A propos de l’espérance de vie

Je profite du commentaire posté par Laurent Berthod sur « l’allongement de notre espérance de vie » pour aborder ce sujet que j’ai bien sûr traité de fond en comble avant de me lancer dans mon enquête sur les produits chimiques.

De fait, dès qu’on travaille sur le cancer et les maladies chroniques, une question revient avec la régularité d’un pendule : si la pollution chimique fait tant de dégâts, comment expliquer alors que notre espérance de vie ne cesse d’augmenter ?

La question fait le bonheur des fabricants de produits chimiques qui en profitent pour livrer un deuxième argument : il n’y a pas d’augmentation générale des cancers, mais seulement une impression trompeuse due au vieillissement général de la population (sous-entendu : les cancers sont plus fréquents chez les personnes âgées) et à de meilleures capacités de diagnostic.

Il suffit de se pencher sérieusement sur chacun de ces poncifs pour comprendre qu’aucun ne tient. Concernant le « vieillissement de la population » : dans l’interview qu’elle m’a accordée, Linda Birnbaum, la directrice du National Institute of Environmental and Health Studies des Etats Unis, m’a expliqué que l’espérance de vie était en train de stagner aux Etats Unis , et que tout indiquait qu’elle allait commencer à baisser. Sa prudence s’explique par le fait qu’il faudra attendre encore plusieurs années avant de confirmer la tendance à la baisse que plusieurs facteurs expliquent : aujourd’hui, 45 % de la population américaine est obèse, et 70% en surcharge pondérale, et l’augmentation est constante depuis des années.

Signe le plus visible de l’épidémie de maladies chroniques qui frappe la population américaine, l’obésité est associée au diabète, aux infarctus, et aux cancers. On estime que l’espérance de vie d’un obèse est de dix à vingt ans inférieure à une personne « « normale ».

Or, on sait aujourd’hui que l’obésité n’est pas due uniquement à la malbouffe et au manque d’exercice physique, mais aussi à l’exposition à des substances chimiques « obésogènes », comme les perturbateurs endocriniens, qui peuvent induire l’obésité chez des sujets qui ont été exposés in utero. C’est ce que certains scientifiques appellent « l’origine fœtale des maladies de l’adulte » : en d’autres termes, certaines molécules chimiques peuvent affecter particulièrement les fœtus et provoquer des maladies, vingt ou trente ans plus tard, chez le sujet adulte.

De plus, les personnes âgées d’aujourd’hui, celles-là mêmes sur lesquelles nous nous basons pour chanter l’augmentation de l’espérance de vie, ont toutes entre 70 et 90 ans. Elles sont nées bien avant la guerre, c’est-à-dire avant que l’environnement ne soit massivement pollué par les quelque 100 000 molécules chimiques qui ont été mises sur le marché, au cours des cinquante dernières années. Les vieux d’aujourd’hui ont grandi dans un environnement sain. Or, on sait que les produits toxiques qui contaminent notre environnement et y compris notre alimentation ont un effet d’autant plus grand que le sujet exposé est jeune.

Les statistiques fournies par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un organisme basé à Lyon, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, confirment cette interprétation des faits : l’incidence du cancer a été multipliée par deux au cours des trente dernières années, dans les pays dits « développés ». Et, ainsi que me l’a dit très clairement Christopher Wild, le directeur du CIRC, cette évolution est due à « l’environnement et au style de vie ».

Je rappelle que l’incidence désigne le nombre de malades que l’on trouve sur une population de 100 000 habitants, or celle-ci n’a cessé d’augmenter dans les pays occidentaux, à la différence des pays dits « sous développés » qui n’ont pas encore adopté notre mode de vie industriel.

J’invite les internautes à consulter les cartes du cancer réalisées par le CIRC qui sont bien plus parlantes que n’importe quel discours.

Un exemple:le cancer du sein:

http://globocan.iarc.fr/map.asp?selection=3142&title=Breast&sex=2&type=0&statistic=2&map=5&window=1&size=2&colour=1&scale=0&submit=%C2%A0Execute%C2%A0

De cette carte, il ressort très clairement que l’incidence du cancer du sein est cinq fois plus élevée en Europe, Amérique du Nord et       Australie que dans les pays dits du « Sud ». C’est la même chose pour les vingt cancers les plus courants en Occident.

L’astuce des fabricants de produits chimiques et de certains scientifiques qui roulent pour eux (j’y reviendrai longuement) est de confondre systématiquement l’incidence du cancer et le taux de mortalité de la maladie. Or, il est un fait, que grâce aux progrès médicaux, le taux de mortalité dû au cancer a chuté, mais il n’en reste pas moins que le taux d’incidence ne cesse de croître, et qu’on assiste à une augmentation permanente du nombre de nouveaux cas par an, et notamment chez les enfants et personnes jeunes.

Ainsi que le souligne Devra Davis, épidémiologiste et spécialiste du cancer, l’incidence du cancer du cerveau chez les enfants a augmenté de 1 à 3%, chaque année, depuis trente ans, alors que les méthodes de diagnostic de cette pathologie n’ont pas changé pendant la même période.

15 réflexions sur « A propos de l’espérance de vie »

  1. Et plus généralement, vous confondez États-Unis et le monde entier. L’espérance de vie augmente partout, l’hypothétique stagnation des US est un cas particulier dont vous vous servez pour manipuler le lecteur. Enfin, mettre l’obésité des américains sur le dos des cancers quand on voit leur alimentation et leur niveau d’activité physique relève soit de l’ignorance absolue soit de la mauvaise foi. Vous devriez passer 3 ans aux US avant d’écrire votre prochain livre !

  2. « depuis trente ans, alors que les méthodes de diagnostic de cette pathologie n’ont pas changé pendant la même période » Franchement, depuis 30 ans ça a sérieusement changé niveau imagerie médicale. Il serai intéressant de voir l’influence d’autres facteurs, à commencé par les prématurés ou les procréations assistés. Dans le cas l’autisme, des signes concordants existes, et c’est aussi un mal dont sont accusés les pesticides.

    Autism Spectrum Disorders in Extremely Preterm Children
    Samantha Johnson, Chris Hollis, Puja Kochhar, Enid Hennessy, Dieter Wolke, Neil Marlow
    The Journal of Pediatricspublished online 08 January 201

  3. Chère Marie-Monique Robin,

    Si vous avez interviewé Maurice Tubiana, un des meilleurs épidémiologistes du cancer, fondateur du CIRC, vous avez entendu un tout autre son de cloche que celui que vous a délivré Linda Birnbaum. Pour lui, l’augmentation du nombre de cancers s’explique par le vieillissement de la population et le développement des méthodes de dépistage précoce, cancer du sein et de la prostate notamment. Un reportage honnête se doit de donner les deux sons de cloche. Avez-vous interviewé le Professeur Maurice Tubiana pour votre reportage ?

    Christopher Wild, comme son nom l’indique est sans doute un anglo-saxon. Pour les anglo-saxons, en épidémiologie, l’environnement s’oppose à tout ce qui est cause endogène. Pour eux l’alcool, le tabac et le mode de vie font donc partie de l’environnement.

  4. lire également « Espérance de vie: la fin des illusions » de Claude Aubert
    http://www.evene.fr/livres/livre/claude-aubert-esperance-de-vie-la-fin-des-illusions-19874.php
    qui confirme que l’espèrance de vie stagne dans nos sociétés « avancées » et pourrait baisser dans les années à venir, pour les raisons que vous citez, principalement la pollution sous ses diverses formes

    merci pour votre travail et bon courage, Marie-Monique 🙂

  5. Ben, en tout cas elle ne stagne aboslument pas en France. Et puis un jour elle finira bien par stagner, parce qu’heureusement la vie humaine a une fin. Et moi je ne dis pas merci aux colporteurs de rumeurs.

  6. « De cette carte, il ressort très clairement que l’incidence du cancer du sein est cinq fois plus élevée en Europe, Amérique du Nord et Australie que dans les pays dits du « Sud ». C’est la même chose pour les vingt cancers les plus courants en Occident. »

    Peut-être qu’ils n’ont pas le temps de développer de maladies de ce type quand on voit l’espérance de vie d’un ghanéen H ou F : 56/58 ans !
    Selon l’OMS : http://www.who.int/countries/gha/fr/

    Faudrait pas vouloir nous faire croire que les pays « du sud » vivent plus longtemps que nous. Sinon je vous raconte pas l’explosion démographique, vu leur taux de natalité : 7 à 8 enfants par couples !

    Vous allez faire très fort encore une fois Mme ROBIN ! Votre nouvel opus semble bien fourni !

  7. Je pense que la plupart des gens se voilent la face, c’est plus rassurant que de regarder la réalité en face (plus lucratif aussi)
    Lorsque j’étais enfant (j’ai 38 ans) je dois me souvenir de 1 ou 2 enfants dans mon entourage avec des allergies. Aujourd’hui je peux citer au moins 7 gamins avec des allergies alimentaires, ou acariens, ou pollens (ou les 3, sans parler du nombre d’adultes).
    J’ai travaillé plusieurs années dans une société fournissant l’industrie pharmaceutique en pompes et valves (pour diffusion d’antihistaminique) et tous les ans on se frottait les mains à la vue des chiffres (du nombre croissant de personnes allergiques). Les enfants auparavant développaient des allergies vers 11/12 ans, et aujourd’hui une explosion de petits patients avant 10 ans. Les allergies sont simplement un exemple parmi tant d’autres … nous nous empoisonnons.
    Comment peut on sincèrement ne pas croire, que notre style de vie dans nos sociétés développées n’influence pas notre santé ? J’habite à la campagne mais je me rends régulièrement sur Paris, Paris sent le pot d’échappement et vous croyez que cela n’a pas d’influence ? Quelles quantités de pesticides, fongicides, produits chimiques en tout genres, additifs, conservateurs … respirons /ingurgitons-nous au cours d’une vie ? SANS RÉPERCUSSION POUR NOTRE SANTE ? Je ne crois plus au Père Noël depuis longtemps… et vous ?

  8. Bonjour Marie-Monique,

    Je pense effectivement, comme Welman, que la plupart des gens se voilent la face, hélas ! J’ai bien peur qu’ils ne soit trop tard quand ils se réveilleront enfin.

    Nous comptons tous sur des personnes comme vous pour les convaincre, car maintenant, il y a véritablement urgence.

    Cordialement,

    MP

  9. Bonjour, je souhaiterais pouvoir échanger avec vous par email(si cela vous intéresse) au sujet du scandale sanitaire ,bien en marche ,lié aux technologies sans fil.Je suis fille d’électro-hypersensible et fais partie d’un collectif « Une Terre Pour les Ehs » qui occupe une zone de la forêt de Saou (en Drôme) pour demander la création en urgence d’une première zone blanche habitable en France .

    Bien à vous, L.B

  10. j’ en profite pour laisser l’ adresse du site suivant:
    http://www.artac.info/

    Vous pourrez retrouver toutes les causes de cancers environnementaux dans lequel les ondes éléctromagnétiques jouent un rôle indiscutable.

    D ‘autre part, un élément à ne pas négliger sur l’ explosion de maladies auto-immunes:
    On sait désormais que le vaccins jouent un rôle déclencheur dans l’ apparition de maladies auto-immunes, tout comme d’ autres polluant dont antibiotiques, anti-inflamatoires, toxiques environnementaux.
    Ce que l’ on sait moins ,c’ est qu’ en supprimant l’ingestion journalière de protéines d’ origine laitières et céréalières, on observe une réversibilité des symptômes. Pourquoi ?
    En fait l’ hybridation effrénée des céréales ,avec des méthodes non OGM mais néanmoins aberrantes, on obtient des protéines non assimilables par le système bactérien intestinal et non assimilable par notre système enzymatique.
    Je vous conseille la lecture des travaux du dr Jean Seignalet ( FAC de Montpellier) qui préconise de revenir à des céréales ayant conservées leur génétique ancestrale. Le riz est la seule céréale tolérée ( non OGM bien évidemment) car elle a la particularité de conservé le nombre de chromosome d’ origine malgré les hybridations.
    Encore une pierre dans le jardin des partisans d’ une agriculture naturelle basée sur le respect des lois ancestrales de l’ agriculture et de l’ alimentation…

  11. Auteur du livre « Espérance de vie, la fin des illusions », je ne peux évidemment qu’être d’accord avec Marie-Monique Robin et m’étonner de certains des commentaires ci-dessus. Par exemple, plusieurs publications récentes confirment l’existance d’une corrélation entre la présence dans le sang de certains polluants et la fréquence du diabète, ce qui ne veut pas dire pour autant que la pollution est la principale cause du diabète. Par ailleurs, selon les données d’Eurostat, l’espérance de vue en bonne santé n’augmente plus depuis plusieurs années en France et diminue dans plusieurs pays européens. On peut y ajouter l’augmentation rapide des affections de longue durée, dont on sait qu’elles diminuent l’espérance de vie de ceux qui en sont atteints (lire à ce sujet le texte publié le 24 septembre sur le site du Monde, co-écrit par André Cicolella, Laurent Chevalier et moi-même). Enfin, quand on nous dit que l’epérance de vie des femmes a encore augmenté de 2 mois en 2009 par rapport à 2008, on oublie en général de préciser qu’elle avait baissé d’un mois entre 2007 et 2008. Autre donnée intéressante, fournie par une étude parue dans l’American Journal of Epidemiology en juillet 2009 et portant sur plus de 43000 hommes (Jensen TK et al., Good Semen Quality and Life Expectancy : a Cohort Study of 43277 Men): plus ces derniers ont un sperme de mauvaise qualité (notamment une faible concentration de spermatozoïdes) et plus leur espérance de vie est faible. Or on sait que dans les pays industrialisés, la concenttration de spermatozoïdes dans le sperme humain a fortement diminué au cours des 50 dernières années.
    Je profite de ce commentaire pour vous féliciter, Marie-Monique Robin, pour votre engagement et votre remarquable travail.

  12. A propos de l’allongement de l’espérance de vie.
    Il y a deux facteurs a prendre en compte.
    1° les personnes née avant 1930 (80 ans et + la majorité des vieux actuel) on une plus grande résistance et une bien meilleur constitution.
    2° le fait qu’il y a beaucoup moins de mortalité enfantine.
    C’est deux facteurs faussent complètement les statistiques calculer sur une moyenne de mortalité.
    Voir le livre d’Hervé le Bras  » Naissance de la mortalité » . Gallimard – Le Seuil
    Les jeunes actuel, malheureusement ne viendront jamais aussi vieux et il y aura de plus en plus de mortalité enfantine.
    Donc comme l’annonce Claude Aubert pour une espérance de vie en constante augmentation c’est terminé.
    Dans les 10 ans a venir cette espérance va chuter brutalement pour ce stabiliser vers 65/70 ans.

  13. Bonjour Marie-Monique Robin,

    Merci de faire prendre conscience des choses que peut de gens ignore au fond d’eux même.
    Une chose est sure on va en s’améliorent malgré le brouaba planétaire ambiant.
    Soi en paix dans ta démarche.
    Le gens de notre monde sont plus en éveil que jamais, nous allons vers une vie prospère et heureuse quoi que l’on en pense.
    Bon et beau voyage.
    Bien amicalement
    Jean

  14. Monique, contrairement à une idée reçue, l’atmosphère et l’eau étaient beaucoup plus pollués il y a 80 ans qu’aujourd’hui.

    -Comment expliquez-vous que l’incidence des cancers dans les campaqnes soit identique à celle des villes supposées plus polluées?
    -Il y a des cancers en diminution: oesophage, col de l’utérus.
    -Vous faites une corrélation entre l’augmentation des cancers et le nombre de nouvelles molécules; un minimum de connaissance en épidémiologie vous aurait éviter de proférer une telle énormité.
    Corrélation n’est pas causalité. Il faut le démontrer, vous ne le faites pas.
    -Sachez que, si par magie on supprimait tous les cancers actuels l’esperance de vie n’augmenterait que de 1an ou 2.
    Je vous conseille le livre: « EPIDEMIOLOGIE, Méthodes et Pratique » par C. Rumeau-Rouquette éditions Flamarion (Collection Statistique en biologie et médecine)

    Bonne lecture

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