« Torture made in USA » : une bien étrange affaire …

Le 2 janvier dernier, j’annonçais sur ce Blog que mon film « Torture made in USA », un « documentaire de 85 minutes » était programmé sur Canal + , le 20 mars 2009.

« Je vous informe que mon film « Torture made in USA » sera diffusé sur Canal +, le 20 mars 2009. Ce documentaire de 85 minutes, qui raconte comment l’administration de Georges Bush a légalisé la torture , en violant les lois internationales mais aussi américaines, s’inscrit dans le prolongement de mon film (et livre) « Escadrons de la mort: l’école française » , diffusé sur Canal + en 2003, puis sur ARTE en 2004, Prix du meilleur documentaire politique (Laurier du Sénat), Prix de la meilleure investigation du FIGRA, Award of Merit (Latin American Studies Association/ USA), Prix du meilleur documentaire de Egyptian Cinema Critica Association Jury. »

Le 7 janvier 2009, j’avais une réunion avec le service de presse de Canal+, ainsi que mon producteur (Bernard Vaillot et Michel Rager) , Agnès Ravoyard (coproducteur, du CFRT) pour préparer la projection à la presse, prévue le 5 février, à 11 heures.

Dans la foulée, à la demande du service de presse de Canal, j’écrivais une note d’intention et un résumé du film que je mets en ligne dans un prochain message.

Le 19 janvier, le film de 85 minutes a été présenté dans les bureaux de Galaxie à sept représentants d’Amnesty International qui étaient ravis d’avoir bientôt un outil permettant d’expliquer comment l’administration Bush avait violé l’interdiction absolue de torturer, en ouvrant une sinistre boîte de pandore. L’organisation humanitaire qui a été associée à ce film, dès le début, voulait créer un buzz pour que le message circule partout dans le monde.

Aujourd’hui, tout est suspendu, pour des raisons tout à fait étrangères à la qualité du film qui tombe se surcroît en pleine actualité américaine, à la suite de l’élection d’Obama qui s’interroge sur la manière de gérer les huit années de l’administration Bush totalement « hors la loi » du point de vue du droit américain et international, ainsi que le démontre mon film.

Voici comment François Ekchjazer de Télérama résume cette étonnante affaire.

LE FIL TÉLÉVISION – Un déplorable contentieux empêche la diffusion prévue sur Canal+ de “Torture made in USA”, une rigoureuse enquête sur l’usage de la torture par l’administration Bush. Son auteure, Marie-Monique Robin (“Le Monde selon Monsanto”), et le producteur s’en expliquent pour nous.

Quand pourra-t-on enfin voir Torture made in USA de Marie-Monique Robin ? Initialement programmée par Canal+ dans la foulée de l’élection présidentielle américaine, cette vaste enquête sur l’usage de la torture, légitimé par l’administration Bush au nom de la guerre contre le terrorisme, voit sa diffusion suspendue au règlement d’un contentieux d’autant plus dommageable que la journaliste pose dans son film des questions de fond, en prise étroite avec l’actualité. En passe d’être présenté début mars en exclusivité mondiale au Festival du film et forum international sur les droits humains de Genève, le documentaire vient par ailleurs de se voir déprogrammer de cette manifestation à la demande de son producteur, Galaxie Presse, et contre l’avis même de Marie-Monique Robin.

« C’est à n’y rien comprendre », s’indigne la réalisatrice, prix Albert Londres 1995, dont Le Monde selon Monsanto, diffusé sur Arte voilà tout juste un an, a recueilli des brassées de lauriers, une critique dithyrambique et un rare succès public. Alors quoi ? Qui aurait intérêt à ce que reste dans les tiroirs cette nouvelle enquête ? Personne, répondent en chœur ceux qui – comme moi – ont pu voir ce travail d’une grande rigueur, mêlant des témoignages issus des rangs de l’armée, des services secrets et de l’administration Bush, pour former le puzzle d’une histoire passablement complexe.

A peine moins complexe est celle de Torture made in USA, monté sous forme de 85 minutes – en dépit des 52 minutes prévues par le contrat signé avec Canal+. Correctement financé par la chaîne, le film s’est révélé plus coûteux que prévu lorsqu’il est apparu que les droits des archives utilisées (originaires, pour l’essentiel, de la chaîne parlementaire américaine C-SPAN) faisaient grimper le budget du documentaire à un niveau considérable. « Nous avons fait une erreur d’évaluation, reconnaît platement Michel Rager, directeur général de Galaxie Presse, qui critique l’attitude peu accommodante de Marie-Monique Robin. Lorsque, en novembre, elle nous a dit ne pas pouvoir traiter son sujet dans les limites d’un 52 minutes, nous l’avons laissée faire, sachant que la chaîne n’apporterait pas de complément financier au film. Nous espérions trouver des partenaires supplémentaires, ou qu’elle aurait l’intelligence de comprendre la nécessité de prévoir une version de 52 minutes, comportant un volume d’archives inférieur de moitié à celui de la version qu’elle a montée. »

Faute d’avoir trouvé au film un deuxième diffuseur, susceptible d’en compléter le plan de financement, Bernard Vaillot, PDG de Galaxie Presse et grand reporter, a remonté Torture made in USA, sans le concours de réalisatrice. « Pour moi, il n’était pas question de retrancher plus d’une demi-heure à ce film », avance Marie-Monique Robin, convaincue de l’impossibilité d’en préserver la justesse de propos. Au vu de la version de 85 minutes et dans l’attente de découvrir celle « bricolée » par le producteur, force est d’admettre l’indignité d’une telle entorse au droit d’auteur.Indignité partagée par Canal+, qui, après avoir validé le film de Marie-Monique Robin, avoir choisi une date de diffusion et une date de présentation à la presse, entend désormais programmer la version remontée.

A l’heure qu’il est, Marie-Monique Robin a décidé de retrancher son nom du générique de cette version, que Canal+ (dixit Michel Rager) refuse d’ailleurs de programmer sans l’aval que représente sa signature. Celle d’une enquêtrice de renom, qui s’indigne aujourd’hui du peu de respect qu’on lui montre, comme du peu de considération que l’on porte à l’enquête elle-même. Car, au-delà du déplorable contentieux qui oppose diffuseur, producteur et auteur, c’est d’un précieux objet de réflexion et de débat dont le public est aujourd’hui privé. Gageons qu’une solution sera trouvée pour que le film qu’on a pu voir, dans un format nullement étiré, soit prochainement montré au plus grand nombre.

François Ekchajzer

A cet article, tout à fait juste j’ajoute que la version 85 minutes a été validée par Galaxie et Canal +, ainsi que je l’ai expliqué plus tôt, car il n’est pas possible que je décide toute seule de monter quatre semaines de plus! J’ai accepté de le faire, en accord avec Galaxie et sans rallonge de salaire, car j’étais convaincue que ce sujet est grave, et qu’il faut absolument montrer clairement en quoi l’administration Bush s’est comportée de manière criminelle, en violant sciemment les lois américaines et internationales, qui banissent de manière définitive l’usage de la torture. Preuve que cette décision était bien celle de Galaxie, c’est que Françoise Boulègue , la monteuse du film, a été payée pour ce travail de montage supplémentaire.

Les problèmes ont commencé quand mon producteur a appris que Canal ne voulait pas « mettre un Euro de plus », pour financer le surcoût des archives. Nous nous sommes donc tournés vers ARTE qui a manifesté un vif intérêt pour le documentaire, et s’est déclaré prête à diffuser le film, à condition que Canal accepte de réduire ce que, dans le jargon, on appelle la « fenêtre de diffusion », c’est à dire le temps d’exclusivité. Ces négociations se sont avérées difficiles…

Voilà où nous en sommes, mais comme mon confrère de Télérama, j’espère que tout finira bien, à moins que les documentaires ne soient rien de plus que des produits comme les autres, ce qui est inquiétant pour la démocratie et le droit de s’informer…

En attendant, je viens de découvrir que le film, qui a été sélectionné au festival international des droits humains de Genève (je mets en ligne le mail que m’ont adressé les organisateurs dans mon prochain message), que je devais présenter à Genève le 7 mars à 18 heures, puis retiré du catalogue (à la demande étrange de Galaxie), circule déjà, ainsi que le montre ce lien.

Photo: extrait du graphisme de mon film montrant les principaux responsables du programme de torture de l’administration Bush. Seul Colin Powell, alors secrétaire d’Etat, s’y est opposé comme me le racontent Larry Wilkerson, son ancien chef de cabinet, et William Taft, son conseiller juridique.

« Torture made in USA » : une bien étrange affaire …(2)

Voici, donc, comme suite à mon précédent message les textes que j’ai adressés au service de presse de Canal +, pour préparer la projection à la presse du film de 85 minutes, initiatlement prévue le 5 février, ainsi que le Mail adressé par les organisteurs du festival de Genève, confirmant sa sélection en compétition officielle.

« TORTURE MADE IN USA »
résumé

Les représentants de l’administration Bush peuvent-ils être poursuivis pour « crimes de guerre » ?
C’est à cette question, ouvertement débattue aux Etats Unis depuis quelques mois, que tente de répondre « Torture made in USA ». Ce documentaire d’investigation, qui s’appuie sur des interviews exclusives de grands témoins, comme le général Ricardo Sanchez, l’ancien chef des forces de la coalition en Irak, Larry Wilkerson, l’ancien chef de cabinet de Colin Powell, ou Matthew Waxman, l’ ancien conseiller de Condoleeza Rice à la Maison Blanche, mais aussi sur des archives filmées inédites des auditions parlementaires conduites entre 2004 et 2008, notamment par la commission des forces armées du sénat, décortique la machine qui a conduit la « plus grande démocratie du monde » à utiliser massivement et systématiquement la torture en Afghanistan, à Guantanamo et en Irak.
On découvre que, dès le lendemain des attentats du 11 septembre, le vice-président Dick Cheney a piloté un programme secret, destiné à « légaliser » la torture, en totale violation des Conventions de Genève (dont on fête en 2009 le soixantième anniversaire), mais aussi de la Convention contre la torture (signée par les Etats Unis) et des lois américaines comme le War Crimes Act de 1996 qui prévoit la peine de mort ou la prison à vie pour ceux qui utilisent la torture.
On découvre aussi que, dès le début, l’administration Bush était parfaitement consciente que le fait de ne pas respecter les lois internationales et américaines pouvait la conduire devant les tribunaux, et que pour se protéger d’éventuelles poursuites, elle a eu recours à des juristes , proches de Dick Cheney et de Donald Rumsfeld, pour « justifier » par des arguments juridiques l’usage de la torture, dont la technique du « waterboarding » (simulacre de la noyade).
On découvre encore que pour couvrir ses troupes, le Pentagone a décidé de détourner un « programme d’entraînement » alors éminemment secret, baptisé Survival Evasion Resistance and Escape (SERE) et dirigé par des psychologues principalement à Fort Bragg , l’école militaire des « forces spéciales ». Destiné à la fleur des officiers, ce programme vise à les entraîner à résister à la … torture, dans le cas où ils tomberaient dans les mains d’ennemis peu respectueux des … Conventions de Genève .
On découvre, enfin, que le programme de torture a généré beaucoup de résistances au département d’Etat, mais aussi chez les chefs militaires, très attachés aux Conventions de Genève, et opposés à cette « conspiration criminelle », pour reprendre les termes de Michael Ratner, le président du Centre pour les droits constitutionnels …

TORTURE MADE IN USA
Intention

« Celui qui combat le monstre doit veiller à ne pas le devenir lui-même »..
Nietzsche

Le 1er septembre 2003, Canal + a diffusé mon documentaire « Escadrons de la mort : l’école française » , au moment où je finissais la rédaction de mon livre éponyme, publié aux Editions La Découverte . Dans cette enquête au long cours (rediffusée en septembre 2004 sur ARTE), je racontais comment le gouvernement français avait exporté les techniques dites de la « guerre anti-subversive », utilisées pendant la « Bataille d’Alger », vers les académies militaires d’ Amérique du Nord et du Sud.

Ces révélations sur la « doctrine française », où la recherche du renseignement , et donc la torture, ont été érigées en arme principale de la lutte contre le terrorisme, avaient provoqué une « commotion nationale » en Argentine, au point de précipiter la réouverture des procès contre les généraux de la dictature : aujourd’hui, les trois généraux argentins (anciens « élèves » des Français) qui m’avaient accordé une interview sont aux arrêts domiciliaires, et mon film et livre (traduits en espagnol) servent de pièces à conviction dans les tribunaux, où je suis régulièrement citée comme témoin par les juges et parties civiles.

Aux Etats Unis, la diffusion de mon enquête a coïncidé avec le « scandale d’Abou Ghraib » (avril 2004). Peu après, j’ai été contactée par Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch (et ancien procureur de New York) qui m‘a demandé de participer à la rédaction d’un livre collectif, avec quinze autres auteurs internationaux, dont John McCain . Intitulé Torture, cet ouvrage retrace l’histoire de la « question », depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, et dresse un premier bilan des cas de torture pratiqués par l’armée américaine et la CIA, en Afghanistan, à Guantanamo et en Irak, recueillis par l’organisation humanitaire.

« Tout indique qu’il y a des directives secrètes de l’Administration Bush qui encouragent l’usage de la torture, mais, pour l’heure, nous n’en avons pas la preuve », m’avait alors dit Minky Worden, la coordinatrice du livre à Human Rights Watch.
Voilà comment j’ai proposé une nouvelle enquête à Canal + , qui confirme qu’effectivement l’administration sortante américaine a délibérément piétiné les lois internationales et nationales, en instituant un véritable « régime de torture », pour reprendre les mots de Kenneth Roth, le président de Human Rights Watch . Celui-ci déplore aujourd’hui « l’effet boomerang de l’exemple américain » : depuis trois ans, son organisation a enregistré une « explosion de l’usage de la torture dans de nombreux pays du monde ». Et d’ajouter : « Si les responsables de cette lamentable affaire ne sont jamais jugés pour leurs crimes, les Etats Unis pourront se targuer d’avoir fait reculer l’humanité d’au moins cent ans en arrière ».
En attendant, une chose est sûre : les arguments développés par l’administration Bush pour justifier la torture sont les mêmes que ceux développés par les théoriciens de « l’école française », et tout indique qu’ils sont aussi… fallacieux . Indéfendable d’un point de vue éthique et moral, la torture s’est avérée aussi inefficace dans « la guerre contre la terreur » lancée après les attentats du 11 septembre, qu’en Algérie, Argentine, ou au Vietnam, en d’autres temps.
Après « Escadrons de la mort : l’école française », « Torture made in USA » boucle la boucle …

Marie-Monique Robin
Janvier 2009

Mail du Festival international des droits humains, de Genève:

Sujet : Urgent FIFDH Selection de TORTURE MADE IN USA
Date : Mon, 02 Feb 2009 17:00:50 +0100
De : Daphne Rozat FIFDH

Bonjour,

*J’ai le plaisir de vous annoncer que TORTURE MADE IN USA a été
sélectionné pour la compétition grand reportage du Festival du Film et
Forum International sur les Droits Humains qui se déroulera du 6 au 15 mars 2009 à Genève.
Merci de me confirmer par écrit dans les meilleurs délais que le film
sera disponible du 6 au 15 mars 2009.

Je vous remercie par avance et reste à votre disposition pour plus d’information.

Bien cordialement,

Daphne Rozat
Chargée Programmation Films
+41 22 809 69 02
*7 edition du Festival du film et Forum sur les Droits Humains
6 MARS >15 MARS 2009
*

Photo: la jaquette du DVD du film de 85 minutes proposée par Nicolas Guignard de AV Distri (qui a diffusé le DVD avec mes films « Les pirates du vivant » et « Argentine: le soja de la faim », également produits par Galaxie) , et validée par Galaxie.

La France maintient la clause de sauvegarde pour le MON 810

Je constate que les mauvais nuages qui s’accumulent dans le ciel des OGM font sortir de leurs gonds mes détracteurs personnels (!) qui se déchainent sur mon BLOG avec une énergie proprement sidérante. Il semblerait qu’ils n’hésitent pas à recourir à l’injure et l’insulte, d’où l’intervention à plusieurs reprises de l’équipe de modérateurs d’ ARTE.

Je continue de proposer à mes chers détracteurs (« GPF », « Anton », etc) que nous participions ensemble à un débat public, ce qui permettra (enfin!) de mettre un nom et un visage sur ces pro-OGM qui squattent mon BLOG et d’autres forums, comme s’ils n’avaient que cela à faire. Le maintien de leur anonymat ne fait que renforcer l’impression qu’ils sont rémunérés par une agence de communication, sous contrat avec Monsanto et consorts, pour faire ce travail .

J’attends des propositions de date et de lieu.

En attendant, je mets en ligne deux articles parus dans Le Monde, l’un le 17 février, qui concerne le maintien de la clause de sauvegarde défendue par la France devant la Commission européenne; l’autre le 13 février, où l’on découvre notamment que contrairement à ce qu’annonce triomphalement , chaque année, l’ISAAA (International Service for the Adquisition of Agro Biotech Applications) les surfaces de cultures transgéniques n’augmentent pas mais régressent. À noter: l’ISAAA est financé notamment par … Monsanto!

Le Monde du 17 février 2009

La Commission européenne a échoué, lundi 16 février, dans sa tentative pour forcer la France et la Grèce à autoriser la reprise de la culture d’un maïs génétiquement modifié de la firme américaine Monsanto. Malgré la publication d’un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), jeudi 12 février, assurant que cette plante ne présente aucun risque pour la santé, la culture du maïs MON 810 est toujours suspendue en France.

Les experts des pays de l’Union européenne réunis à Bruxelles au sein du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale « ne sont pas parvenus à trouver une majorité qualifiée en faveur ou contre les demandes faites à la France et à la Grèce de lever les mesures d’urgence » empêchant la culture de ce maïs OGM, a confirmé la Commission dans un communiqué.

Au cours de la réunion, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a dit « avoir des interrogations » sur les risques de la culture du MON 810 pour l’environnement. Elle a demandé des éclaircissements à la société américaine.

« Nous sommes excédés de ce manque de courage politique. La frilosité européenne, et surtout française, risque d’avoir de lourdes conséquences dans les années à venir », a déclaré dans un communiqué Philippe Gracien, porte-parole des professionnels des semences et de la protection des plantes.

La suspension de la culture en France a été décidée à cause des « inquiétudes sur la question de la dissémination » et de ses effets sur la faune, la flore et les écosystèmes, a rappelé jeudi dernier le premier ministre français, François Fillon. La clause de sauvegarde française ne concerne que la culture, pas la commercialisation du MON 810.

Le Monde du 13 février 2009:

Les OGM réhabilités ? La directrice générale de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), Pascale Briand, aurait, selon Le Figaro du jeudi 12 février, signé un avis relatif au maïs génétiquement modifié, le Monsanto 810. Cet avis, daté du 23 janvier et qui n’a pas été rendu public depuis, reprendrait pour l’essentiel les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire du 31 octobre 2008 estimant qu’ »aucune preuve scientifique, en termes de risques pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement, n’a été fournie pour justifier l’invocation d’une clause de sauvegarde ».

L’avis de l’Afssa fait suite au rapport rédigé par le professeur Yvon Le Maho dont les conclusions, opposées à celles de l’EFSA, avaient conduit la direction générale de la santé à saisir l’Agence française. C’est notamment sur la base du rapport Le Maho que le gouvernement français s’était appuyé pour justifier sa décision d’interdire les cultures de maïs transgénique en invoquant la clause de sauvegarde auprès de la Commission européenne.

La question est donc désormais de savoir si le gouvernement maintiendra sa position en dépit de ce coup de semonce. Sachant que le ministère de l’écologie a également fondé son argumentaire sur des critères non pas seulement sanitaires mais aussi environnementaux, il est en mesure de demander la prolongation de la clause de sauvegarde.

DÉCÉLÉRATION DANS LE MONDE

C’est dans ce contexte qu’est une nouvelle fois soulevée la question de la surface réelle occupée par les cultures transgéniques dans le monde. L’organisme qui publie annuellement l’évaluation de cette statistique, l’Isaaa (International Service for the Acquisition of Agro-Biotech Applications), voit aujourd’hui ses résultats vivement contestés par le réseau international des Amis de la Terre (Friends of the Earth). Et la France est précisément au coeur de cette polémique.

L’Isaaa est un organisme basé à l’université Cornell, de New York, et financé par des organisations comme la Fondation Rockefeller ou les sociétés Monsanto et Syngenta, qui produisent des OGM. Il publie chaque année depuis 1997 un rapport sur la diffusion des OGM à travers la planète. Dans son étude de la situation pour 2008, publiée mercredi aux Etats-Unis, l’Isaaa laisse entendre que la superficie cultivée en Europe a crû de 21 %. Faux, estiment les Amis de la Terre, qui observent que l’Isaaa a exclu la France de son compte. Le moratoire adopté par l’Hexagone en 2008 sur le maïs MON 810 a fait diminuer la surface cultivée d’OGM en Europe de 50 000 hectares environ.

De surcroît, l’Isaaa compte la Roumanie pour 2007 et 2008, alors qu’il l’excluait en 2006. Pourtant, la Roumanie cultivait des OGM en 2006. Explication de cette manipulation, selon les Amis de la Terre : la Roumanie a fortement diminué sa culture d’OGM quand elle a rejoint l’Europe, en 2007. « L’oublier » en 2006 permet de gonfler la progression apparente.

Au total, selon les Amis de la Terre, la superficie cultivée en OGM dans l’Union européenne n’a pas augmenté de 21 % en 2008, mais a, au contraire, diminué de 2 %. Cette critique affaiblit fortement la fiabilité que l’on peut accorder aux comptes de l’Isaaa. En 2008, les Amis de la Terre avaient aussi montré que l’institut avait surévalué le nombre d’hectares cultivés en OGM en Inde de 400 000 hectares.

Malgré ce qui apparaît comme une propension à la surestimation, les chiffres de l’Isaaa montrent un ralentissement de la progression des OGM dans le monde. Dans son rapport pour 2008, l’institut estime que la superficie cultivée en 2008 a progressé de 9,4 %, pour atteindre 125 millions d’hectares. Ce taux est bien moindre que celui de 2007 (12 %), où il était évalué à 12 %. La décélération est continue puisque, en 2006, la progression était estimée à 13 %, en 2005 à 11 %, en 2004 à 20 %, en 2003 à 15 %, en 2002 à 12 % et en 2001 à 19 %.

De leur côté, les Amis de la Terre publient un rapport (intitulé Who benefits from GM crops ?) dans lequel l’association écologiste souligne que 80 % des OGM cultivés dans le monde ne le sont que dans trois pays, les Etats-Unis, l’Argentine et le Brésil. De son côté, l’Isaaa observe que la culture d’OGM a commencé en 2008, même si c’est sur des superficies modestes, au Burkina Faso, en Egypte et en Bolivie. Un autre point de friction, les Amis de la Terre estimant que la majorité des OGM ne sont pas utiles aux paysans, mais aux grandes exploitations agricoles.

L’affaire Gottfried Glöckner (suite)

Je reviens donc sur l’affaire de Gottfried Glöckner. Lors de la présentation du reportage de la télévision bavaroise (voir sur ce Blog) montrant comment Monsanto influe sur les décisions du gouvernement allemand, en actionnant des relais au sein de l’organisme chargé de l’autorisation de mise sur le marché des plantes transgéniques (l’équivalent de l’AFSSA en France…) la journaliste qui a introduit le travail de ses collègues m’a précisé que l’affaire du paysan, dont les vaches ont été intoxiquées par un maïs BT de Syngenta, avait pesé dans la décision initiale du ministère de l’agriculture d’interdire le MON 810.

Il ressort, en effet, de cette affaire que les vaches ont probablement été intoxiquées par la protéine BT accumulée dans le maïs ensilé, puis par l’herbe du pâturage sur laquelle Gottfried Glöckner avait épandu du fumier provenant de ses vaches nourries avec du maïs BT.

Tout indiquerait que la protéine insecticide, loin de se dégrader, resterait intacte, ainsi que le laisse entendre Hans-Theo Jachmann, le directeur commercial de Syngenta en Allemagne, dans une lettre conservée par l’agriculteur, dans lequel il recommande que «le maïs ensilé Bt-176 ne devrait pas être répandu sur les prés», en précisant:

«nous ne pouvons pas prévoir d’éventuelles interactions avec le fumier d’animaux établés.»

De plus, des prélèvements réalisés par l’Ecole Technique Supérieure de Weihenstephan»confirment que la toxine BT, loin d’être détruite par le système digestif des vaches, a été décelée dans le sang, le foie,la rate et les intestins des animaux.

Curieusement, aucune étude préalable sur la dissémination de la toxine BT dans l’environnement et sur son impact pour les insectes non cibles et les abeilles n’a jamais été exigée aux fabricants du maïs insecticide, ainsi que le révèle aussi le reportage de mes confrères de la télévision bavaroise.

Autant dire qu’on a libéré un poison dans l’environnement sans aucun test sérieux, d’où la décision du gouvernement français de maintenir le moratoire sur le maïs 810.

Soutenons-le!

L’affaire Gottfried Glöckner

J’ai donc rencontré Gottfried Glöckner, un agriculteur de Wölfershein (Hesse) qui à partir de l’été 2002 perdit mystérieusement douze vaches, mortes intoxiquées, et dut renouveler tout son cheptel de vaches laitières, après qu’il les eut nourries avec de l’ensilage de maïs BT 176.

Cela fait plusieurs années que je suis son affaire, notamment dans le Spiegel, un magazine allemand très sérieux (et très pro OGM!) auquel je suis abonnée depuis trente ans.

Le maïs BT 176, aujourd’hui interdit, était censé combattre la pyrale ( comme le MON 810) et avait été mis sur le marché initialement par Novartis (qui fut racheté en 2000 par le suisse Syngenta).

Syngenta a finalement payé 40 000 Euros d’indemnisations au producteur, dont l’histoire est magistralement décrite par Klaus Faissner dans ce document en français.

A consulter aussi deux documents en anglais (le premier est de Greenpeace qui a soutenu l’agriculteur).

Je reviendrai sur cette affaire dans mon prochain message!

Photo: Gottfried Glöckner au deuxième rang (en chemise bleue).

MON 810: Monsanto infiltre les autorités allemandes

Voici comme promis le lien vers le reportage diffusé sur la télévision Bayrischer Rundfunk qui montre comment le maïs MON 810 de Monsanto a d’abord été interdit en Allemagne, puis subitement autorisé grâce à l’intervention d’un membre du Bundesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittel Sicherheit (BVLS), l’équivalent allemand de l’AFSSA, qui fait du lobbying pour la biotechnologie.

Intitulé « Monsanto in deutschen Behörden » (Monsanto au sein des autorités allemandes) , ce reportage a été réalisé par Christian Stücken et présenté lors de la soirée organisée pour ma venue à Romrod (Hesse).

Je reviendrai sur cette projection-débat organisée par le Dr. Peter Hammel, agronomiste et agriculteur, qui a créé la « Bürgeriniative » ( initiative citoyenne) « Zivil Courage » rassemblant plusieurs centaines de membres, essentiellement des paysans, qui se sont ouvertement engagés à ne jamais cultiver ni utiliser (comme fourrage) des OGM.

Voici deux articles du Hessische Zeitung où l’on me voit avec Peter Hammel:

www.oberhessische-zeitung.de/sixcms/detail.php

www.osthessen-news.de/beitrag_A.php

Lors de cette réunion j’ai rencontré Gottfried Glöckner, un agriculteur dont les vaches laitières sont mortes empoisonnées, après avoir mangé du maïs BT 176 d’Aventis.

Avant de rappeler cette lamentable affaire qui afait le tour du monde (prochain message), je résume en quelques mots le contenu du reportage diffusé sur la télé allemande, qui fait étrangement penser à l’avis rendu récemment sur le MON 810 par l’AFSSA.

– Printemps 2007: le ministre de l’Agriculture allemand, Horst Seehofer demande au Bundesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittel Sicherheit (BVSL), chargé d’accorder les autorisations de mise sur le marché des plantes transgéniques, d’interdire le MON 810 en raison des risques que fait peser ce maïs insecticide sur l’environnement.Il explique très clairement les raisons de cette interdiction dans une interview, réutilisée dans le reportage.

– Le Bundesamt für Naturschutz (le ministère de l’environnement) confirme qu’aucune étude d’impact d’environnement n’a été conduite par Monsanto.

– Le 26 avril 2007, Hans Jörg Buhk, responsable du département des Biotechnologies au BVLS écrit un E-mail à ses supérieurs dans lequel il écrit :

 » Il n’existe pas de nouvelles connaissances scientifiques fondées qui permettent de remettre en cause notre approbation du MON 810 ou de limiter la mise sur le marché du MON 810″.

Qui est ce zélé fonctionnaire qui conteste une décision ministérielle?

Le reportage de mes confrères allemands montre qu’en 2002 Buhk a participé à une vidéo promotionnelle pour les OGM, financée par Monsanto, où la firme présente le maïs BT comme la « meilleure solution écologique ».

Aujourd’hui, le zélé fonctionnaire affirme qu’il ne savait pas alors que son interview allait servir pour un film de propagande!!

En 2004, Buhk faisait partie du comité d’organisation du plus grand salon pro OGM, qui s’est tenu à Cologne.

Toujours est-il que le 6 décembre 2007, sans fournir aucune explication, le BVLS autorise les cultures du MON 810.

Monsanto avait déjà publié l’information un jour plus tôt…

Mais comme je l’ai dit, dans mon précédent message, le maïs BT est un flop en Allemagne où les surfaces cultivées sont en régression (quelque 3000 hectares), tandis que le président du principal syndicat agricole demande son interdiction.

Photo: la soirée où a été présenté le reportage de la télévision bavaroise sur le lobbying de Monsanto, avant la projection de mon film. Plus de 250 personnes s’étaient déplacées malgré la tempête de neige!