Ma petite tournée poitevine s’est très bien passée.
Le forum participatif régional pour la réduction des pesticides dans les collectivités fut un grand succès. Plus de 150 élus ou techniciens des espaces verts de la région avaient répondu à l’appel du conseil régional du Poitou Charentes. Ce forum s’inscrivait dans le Plan régional pour la réduction des pesticides qui vise cinq enjeux:
– protéger la ressource en eau, notamment celle mobilisée pour l’eau potable
– maintenir la biodiversité
– surveiller, caractériser et prévenir les risques inhérents à la présence de pesticides dans les autres compartiments de l’environnement (air, sol)
– prévenir les pathologies liées aux pesticides, notamment pour les utilisateurs
– informer les publics et favoriser le débat public
www.pesticides-poitou-charentes.fr/
Lors de cette journée, des alternatives à l’usage des herbicides, et surtout du roundup, ont été présentées, démonstration à l’appui:
– la machine de désherbage à eau chaude
– la sarcleuse
(voir photos)
Lors des ateliers, il fut aussi largement question de « changer les mentalités » en cessant de vouloir s’acharner contre toute herbe folle ou sauvage qui pousse dans nos espaces publics, car celle-ci entretient la biodiversité, végétale, mais aussi des insectes qui s’en nourrissent.
Il convient donc de bannir de notre vocabulaire le terme systématique de « mauvaise herbe » qui distord la réalité et finalement nous conditionne mentalement à recourir à des pesticides chimiques dangereux pour l’environnement et la santé.
Dans mon exposé d’une heure sur le roundup, j’ai rapporté les nombreuses études qui montrent la toxicité de l’herbicide de Monsanto, et bien sûr celle du Pr. Robert Bellé, qui contrairement à ce voudraient faire croire certains, ne s’est jamais rétracté, bien qu’il ait subi des pressions pour le faire. J’ai participé le 19 avril à une projection de mon film à l’Ile de Batz avec, à mes côtés, le Professeur Bellé , qui a persisté et signé ce qu’il m’a dit dans l’ interview qu’il m’avait accordée: « le roundup déclenche les premières étapes qui conduisent au cancer ».
Je reproduis ici l’extrait de mon livre se rapportant à l’étude du Pr. Bellé:
DÉBUT EXTRAIT
En France, l’équipe du professeur Robert Bellé, de la station biologique de Roscoff, qui dépend du CNRS et de l’Université Pierre-et-Marie-Curie, a étudié l’impact des formulations au glyphosate sur des cellules d’oursin.
« Le développement précoce de l’oursin fait partie des modèles reconnus pour l’étude des cycles cellulaires », explique Julie Marc, qui a écrit sa thèse de doctorat sur les travaux du laboratoire breton.
De fait, la découverte du « modèle de l’oursin », capitale pour la compréhension des phases précoces de la cancérogenèse, a valu en 2001 le prix Nobel de physiologie et de médecine aux Britanniques Tim Hunt et Paul Nurse et à l’Américain Leyland Hartwell.
Au début des années 2000, le professeur Robert Bellé décide de l’utiliser pour tester les effets sanitaires des pesticides. Son souci est alors motivé par le niveau de pollution constaté dans les eaux françaises ainsi que dans les aliments :
« Les données concernant la qualité des eaux souterraines font état en France d’une contamination considérée comme suspecte dans 35 % des cas, note Julie Marc, qui a consulté toutes les études disponibles. Les eaux marines font elles aussi état d’une contamination généralisée et pérenne par les herbicides. […] L’ingestion des fruits et légumes contribue également aux apports en pesticides pour les humains. Les chiffres à ce sujet sont inquiétants, puisque 8,3 % des échantillons d’aliments végétaux d’origine française analysés contiennent des résidus de pesticides supérieurs aux limites maximales et que 49,5 % en contiennent . »
Dans ce panorama peu rassurant, la région Bretagne affiche un taux de contamination record, qui affecte particulièrement les eaux destinées à la consommation humaine, poursuit Julie Marc :
« Dans 75 % des cas, la norme réglementaire pour le cumul des substances est dépassée et plus de dix substances sont parfois décelées dans le même échantillon, avec des concentrations respectives dépassant le 0,1 microgramme/litre réglementaire. Cette pollution a pour origine des usages agricoles, mais aussi l’utilisation de pesticides sur les zones non cultivées. »
Et de noter, elle aussi, l’une des aberrations de la réglementation : celle-ci a fixé le taux acceptable de résidu dans les eaux à 0,1 microgramme/litre, mais elle ne concerne qu’un seul herbicide, et ne dit rien sur l’effet cumulé de différents pesticides — ce qui est très courant — ni de leur interaction…
C’est ainsi que le professeur Bellé propose au début des années 2000 au conseil régional de Bretagne de conduire une étude visant à évaluer l’impact des herbicides sur la division cellulaire.
« L’ironie de l’histoire, m’explique le chercheur, que je rencontre dans son laboratoire de Roscoff, le 28 septembre 2006, c’est que nous avions décidé de prendre le Roundup comme contrôle dans les expériences, car nous étions persuadés que ce produit était totalement inoffensif, ainsi que le suggérait la publicité du chien avec son os ! Et évidemment, la très grosse surprise a été que cet herbicide nous donnait des effets bien plus importants que les produits que l’on testait. C’est comme cela que nous avons changé l’objet de notre recherche, en nous consacrant uniquement aux effets du Roundup.
– Comment avez-vous procédé ?, ai-je demandé.
– Concrètement, nous avons fait “pondre” des oursins, dont la caractéristique est de produire de grandes quantités d’ovules ; nous avons mis ces ovocytes en présence de spermatozoïdes, et placé les œufs fécondés dans une dilution de Roundup. Je précise que la concentration était bien inférieure à celle pratiquée généralement dans l’agriculture. Et puis, nous avons observé les effets du produit sur des millions de divisions cellulaires. Très vite, nous nous sommes rendus compte que le Roundup affectait un point clé de la division des cellules, non pas les mécanismes de la division elle-même, mais ceux qui la contrôlent. Pour comprendre l’importance de cette découverte, il faut rappeler le mécanisme de la division cellulaire : lorsqu’une cellule se divise en deux cellules filles, la copie en deux exemplaires du patrimoine héréditaire, sous forme d’ADN, donne lieu à de très nombreuses erreurs. Jusqu’à 50 000 par cellule. Normalement, un processus de réparation ou de mort naturelle de la cellule atypique (ce qu’on appelle l’“apoptose”) s’enclenche automatiquement. Mais il arrive que celle-ci échappe à cette alternative (mort ou réparation), parce que le point de contrôle des dommages de l’ADN est affecté. C’est précisément ce “checkpoint” qui est endommagé par le Roundup. Et c’est pour ça que nous disons que le Roundup induit les premières étapes qui conduisent au cancer. En effet, en échappant aux mécanismes de réparation, la cellule affectée va pouvoir se perpétuer, sous une forme génétiquement instable ; et nous savons aujourd’hui qu’elle peut constituer l’origine d’un cancer qui se développera trente ou quarante plus tard.
– Avez-vous pu déterminer ce qui, dans le Roundup, affectait la division cellulaire ?
– C’est une question capitale ! En effet, nous avons également conduit l’expérience avec du glyphosate pur, c’est-à-dire sans les adjuvants qui constituent le Roundup, et nous n’avons pas constaté d’effets : c’est donc le Roundup lui-même qui est toxique et non son principe actif. Or, quand nous avons examiné les tests qui ont servi à l’homologation du Roundup, nous avons découvert avec surprise qu’ils avaient été conduits avec du glyphosate seul… En fait, le glyphosate pur n’a aucune fonction, même pas herbicide, puisque tout seul il ne parvient pas à pénétrer dans les cellules et donc à les affecter. C’est pourquoi je pense qu’il y a un vrai problème avec le processus d’homologation du Roundup et qu’il faudrait s’intéresser de plus près aux nombreux adjuvants qui le composent ainsi qu’à leur interaction. »
Parmi les adjuvants suspectés, il y a notamment le polyoxyéthylène (POEA), dont la toxicité aiguë a été confirmée par de nombreuses études, mais aussi les substances inertes dont on ne peut rien dire, car leur identité n’est pas communiquée par le fabricant, au nom du « secret commercial » ; sans oublier le principal produit de la biodégradation du glyphosate, l’acide aminométhylphosphonique (AMPA), dont la demi-vie est élevée.
Face à ces dysfonctionnements manifestes du processus d’homologation, certains scientifiques courageux, comme le docteur Mae-Wan Ho (Royaume-Uni) et le professeur Joe Cummins (Canada), membres de l’Institute of Science in Society, réclament une révision urgente de la réglementation relative à l’herbicide le plus utilisé dans le monde . Je dis « courageux », car l’histoire du professeur Bellé prouve, s’il en était besoin, qu’on ne touche pas impunément au produit phare d’une maison comme Monsanto…
« Évidemment, nous avons tout de suite compris l’importance que pouvaient avoir nos résultats pour les utilisateurs de Roundup, explique-t-il, puisque la concentration de l’herbicide à l’origine des premiers dysfonctionnements est 2 500 fois inférieure à celle recommandée en pulvérisation. En fait, il suffit d’une gouttelette pour affecter le processus de la division cellulaire. Concrètement, cela veut dire que pour utiliser l’herbicide sans risque, il faut non seulement porter une combinaison et un masque, mais aussi s’assurer qu’il n’y a personne à cinq cents mètres à la ronde… Un peu naïvement, nous nous sommes dit que Monsanto ne devait pas être au courant, car sinon ces recommandations figureraient sur la notice d’emploi et nous leur avons communiqué nos résultats avant même de publier l’étude . Il faut dire que nous avons été très surpris par leur réaction : au lieu de se pencher sérieusement sur nos résultats, ils ont répondu un peu agressivement que toutes les agences réglementaires avaient conclu que le produit n’était pas cancérigène pour l’homme et que, de toute façon, le cancer de l’oursin n’intéressait personne ! C’est tout sauf un argument scientifique ! On dirait qu’ils ne savent même pas que si le “modèle de l’oursin” a valu un prix Nobel à ses découvreurs, c’est précisément parce qu’on sait que les effets mesurés sur une cellule d’oursin sont parfaitement transposables à l’homme…
– Et comment ont réagi vos organismes de tutelle, le CNRS et l’Université Pierre-et-Marie-Curie ?
– À dire vrai, leur réaction fut encore plus surprenante, répond le professeur Bellé, après un silence. Certains représentants se sont déplacés jusqu’à Roscoff pour nous demander instamment de ne pas communiquer avec les médias grand public, sous prétexte que cela allait créer une psychose…
– Comment l’expliquez-vous ?
– Cette question m’a longtemps obsédé… Aujourd’hui, je pense qu’on ne voulait pas faire de vagues pour ne pas porter préjudice au développement des OGM, qui, comme vous le savez, ont été manipulés pour résister au Roundup…
– N’avez-vous pas peur pour votre carrière ?
– Je ne crains plus rien, murmure le chercheur. Je vais bientôt partir à la retraite et je ne dirige plus le laboratoire. C’est pour cela qu’aujourd’hui je peux me permettre de parler… »
FIN DE L’EXTRAIT
Dans une interview qu’il a donnée à Rue 89, le Professeur Bellé va encore plus loin.
Enfin, vendredi soir, j’étais à Saintes, à l’invitation de la députée socialiste Catherine Quéré.
Malgré les multiples animations dans la ville, la projection a réuni 300 personnes. Pour la petite histoire: alors qu’il faisait une chaleur torride, il fut impossible d’ouvrir les portes de la salle de projection, car au même moment, juste à côté, la maison des associations avait organisé une soirée « country music » , où l’on a dansé déguisé en cow boys et farmers texans!
Photos:
– démonstration de la machine de désherbage à eau chaude et de la sarcleuse, alternatives aux épandages de roundup-
– salle comble à Saintes. Photo de Michèle Blanc qui propose de consulter le diaporama réalisé lors de la soirée:
picasaweb.google.com/micheleblancphotos/LeMondeSelonMonsantoAvecMarieMoniqueRobin