Le blé, le maïs et les hybrides

La projection débat de Serres-Castet déchaîne les passions! Je m’en réjouis car c’est un signe de démocratie.

Ayant lu, ici et là, qu’on déforme mes propos, je recommande à ceux qui auraient mal compris ce que j’ai dit de regarder mon film « Blé: chronique d’une mort annoncée », diffusée sur ARTE dans le cadre d’une soirée Thema, intitulée « Main basse sur la nature » en 2005.

J’y raconte l’histoire de la céréale dorée, depuis le néolithique jusqu’à nos jours, en présentant notamment le rôle des sélectionneurs – de Vilmoret à Limagrain- pour créer des « variétés améliorées », issues de croisements généalogiques. Leur but était d’augmenter les rendements du blé qui, de fait, sont passés d’environ 10 quintaux l’hectare au début du XXème sicèle à parfois 100 quintaux aujourd’hui. Le prix de cet exploit fut l’usage intensif d’engrais et de pesticides chimiques, qui ont détruit la fertilité des sols, pollué l’environnement et mis en péril la santé des agriculteurs.

Ces « variétés améliorées » ont entraîné une réduction draconienne de la biodiversité du blé, mais n’ont pas empêché les agriculteurs de conserver une partie de leurs récoltes pour ensemencer leurs champs, l’année suivante.

Ce n’est pas le cas des hybrides de maïs inventées par Pioneer Hi- Bred International, la société qu’a créée en 1926, à Des Moines (Iowa) Henri Wallace, vice président des Etats Unis de 1941 à 1945. Pour les semenciers, les hybrides de maïs sont une aubaine, puisqu’ils sont quasiment stériles à la deuxième génération, ce qui contraint les agriculteurs, comme les producteurs du Sud Ouest, à racheter des semences tous les ans, et les rend donc totalement dépendants de l’agroindustrie.

L’hybridation du maïs, une plante allogame à la différence du blé qui est une plante autogame, constitue de facto une stérilisation biologique de la céréale, qui permet aux semenciers de contrôler le très juteux marché des semences. Les semenciers , comme Monsanto, n’ayant pas pu obtenir le même résultat avec les croisements généalogiques du blé, ils se sont rabattus sur les brevets, qui constituent , eux, une stérilisation juridique, qui interdit aux paysans de resemer une partie de leur récolte, sous peine de poursuite.

C’est la « vertu » des OGM, qui sont brevetés. C’est ce que je montre dans mon film « Blé: chronique d’une mort annoncée » où je raconte comment Monsanto a échoué à mettre sur le marché un blé transgénique, résistant au roundup, qui aurait bouleversé les pratiques millénaires des paysans, y compris dans les prairies canadiennes, où les grands producteurs de blé n’achètent de nouvelles semences qu’environ tous les dix ans.

Le film est en ligne sur mon Blog en deux parties.

Serres Castet, suite!

Voici l’article publié par Sud Ouest sur la projection débat de Serres Castet qui fait couler tellement d’encre, ce qui est une bonne chose car cela permet de faire tomber les masques!

Par ailleurs, j’invite les internautes à lire cette interview de l’économiste Marion Desquilbet, invitée en août 2009 par la mission Agrobiosciences.

Je partage entièrement son analyse: les OGM ont été inventés par des firmes de la chimie pour permettre de vendre des pesticides et ils ne résoudront en rien le problème de la fin dans le monde.

Comme je l’ai dit à Serres Castet, la sécurité et la souveraineté alimentaire passent par une agriculture familiale et diversifiée, ce qui est tout le contraire du modèle transgénique qui renforce les monocultures et le monopole des moyens de production agricole entre les mains de quelques multinationales, dont le seul objectif est de redistribuer des profits à leurs actionnaires:

Monsanto, Euralis et « La coupe est pleine »: l’union sacrée

J’ai donc participé , vendredi soir, à une projection débat de mon film Le Monde selon Monsanto, à Serres Castet, dans la banlieue de Pau. Cette région agricole est le fief de la coopérative Euralis, qui regroupe notamment les producteurs de maïs du Sud-ouest. À l’instar de Limagrain, la coopérative est devenue une multinationale qui emploie 4998 salariés et affiche un confortable chiffre d’affaires de 1 289 M€, grâce à la vente de notamment de semences, mais aussi de pesticides:

Euralis défend ardemment les OGM et est très liée à Monsanto, qui a d’ailleurs une participation dans l’entreprise, ainsi que l’a révélé un document de Greenpeace que je mets en ligne.

Euralis et Monsanto ont créé ensemble Hybritech Europe SA, en 199O, avec 90% de parts pour Monsanto et 10% pour Euralis, pour le développement de « variétés améliorées » de blé, dont le siège social est situé à Lescar.

Vendredi soir, les représentants d’Euralis étaient venus en nombre (voir photo), accompagnés d’un représentant de Monsanto, venu de Lyon, qui s’est présenté comme le représentant de la multinationale pour l’Europe du sud, et de la « Coupe est pleine » (voir photo), l’un de mes « détracteurs personnels », très actif sur mon Blog, qui m’a dit qu’il cultivait 80 hectares de maïs (voir photo). En bref, l’union sacrée!

La soirée fut émaillée d’échanges assez vifs, voire d’insultes proférées par l’un des représentants d’Euralis, avec quelques « contre-vérités » dont certaines ne lassent pas de me surprendre. Voici quelques exemples:

– c’est ainsi que la première « question » posée par un adhérent de la coopérative (voir photo) concernait le maïs BT: « je ne comprends pas pourquoi vous dites que ce maïs fabrique un insecticide », s’est-il étonné, car ce n’est pas vrai »… Etonnant, non? Je rappelle que « BT » signifie Bacillus Thurigensis, et que c’est le nom d’une protéine insecticide fabriquée par une bactérie, que Monsanto a introduite par manipulation génétique dans le maïs, pour qu’il détruise les pyrales (des parasites du maïs).

– Quand j’ai expliqué que l’Espagne était le seul pays européen à cultiver des plantes transgéniques (je parle bien de « cultures » et pas d’essais en champ), le représentant de Monsanto m’a contredite en donnant l’exemple de la Roumanie. Or, après avoir cultivé du soja roundup ready sur une grande échelle pendant huit ans, la Roumanie est revenue an arrière, en interdisant les cultures d’OGM, à compter du 1er janvier 2007.

– Enfin, quand « La coupe est pleine » a cité les statistiques de l’ISAAA concernant l’étendue des surfaces OGM dans le monde, j’ai répondu que ces statistiques étaient très contestées, parce que difficilement vérifiables et fournies par Monsanto et concorts.

Voici ce qu’en disait le journal Le Monde dans son édition du 13 février 2009:

« C’est dans ce contexte qu’est une nouvelle fois soulevée la question de la surface réelle occupée par les cultures transgéniques dans le monde. L’organisme qui publie annuellement l’évaluation de cette statistique, l’Isaaa (International Service for the Acquisition of Agro-Biotech Applications), voit aujourd’hui ses résultats vivement contestés par le réseau international des Amis de la Terre (Friends of the Earth). Et la France est précisément au coeur de cette polémique.

L’Isaaa est un organisme basé à l’université Cornell, de New York, et financé par des organisations comme la Fondation Rockefeller ou les sociétés Monsanto et Syngenta, qui produisent des OGM. Il publie chaque année depuis 1997 un rapport sur la diffusion des OGM à travers la planète. Dans son étude de la situation pour 2008, publiée mercredi aux Etats-Unis, l’Isaaa laisse entendre que la superficie cultivée en Europe a crû de 21 %. Faux, estiment les Amis de la Terre, qui observent que l’Isaaa a exclu la France de son compte. Le moratoire adopté par l’Hexagone en 2008 sur le maïs MON 810 a fait diminuer la surface cultivée d’OGM en Europe de 50 000 hectares environ.

De surcroît, l’Isaaa compte la Roumanie pour 2007 et 2008, alors qu’il l’excluait en 2006. Pourtant, la Roumanie cultivait des OGM en 2006. Explication de cette manipulation, selon les Amis de la Terre : la Roumanie a fortement diminué sa culture d’OGM quand elle a rejoint l’Europe, en 2007. « L’oublier » en 2006 permet de gonfler la progression apparente.

Au total, selon les Amis de la Terre, la superficie cultivée en OGM dans l’Union européenne n’a pas augmenté de 21 % en 2008, mais a, au contraire, diminué de 2 %. Cette critique affaiblit fortement la fiabilité que l’on peut accorder aux comptes de l’Isaaa. En 2008, les Amis de la Terre avaient aussi montré que l’institut avait surévalué le nombre d’hectares cultivés en OGM en Inde de 400 000 hectares.

Malgré ce qui apparaît comme une propension à la surestimation, les chiffres de l’Isaaa montrent un ralentissement de la progression des OGM dans le monde. Dans son rapport pour 2008, l’institut estime que la superficie cultivée en 2008 a progressé de 9,4 %, pour atteindre 125 millions d’hectares. Ce taux est bien moindre que celui de 2007 (12 %), où il était évalué à 12 %. La décélération est continue puisque, en 2006, la progression était estimée à 13 %, en 2005 à 11 %, en 2004 à 20 %, en 2003 à 15 %, en 2002 à 12 % et en 2001 à 19 %. »

L’article peut être lu sur le site de combat-monsanto:

Le site Info’GM s’interroge aussi sur l’origine des chiffres , « hypothèses et estimations » que fournit l’ISAAA dans ses rapports annuels:

« Tous les ans, l’Isaaa, organisation de promotion des biotechnologies végétales dans les pays dits en développement, publie un rapport qui fait la synthèse des surfaces cultivées avec des plantes GM, et qui, à travers des calculs énigmatiques, démontre le bien fondé des OGM pour l’environnement et les économies des pays pauvres. Le rapport est truffé d’hypothèses, d’estimations, il laisse d’année en année les mêmes interrogations : comment ces chiffres sont-ils construits ? Quelles sont les sources de l’Isaaa ? On n’en saura pas plus cette année, mais cet exercice de communication reste intéressant à décrypter. »

À lire ici:

PHOTOS:

– 1) Le document de Monsanto attestant du lien financier entre Euralis et Monsanto

– 2) Le représentant d’Euralis pose sa « question » sur le maïs BT

– 3) Idem

– 4) Le représentant de Monsanto: 2ème rang, troisième à partir de la gauche, en pull gris, l’air pensif.

-5) « La coupe est pleine »: premier rang, troisième à partir de la droite, également l’air pensif…