« Buridan » et les « pères fondateurs » (2)

En me baladant sur le forum , ouvert par ARTE sur mon film, je suis tombée sur un papier rédigé par un certain « Buridan » et mis en ligne par les « Pères fondateurs », qui se présentent comme des « Libéraux conservateurs européens ».

Je ne m’étendrai pas sur le profil politique des « pères fondateurs », estimant que le lecteur est assez grand pour vérifier lui-même, mais je répondrai point par point, comme pour l’AFIS, aux déformations et manipulations qui caractérisent cette analyse de mon documentaire, car je trouve qu’elles sont exemplaires des procédés de désinformation utilisés par ceux qui , ne sachant pas comment attaquer les révélations qui constituent le coeur de mon enquête, bottent en touche ou essaient de semer le doute « par la bande ».

Comme pour l’AFIS, je vais donc décliner mes réponses en plusieurs messages, en me basant sur des extraits de mon livre, qui, bien sûr, apporte de nombreuses informations complémentaires au film, car les téléspectateurs de bonne foi ont bien compris qu’on ne peut pas tout dire dans un film, sauf à faire trois heures, ce qui n’est malheureusement pas possible.

Cela étant posé, je ne dis pas que le livre est supérieur au film : ce sont deux outils complémentaires, le livre permettant au téléspectateur curieux, et particulièrement sensible aux sujets qu’abordent le film, d’en savoir plus.

Je dois dire que pour une journaliste, c’est un grand privilège de pouvoir décliner son travail sur deux supports aussi différents (et encore une fois complémentaires) que sont la télévision et l’édition.

Enfin, pour les visiteurs de mon blog, qui n’ont pas les moyens d’acheter mon livre, je suis ravie de pouvoir leur livrer des extraits de ce que j’ai écrit, en espérant que cela éclairera leur chandelle.

Je passe volontairement sur le ton ironique de la (longue) introduction où l’auteur semble se faire plaisir en ridiculisant ma méthode de travail, et notamment mon utilisation d’Internet comme source primaire d’informations.

Je rappelle que si j’ai choisi de mettre en scène mon enquête, c’est précisément pour que chaque téléspectateur puisse éventuellement consulter les documents que j’ai trouvés, comme les dossiers confidentiels internes de Monsanto.

Ce que d’ailleurs « Buridan » a manifestement fait, grâce à mon travail !

Sauf qu’il travestit le contenu de ces documents.

Je redonne (cf. mon message sur les PCB, dans la rubrique « Qui est Monsanto » ?) l’adresse du site où le lecteur anglophone pourra retrouver la plupart des documents déclassifiés de Monsanto concernant les PCB, mis en ligne par le Environmental Working Group de Washington, après l’arrangement à l’amiable où Monsanto a dû payer 70O millions de dollars de dommages et intérêts aux habitants d’Anniston.

Voici l’extrait 1 du papier de « Buridan »:

Si l’on avait pu examiner de près la note confidentielle du 2/10/69 on aurait pu lire : « In addition to the above, Monsanto has provided samples of the Aroclors to 30 to 40 other governemental and university laboratories or scientists », ce qui contredirait la thèse d’une entreprise refusant de communiquer la moindre information.
Le document du 16/02/70 qui contient la phrase « We cann’t afford to lose one dollar of business » est un document adressé aux commerciaux pour leur indiquer comment expliquer aux clients le retrait des composants Aroclor des produits Pydrauls. Replacée dans son contexte, la phrase «scandaleuse», signifie en fait : «Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre un seul client».

Quel amalgame !!
Pour atténuer l’effet dévastateur de la « pollution letter », « Buridan » croit bon d’exhiber un extrait d’un autre document, sorti d’un chapeau !

Je mets en pièce jointe la fameuse « pollution letter ».
Il faut bien comprendre le contexte : nous sommes au début des années 1970, des informations alarmantes sur la toxicité des PCB (commercialisés par Monsanto sous la marque Aroclor) circulent un peu partout (ils seront finalement interdits aux Etats Unis en 1977).

Or, ils sont partout, car ils sont utilisés, à des concentrations plus ou moins fortes, dans toute une gamme de produits fabriqués par Monsanto (dont PYDRAUL).

Le courrier est donc adressé aux commerciaux pour leur donner des consignes de communication, face aux inquiétudes de leurs clients :

« Vous trouverez ci-joint une liste de questions et réponses qui peuvent être posées par nos clients qui recevront notre lettre concernant l’Aroclor et les PCB. Vous pouvez répondre oralement, mais ne donnez jamais de réponse écrite »…

Poussée par l’administration américaine , qui commence enfin à réagir, la firme de Saint Louis a été contrainte de retirer ses PCB – l’Aroclor 1254 et l’Aroclor1260- de la gamme des produits PYDRAUL (des fluides hydrauliques) , car elle a trouvé des « produits de remplacement » …

Pour autant, la firme n’a pas décidé d’arrêter la commercialisation de l’Aroclor 1254 ni de l’Aroclor 1260 , hautement toxiques, car comme l’explique l’auteur :

« Nous n’avons pas de produits de remplacement pour Aroclor 1254 et Aroclor 1260 ; nous allons continuer à fabriquer ces produits. Cependant, nos clients devront juger par eux même s’ils en continuent l’usage.
Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre un dollar de ventes. Notre capacité à discuter de ce sujet avec nos clients constituera un facteur décisif dans notre succès ou notre échec à conserver notre niveau actuel de business. Bonne chance ».

En d’autres termes : « tant que nous n’aurons pas trouvé de produits de remplacement, nous continuerons à vendre nos PCB, même si nous savons qu’ils sont toxiques. Et surtout, ne laissez aucune trace écrite de ce que vous dites à vos clients, au cas où tout cela tournerait mal »…

En attendant, je serais ravie de rencontrer M. »Buridan » (ou Mme?) qui vole au secours de Monsanto de manière aussi grossière…
Chiche!

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