle du soja non transgénique, en mesurant notamment les taux de protéines, graisse, fibres, hydrates de carbone et d’isoflavones présents dans les deux types de grains, c’est-à-dire tous les constituants déjà connus de l’oléagineuse.
Autrement dit, on n’a pas cherché à savoir si le soja transgénique contenait dans sa structure moléculaire des substances inconnues ou (légèrement) transformées dues aux effets de la manipulation génétique.
Supervisée par Stephen Padgette, l’étude a finalement été publiée en 1996 dans The Journal of Nutrition, une revue scientifique de référence, et ses résultats sont sans surprise : « La composition des graines de soja résistant au glyphosate est équivalente à celle des graines de soja conventionnel », annonce son titre .

Mais cette étude est loin de faire l’unanimité, notamment parce que ses auteurs ont « omis » d’y inclure un certain nombre de données, ainsi que l’a découvert Marc Lappé, un toxicologue renommé, fondateur du CETOS (Center for Ethics and Toxics) de Gualala (Californie).

« Que montrent les données omises ?, s’interroge-t-il en 2001 dans The Los Angeles Times. D’abord, un niveau significativement plus bas de protéine et d’un acide gras dans les grains de soja Roundup ready. Puis, un niveau significativement plus bas de phénylalanine, un acide aminé essentiel qui peut potentiellement affecter le niveau des principaux phytœstrogènes liés à la production d’œstrogène pour laquelle les dérivés du soja sont souvent prescrits et consommés. Ensuite, après cuisson, des niveaux plus élevés de l’inhibiteur de la trypsine, un allergène connu, dans les grains de soja Roundup ready que dans le groupe contrôle . »

Pour le néophyte, ces données techniques sont sans doute un peu rébarbatives, mais si je prends la peine de les traduire, c’est précisément pour souligner qu’en matière de sécurité alimentaire, on ne peut pas se contenter du « grosso modo » qu’implique le principe d’équivalence en substance.
En d’autres termes : soit les grains transgéniques sont strictement similaires à leurs homologues conventionnels, soit ils ne le sont pas. Et s’ils ne le sont pas : en quoi et quelles conséquences sanitaires cela peut-il avoir ?

C’est précisément pour en avoir le cœur net que Marc Lappé (décédé en 2005) et sa collègue Britt Bailey ont décidé de répéter l’expérience menée par Stephen Padgette.
« Pour notre étude, m’explique Britt Bailey, que j’ai rencontrée à San Francisco en octobre 2006, nous avons planté des graines de soja Roundup ready, ainsi que des graines issues des lignées conventionnelles d’origine, la seule différence étant la présence du gène Roundup ready dans les graines de Monsanto. Je précise que nous avons réalisé les cultures dans des sols strictement identiques, avec les mêmes conditions climatiques pour les deux groupes. Les pousses de soja transgénique ont été aspergées de Roundup, en respectant les recommandations de Monsanto. En fin de saison, nous avons récolté les grains issus des deux groupes et nous avons comparé leur composition organique.

– Quels furent les résultats ?

– Nos analyses ont montré des différences importantes entre le soja Roundup ready et le soja conventionnel, et notamment un niveau d’isoflavones, et donc de phytœstrogènes, de 12 % à 14 % moins élevé, ce qui prouve clairement que la composition du soja Roundup ready n’est pas équivalente au soja conventionnel. Nous avons envoyé nos données à la FDA, mais elle ne nous a jamais répondu…

– Comment a réagi Monsanto ?

– Nous avons proposé notre étude au Journal of Medicinal Food, qui l’a donc soumise à des relecteurs. Elle a été acceptée et sa publication a été fixée au 1er juillet 1999 . Curieusement, une semaine avant la publication, alors que selon l’usage l’article était encore sous embargo, l’Association américaine du soja (American Soybean Association, ASA), connue pour ses liens avec Monsanto, a publié un communiqué de presse affirmant que notre étude n’était pas rigoureuse. Nous n’avons jamais su d’où venait la fuite… »

J’ai retrouvé le communiqué de l’association (dont je rencontrerai bientôt le vice-président) sur le site britannique de… Monsanto, qui en présente une version française ! « L’ASA a foi dans les analyses de soja Roundup ready menées par les services de tutelle aux États-Unis et dans le monde et aux études scientifiques qui les étayent et qui montrent une équivalence entre le soja Roundup ready et le soja classique… », y est-il écrit dans une langue de bois qui égratigne un peu la langue de Voltaire …

« Comment expliquez-vous que Monsanto ait conclu que les deux sojas étaient équivalents ?, ai-je demandé à Britt Bailey.

– Je pense que la faille principale de leur étude, c’est qu’ils n’ont pas arrosé les grains avec du Roundup, ce qui invalide complètement l’étude, car le soja Roundup ready est fait pour être arrosé d’herbicide.

– Comment le savez-vous ?

– Grâce à une étourderie du service juridique de Monsanto ! »

Et Britt Bailey de me montrer une lettre adressée par Tom Carrato, l’un des avocats de Monsanto, à Vital Health Publishing, un éditeur qui était alors sur le point de publier un livre qu’elle avait écrit avec Marc Lappé sur les OGM.
Ce courrier, daté du 26 mars 1998, en dit long, encore une fois, sur les pratiques de la firme.
Après avoir expliqué qu’il avait été informé de l’imminence de la publication dans un article du Winter Coast Magazine, le conseil écrit, avec une assurance déconcertante :
« Les auteurs du livre prétendent que le Roundup est toxique. Que veulent-ils dire par “toxique” ? Chacun sait que toute substance, qu’elle soit synthétique ou naturelle, peut être toxique à une certaine dose. […] Quiconque a bu plusieurs tasses de café ou observé une personne boire de l’alcool sait que tout est affaire de dose et de seuil à ne pas dépasser. […] Ces erreurs doivent être corrigées avant la publication, parce qu’elles […] dénigrent et diffament potentiellement le produit. »
Un peu plus loin, Tom Carrato défend l’étude réalisée par Stephen Padgette et fait, en effet, un bel aveu :

« Les tests menés sur du soja Roundup ready non pulvérisé ne montrent aucune différence dans les niveaux d’œstrogène. Les résultats ont été publiés dans un article relu par des pairs dans le Journal of Nutrition en janvier 1996… »

« En tout cas, la lettre a été efficace, soupire Britt Bailey, car notre éditeur a renoncé à publier notre livre, et nous avons dû en chercher un autre …

– Savez-vous si les résidus de Roundup que l’on trouve immanquablement sur le soja transgénique ont été évalués, d’un point de vue sanitaire ?

– Jamais ! En écrivant notre livre, nous avons découvert qu’en 1987 le niveau de résidus de glyphosate autorisé sur les grains de soja était de six ppm. Et puis bizarrement, en 1995, un an avant la mise sur le marché du soja Roundup ready, le niveau permis par la FDA est passé à 20 ppm. J’ai parlé avec Phil Errico, le directeur du département glyphosate à l’EPA, et il m’a dit : “Monsanto nous a fourni des études qui montraient que 20 ppm ne posaient pas de risque pour la santé et le niveau autorisé a été changé.” Bienvenue aux États-Unis ! »

Pour être honnête, l’Europe ne vaut guère mieux : d’après une information publiée par Pesticides News en septembre 1999, en réponse à l’importation du soja transgénique américain, la Commission européenne a multiplié par deux cents le taux de résidu de glyphosate autorisé, en le portant de 0,1 à 20 mg/kg…

FIN DE L’EXTRAIT

Concernant la séquence filmée: je rappelle que c’est une maquette qui n’a jamais été finalisée. D’où une erreur non corrigée dans la voix off qui double Britt Baley: il ne s’agit pas de » glysophate », mais bien sûr de « glyphosate »!