Monsanto De vous à moi

Le propriétaire d’un magasin vendant des produits dits « phytosanitaires » vient de m’adresserr la « lettre d’informations Monsanto » de mars 2008, que la firme a envoyée à tous ses clients abonnés.

Je note que les tous les journalistes qui m’ont interviewée (plus de cinquante à ce jour) n’ont pas réussi à obtenir d’interview de la filiale française de Monsanto, située à Lyon.

C’est donc la première réaction officielle de la firme à mon film et livre.

L’affaire Arpad Pusztai (1)

L’étude à l’origine de l’affaire

J’invite les internautes à consulter un site qui a recensé TOUS les articles parus sur l’affaire Pusztai:

Pour ma part, j’ai passé des jours et des nuits à tout lire, recouper, synthétiser, et je transcris ici ce que j’écris dans mon livre:

EXTRAIT:

« En tant que scientifique qui travaille activement dans ce domaine, je considère qu’il n’est pas juste de prendre les citoyens britanniques pour des cobayes. »

Diffusés le 10 août 1998 dans le magazine World in action de la BBC, ces quelques mots relatifs aux OGM ont ruiné la carrière d’Arpad Pusztai, un biochimiste de renommée internationale qui travailla pendant trente ans (de 1968 à 1998) au Rowett Research Institute d’Aberdeen (Écosse).

« Je crois qu’ils ne me pardonneront jamais d’avoir dit cela, m’explique-t-il quand je le rencontre à son domicile le 21 novembre 2006, avec un sourire malicieux qui illumine son visage de (presque) octogénaire.

« C’est qui “ils” ?, lui demandé-je, en subodorant la réponse.

– Monsanto et tous ceux qui, en Grande-Bretagne, soutiennent les yeux fermés la biotechnologie, me répond le docteur Pusztai. Jamais je n’aurais pensé que je puisse être victime de pratiques qui rappellent celles utilisées par les régimes communistes contre leurs dissidents. »

Les pommes de terre maudites

Fils d’un résistant hongrois à l’occupation nazie, Arpad Pusztai est né à Budapest en 1930. En 1956, alors que les chars soviétiques marchent sur la capitale hongroise, il s’enfuit en Autriche où on lui accorde le statut de réfugié politique. Diplômé de chimie, il obtient une bourse de la Fondation Ford, qui lui propose d’étudier dans le pays de son choix. Il choisit la Grande-Bretagne, qui représente pour lui le « pays de la liberté et de la tolérance ».

Après avoir décroché un doctorat de biochimie à l’université de Londres, il est recruté par le prestigieux Institut Rowett, considéré comme le meilleur laboratoire européen de nutrition.
Le chercheur se spécialise sur les lectines, ces protéines présentes naturellement dans certaines plantes qui ont une fonction insecticide et protègent ces dernières contre les attaques des pucerons.
Si certaines lectines sont toxiques, d’autres sont inoffensives pour l’homme et les mammifères, comme la lectine issue du perce-neige appelée « GNA », à laquelle Arpad Pusztai consacra six ans de sa vie .
L’expertise du biochimiste est si réputée qu’en 1995, l’Institut Rowett lui propose de prolonger son contrat, alors qu’il a atteint l’âge de la retraite, pour qu’il puisse prendre la tête d’un programme de recherche financé par le ministère écossais de l’Agriculture, l’Environnement et la Pêche.
Doté de 1,6 million de livres (plus de 2 millions d’euros), ce contrat substantiel, qui mobilise une trentaine de chercheurs, a pour but d’évaluer l’impact des OGM sur la santé humaine.

« Nous étions tous très enthousiastes, m’explique Arpad Pusztai, car à l’époque, alors que la première culture de soja transgénique venait d’être semée aux États-Unis, aucune étude scientifique n’avait été publiée sur le sujet. Le ministère pensait que notre recherche constituerait un soutien en faveur des OGM, au moment de leur arrivée sur le marché britannique et européen. Car, bien sûr, personne ne s’imaginait — moi le premier, qui étais un ardent supporter de la biotechnologie — que nous allions trouver des problèmes. »

L’enthousiasme du scientifique est tel que, lorsque paraît en 1996 l’étude toxicologique de Monsanto sur le soja Roundup ready dans The Journal of Nutrition, il juge certes que c’est de la « très mauvaise science », mais que justement, avec son équipe, il va faire mieux :
« Je me disais que si nous pouvions montrer, avec une étude scientifique digne de ce nom, que les OGM étaient réellement inoffensifs, alors nous serions des héros », raconte-t-il.
En accord avec le ministère, l’Institut Rowett décide de travailler sur des pommes de terre transgéniques que ses chercheurs ont déjà développées avec succès, en leur insérant le gène qui fabrique la lectine du perce-neige (GNA).

« Les études préliminaires avaient montré que les pommes de terre repoussaient effectivement les attaques des pucerons, m’explique Arpad Pusztai. Par ailleurs, nous savions qu’à l’état naturel la GNA n’était pas dangereuse pour des rats, même quand ils en absorbaient une dose huit cents fois supérieure à celle produite par les OGM. Il nous restait donc à évaluer les effets éventuels des pommes de terre transgéniques sur les rats. »

Le protocole de l’expérience prévoit de suivre quatre groupes de rats depuis le sevrage jusqu’à cent dix jours :

« Rapporté à l’homme, précise Arpad Pusztai, cela revient à suivre un enfant depuis l’âge d’un an à neuf ou dix ans, c’est-à-dire dans la période où son organisme est en pleine croissance. »
Dans le « groupe contrôle », les rats sont nourris avec des pommes de terre conventionnelles. Dans les deux groupes expérimentaux, les cobayes sont nourris avec des pommes de terre transgéniques issues de deux lignées différentes. Enfin, dans le quatrième groupe, le menu comprend des pommes de terre conventionnelles auxquelles est adjointe une quantité de lectine naturelle (extraite directement du perce-neige).

« Ma première surprise, se souvient le docteur Pusztai, fut quand nous avons analysé la composition chimique des pommes de terre transgéniques. D’abord, nous avons constaté qu’elles n’étaient pas équivalentes aux pommes de terre conventionnelles. Et puis, elles n’étaient pas équivalentes entre elles, parce que d’une lignée à l’autre, la quantité de lectine exprimée pouvait varier de 20 %. C’est la première fois où j’ai émis des doutes sur le fait que la manipulation génétique puisse être considérée comme une technologie, car pour un scientifique classique comme moi, le principe même de la technologie signifie que si un processus produit un effet, cet effet doit être strictement le même si on répète le même processus dans des conditions identiques. Là, apparemment, la technique était très imprécise, parce qu’elle n’engendrait pas le même effet.
– Comment l’expliquez-vous ?
– Malheureusement, je n’ai que des hypothèses que je n’ai jamais eu les moyens de vérifier… Pour bien comprendre l’imprécision de ce qu’on appelle de manière impropre la “biotechnologie”, qui s’effectue généralement avec un canon à gènes, il suffit de prendre l’image de Guillaume Tel à qui on banderait les yeux avant qu’il tire une flèche sur une cible : il est impossible de savoir où le gène bombardé va atterrir dans la cellule cible. Je pense que la localisation aléatoire du gène explique la variabilité dans l’expression de la protéine, en l’occurrence de la lectine. Une autre explication tient peut-être à la présence de ce qu’on appelle le « promoteur 35S », issu du gène du virus de la mosaïque du chou-fleur, destiné à promouvoir l’expression de la protéine, mais dont personne n’a vérifié quels effets connexes il pouvait engendrer. Toujours est-il que les pommes de terre transgéniques provoquaient des effets inattendus sur les organismes des rats.
– Quels effets avez-vous observé ?
– D’abord, les rats des groupes expérimentaux présentaient des cerveaux, des foies et des testicules moins développés que ceux du groupe contrôle, ainsi que des tissus atrophiés, notamment dans le pancréas et l’intestin. Par ailleurs, nous avons constaté une prolifération des cellules dans l’estomac et cela est inquiétant, parce que cela peut faciliter le développement de cancers causés par des produits chimiques. Enfin, le système immunitaire de l’estomac était en surchauffe, ce qui indiquait que les organismes des rats traitaient ces pommes de terre comme des corps étrangers. Nous étions convaincus que c’était le processus de manipulation génétique qui était à l’origine de ces dysfonctionnements et pas le gène de la lectine dont nous avions testé l’innocuité à l’état naturel. Apparemment, contrairement à ce qu’affirmait la FDA, la technique d’insertion n’était pas une technologie neutre, puisqu’elle produisait, à elle seule, des effets inexpliqués. »

Photo:

Arpad Pusztai à son domicile à Aberdeen (Écosse)

Salon du livre: forum repoussé à mardi, 16 heures

Une alerte au colis piégé a tristement perturbé la fête du salon du livre. Au moment où j’arrivais (vers 16 heures 30) porte de Versailles, j’apprenais que tout le salon avait été évacué.
Dans la mêlée j’ai pu retrouver l’équipe d’ARTE (Isabelle Payet, Henriette Souk, Marie-Laure Lessage, Pierrette Ominetti) qui m’ont raconté la ruée sur le stand de la chaîne franco-allemande pendant toute la journée.

Apparemment, des centaines de personnes sont venues pour acheter, qui, le livre, qui, le DVD, » parfois en plusieurs exemplaires pour offrir » d’après le témoignage de Henriette Souk, attachée de presse de ARTE. « On n’a jamais vu cela », a-t-elle assuré, désolée, comme nous toutes, de voir que le forum prévu à 18 heures était annulé.

Ce n’est que partie remise!

Le forum a été repoussé à mardi prochain, à 16 heures.

Venez nombreux pour débattre sur « les difficultés de l’investigation ». Le débat sera animé par François Ekchajzer de Télérama.

Photos:
le forum au salon du livre (merci à Isabelle Pailler)

L’affaire d’Arpad Pusztai (2)

Je continue ici le récit de l’affaire d’Arpad Pusztai telle que je l’ai décrite dans mon livre (suite de l’affaire d’Arpad Pusztai 1)
Les lecteurs trouveront toutes les références des articles cités dans mon livre.

haro sur le dissident

Profondément troublé, Arpad Pusztai fait part de ses inquiétudes au professeur Philipp James, le directeur de l’Institut Rowett, qui est aussi l’un des douze membres du « Comité consultatif sur les processus et les aliments nouveaux », chargé d’évaluer au Royaume-Uni la sécurité des OGM avant leur mise sur le marché.

Convaincu de l’importance que revêtent les résultats de l’étude, le directeur l’autorise à participer à une émission de la BBC consacrée à la biotechnologie, enregistrée en juin 1998, soit sept semaines avant la diffusion, en présence du chef des relations publiques de l’Institut.

« Dans l’interview, explique Arpad Pusztai, je n’ai livré aucun détail sur l’étude que nous n’avions pas encore publiée, mais j’ai répondu franchement aux questions que l’on me posait, car j’estimais que c’était mon devoir moral d’alerter la société britannique sur les inconnues sanitaires entourant les OGM, alors que les premiers aliments transgéniques étaient importés des États-Unis. »

De fait, dès le 23 avril 1990, la Communauté européenne avait adopté la directive 90/220 réglementant la diffusion des OGM en Europe.
Celle-ci prévoyait une procédure type, toujours en vigueur huit ans plus tard (et encore en 2008) : pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché d’un aliment ou d’une plante transgénique, l’entreprise doit transmettre un dossier technique à un État membre, dont les instances nationales évaluent les risques du produit pour l’homme et l’environnement.
Après examen, le dossier est alors transmis par la Commission aux autres États, qui ont soixante jours pour demander des expertises supplémentaires s’ils le jugent nécessaire.
C’est ainsi qu’en décembre 1996, l’Union européenne a autorisé l’importation du soja Roundup Ready (ainsi qu’un maïs Bt de Novartis), sur la foi de l’étude publiée la même année par Monsanto.

L’enjeu était d’autant plus important que, dans le cadre des accords du GATT de 1993, l’Europe avait accepté de limiter ses surfaces plantées en oléagineux (soja, colza, tournesol) pour permettre l’écoulement des stocks américains, forçant les paysans à s’approvisionner Outre-Atlantique pour leur fourrage .

« Le manque de test sur les OGM, vous inquiète-t-il ?, demande ainsi ma consœur de la BBC à Arpad Pusztai.
– Oui, répond sans hésiter le scientifique.
– Mangeriez-vous des pommes de terre transgéniques ?
– Non ! Et en tant que scientifique qui travaille activement dans ce domaine, je considère qu’il n’est pas juste de prendre les citoyens britanniques pour des cobayes… »

Dans un premier temps, les dirigeants de l’Institut Rowett ne trouvent rien à redire à la fameuse phrase qui passe en boucle dans la bande annonce de World in Action, le 9 août 1998.
Le jour suivant, l’Institut est submergé de demandes d’interview et le professeur James se fait un plaisir de vanter les mérites d’une étude qui attire une telle publicité. Le soir de la diffusion (le 10 août), le directeur ne peut s’empêcher d’appeler Arpad Pusztai pour le féliciter de sa performance télévisée : « Il était très enthousiaste, se souvient celui-ci. Puis, brusquement, tout a changé… »

Le 12 août, en effet, alors qu’une horde de journalistes fait le planton devant sa maison, Arpad Pusztai est convoqué à une réunion où le professeur James lui annonce, assisté d’un avocat, que son contrat est suspendu, jusqu’à sa mise à la retraite.

L’équipe de recherche est dissoute. Les ordinateurs et documents liés à l’étude sont confisqués et les lignes de téléphone coupées.
Arpad Pusztai est frappé d’un « gag order », une interdiction de communiquer avec la presse, sous peine de poursuite.
Commence alors une lamentable opération de désinformation qui vise à salir sa réputation, et avec elle la validité de sa mise en garde.
Dans plusieurs interviews, Philipp James affirme que son chercheur s’est trompé et que, contrairement à ce qu’il croyait, il n’a pas utilisé la lectine du perce-neige mais une autre lectine appelée « Concanavaline A » (Con A), issue d’un haricot sud-américain et connue pour sa toxicité.

En d’autres termes : les effets observés sur les rats ne sont pas dus à la manipulation génétique mais à la lectine « Con A », qui est un « poison naturel », ainsi que s’empresse de le souligner le docteur Collin Merritt, le porte-parole de… Monsanto en Grande-Bretagne.
« Au lieu de rats nourris avec des pommes de terre génétiquement modifiées, le docteur Pusztai a utilisé les résultats de tests conduits sur des rats traités avec du poison », renchérit le Scottish Daily Record & Sunday Mail .

« Si on mélange du cyanure avec du vermouth dans un cocktail et on constate que ce n’est pas bon pour la santé, on n’en conclut pas pour autant qu’il faut bannir tous les mélanges de breuva-ges », ironise pour sa part Sir Robert May, un conseiller scientifique du gouvernement.

De même, en France, Le Monde reprend cette « information », d’autant plus étrange qu’elle concerne le meilleur spécialiste mondial des lectines : « Le docteur Pusztai a fait l’amalgame entre des données portant sur une lignée de pommes de terre transgéniques, dont l’étude est à peine entamée, et d’autres, issues d’expériences consistant à ajouter des protéines insecticides au menu des rats. Les tubercules incriminés n’avaient donc rien de transgénique … »

« C’était terrible, murmure Arpad Pusztai, la voix étranglée par l’émotion. Et je n’avais même pas le droit de me défendre… »

N’étant pas à une contradiction près, le professeur James attaque sur un second front : il demande à un comité de scientifiques de conduire un audit sur la fameuse étude. Pourquoi ?, est-on tenté de demander. Si l’expérience était biaisée par une erreur portant sur la lectine utilisée, alors il n’y a aucune raison de se pencher de plus près sur ses résultats…

Pourtant, le 28 octobre 1998, le Rowett rend publiques les conclusions de l’audit : « Le comité pense que les données existantes ne permettent en rien de suggérer que la consommation de pommes de terre transgéniques par des rats a affecté leur croissance, le développement de leurs organes ou leur système immunitaire. Cette suggestion […] était infondée . »

Mais l’affaire a fait tellement de bruit que la Chambre des communes demande à auditionner le « dissident », contraignant le professeur James à lui autoriser l’accès aux données de son étude.

Arpad Pusztai décide alors de les envoyer à vingt scientifiques internationaux avec qui il avait travaillé au cours de sa longue carrière et qui acceptent de rédiger un rapport en comparant lesdites données à l’audit conduit pour le vénérable institut.

Publiées à la une du quotidien The Guardian, le 12 février 1999, les conclusions du rapport ne sont pas tendres pour le « comité » mis sur pied par le professeur James : après avoir noté que l’audit avait délibérément ignoré certains résultats, ses auteurs précisent que ceux-ci « montraient très clairement que les pommes de terre transgéniques avaient des effets significatifs sur la fonction immunitaire [des rats] et que cela suffisait à conforter entièrement les déclarations du docteur Pusztai ».

Au passage, ils dénoncent la « violence du traitement infligé par le Rowett » à leur collègue, et « plus encore le secret impénétrable qui entoure toute l’affaire » et appellent à un moratoire sur les cultures transgéniques.

Quelques jours plus tard, la commission scientifique et technologique du Parlement britannique entame ses auditions.
Face aux questions de ses interrogateurs, qui soulignent ses contradictions, le professeur James se retranche derrière un nouvel argument que Colin Merritt, le porte-parole de Monsanto, avait déjà servi dans une interview au journal The Scotsman : « Il n’est pas possible de lâcher une information de cette nature avant qu’elle ait été correctement examinée par des pairs . »

En d’autres termes : ce que le directeur de l’Institut Rowett reproche (maintenent) à son chercheur, c’est d’avoir parlé avant que l’étude ne soit publiée dans les règles de l’art…

Manifestement, l’argument ne convainc pas le docteur Alan Williams, l’un des membres de la commission parlementaire, qui, évoquant le rôle du comité consultatif chargé d’autoriser la mise sur le marché des aliments transgéniques, dont Philipp James fait partie, lui répond avec une ironie toute britannique : « Le fait que vous disiez qu’il n’est pas correct de commenter une étude non publiée nous pose un problème sérieux, parce que, si j’ai bien compris, toutes les décisions prises par le comité consultatif sont basées sur des études émanant des firmes qui ne sont pas publiées. Ce n’est pas vraiment démocratique, n’est-ce pas ? Nous n’avons pas le droit de commenter les études parce qu’elles ne sont pas publiées, mais d’un autre côté, aucune étude n’est publiée. Nous sommes donc obligés de nous en remettre aux avis du comité et de ses membres respectables qui prennent toutes ses décisions en notre nom, sur la foi d’études qui proviennent des entreprises commerciales. Ne trouvez-vous pas qu’il y a là un manque de démocratie évident ? »

Les propos du parlementaire sont au cœur de l’immense polémique déclenchée par l’affaire d’Arpad Pusztai, qui alimente pas moins de sept cents articles pour le seul mois de février 1999. Ainsi que le constate alors le New Statement, « la controverse sur les OGM a divisé la société en deux fronts belligérants. Tous ceux qui voient les aliments transgéniques comme une perspective terrifiante — la “nourriture Frankens-tein” – sont dressés contre les défenseurs [de la biotechnologie] ».
« Par ici tout le monde nous hait », se lamente de son côté Dan Verakis, le porte-parole européen de Monsanto .

De fait, un sondage réalisé secrètement dès octobre 1998 à la demande de la firme et dont la presse a pu se procurer une copie, révèle un « effondrement continu du soutien du public pour la biotechnologie », avec « un tiers d’opinions extrêmement négatives ».
Sept mois plus tard, la tendance est confirmée par un nouveau sondage, commandé par le gouvernement britannique, qui constate que « seul 1 % du public pense que les OGM sont bons pour la société » et que la majorité des sondés ne font pas confiance aux autorités pour « fournir une information honnête et équilibrée ».

Et force est de reconnaître que les sceptiques ont bien raison : tandis que les majors de la distribution agroalimentaire — comme Unilever England, mais aussi Nestlé, Resco, Sainsbury, Somerfield ou les filiales britanniques de McDonald et Burger King — s’engagent publiquement à renoncer à tout ingrédient transgénique, on découvre que le gouvernement de Tony Blair conduit de bien étranges manœuvres pour « regagner la confiance du public ».

D’après un document confidentiel qu’a pu se procurer le Sunday Independant, celui-ci a établi un véritable plan de bataille pour « dénigrer la recherche du docteur Arpad Pusztai », en « sollicitant des scientifiques éminents, disponibles pour des interviews télévisées et l’écriture d’articles » censés « aider à raconter une bonne histoire ». Parmi les scientifiques pressentis, le document cite notamment ceux de la très respectée Royal Society, qui, de fait, collabore activement à l’opération de dénigrement…

Suite dans le prochain message!

Pour en savoir plus sur Monsanto

Un site ressources sur Monsanto

J’informe les visiteurs de mon blog qu’un collectif d’associations s’est créé pour poursuivre mon travail, en mettant en ligne toutes les informations que j’ai trouvées au cours de mon enquête (documents déclassifiés, études, rapports, etc), et bien d’autres!

Ce collectif comprend Greenpeace, Via Campesina, Sherpa (Me William Bourdon) , Attac, Les amis de la terre et la Fondation sciences citoyennes (Professeur Jacques Testart)

Financé par la Fondation Charles Leopold Mayer pour le progrès de l’homme, et soutenu par La découverte et ARTE, le site est consultable à l’adresse suivante:

combat-monsanto.org

Le but est de créer un centre de ressources sur Monsanto et de mettre en lien tous ceux qui, dans le monde, résistent à l’irrésistible ascension de la firme.

Le buzz dépasse les frontières européennes: j’ai reçu des E-mails et demandes de projection au Canada, Mexique, Paraguay, Etats Unis.

A suivre!

Mise au point

Comme je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises dans mes messages de la rubrique « les nouvelles de la toile », je note que les détracteurs de mon enquête ne savent pas bien comment démonter ce qu’elle révèle: à savoir, la manière dont a été imposé au reste du monde le fameux « principe d’équivalence en substance » qui a permis à Monsanto de lancer dans les champs le premier OGM de grande culture (le soja roundup ready, qui représente, aujourd’hui, la culture transgénique la plus cultivée dans le monde) sans études toxicologiques et environnementales sérieuses.

Difficile, en effet, de trouver une parade à ceux qui ont inscrit le « principe » dans le marbre: James Maryanski, ancien responsable du département des biotechnologies à la Food and Drug Administration), qui reconnaît, pour la première fois, devant une caméra, que le « principe d’équivalence en substance » ne repose sur aucune donnée scientifique, mais sur une « décision politique » de la Maison Blanche.

Cette révélation est confirmée par Dan Glickman, ancien secrétaire d’Etat à l’agriculture, qui dénonce les « pressions » qu’il a subies et estime qu’on « aurait dû faire plus de tests ». C’était aussi l’avis des scientifiques de la FDA, ainsi que le révèlent les documents aujourd’hui déclassifiés.
Sans oublier Michael Taylor, l’ancien avocat de Monsanto, recruté comme N°2 de la FDA, avant de devenir vice-président de Monsanto…

Comme il est difficile de désamorcer ce gros pavé dans la mare des supporters inconditionnels des OGM, ceux-ci n’ont trouvé que deux « astuces » pour jeter le discrédit sur mon enquête:
– m’attaquer personnellement, une technique favorite de Monsanto (cf mes messages dans la rubrique « Les nouvelles de la toile »/ L’AFIS attaque!)
– attaquer le Dr. Arpad Pustai et le Pr. Ignacio Chapela, avec la même mauvaise foi que celle qui a caractérisé leurs affaires respectives.

Évidemment, j’ai passé beaucoup de temps (des semaines!) à reconstituer tous les aspects de ses deux énormes dossiers qui avaient beaucoup agité le microcosme des pro et anti OGM. J’ai donc consulté des centaines de documents, rédigés aussi bien par les « pour » ou les « contre », et j’ai rencontré les deux protagonistes.

Ce qui est frappant dans ces deux affaires, c’est la récurrence des pratiques:
– au lieu de s’affronter sur le terrain de la science, en réalisant, par exemple, leur propre étude et en la publiant, comme c’est le cas dans 99% des cas quand une découverte pose problème, un certain nombre de scientifiques se sont rués sur leurs collègues pour les discréditer, avec une hargne qui laisse perplexe;

– à chaque fois, Monsanto agissait dans l’ombre, et loin d’encourager la transparence, semait le trouble en ayant recours à des techniques qui laissent tout aussi perplexe, comme le « marketing viral », dénoncé par la presse britannique de l’époque, sans que la firme l’ait démenti , puisqu’elle n’a pas attaqué en diffamation;

– les chercheurs ont été licenciés ou mis sur la touche, ce qui est tout de même très rare s’agissant d’experts aussi reconnus que le Dr. Pusztai ou aussi brillants que le Pr. Chapela, qui avait travaillé longtemps pour la firme Sandoz (devenue Novartis, puis Syngenta, un concurrent de Monsanto sur le marché des OGM!)

Ce sont précisément ces pratiques lamentables que je décris avec moult détails dans mon livre ( chapitres 9 et 12), qui m’ont permis de conclure que les deux chercheurs étaient victimes d’une campagne de diffamation, qui n’avaient rien à voir avec la recherche de la vérité scientifique mais avec les intérêts des fabricants d’OGM, prêts à tout pour imposer leurs produits par la force.

Je reviendrai sur ces deux affaires dans mes messages ultérieurs.