Je suis heureuse de vous informer que mon livre « Les 100 photos du XXIème siècle« , édité par les Editions de La Martinière, sortira en librairie fin octobre. Réalisé avec le sociologue David Charrasse, ce livre raconte l’histoire des cent photos qui ont marqué la première décennie du début de siècle.
Il s’inscrit dans la continuité de la série télévisée que j’avais dirigée pour ARTE, avec l’agence CAPA, et du livre éponyme qui fut un succès de librairie international et constitue un ouvrage de référence pour l’histoire de la photographie, et notamment du photojournalisme:
Je copie ici le texte de l’avant-propos:
Quel chambardement ! Depuis la diffusion de ma série « Les 100 photos du siècle » sur ARTE et la publication du livre éponyme, il y a un peu plus de dix ans, le monde de la photographie a connu de profonds bouleversements. Au point qu’au moment de prolonger l’essai, ma première difficulté fut de déterminer ce qu’est, aujourd’hui, une « photographie ». Jusqu’à la fin des années 1990, la réponse était simple : il s’agissait d’une image, captée à partir d’un appareil photographique et reproduite sur un support papier. Pour choisir les cent photos qui avaient marqué le XXème siècle, j’avais donc consulté les journaux et les magazines internationaux, les livres d’histoire, ainsi que les collections d’affiches et de cartes postales. Au final, l’écrasante majorité des images que j’avais retenues étaient signées par des professionnels dûment identifiés, des « photojournalistes », dont le métier faisait rêver, car il était synonyme de voyage et de courage.
Mais l’avènement du numérique a changé la donne. D’abord, parce que les images qui incarnent la première décennie du XXIème siècle ne sont pas toutes – loin s’en faut – des « photographies ». Nombre d’entre elles n’ont pas été prises sur des appareils photographiques, mais sur des téléphones portables ou sur des caméscopes, par des amateurs, dont on ignore bien souvent l’identité. Les écarter était impossible : qui niera que le cliché de Saddam Hussein, la corde autour du cou, marque à jamais notre mémoire collective ? D’autre part, si certaines ont fini par être publiées sur papier, ces images doivent leur célébrité à leur diffusion sur Internet, qui est devenu le support privilégié, y compris pour les photographies professionnelles. En l’absence de recul, que seul le temps peut donner, la difficulté consistait à faire un choix dans cette profusion. Deux critères ont guidé ma sélection : l’importance de l’événement représenté et la qualité du cliché. Et clairement les images de qualité sont celles prises par les professionnels.
« Aujourd’hui n’importe qui peut prendre des images, mais n’importe qui n’est pas photoreporter », souligne à juste titre John Moore, photographe à l’agence Getty. Et c’est là mon deuxième constat : si le numérique a entraîné une indéniable démocratisation de la production des images, il s’est aussi accompagné d’un affaiblissement de leur statut. Autrefois considérée comme une preuve, voire une pièce à conviction, garantie par l’éthique du photojournaliste, l’image suscite aujourd’hui le doute. Soit parce qu’elle peut être manipulée par l’outil de photoshop, le pendant indissociable du numérique. Soit parce que, n’ayant pas d’auteur revendiqué, bien souvent elle sert la propagande, extrêmement présente dans ce livre.
Dernier constat, et c’est une bonne nouvelle : si les grandes photos du XXème siècle avaient été produites (presque) exclusivement par des photographes occidentaux, à l’aube du troisième millénaire ce n’est plus le cas. Les nouvelles technologies ont sorti de l’anonymat des professionnels talentueux d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud. Comme Naaman Omar, en Palestine, ou Luiz Vasconcelos, en Amazonie, ils se sont fait leur place dans le monde très compétitif du photojournalisme.
« L’arrivée du numérique constitue un changement aussi important que la révolution industrielle. Si on arrive à s’adapter, cela ouvre beaucoup d’opportunités », résume Marcus Bleasdale, photographe depuis douze ans. Raconter l’histoire des cent photos qui incarnent la première décennie du XXIème siècle, c’est aussi raconter celle de ce grand chambardement, en donnant la parole à tous ceux et celles qui défendent leur métier bec et ongles. Pour réaliser ce livre, je les ai tous contactés aux quatre coins de la planète. Et je leur rends résolument hommage, car plus que jamais le photojournalisme est indispensable. À l’heure de la surabondance d’images, il reste l’un des garants de la vitalité de nos démocraties.
Marie-Monique Robin