Les bourreaux argentins condamnés

Les lecteurs assidus de mon Blog se souviennent que j’ai été citée comme témoin dans un procès à Corrientes, au nord de l’Argentine, en avril dernier.
Cette convocation faisait suite à mon film et livre « Escadrons de la mort: l’école française » (diffusé sur Canal + et ARTE) où je révélais le rôle joué par les militaires français, avec le soutien du gouvernement , dans la formation des généraux, qui ont participé au coup d’Etat de mars 1976.
Dès la fin des années 1950, l »‘école française » de la « guerre antisubversive », élaborée en Algérie et basée sur la torture, a été enseignée à l’école militaire de Buenos Aires;
Les révélations de mon enquête ont contribué à l’abrogation des lois d’amnistie et donc à la réouverture des procès contre les militaires argentins.
D’où ma (première) convocation…

Quatre des cinq tortionnaires de la dictature argentine jugés dans ce premier procès ont été condamnés à de lourdes peines : de 18 ans à la perpétuité.

Voici , pour les hispanophones, un court résumé du jugement:

Un nuevo correntinazo!!!

Fuertes condenas para los represores de la Causa RI9, la mas compleja del país y con matices que deberían observarse para encarar este tipo de procesos. Perpetua para Barreiro, 25 años para el ex-Presidente de la Sociedad Rural de Corrientes, el ex-Capitán De Marchi, y lo propio para el histriónico Losito, Coronel en actividad al igual que Barreiro. El « Astíz correntino », el Comandante (RE) Raúl Reynoso, purgará 18 años de prisión, y Píriz, el obediente suboficial podrá regresar con su familia tras su inesperada absolución.
Lo importante es que se juzgó en Corrientes a la patota actuante en Capital y zona de influencia, por Centro Clandestino y con numerosos testigos y víctimas. Pero además se ha contextualizado la represión ilegal como en ninguna otra. Desde las para nada inocentes campañas de acción cívica, pasando por el Plan Cóndor, la « escuela francesa » y la « Doctrina de Seguridad Nacional », han sido analizadas en el debate de la mano de testigos de la talla de Martín Almada, el Premio Nóbel Alternativo de la Paz, Horacio Ballester, del CEMIDA (Centro de Militares para la Democracia) y la excelente periodista francesa Marie Monique Robin, autora del documental « Escuadrones de la muerte-La escuela francesa ».

Photos: les condamnés

Projection à Lamanère

Je rentre d’une petite semaine de vacances dans les Pyrénées orientales où j’ai rechargé les batteries avant de reprendre mon bâton de pélerin: dans moins de deux heures, je m’envole pour les Etats Unis pour poursuivre le tournage de mon nouveau documentaire « Torture made in USA ».

A Lamanère, « village le plus au sud de France », Eric de l’association Cinémaginaire, qui m’avait déjà fait venir à Elnes (voir sur mon blog), a organisé, le 4 août dernier, une projection qui a réuni 😯 personnes. Cinq fois plus que la population de ce petit village catalan!

Victoire! Monsanto renonce à l’hormone de croissance laitière

Pendant ma (courte) retraite catalane, j’ai reçu nombre de messages du Canada et des Etats Unis m’annonçant l’incroyable nouvelle: le 6 août dernier Monsanto a décidé de cesser la fabrication de POSILAC, l’hormone de croissance transgénique, destinée à « dopper » la production laitière. J’ai longuement décrit dans mon film et livre, ainsi que sur mon Blog, les méfaits de cette hormone, injectée aux vaches deux fois par mois, tant pour la santé des animaux que des hommes.

Belle victoire des associations de consommateurs qui se battaient depuis quatorze ans contre ce poison, interdit partout sauf aux Etats Unis et au Mexique. Mes amis nord américains assurent que le film y est pour quelque chose…

En attendant, Monsanto s’est contenté d’affirmer que la firme se désengageait de la fabrication du premier OGM mis sur le marché, et qu’elle recherchait un repreneur…

Gageons que les candidats vont se bousculer au portillon!

Je joins un lien du New York Times, du Chicago tribune, et de Greenpeace Canada relatant le retrait de Monsanto.

Agenda août

-Lundi 4 août, à Lamanère (Pyrénées orientales) , projection en plein air du film « Le monde selon Monsanto », suivi d’un débat, dédicaces. Pour ceux qui ne connaissent pas Lamanère, c’est le village le plus au sud de France, situé au coeur de la Catalogne française.

– Vendredi 29 août, 21 heures, à Planchez en Morvan (salle des fêtes), projection/débat/dédicace dans le cadre du festival de films documentaires sur le développement durable.

La manipulation génétique est une technique aléatoire

En lisant les différents posts assénés par mes détracteurs personnels (!) qui assurent que la technique de manipulation génétique à l’aide d’un canon à gène est d’une précision chirurgicale, je me suis dit qu’il valait mieux donner la parole à … Monsanto, et notamment à Stephen Padgette, l’un des « inventeurs » du soja roundup-ready, qui a fait un récit édifiant de ses improbables exploits à ma consoeur Stephanie Simon du Los Angeles Times. J’invite les anglicistes à lire cet excellent article.

Voici, pour ma part, ce que j’ai écrit dans mon livre (chapitre 7):

DÉBUT EXTRAIT

En cette année 1985, les chercheurs de Saint-Louis n’ont qu’une seule obsession : trouver le gène qui immunisera les cellules végétales contre le Roundup. C’est d’autant plus urgent que Calgene, une start-up californienne, vient d’annoncer dans une lettre publiée dans Nature qu’elle est parvenue à rendre le tabac résistant au glyphosate . On parle déjà d’un accord avec le Français Rhône-Poulenc pour développer des cultures résistantes au glyphosate. Au même moment, l’Allemand Hoechst met les bouchées doubles pour trouver le gène de résistance à son herbicide Basta, sans oublier Dupont (glean) et Ciba-Geigy (atrazine).

Bref, tous les géants de la chimie poursuivent le même but et désormais la concurrence est à couteaux tirés, car l’enjeu n’est pas seulement scientifique, mais surtout économique : on imagine déjà les brevets qu’on pourra déposer sur toutes les grandes cultures vivrières du monde…

À Saint-Louis, en tout cas, le stress s’installe durablement, car le fameux gène reste introuvable. Les chercheurs de Jaworski tournent en rond. Certes, ils sont parvenus à identifier le gène de l’enzyme, qui, comme nous l’avons vu (voir supra, chapitre 4), est bloquée par l’action des molécules de glyphosate, provoquant la nécrose des tissus et la mort de la plante. L’idée est de le manipuler pour désactiver la réaction à l’herbicide, puis de l’introduire dans les cellules végétales, mais rien n’y fait.

« C’était comme le projet Manhattan, raconte Harry Klee, l’un des chercheurs de l’équipe. L’antithèse de la manière dont on travaille dans un laboratoire : normalement, le scientifique fait une expérience, il l’évalue, en tire une conclusion puis il passe à une autre variable. Avec la résistance au Roundup, on essayait vingt variables à la fois : les mutants, les promoteurs, de multiples espèces végétales, on essayait tout en même temps . »

La quête durera plus de deux ans jusqu’à ce jour de 1987 où des ingénieurs ont l’idée d’aller fouiller dans… les poubelles de l’usine de Luling, située à plus sept cents kilomètres au sud de Saint-Louis. C’est sur ce site qui longe le fleuve Mississipi que Monsanto produit chaque année des millions de tonnes de glyphosate.

Des bassins de dépollution sont censés traiter les résidus de la production, dont une partie a toutefois contaminé les sols et les mares environnantes. Des prélèvements sont effectués pour récolter des milliers de microorganismes, afin de détecter ceux qui ont survécu naturellement au glyphosate et d’identifier le gène qui leur confère la précieuse résistance…
Il faudra attendre encore deux ans pour qu’un robot qui analyse la structure moléculaire des bactéries collectées tombe, enfin, sur la perle rare : « Un moment inoubliable, un vrai eureka », rapporte Stephen Padgette, l’un des « inventeurs » du soja Roundup ready, qui est aujourd’hui l’un des vice-présidents de Monsanto .

Pour autant, l’affaire est encore loin d’être dans le sac : il faut désormais trouver la construction génétique qui permettra au gène de fonctionner une fois qu’il aura été introduit dans les cellules végétales, en l’occurrence de soja — car après les premiers essais réalisés sur la tomate, c’est sur cette oléagineuse que l’équipe est censée travailler.
Un formidable enjeu : avec le maïs, le soja domine l’agriculture américaine, rapportant à l’époque 15 milliards de dollars par an à l’économie nationale. Jusqu’en 1993, date de la naissance officielle du soja Roundup ready, Stephen Padgette et ses collègues du programme « résistance au Roundup » partageront leur temps entre le laboratoire et les serres qui couvrent le toit de Chesterfield Village, dans la banlieue huppée de Saint-Louis où Monsanto a installé son activité biotechnologique.
Il faudra « 700 000 heures et un investissement de 80 millions de dollars » pour parvenir au résultat : une construction génétique, comprenant le gène d’intérêt (« CP4 EPSPS »), le fameux promoteur « 35S » de la mosaïque du chou-fleur, ainsi que deux autres bouts d’ADN provenant notamment du pétunia, censés contrôler la production de la protéine.

« La cassette génétique du soja Roundup ready est complètement artificielle, note le biologiste japonais Masaharu Kawata, de l’université de Nagoya, elle n’a jamais existé dans le royaume naturel de la vie et aucune évolution naturelle n’aurait pu la produire . »

C’est tellement vrai que les chercheurs de Saint-Louis ont eu un mal fou à l’introduire dans les cellules de soja. Ils ont dû renoncer à la « mule » Agrobacterium tumefaciens, car ils étaient toujours confrontés au même problème : à chaque fois qu’ils inondaient les cellules d’antibiotique, celles qui n’avaient pas ingurgité la « cassette » mouraient effectivement, mais elles empoisonnaient les « bonnes », selon un phénomène que Robert Horsch appela la « mort collopérative », un néologisme funèbre alliant « collatéral » (comme dégât collatéral) et « coopératif », qui a le mérite de la clarté…

Face à cette résistance de la nature, l’équipe décide de sortir l’artillerie lourde : un « canon à gènes », inventé par deux scientifiques de l’université Cornell et développé en collaboration avec Agracetus, une entreprise biotech du Wisconsin (que Monsanto rachètera en 1996).
Quand John Sanford et son collègue Tedd Klein ont l’idée de cette arme de la dernière chance, on les traite de fous, alors qu’à la même époque, les laboratoires sont prêts à tout pour contraindre l’ADN sélectionné à pénétrer dans les cellules cibles, preuve s’il en était besoin que la biotechnologie n’a rien à voir avec la bonne vieille technique de la sélection généalogique : certains chercheurs utilisent des aiguilles microscopiques ; d’autres des charges électriques pour provoquer de petits trous dans la paroi des cellules et permettre à l’ADN d’entrer… Mais rien ne marche !

Aujourd’hui, le canon à gènes est l’outil d’insertion le plus utilisé par les « artilleurs » du génie génétique.
Le principe : on fixe les constructions génétiques sur des boulets microscopiques en or ou en tungstène, puis on les bombarde dans une culture de cellules embryonnaires.

Pour bien comprendre l’imprécision de la technique, je cite le récit qu’en a fait en 2001 Stephen Padgette à ma consœur Stephanie Simon, du Los Angeles Times :

« Le problème était que le canon à gènes insérait l’ADN au hasard, écrit-elle. Parfois, un “paquet” éclatait avant d’atterrir dans une cellule ; ou deux paquets de gène faisaient doublon. Pire : l’ADN pouvait tomber à un endroit qui interférait avec le fonctionnement de la cellule. L’équipe a dû tirer le canon des dizaines de milliers de fois avant d’obtenir quelques petites douzaines de plantes qui avaient l’air prometteur. Après trois ans d’essais en champs sur ces spécimens, une seule lignée de soja manipulé semblait supérieure. Elle pouvait résister à de fortes doses de glyphosate, ainsi que le confirmèrent les essais sous serre. […] “Elle était blindée [bulletproof]”, se souvient Padgette avec fierté. En 1993, Monsanto l’a déclarée gagnante . »

Mais à quel prix ! Comme le souligne Arnaud ApothekerDu poisson dans les fraises dans son livre , « dans sa volonté de soumettre la nature, l’homme utilise des technologies guerrières pour forcer les cellules à accepter des gènes d’autres espèces. Pour certaines plantes, il utilise l’arme chimique, ou bactériologique, pour infecter des cellules avec des bactéries ou des virus ; pour les autres, il se contente des armes classiques, avec l’utilisation du canon à gènes. Dans les deux cas, les pertes sont considérables, puisqu’en moyenne une cellule sur mille intègre le transgène, survit et peut générer une plante transgénique ».

En 1994, en tout cas, Monsanto dépose une demande de mise sur le marché de son soja Roundup ready (RR), qui représente le premier OGM de grande culture. Et nous allons voir que, là aussi, la firme a tout « blindé », pour reprendre le mot de son vice-président…

FIN DE L’EXTRAIT
Photo (Marc Duployer): un champ de soja roundup ready dans l’Iowa (Etats Unis)

Un rapport de Greenpeace Allemagne sur la dangerosité des pesticides

Greenpeace Allemagne vient de publier un rapport très détaillé sur la dangerosité des pesticides utilisés dans l’agriculture qui contaminent la chaîne alimentaire et menacent la santé des consommateurs. Voici le résumé qu’en fait le site combat-monsanto.org:

Pesticides: la liste noire de Greenpeace

Après avoir dressé la liste des pesticides dangereux utilisés dans le monde, Greenpeace passe au crible les 5 principales entreprises productrices de phytosanitaires. Aucune n’évite les critiques, et toutes sont accusées de mettre gravement en danger la santé des populations et celle de l’environnement. L’ONG réclame une démarche forte de l’Union européenne pour limiter l’impunité des multinationales.

 » Les portefeuilles sales de l’industrie des pesticides « . Dès le titre de son rapport, Greenpeace accuse, et son plaidoyer est plutôt inquiétant. L’ONG environnementale a examiné les produits phytosanitaires proposés par les entreprises leaders du secteur : les Allemands Bayer Crop Science et BASF, les Américains Dow Agro-Science et Monsanto, et le Suisse Syngenta, qui a eux cinq représentent les trois quarts du marché des pesticides.

Le rapport est accablant pour la filière et alarmant pour les consommateurs du monde entier.

En janvier 2008, Greenpeace sort un rapport intitulé «  Black list of pesticides « . Cette liste noire des pesticides recense les produits phytosanitaires qui menacent la santé et l’environnement. Selon ce texte, 170 pesticides utilisés dans l’Union européenne et 327 utilisés dans le monde sont dangereux pour la santé humaine. Greenpeace demande alors que ces substances soient progressivement interdites. Elle publie ensuite la liste des pesticides pour lesquels la toxicité ne peut être ni confirmée ni infirmée, faute d’information publique suffisante. Ce rapport, familièrement dénommé  » Yellow list « , n’indique certes pas de dangerosité avérée, mais témoigne du secret, prétendu industriel, qui règne sur les produits phytosanitaires.

En publiant mi-juin le 1e classement au monde des principales compagnies productrices de pesticides, la section allemande de l’ONG a donné le coup de grâce à la filière. Basée sur les risques et les effets de ces pesticides sur l’organisme et l’environnement, l’étude a considéré 512 substances, et littéralement compté les points : 2 points si le produit appartient à la Black list, 1 s’il appartient à la Yellow list, ou s’il ne peut être détecté dans l’alimentation. Le total, déjà peu glorieux, a été réévalué selon les parts de marché de l’entreprise. Le rapport conclut à de grandes différences entre les impacts sur la santé et l’environnement des 5 multinationales étudiées. Toutes catégories confondues, Monsanto reste le  » leader  » du toxique, mais, au final, les cinq firmes sont sur le banc des accusés.

Un tiers des pesticides sur le marché sont dangereux. Près de la moitié des pesticides produits par les sociétés étudiées font partie de la Black list. Il s’agit principalement d’insecticides. Autrement dit, plus d’un tiers des phytosanitaires mis sur le marché mondial présentent un risque pour la santé humaine et pour l’environnement.

Monsanto propose moins de principes actifs que ses concurrents, mais ils font très largement partie de la liste noire. 60% des 15 produits vendus par Monsanto sont dangereux, contre 53% pour Bayer (163 substances), 48% pour BASF (45), et 39% pour Dow (29) et Syngenta (69). En parts de marché, Bayer et Syngenta sont les entreprises qui vendent le plus de substances dangereuses pour la santé humaine.

En moyenne, seuls 16% des pesticides produits par ces cinq entreprises, Monsanto en tête, font partie de la Yellow list. Monsanto est également l’entreprise qui propose le plus de pesticides non détectables (75%, contre 50% chez Dow). Ces substances, qui ne peuvent être détectées dans la nourriture, faute de moyens scientifiques adéquats, posent le problème du principe de précaution. Greenpeace réclame un suivi, du producteur aux assiettes, de la présence de pesticides dans l’alimentation, et demande qu’aucun pesticide indétectable ne soit autorisé. Elle interpelle également les  » acteurs impliqués dans le secteur alimentaire doivent remplacer les pesticides de la Black list par d’autres substances « .

L’Europe doit légiférer

L’ONG formule par ailleurs plusieurs recommandations à l’Union européenne. Outre une aide à la recherche de substituts aux substances dangereuses, elle propose la validation systématique des pesticides avant leur mise sur le marché.

Appel presque entendu par les ambassadeurs européens, qui ont décidé la révision des lois en vigueur sur les pesticides. Les ministres de l’agriculture de l’Union devraient ainsi débattre lundi 23 juin de la possibilité de réduire le nombre des produits phytosanitaires autorisés. En parallèle, le parlement européen a annoncé que 33 polluants, dont de nombreux pesticides, seraient soumis à des normes de qualité environnementale d’ici 2018. Une échéance qui parait bien lointaine, et qui ne risque pas de porter atteinte à l’économie du secteur : les 5 entreprises leaders ont réalisé 18,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur les pesticides en 2007.

Retrouvez sur ce lien le rapport de greenpeace en anglais.