J’invite les internautes à lire les deux excellents articles que Télérama a consacrés à mon film Sacrée croissance ! (pages 74 et 109). C’est d’ailleurs à Virginie Félix que j’avais fait référence dans l’allocution que j’ai prononcée lors de l’avant-première du film au Forum des images à Paris. J’en transcris ici le contenu:
Il y a quelques jours, une journaliste qui m’interviewait à propos de Sacrée croissance ! m’a demandé si j’avais changé mon fusil d’épaule, en décidant de passer du « journalisme de dénonciation » au « journalisme de proposition ».
Je lui ai répondu en invoquant Albert Londres que j’ai toujours considéré comme mon maître à penser. M’inspirant de son exemple, j’avais choisi le métier de journaliste pour « mettre la plume dans la plaie », espérant que mes films et livres allaient contribuer à changer le monde. C’est ainsi que j’ai enquêté sur le trafic d’organes, sur le rôle des Français dans les dictatures d’Amérique latine, sur Monsanto ou sur le rôle des produits chimiques dans l’explosion des maladies chroniques contemporaines.
Puis, un jour, je me suis demandée ce qu’aurait fait Albert Londres s’il avait vu que les humains étaient capables de modifier la chimie délicate du climat ou des océans, de provoquer la sixième extinction des espèces, de maintenir dans la faim et l’extrême pauvreté la majorité des habitants de la planète, tandis qu’une poignée accumulait d’immenses richesses. Je me suis dit qu’il se serait sûrement attaqué au dogme de la croissance économique, je dis bien « attaquer » car ce dogme est si puissant que chacun d’entre nous en est imprégné, pour le meilleur ou pour le pire. Il aurait sûrement pensé aussi qu’il ne suffisait pas de dénoncer la mécanique, car nous n’avons plus le temps de seulement dénoncer. Il me semble que l’urgence dans laquelle se trouve actuellement l’humanité impose de nouveaux devoirs au quatrième pouvoir que la presse est censée incarner : celui de faciliter la connexion entre les citoyens du monde qui ont décidé qu’ils ne suivraient pas Panurge dans le gouffre où nous entraîne le système capitaliste mondialisé actuel. C’est pourquoi le film que vous allez voir est un hommage à tous les « lanceurs d’avenir », à tous ceux et celles qui défendent la vie – la survie – ici et maintenant. Et pour finir, je voudrais citer un joli texte de Goethe, l’un de mes poètes allemands favoris :
« Tant que nous ne nous engageons pas, le doute règne, la possibilité de se rétracter demeure et l’inefficacité prévaut toujours en ce qui concerne les actes de l’initiative et de la créativité. Il est une vérité élémentaire dont l’ignorance a des incidences innombrables et fait avorter des projets splendides. Dès le moment où l’on s’engage pleinement, la providence se met également en marche. Pour nous aider, se mettent en œuvre toutes sortes de choses qui sinon n’auraient jamais lieu. Tout enchaînement d’événements, de situation et de décision crée, en notre faveur, toutes sortes d’incidents imprévus, des rencontres et des aides matérielles que nous n’aurions jamais rêvé de rencontrer sur notre chemin. Tout ce que tu peux faire ou rêver de faire, tu peux l’entreprendre. L’audace renferme en soi génie, pouvoir et magie ».
En attendant, pour ceux et celles qui ne l’auraient pas encore vu, je mets en ligne la bande annonce du film qui, je vous le rappelle, sera diffusé mardi prochain à 20 heures 50, sur ARTE!