rediffusion du Monde selon Monsanto sur ARTE

Je suis heureuse de vous informer que mon film Le monde selon Monsanto sera rediffusé sur ARTE le 23 avril, à 14 heures 10.

Logiquement, la chaîne franco-allemande m’a demandé d’ « actualiser l’impact«  qu’ a eu le film (et le livre) depuis sa sortie en mars 2008. À dire vrai, la tache m’a paru incommensurable, tant les répercussions de cette enquête sont proprement innombrables au point qu’il m’arrive, aujourd’hui – soit cinq ans plus tard- , au moins cinq à dix demandes de projection ou de débat par semaine! Difficile dans ces conditions de dresser un bilan exhaustif du fameux « impact », sauf à y consacrer des jours!

J’ai donc décidé de reprendre la postface que j’avais écrite, en janvier 2009, à l’édition poche de mon livre, en l’agrémentant de photos et vidéos, et en la complétant par les événements les plus importants qui ont jalonné les années 2010 à 2012.

 

Un succès certifié durable[1]

Je vous écris du Pérou

 

J’écris d’une chambre d’hôtel à Lima ( Pérou). Les 28 et 29 janvier 2009,   j’ai été invitée à participer à  un colloque intitulé  « Les semences de la diversité face aux OGM » qu’organisait une dizaine d’associations , impliquées dans le développement durable et les droits de l’homme. Pour ce pays mégadivers, qui , avec la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Equateur, le Mexique et le Vénézuéla, détient 70% de la biodiversité du monde, l’enjeu est de taille : un projet de loi va bientôt être discuté  au parlement pour « encadrer les cultures transgéniques ».  Si la loi passe, le maïs transgénique de Monsanto  (BT) fera son entrée  au Pérou, menaçant de contaminer les  centaines de variétés « criollas » (traditionnelles) de  la céréale mythique des Incas « capable de pousser dans les zones littorales mais aussi à 3000 mètres d’altitude », comme l’a rappelé lors du colloque le docteur Antonieta Gutiérrez, professeur à l’Université nationale d’agronomie de La Molina à Lima. Preuve , s’il en était besoin, que les millions de paysans péruviens qui entretiennent cette extraordinaire biodiversité depuis des millénaires, n’ont pas attendu le « génie génétique » de multinationales comme Monsanto, pour développer des variétés adaptées aux terroirs, climats, et aléas agronomiques. Même chose pour la pomme de terre ou la quinoa, dont le Pérou constitue le centre d’origine, avec des milliers de variétés cultivées partout dans le pays.

 

Affiche pour le colloque de LIma

 

Le problème pour Monsanto et consorts c’est que ces variétés ne sont pas brevetées, et que les paysans continuent de développer leurs propres semences, au besoin en les échangeant avec leurs voisins. Or, par l’un des plus « grands hasards », le Pérou vient d’adopter récemment une loi autorisant le brevetage des semences, ce qui ouvre la voie aux OGM … Dans le même temps, le gouvernement péruvien subissait de nombreuses pressions pour interdire l’étiquetage des OGM, qui entrent déjà dans le pays, notamment sous forme d’huile de soja importée du Brésil, au motif que cet étiquetage serait préjudiciable au consommateur, en entraînant une « augmentation des prix » ( un argument déjà mis en avant par Monsanto notamment aux Etats Unis) . Enfin, des informations concordantes signalent la présence de cultures transgéniques illégales dans au moins une région  péruvienne, grâce à un trafic de semences fort opportun, organisé depuis les  pays voisins…

Extrait de la revue de presse péruvienne couvrant ma venue au Pérou

Le lecteur de ce livre l’aura compris : on retrouve là toute la stratégie de la firme de Saint Louis, pour imposer par tous les moyens ses plantes transgéniques pesticides : pression sur les gouvernements pour modifier les lois concernant le brevetage du vivant, ou pour empêcher l’étiquetage des OGM,  et création d’un « état de fait » (comme au Paraguay ou au Brésil, et plus récemment au Mexique)  pour revendiquer ses « droits de propriété intellectuelle » sur les cultures transgéniques illégales, et, donc de juteuses royalties,  entraînant in fine la légalisation des cultures de contrebande .

Le colloque de Lima a débuté par la projection de mon film  devant quelque trois cents participants. Au même moment, une autre projection était organisée pour vingt-cinq journalistes, suivie d’une conférence de presse qui a duré près de deux heures, tant les questions étaient nombreuses.

Conférence de presse à Lima

 

Puis, j’ai rejoint la salle du colloque pour écouter le discours d’ouverture de Antonio Brack, ministre de l’environnement, et, par ailleurs, un écologue réputé . Celui-ci a réitéré sa proposition de déclarer le « Pérou libre d’OGM », en soulignant qu’elle était loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement. En fait, elle est même l’objet d’intenses frictions avec le ministère de l’agriculture, qui, comme au Brésil, soutient mordicus les OGM de Monsanto, censés entraîner une augmentation de la productivité agricole. Pendant le déjeuner, Antonio Brack m’a « avoué » , avec un grand sourire , que son cabinet était coupable de « piraterie » : « N’ayant pas pu nous procurer le film en espagnol , m’a-t-il expliqué, nous avons donc regardé la version pirate mise en ligne sur Google ! » À ma plus grande tristesse , en effet, au moment où j’écris ces lignes, aucun DVD espagnol n’était disponible sur le marché, et pour pallier ce manque, un internaute avisé a pris la peine de sous-titrer entièrement le film  et de mettre sa version pirate sur Internet ![2]

En France comme à l’étranger, un écho stupéfiant

L’anecdote péruvienne est exemplaire de l’incroyable succès planétaire qu’a rencontrée mon enquête sur Monsanto. Depuis mars 2008, date de parution de la première édition de ce livre et de la diffusion sur Arte de mon documentaire éponyme, j’ai été prise jusqu’à ce jour dans un tourbillon, que personne – ni moi, ni La Découverte ou ARTE – n’auraient pu espérer même dans nos rêves les plus fous !

 

Ovation à Montréal, lors de la présentation du film à l’association des retraités québécois.

 

Sollicitée de partout (d’Europe, d’Amérique du Nord et  du Sud, mais aussi d’Afrique), j’ai dû jongler tant bien que mal avec les centaines de demandes d’interview des médias ou de projections débats  que m’ont adressées des associations, des représentants politiques ou institutionnels,  et répondre aux multiples interrogations soulevées par ce travail. J’étais bien convaincue d’avoir mis à nu les agissements pervers de l’une des grandes multinationales de la technoscience contemporaine, mais je n’imaginais pas que mon livre et mon film, qui présentent notamment les travaux de tant de « lanceurs d’alerte » jusque-là étouffés, auraient un tel impact international.

http://www.mariemoniquerobin.com/crbst_15.html

Curieusement, alors que j’ai débuté ma longue enquête sur internet, c’est précisément de la toile qu’est parti l’incroyable ras de marée. Dans mon blog, ouvert le 18 février 2008[3], trois semaines avant la diffusion de mon film sur ARTE,  j’écrivais le 29 février : « Il se passe vraiment un drôle de phénomène sur la toile. Alors que la presse commence tout juste à commenter mon film (et livre), si on tape “Le monde selon Monsanto” dans Google, on atteint les 22 000 hits ! Depuis deux semaines, ça ne cesse de monter… À dire vrai, cela fait chaud au cœur et j’espère que le 11 mars, l’audience sur Arte sera à la hauteur de l’attente suscitée par ce film… » De fait, elle le fut : 1 569 000  téléspectateurs le premier jour (le 11 mars 2008) , soit  presque deux fois plus que l’audience habituelle d’Arte pour ce genre de documentaire, et la meilleure audience de l’année pour la chaîne. S’y ajoutent  170 000 visionnages sur ARTE +7, qui permet de visionner les films en ligne pendant une semaine, sans oublier les rediffusions et les ventes du DVD, qui se sont arrachés le soir même de la diffusion, au point de faire exploser le système informatique d’ARTE Boutique !  A ce jour, plus de 50 000 exemplaires du DVD ont été vendus.

 

À Montréal

 

Le 14 mars 2008, trois jours après la diffusion du film, Joël Ronez, responsable du pôle Web sur Arte France, écrivait « Le monde selon Monsanto a généré un buzz  assez colossal dans la blogosphère  (…) Plus de 338 blogs francophones citant le titre du documentaire ont été identifiés , dont 224 depuis la diffusion ». Si, aujourd’hui, on tape « le monde selon Monsanto » sur le Service Blog Search de Google, on obtient  8669 Blogs francophones ! Si on tape « The World according to Monsanto », le résultat est de 9428 Blogs anglophones !  Et, avec « El mundo según Monsanto », le chiffre est de 3314 Blogs hispanophones , alors que le film a eu une diffusion confidentielle sur la chaîne espagnole Tele Cinco, et qu’encore une fois, il n’y a pas, à ce jour, de version espagnole disponible sur le marché ! Au-delà des Blogs, c’est par centaines de milliers que se comptent les « hits » si on tape sur Google ou tout autre moteur de recherche « Le monde selon Monsanto », « The World According to Monsanto » ou « El mundo según Monsanto ».

À ce jour, le documentaire a été diffusé ou programmé sur une vingtaine de chaînes internationales, en Europe, mais aussi en Australie, au  Japon et  au Canada, et y compris aux Etats Unis, où il a été acheté par  Sundance Channel. Même phénomène pour  le livre, qui  s’est vendu à 100 000 exemplaires dans le monde francophone, tandis que les éditeurs de seize pays ont décidé de le traduire (y compris en Corée, où des agents se sont littéralement battus pour obtenir les droits d’édition !)

La couverture de huit éditions internationales du Monde selon Monsanto

 

J’ai accompagné la sortie du livre (Stanké) et film  au Canada ( l’Office national du Canada, coproducteur, avait décidé de lancer le documentaire d’abord en salle, où il a fait quelque 20 000 entrées au Québec, un score excellent pour un documentaire), où je me suis rendue par deux fois, en mai et en septembre 2008, et ai enchaîné les interviews (près de trente) , constatant avec étonnement que les journalistes de ce pays, qui comptent , pourtant, sept millions d’hectares de cultures transgéniques, ne savaient pas, pour  la plupart, quels OGM ils avaient dans leurs champs, et donc dans leurs assiettes. Quand je leur expliquais qu’en achetant une huile de colza (non étiquetée), ils consommaient très probablement des résidus de roundup, mes confrères écarquillaient immanquablement les sourcils, confirmant qu’ils découvraient la « réalité des OGM de Monsanto ».

600 personnes à Sherbrooke (Québec)

 

J’ai fait le même constat en Espagne, où j’ai passé une petite semaine en novembre 2008, pour le lancement de la version espagnole de mon livre (Peninsula). Dans ce pays – le seul de la Communauté européenne à avoir des cultures transgéniques – 80 OOOO hectares, principalement en Catalogne et Aragón, sont plantés en maïs BT 810, celui-là même qui a été provisoirement suspendu par le gouvernement français en février 2008.  Avant chaque interview (une bonne vingtaine) , je faisais un petit test : « Savez-vous quels OGM sont cultivés en Espagne ? » Suivait , à chaque fois, un long silence, et parfois cette réponse sidérante : « Des plantes manipulées génétiquement pour résister à la sécheresse » ! « Malheureusement , étais-je obligée de répondre immanquablement , ces plantes magnifiques n’existent pas ! Les seuls OGM cultivés en Espagne sont des plantes insecticides, ce qui veut dire que, sans le savoir, vous consommez – vous ou les animaux que vous mangez – des résidus d’insecticide … » Je n’oublierai jamais le regard inquiet de mes confrères de la péninsule ibérique…

http://wp.arte.tv/robin/2008/12/01/clip-espagnol/

Dernière anecdote : alors que le film n’était pas encore disponible aux Etats Unis, des internautes avisés l’ont acheté sur Arte Boutique (le DVD a été édité en français, allemand et anglais) puis l’ont découpé en dix parties pour le mettre sur Google Video , You Tube ou Daily Motion. Responsable de la distribution du documentaire en Amérique du Nord, l’Office national du film du Canada est intervenu, à plusieurs reprises, pour demander son retrait de la toile, tant qu’il n’avait pas été légalement commercialisé. Le lecteur pourra vérifier que des papiers ont   immédiatement circulé sur le Web, intitulés «  The documentary you won’t ever see » (le documentaire que vous ne verrez jamais), expliquant que c’était la faute à … Monsanto, qui usait de son légendaire entregent pour le censurer !

 

500 personnes à Ruffec (Charente)

 

Comment expliquer un tel écho ? D’abord, je crois, par la violence même des pratiques d’une multinationale qui s’affiche paradoxalement « au dessus de tout soupçon ». Mais aussi par l’effet souterrain du travail obstiné conduit depuis des décennies, dans le monde entier, par toutes celles et ceux qui s’y sont opposés et dont j’ai tenté ici de restituer la parole : les syndicats et mouvements paysans d’Inde ou d’Amérique latine en butte aux dégâts des OGM, les « faucheurs volontaires » de champs d’OGM en France, les scientifiques « lanceurs d’alerte » en Amérique et en Europe, ou les avocats, en particulier américains, des victimes des pratiques de Monsanto, du PCB d’hier aux OGM d’aujourd’hui. Enfin, et peut-être surtout, par le fait que la multinationale de Saint Louis représente un paradigme du modèle industriel mortifère qui s’est imposé un peu partout dans le monde après la seconde guerre mondiale. Or ce modèle, qui repose sur une course effrénée vers le seul profit, et dont chacun d’entre nous a largement profité, entretient une peur diffuse due aux effets néfastes qu’il  a entraînés sur l’environnement et la santé de l’homme.

 

Interview de la télévision brésilienne après la projection du film au parlement

 

À toutes ces raisons , qu’un sociologue serait plus à même de décortiquer plus en détail, s’en ajoute une absolument fondamentale : la puissance des réseaux du Web, qui se sont emparés de mon enquête comme d’un outil démocratique d’information, avec en tête le site « combat-monsanto.org » qui s’est créé, dans la foulée de mon livre et film, et qui poursuit mon travail et l’enrichit avec rigueur et ténacité. Conçu à l’initiative d’un collectif d’associations, dont Greenpeace, la Fondation sciences citoyennes du Professeur Jacques Testart, Via Campesina, Attac, Les amis de la terre, Sherpa,  et parrainé par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme , ARTE et La Découverte, ce site trilingue (français, anglais, espagnol) a pour vocation de centraliser toutes les informations internationales et de mettre en synergie les réseaux qui, un peu partout dans le monde, se battent « pour que le monde de Monsanto ne devienne jamais le nôtre ».

La réaction de Monsanto et de ses supporters

Comment Monsanto a-t-il réagi à toutes ces mises en cause ? Pendant, plus de dix mois, par le silence, comme si le service de communication de la firme avait jugé préférable de se taire, pour tenter de « limiter les dégâts ».  En France, les journalistes, qui ont contacté sa filiale française, dans la banlieue lyonnaise, se sont fait gentiment éconduire, conformément à ce qu’avait annoncé le site de Monsanto France : « Le film et le livre de Marie-Monique Robin sont les dernières illustrations de la frustration des opposants aux biotechnologies. Ces travaux sont tellement partiaux qu’ils n’appellent aucun commentaire de la part de notre entreprise. » D’où ce commentaire de Hervé Kempf, grand spécialiste des OGM au Monde, que je cite régulièrement dans mon livre : « Qui ne dit mot, consent » . [4]

 

Queue lors de la projection du film à Mexico

 

En revanche, et j’allais dire comme d’habitude, la multinationale a essayé de faire porter la critique par une tierce personne, en l’occurrence une obscure association, dénommée Association française pour l’information scientifique (AFIS). [5] Comme je l’écrivais dans mon Blog , le 9 mars 2008, c’est-à-dire deux jours avant la diffusion de mon film sur ARTE, « des internautes vigilants m’ont signalé un article mis en ligne sur le site de l’Association française pour l’information scientifique (AFIS) qui ‘ se donne pour but de promouvoir la science contre ceux qui nient ses valeurs culturelles, la détournent vers des œuvres malfaisantes ou encore usent de son nom pour couvrir des entreprises charlatanesques ‘… Cette association est connue pour ses prises de position scientistes pures et dures et son soutien sans faille à l’establishment scientifique, dont elle estime que la parole et les travaux ne sauraient être questionnés par des citoyens aussi ignares qu’impies parce que non scientifiques. C’est précisément au nom de cette science « au-dessus de la mêlée » et qui n’a de compte à rendre à personne, qu’ont pu avoir lieu les grands scandales sanitaires des vingt dernières années : affaire du sang contaminé, crise de la vache folle, drame de l’hormone de croissance, ou désastre criminel de l’amiante. »

Toujours est-il que ledit article de l’AFIS comprenait un avant propos d’un certain Michel Naud, un « ingénieur et chef d’entreprise », président de l’AFIS, qui se présente comme un « rationaliste scientifique » et un « bright »… [6] Il est intéressant de noter que pour lancer leur « mise en garde » contre ce que Michel Naud appelle les « contrevérités et les approximations relayées sans esprit critique » de mon enquête sur Monsanto, les auteurs de l’AFIS n’ont rien trouvé de mieux que d’avoir recours à la calomnie et à la désinformation. Parmi les quelque deux cents reportages et documentaires que j’ai réalisés pour la télévision ils en ont retenu deux qui leur semblaient pouvoir jeter le discrédit sur mon travail : l’un intitulé « Voleurs d’organes », qui m’a valu sept prix internationaux , dont le Prix Albert Londres, et l’autre, intitulé « La science face au paranormal », diffusé sur Canal + et ARTE. Je ne reviendrai pas sur  la réponse substantielle que j’ai adressée  à l’AFIS et j’invite le lecteur à consulter les neuf messages que j’ai placés sur mon Blog à ce sujet (dans la rubrique «  les nouvelles de la toile ») [7],  mais je souligne que dans le long article développé par le Dr. Marcel Kuntz, celui-ci semble gêné aux entournures, car il est incapable de démonter ce qui aux yeux de tous les commentateurs honnêtes constitue le cœur de mon investigation, à savoir, comme je l’ai écrit dans mon Blog :

«  1) le « principe d’équivalence en substance » ne repose sur aucune donnée scientifique mais sur une « décision politique » de la Maison Blanche, destinée à favoriser, au plus vite, la mise sur le marché des OGM, en permettant que les produits issus des biotechnologies échappent aux tests sanitaires ou environnementaux.

2) ce principe d’équivalence en substance était vivement critiqué par les propres scientifiques de la FDA qui pensaient, au contraire, que le processus de manipulation génétique pouvait entraîner des « risques spécifiques » et recommandaient donc que les OGM soient minutieusement testés avant leur mise sur le marché, mais ils n’ont pas été écoutés.

3) effectivement, ce « principe a évolué depuis l’origine », puisque le Codex alimentarius de l’ONU recommande depuis … 2000 qu’il soit considéré comme une « étape ». Mais c’était quatre ans après la mise sur le marché du soja roundup ready, qui recouvre aujourd’hui des millions d’hectares!

4) les chercheurs européens ont brillé par leur silence quand ce principe a été introduit, sous la houlette de la FDA et de Monsanto, au début des années 1990, à l’OMS, la FAO et l’OCDE, alors qu’aucun OGM n’était encore cultivé (cf. chapitre 8 de mon livre). »

Très clairement l’AFIS était en lien étroit avec Monsanto ainsi qu’a pu le vérifier Christina Palmeira, la correspondante du journal brésilien Carta Capital , à qui les représentants français de la firme ont décliné sa demande d’interview, en la renvoyant sur … l’AFIS ![8]

Et puis, comble de malchance pour mes sympathiques détracteurs, le 29 mars 2008, je révélais sur mon Blog une lettre disponible sur Internet , adressée par le Dr. Marcel-Francis Kahn à Christian Vélot, enseignant-chercheur en génie génétique moléculaire à l’Université Paris Sud, l’un des rares scientifiques français , qui a le courage de dénoncer l’absence d’évaluation sérieuse des plantes pesticides de Monsanto, et qui fut menacé de perdre son travail . Voici ce qu’écrit le Dr. Kahn, qui a démissionné de l’association scientiste, en dénonçant ses liens, et notamment ceux du … Dr. Marcel Kuntz, avec Monsanto :

« Je viens de signer la pétition protestant contre la suppression des facilités de recherche dont vous bénéficiez. L’élément suivant peut vous intéresser. Je faisais partie du Comité scientifique et de patronage de l’AFIS qui édite le bulletin « Science et pseudo-science ». Je combats depuis longtemps en médecine tous les charlatanismes.

Il ne vous a peut-être pas échappé que ,sous l’influence de son rédac chef Jean-Paul Krivine, l’AFIS s’est transformée sans que notre avis soit sollicité en un véritable lobby pro OGM.Certes , je ne suis pas du tout persuadé que le maïs 810 ou d’autres soit toxique. Ce que j’ai lu ne m’en convainc pas. Mais en revanche je combats la stratégie monopolistique agressive de Monsanto et de ses diverses sociétés écran. J’ai donc demandé à la rédaction de Science et Pseudoscience que … Marcel Kuntz et Louis-Marie Houdebine indiquent leurs liens avec Monsanto et ses filiales , comme en médecine ( je m’occupe d’un journal scientifique médical et il est devenu obligatoire de préciser ce qu’on nomme conflits d’interêt) »…

http://wp.arte.tv/robin/2008/03/21/les-liens-entre-lafis-et-monsanto-la-preuve/

 

Il faudra attendre la sortie en novembre 2008 de l’édition en portugais de ce livre au Brésil – où étaient cultivés en 2007, on l’a vu, plus de quinze millions d’hectares de soja RR – pour enregistrer une première réaction officielle de la firme de Saint Louis, expliquant dès le jour de mon arrivée dans le pays (le 8 décembre 2008) sur le site Web de sa filiale brésilienne [9] que mon « livre-documentaire »  «tend à dénigrer l’image de Monsanto ».  Le papier passe en revue tous les sujets traités dans mon enquête et qui manifestement fâchent la multinationale (et à ce titre il est fort instructif ) : les PCB, l’hormone de croissance, l’agent orange, le roundup, les revolving doors , la police des gènes, etc, avec la mauvaise foi et le déni  habituels : on peut y lire, par exemple, qu’ « aucune étude scientifique n’a pu montrer le lien causal entre une exposition aux PCB et le cancer » !  Le 20 décembre, Annie Gasnier, correspondante du Monde au Brésil, et qui était présente à la projection-débat organisée par le Consul de France à Rio de Janeiro, a eu la bonne idée d’appeler le service de communication de Monsanto Brésil, lequel a avoué que le papier était « une traduction littérale du texte envoyé par le siège américain de la firme ». D’où le commentaire de la journaliste : « La réaction publiée témoigne de l’importance du Brésil dans la stratégie de la multinationale » . Au passage, ma consoeur  révèle une information qui confirme tout ce que j’ai écrit dans ce livre :  » Dans le Sud, des agriculteurs tentent d’abandonner le soja OGM, déçus par les rendements, mais ils ne trouvent plus de graines traditionnelles à cultiver ».

Annie Gasnier (2ème rangée avec le collier)

Alors que j’étais au Brésil, Soazig Quemener,  journaliste au Journal du Dimanche a cherché à m’interviewer. Malheureusement, mon programme très chargé et le décalage horaire ne m’ont pas permis de répondre à ses questions. Le 14 décembre 2008, le journal a donc publié une interview de Laurent Martel, qui représente une anthologie de langue de bois , où  commentant mon livre, il assène : « C’est un livre à charge qui assène tout un tas d’erreurs ». On  n’en saura pas plus, car aussitôt le cadre de Monsanto enfourche le cheval habituel de la firme : «   En France, nous sommes avant tout des agronomes qui travaillent au service des agriculteurs. Monsanto participe à des défis essentiels. Nous sommes 6,5 milliards d’habitants sur Terre, nous serons 9 milliards d’ici quarante ans… »

Avec le gouverneur de l’État du Paraná (Brésil)

Mais auparavant, j’ai été l’objet d’une assez extraordinaire campagne de dénigrement de mon travail, conduite sur le Web par quelques internautes jouant les spécialistes , et signant leurs attaques de divers pseudos (« Anton »,  « Gatteca », « Zobi », « Ryuujin » ou « GPF »).  Postant » leurs commentaires à toute heure du jour et de la nuit, – y compris le soir du nouvel an ! -sur mon blog et sur bien d’autres[10], comme s’ils n’avaient que cela à faire, ces partisans fanatiques des OGM ont prétendu démolir, point par point, mon enquête. Curieusement, tous (à moins que ce ne soit une et même personne, travaillant pour le compte d’une agence de communication, spécialisée dans le « marketing viral », comme je le raconte dans ce livre) ont décliné ma proposition de participer ensemble à un débat public, préférant garder leur anonymat somme toute bien confortable. Ainsi que je le soulignais un peu plus haut, ceux que je dénomme sur mon Blog « mes détracteurs personnels », et qui ont avoué, pour certains, qu’ils n’avaient pas lu mon livre ni vu mon film,  se gardent bien en tout cas de revenir sur les points essentiels de mon investigation : l’inanité du « principe d’équivalence en substance », dont découle l’absence (voire la manipulation ) d’études scientifiques sérieuses sur les OGM (comme avant sur les PCB, la rBGH, etc) et le système des revolving doors qui permet de tout verrouiller.

 

Ca bouge !

 

Au-delà des objections, finalement très minoritaires,  à mon travail de la part des supporters de Monsanto et des multinationales productrices d’OGM, mon livre/film a suscité bien d’autres réactions qui permettent d’affirmer que lentement mais sûrement les choses bougent. Ainsi, lors de l’examen parlementaire  de la loi sur les OGM au printemps 2008, on a vu des élus UMP très courageux monter au créneau, pour dénoncer les pressions exercées par Monsanto sur leurs collègues.  Le 2 avril 2008, Jean-François Legrand, sénateur de la Manche, qui avait émis des « doutes sérieux » sur le MON 810, lorsqu’il présidait le comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM, déclarait au Monde : « Certains ont fait main basse sur l’UMP afin de défendre des intérêts mercantiles, « ripolinés » pour les rendre sympathiques : on a parlé de l’avenir de la science, de celui de la recherche… La force de frappe de Monsanto et des autres semenciers est phénoménale. Il fallait voir la violence des réactions de Bernard Accoyer [président de l’Assemblée nationale] et d’autres au lendemain de l’avis rendu par le Comité de préfiguration. Il suffit de comparer les argumentaires des uns et des autres – identiques – pour comprendre l’origine de leur colère. Ils ont été actionnés. J’ai été approché par Monsanto, et j’ai refusé de leur parler. Je veux rester libre. »[11]

Le 10 juin 2008, dans une interview à l’Express, le sénateur qui a finalement été mis au ban du groupe UMP au Sénat lors de l’examen de la loi, confirmait le rôle qu’avait joué mon enquête dans sa prise de position : « J’ai vu le film et j’ai été vraiment impressionné« , témoignait- t-il, notant que certains de ses collègues ont, eux aussi, été « ébranlés ». « Mais je ne peux pas donner de noms« , ajoutait-t-il.

Quant à Antoine Herth, rapporteur du texte sur les OGM à l’Assemblée, il avouait à mon collègue de l’Express : « L’effet a surtout été indirect: il y a eu un tel battage autour de sa diffusion que nous avons été harcelés. On recevait 200 messages des altermondialistes par jour! » [12]

Au même moment, le député UMP de Moselle François Grosdidier [13] s’exprimait lui dans Libération pour dénoncer l’activisme de la FNSEA, le principal syndicat agricole, et du lobby semencier, pour que le projet de loi soit détricoté : « Mes collègues sont grandement intoxiqués (…) Les députés ruraux sont soumis à de fortes pressions« . Il évoquait des « démarches individuelles faites auprès des députés ruraux, qui constituent la majorité des députés de la majorité, par les branches départementales de la FNSEA avec plus ou moins, disons, de véhémence (…)Certains de mes collègues, dont je tairai le nom, se sont entendus dire que leur permanence risquait d’être mise à sac ». [14]

J’ai rencontré, depuis, François Grosdidier à plusieurs reprises. Il m’a confirmé que sans ce lobbying forcené de Monsanto, des semenciers comme Limagrain et de la FNSEA, la loi sur les OGM ne serait jamais passée, avec une confortable majorité de refus. Dans les faits, elle a été refusée à une voix, puis finalement imposée par le gouvernement de Mr.Fillon, qui a sorti de son chapeau une commission paritaire, permettant de contourner le rejet du parlement. Ce que j’ai appelé dans mon Blog un « déni de démocratie pur et simple ».

Le 26 novembre 2008, François Grosdidier et Serge Lepeltier, le maire de Bourges et ancien ministre de l’environnement de Alain Juppé, qui ont créé une association baptisée « Valeurs écologiques », m’ont invitée à animer un petit-déjeuner conférence à l’Assemblée nationale. À leur grande surprise, près de soixante-dix élus et membres de diverses institutions se sont déplacés.  J’ai concentré mon exposé sur l’enjeu des semences brevetées et le dessein de Monsanto de s’emparer du contrôle de la chaîne alimentaire à travers l’outil des OGM (un sujet complètement absent du débat parlementaire ), l’inévitable contamination des filières conventionnelles et biologiques, si les cultures transgéniques étaient autorisées en France, et, enfin, sur la nécessité de revoir l’homologation du roundup.

 

550 personnes à Chemillé (Maine et Loire).

Entre-temps, en effet, la condamnation de Monsanto pour « publicité mensongère » avait été confirmée par le Tribunal de Lyon,  tandis qu’une nouvelle étude publiée par le professeur Gilles-Éric Séralini avec sa collègue Nora Benachour, dans la revue Chemical Research in Toxicology,  confirmait « l’impact de diverses formulations et constituants » du roundup « sur des lignées cellulaires humaines. Et ce à des doses très faibles », pour reprendre les termes du Monde. [15]

Au même moment en Argentine, où les cultures transgéniques couvrent aujourd’hui dix-huit millions d’hectares, le gouvernement de Christina Kirchner décidait, enfin, de bouger : A la suite de différents articles parus dans le journal Página 12, largement déclenchés par  mon livre et film sur Monsanto, la présidente vient de créer , par décret, une commission d’enquête officielle sur les conséquences sanitaires dramatiques des épandages de roundup dans les zones de production de soja transgénique. Récemment, le juge Carlos Matheu a pris une décision, qui, d’avis général, fera jurisprudence, interdisant les épandages du poison de Monsanto à moins de 1500 mètres des lieux d’habitation. Dans le même temps , une série de plaintes étaient déposées, à la suite de l’explosion de cancers notamment chez les enfants, nés dans les zones de cultures de soja roundup ready. Particulièrement alarmant est le cas du quartier de Ituzaingó à Córdoba, où les mères se battent depuis des années pour que cesse cet empoisonnement, responsable d’un taux particulièrement élevé de cancers , malformations foetales et de pathologies multiples.. Enfin, une équipe médicale de l’hôpital italien de Rosario, dirigée par le Dr. Oliva, a confirmé les conséquences sanitaires désastreuses du modèle transgénique.

Avec Alberto Hernandez, ministre de l’agriculture argentin

Sofia Gattica (à gauche) du quartier de Ituzaingó (Córdoba). Elle a reçu le prestigieux Prix Goldman (voir sur ce blog) pour le travail d’alerte qu’elle a menée contre les dégâts sanitaires provoqués par les épandages de roundup.

 

Dans toutes mes conférences, j’insiste tout particulièrement sur l’urgence de revoir l’homologation du roundup, qui constitue, à mes yeux, une urgence sanitaire, et qui, de plus, est lié à 70% des plantes transgéniques cultivées sur la planète. L’argument semble faire son chemin : un peu partout en France, mais aussi au Canada, des citoyens ont décidé de rapporter leurs bidons de l’herbicide le plus vendu au monde au vendeur, et nombreuses sont les communes qui ont déjà (ou vont) interdit son usage, ainsi que celui d’autres produits similaires tout aussi dangereux.

Par exemple, en juin dernier, j’ai été invitée à faire un exposé sur le roundup par la région Poitou Charentes, qui organisait  un « forum participatif régional pour la réduction des pesticides dans les collectivités » . Plus de 150 élus ou techniciens des espaces verts avaient répondu à l’appel , révélant l’inquiétude des élus face à la catastrophe sanitaire qu’a déjà commencé à provoquer l’usage massif de pesticides, jusque dans les cours de récréation. Un article paru, le 24 novembre 2008, dans Le Monde dénonçait, pour la première fois,  les effets néfastes sur la fertilité masculine des pesticides (et plastiques), qui sont des perturbateurs endocriniens (comme le roundup de Monsanto). Leur « présence diffuse dans l’environnement » pourrait expliquer que « le nombre et la qualité des spermatozoïdes » des hommes a « diminué environ de 50% par rapport à 1950 ».[16]

Lors de mes projections/débats, qui réunissent toujours entre 2OO et 6OO personnes, je pose immanquablement la même question : « Qui a dans son entourage très proche quelqu’un qui souffre d’un cancer, de la maladie de Parkinson ou d’Altzheimer ? » Systématiquement, 80% des personnes présentes dans  la salle lèvent la main. Suivent alors invariablement les deux mêmes questions, venues, cette fois, du public : « Pourquoi ? Qu’est ce qu’on peut faire ? »

Par un « hasard » de calendrier, « Le monde selon Monsanto » est arrivé au bon moment, permettant de cristalliser les inquiétudes de la société civile,  face à cet énorme enjeu que représentent les plantes transgéniques, et au-delà face à l’angoissante épidémie de cancers, maladies neurologiques ou auto-immunes , dysfonctionnement de la reproduction, qui frappe , aujourd’hui, chaque famille dans les pays dits « développés ».

Ce sera, d’ailleurs, le sujet de mon prochain film et livre, que je vais réaliser au cours de l’année 2009 pour ARTE et La Découverte, car comme dit le dicton, « on ne change pas une équipe qui gagne »…

 Lors de la remise du prix des médias (section télévision) à Berlin (novembre 2009). Pendant cette soirée exceptionnelle, où le prix m’a été remis par Renate Künast, l’ancienne ministre de l’environnement du gouvernement Schröder, j’ai eu la surprise d’avoir un message filmé de Vandana Shiva, prix Nobel alternatif (introduit par le président de l’association Umwelthilfe):


De 2009 à 2013, de nombreux événements ont jalonné l’histoire du Monde selon Monsanto. J’invite les internautes à consulter mon Blog où j’ai tenu un compte rendu détaillé des nouvelles les plus importantes.

Parmi elles, il y a bien sûr la condamnation de Monsanto dans l’affaire de Paul François. Une première mondiale!

http://wp.arte.tv/robin/2012/02/13/paul-francois-a-gagne-son-proces-contre-monsanto/

 


[1] Titre d’un article du journal Livres Hebdo, du 18 avril 2008, rapportant que mon livre  Le monde selon Monsanto  « arrive en deuxième position des meilleures ventes  des essais ».

[2] Je viens d’apprendre qu’ARTE avait (enfin !) décidé de fabriquer le DVD espagnol réclamé à cors et à cris un peu partout en Amérique latine.

[3] <http://blogs.arte.tv/LemondeselonMonsanto>.

[4] Le Monde, 10 mars 2008

[5] http://www.pseudo-sciences.org/

[6] http://brightsfrance.free.fr/michel.naud.htm.)

[9] http://www.monsanto.com.br/monsanto/para_sua_informacao/documentario_frances.asp

[10] Voir notamment <http://imposteurs.over-blog.com>.

[12] L’Express, 12 juin 2008.

[13] François Grosdidier,a publié Tuons-nous les uns les autres. Qu’avons nous retenu des grandes catastrophes sanitaires ?, aux Editions du Rocher , 2008.

[14] Libération, 1 avril 2008

[15] « Le désherbant le plus vendu au monde mis en accusation« , Le Monde, 9 janvier 2009.

[16] « La reproduction humaine menacée par la chimie », Le Monde, 24 novembre 2008.

 

Censure à Haguenau: les pratiques antidémocratiques de la FDSEA

A dire vrai cela ne m’était encore jamais arrivé! Sur les quelque 300 projections des Moissons du futur, organisées depuis octobre dernier, c’est la première fois qu’un rendez-vous prévu de longue date était annulé quasiment à la dernière minute!

L’histoire est la suivante: M2Rfilms, ma maison de production, avait été contactée il y a plus de six mois par Le Jardin des Sciences, une « équipe pluridisciplinaire »  de l’Université de Strasbourg, dirigée par Saïd Hasnaoui.  «  Ancré au cœur de l’Université et tournée vers la Cité, le Jardin des Sciences organise un grand nombre de manifestations diverses permettant un débat science-citoyen sans cesse renouvelé« , explique le site de  cette institution très réputée en Alsace:

http://jardin-sciences.unistra.fr

Pour désenclaver la science et la rendre accessible au plus grand nombre, le Jardin des Sciences a développé un partenariat avec les communes alsaciennes, avec lesquelles il organise notamment des projections de documentaires à caractère scientifique, suivies de débats. C’est ainsi que la ville de Haguenau avait accepté sa proposition d’organiser une projection des Moissons du futur dans le cadre de la semaine du développement durable.

Il y a deux semaines, la rumeur a commencé à circuler que la FDSEA – la branche départementale de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire – avait fait pression sur le député-maire Claude Sturni pour annuler la soirée. « La FDSEA se vante d’avoir empêché ta venue » m’a ainsi prévenu un ami alsacien.

N’ayant pas été informée de ce changement de programme, M2RFilms a contacté la représentante de la mairie de Haguenau en charge de la programmation et Saïd Hasnaoui du Jardin des sciences, lesquels ont confirmé, fort embarrassés, qu’ils n’avaient rien pu faire pour empêcher cette annulation… D’après les informations que j’ai obtenues c’est un représentant de la FDSEA qui aurait effectivement demandé au député-maire d’annuler la projection, au motif que le film était « polémique »!!

Il est intéressant de constater qu’un agriculteur alsacien, représentant d’un syndicat agricole, empêche la projection d’un film qui constitue un hommage aux paysans pratiquant une agriculture efficace, productive et respectueuse de l’environnement. De quoi a-t-il peur? Mais peut-être n’a-t-il pas vu le film qui comprend une partie tournée sur une ferme allemande située à trente kilomètres de Strasbourg?!

Il est aussi intéressant de constater qu’un élu – le sieur Claude Sturni– accepte de céder aux injonctions d’un syndicaliste agricole – je choisis délibérément de rester sobre dans mes termes- et de faire annuler un événement préparé de longue date par ses services!!

Bel exemple de démocratie!!

Face à cet acte de censure manifeste, le Jardin des Sciences a rapidement rebondi en organisant à la dernière minute, en partenariat avec l’association Campus Vert– que je remercie chaleureusement-  une projection débat dans un amphithéâtre de l’Université de Strasbourg:

http://campusvert.u-strasbg.fr

Hier soir, donc quelque 150 personnes étaient présentes malgré la communication très réduite!

C’est d’autant plus remarquable que Campus Vert avait déjà projeté le film la semaine précédente: l’association m’avait invitée, mais j’avais décliné l’offre, car je pensais être à … Haguenau la semaine suivante! Je rappelle que j’avais aussi présenté mon enquête, en décembre dernier, lors d’une rencontre organisée par la librairie Kléber et le Club de la presse, où étaient présentes plus de 200 personnes.

 Je remercie donc Le Jardin des Sciences et l’Association Campus Vert pour cet acte de résistance à la censure. Je remercie aussi Mme Véronique Le Tan de la mairie de Haguenau, qui a beaucoup oeuvré pour que soit maintenue la projection, et qui était présente hier dans l’amphithéâtre. Je remercie, enfin, Mr. Philippe Muller, producteur des Soirées Thema de ARTE, qui était aussi présent pour souligner son attachement à la « liberté d’informer« . Je remercie, enfin, tous ceux et celles qui se sont mobilisées très rapidement pour que les pratiques anti-démocratiques de la FDSEA soient dénoncées.

Pour ma part, j’ai décidé d’inviter l’édile alsacien peu courageux au colloque sur l’agro-écologie organisé, lundi prochain, au sénat (voir mon post précédent). Le député-maire de Haguenau aura l’occasion d’y croiser le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, qui a promis de faire de l’agro-écologie « une force pour la France« . Il aura aussi l’occasion de voir de larges extraits du film qu’il a fait censurer sur sa commune!

 

 

 

 

Nouvelles du Canada et d’ailleurs !

Je craignais le pire, mais finalement j’ai de la chance : alors que la température affichait -20° la semaine dernière à Montréal, le thermomètre oscille autour de zéro depuis que je suis arrivée dans la ville enneigée il y a tout juste cinq jours. Je suis invitée par Stanké, mon éditeur canadien, qui après Le monde selon Monsanto et Notre poison quotidien, publie Les moissons du futur.  La sortie en librairie coïncide avec la diffusion du film sur Télé Québec, qui a décidé de le passer en deux parties. J’avoue que cette décision ne m’a pas réjouie, car le documentaire constitue un tout et je ne l’ai pas conçu pour qu’il soit coupé en deux épisodes. « Nous voulons que le film passe en prime time et nous n’avons pas de case de 90 minutes à cette heure là », m’ont expliqué les représentants de Télé Québec, qui l’ont effectivement programmé à 20 heures, dans la case « Planète Science », les lundi 11 et 18 février.

En attendant, l’avant-première organisée, lundi 11 février, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a fait salle comble : 400 personnes, et des dizaines qui n’ont pas pu réserver !

Pendant quatre jours, j’ai enchaîné les interviews avec les principaux médias de Montréal et de Québec.

Ici avec Catherine Perrin , sur la première chaîne de Radio Canada

Ou encore avec Isabelle Maréchal, sur 98,5 FM

Ou encore avec Claude Bernatchez sur Radio Canada (à Québec):

http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2013/CBV/Premiereheure201302130644.asx

 

Ou encore avec Isabelle Maher, du Journal de Montréal :

Ou encore avec Benoît Perron, dans son émission « Zone de résistance » du 12 février :

http://www.cism.umontreal.ca/show_details.php?sID=335

Comme il se doit, mon livre suscite des réactions parfois contrastées, notamment chez les climato-sceptiques, tel Rémy Charest, blogueur au Journal de Québec, qui a manifestement été « gêné » par mon premier chapitre, où je fais le point – publications scientifiques à l’appui- sur les effets – déjà à l’œuvre et annoncés- du réchauffement climatique, ce qu’il appelle du « catastrophisme ».

http://blogues.journaldequebec.com/remycharest/actualites/la-catastrophe-lespoir-et-les-moissons-du-futur/

Quant à l’argument selon lequel « aujourd’hui beaucoup plus de gens mangent à leur faim qu’il y a vingt ans », il repose sur des chiffres fluctuants et difficilement vérifiables : au moment où j’écrivais mon livre, la FAO affirmait que 925 millions de personnes souffraient de la faim dans le monde (chiffres de 2010) ; un an plus tard, ils n’étaient plus « que » 868 millions.  Quoiqu’il en soit, et n’en déplaise au sieur Charest, l’ « épicurien » qui « mange et boit » – je m’en réjouis pour lui- le fait qu’aujourd’hui une personne sur huit ne mange pas à sa faim, alors que la production alimentaire permettrait de nourrir « douze à quatorze milliards d’êtres humains», ainsi que me l’a dit Ulrich Hoffmann (ONU) prouve s’il en était besoin que le modèle agroalimentaire actuel ne fonctionne pas … Pourquoi ? C’est précisément ce que j’essaie de comprendre dans mon livre où j’épingle effectivement l’échec patent de la « révolution verte », qui malgré les sommes colossales englouties pour promouvoir ses techniques n’est pas parvenue à nourrir le monde, loin s’en faut… Mon enquête montre, au contraire, que si nous ne sommes pas parvenus à réduire de manière significative le nombre d’êtres humains qui ne mangent pas à leur faim, c’est précisément à cause du modèle agronomique et économique qu’incarnent les pesticides.

Du papier de mon confrère québécois, je retiens surtout qu’il a été convaincu par les expériences agroécologiques que j’ai découvertes sur les quatre continents. Son enthousiasme pour cette « agriculture autrement » qui dessine un « monde meilleur », en « agissant champ par champ, culture par culture » fait écho à celui que je rencontre après la projection de mon film.

Un exemple : Château-Gontier (Mayenne) où j’étais le 16 janvier. La soirée a failli tourné à l’émeute, car une centaine de personnes n’ont pas pu pénétrer dans le cinéma, faute de place : la jauge était de 200 ! « La dernière fois que j’ai vu autant de monde, c’était pour Les intouchables ! » m’a dit la responsable du cinéma ! Ce soir là, l’organisateur de la soirée a posé une question au public : « Si vous deviez résumer le film en un mot, quel serait-il ? »

Les réponses ont tout de suite fusé, mais prise par surprise, je n’ai pu filmer que la fin avec mon I Phone:

Le lendemain, la même question fut posée au public de Beaumont sur Sarthe qui s’est aussi prêté au petit jeu :

Pour finir, je voudrais rendre hommage à Eric Dauzon, un professeur de français qui était présent à la projection des Moissons du futur à Château Gontier. Ce fut une rencontre très émouvante… Il m’a raconté, en effet, qu’il avait vu et lu Notre poison quotidien et cela l’avait aidé à affronter la maladie de son épouse, atteinte d’un cancer du sein. Poète et écrivain, Eric Dauzon a conçu de cette expérience un magnifique livre illustré pour enfants qu’il a réalisé avec l’illustratrice Anne Claire Macé.

Baptisé La princesse est malade!, l’ouvrage raconte l’histoire d’une princesse empoisonnée par une … pomme que ses proches vont sauver avec beaucoup d’amour et de produits naturels. Un magnifique conte qui permet de sensibiliser les enfants aux dangers des produits chimiques mais aussi d’aborder le douloureux sujet de la maladie d’une maman ou d’un papa, avec un message d’espoir: La princesse, bien sûr, sera guérie…

Sacrée Légion!

La nouvelle est arrivée sous forme d’un SCUD électronique. J’étais dans le métro, en train de lire Adieu à la croissance de l’économiste Jean Gadrey. Mon I Phone me signale l’arrivée d’un SMS. « Félicitations pour cette légion d’honneur. Bises », m’écrit Frédérique, ma cousine, assistante sociale dans les Deux Sèvres. La veille, j’étais encore dans ce département, où j’avais rendu visite à mes parents. Je rétorque illico : « ??? ». Réponse de Frédérique : « Il y a un article dans Le Courrier de l’Ouest qui dit que tu es promue au grade de chevalier de la légion d’honneur. Je t’ai scanné et envoyé l’article ».

Voici le fameux article :

Après quelques vérifications, il m’a fallu me rendre à l’évidence : l’info du Courrier de l’Ouest n’était pas un poisson d’Avril. C’était dans le Journal Officiel, qui n’a pas l’habitude de faire des blagues.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000026871328

De fait, parmi les 691 décorés par décret présidentiel du 1e janvier 2013, figure « Mme Robin (Marie-Monique, Jeanne, Geneviève), journaliste, réalisatrice de films, écrivaine ».

Je veux donc solennellement mettre en garde tous ceux qui ne l’ont pas encore eue : la Légion d’Honneur peut vous arriver sans crier gare. C’est la surprise du Chef  (de l’État) ! J’attends toujours le courrier qui me l’annoncerait personnellement, et m’expliquerait qui m’a préparé cette décoration pour les Fêtes, bien que j’aie ma petite idée là-dessus.

Et maintenant que dire et que faire ?

Car ça n’a échappé à personne : honorée sur le contingent du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie  pour mes « 28 ans de service », je pourrais être la tête de gondole idéale d’un gouvernement qui se manifeste davantage par son respect des logiques industrielles et financières, que par un quelconque volontarisme écologiste. Dans les grands domaines qui me tiennent particulièrement à cœur, je trouve l’inertie affichée par l’équipe de François Hollande proprement affligeante, alors que la campagne du nouveau locataire de l’Elysée avait promis d’amorcer la nécessaire « transition écologique ». L’agriculture ? Malgré un titre pompeux « Faire de l’agro-écologie une force pour la France », la conférence nationale du 18 décembre a été conclue par Stéphane le Foll sur une vague promesse qu’une « autre voie est possible pour l’agriculture française », sans que ne soit annoncée aucune mesure. Pourtant, j’en vois deux urgentes : soutenir la conversion biologique des agriculteurs qui sont prêts à franchir le pas et encourager le développement de l’agro-foresterie. L’économie ? Comme beaucoup de Français(e)s, je n’ai pas digéré le Pacte de compétitivité et les vingt milliards accordés aux (grandes) entreprises, alors qu’aucune réflexion sérieuse n’a (encore) été menée sur les centaines de milliers d’emplois que pourraient générer le développement de l’agriculture biologique et du commerce de proximité, la réhabilitation du bâtiment, ou la multiplication des sources d’énergies renouvelables et locales. L’énergie ? Je n’ai pas oublié les déclarations de Delphine Batho, la ministre de l’Écologie et de l’Énergie, qui, lors de l’Université d’été du MEDEF (le 30 août) a déclaré : « La France a durablement besoin du nucléaire pour satisfaire ses besoins énergétiques, maintenir la compétitivité de ses entreprises et soutenir ses exportations ». Ce même jour, elle affirmait, à l’unisson du gouvernement  que l’aéroport de Notre Dame des Landes était « une infrastructure dont nous avons besoin ».  J’ai publiquement dit sur ce Blog et lors de la cinquantaine de projections publiques de mon film Les moissons du futur, auxquelles j’ai participé au cours des trois derniers mois, que le projet d’extension de l’aéroport de Nantes constituait un non sens environnemental et économique, et incarnait un anachronisme à l’heure des pics pétroliers et gaziers et des grands bouleversements que nous imposera inéluctablement la crise du climat.

Dois-je admettre d’être un argument de greenwashing ? La question se pose à moi, à mon entourage, à ceux qui se reconnaissent dans ce que j’accomplis. Recevoir la médaille, serait-ce accepter que le pouvoir  qui dirige aujourd’hui la politique de la France m’enrôle dans sa Légion sans me demander mon avis, me pince la joue et me réduise au silence des honneurs, comme un signe à sa boutonnière… ? J’ai hésité, c’est vrai. Mais je crois qu’accepter l’honneur, ce n’est pas reconnaître que l’action de ce gouvernement m’honore, mais assumer que je suis une fille de la République attachée à la promotion d’une valeur que ladite République est censée incarner: le bien commun.

Pour tous ceux qui partagent la conviction que les mots « liberté, égalité, fraternité » devraient constituer le moteur de l’indispensable changement , cet insigne qui me sera remis, doit être un nouveau signe de la progression de nos idéaux. Souvent nous nous indignons que ceux que le peuple a portés au pouvoir se laissent convaincre par les lobbies ; en m’accordant les honneurs que je n’ai pas sollicités, nos élus montrent au contraire qu’ils doivent tenir compte d’autres forces. Ils admettent la nécessité des lanceurs d’alerte et des empêcheurs-d’agir-en-rond qui dénoncent les tromperies admises comme des vérités, et démasquent les conflits d’intérêts et les arbitrages en faveur des puissants. Derrière la main qui me flatte, je vois les enfants victimes du trafic d’organes, les agriculteurs suicidés par l’industrie, je vois Paul Jacquin, l’instituteur tué par la rumeur, et Paul François, le paysan malade de Monsanto ; je vois aussi les disparus d’Argentine, les femmes battues, et tous ceux et celles  qui oeuvrent aux quatre coins du monde pour qu’enfin triomphent les moissons du futur.  C’est à tous ces gens-là que je dois ma récompense. Et ceux qui pensent que je ferai allégeance se trompent. Fidèle à Albert Londres, je garderai ma liberté de parole en continuant de « porter la plume dans la plaie »…

Pour finir sur un clin d’oeil, j’invite les lecteurs à méditer ce clip de Tryo qui tombe à point nommé…
TRYO – GREENWASHING par Tryo-Official

Bonnes et mauvaise nouvelles

Commençons par les nouvelles réjouissantes…

Le 26 octobre dernier, j’ai rencontré Gaby Vienot, alias Kolibri, qui avait organisé avec l’association Starting Block, une projection de mon film Les moissons du futur, dans le XXème arrondissement de Paris. Il m’avait demandé l’autorisation d’utiliser les images de mon documentaire Le monde selon Monsanto pour faire un rap décapant sur cette multinationale, considérée comme l’une des entreprises les plus polluantes de l’ère industrielle.

Et bien c’est fait !

À faire circuler sans compter !

http://www.youtube.com/watch?v=kUNxxXBAAQU

Par ailleurs, j’invite ceux qui connaissent mon livre Le monde selon Monsanto par cœur, à rédiger la dissertation proposée ci-dessous !

http://www.dissertationsgratuites.com/dissertations/Analyse-Du-Livre-Le-Monde/477572.html

En ce qui concerne l’étude de Gilles-Eric Séralini, je recommande cette émission proposée par France 3 Normandie qui a dédié une heure très documentée à l’affaire, avec des invités très intéressants, comme le sénateur Jean-François Le Grand (et président du conseil général de la manche), qui a raconté les pressions qu’il a subies lorsqu’il étaitprésident de la haute Autorité provisoire des OGM.  Pour ma part, j’ai été interviewée pour cette émission, lors de mon récent passage à Caen, pour une projection débat.

http://basse-normandie.france3.fr/emissions/pomme-gratter

Je viens de passer deux mois sur les routes de France et de Navarre, et partout Les moissons du futur ont fait salle comble. Comme ici à Auch (Gers), où j’étais invitée par la librairie des Petits Papiers.

La mauvaise nouvelle, c’est bien sûr l’étude publiée par la revue Human reproduction, qui révèle que les hommes ont perdu un tiers de leurs spermatozoïdes entre 1989 et 2005. Portant sur 26 000 hommes français, qui ont participé à un Programme d’assistance à la procréation (AMP), cette étude exceptionnelle confirme ce que je disais dans mon enquête Notre poison quotidien: cette inquiétante évolution, qui est souvent liée à des problèmes d’infertilité, est due à l’action des perturbateurs endocriniens, comme le Bisphénol A, les phtalates, les PCB (merci Monsanto!), le PFOA des récipients en téflon, ou de nombreux pesticides (comme le roundup de … Monsanto).

http://www.amazon.fr/Notre-poison-quotidien-Marie-Monique-Robin/dp/2707157708

http://www.mariemoniquerobin.com/crbst_81.html

C’est en 1992 que Niels Skakkebaek constata, pour la première fois, que la concentration des spermatozoïdes avait diminué de 50% entre 1938 et 1990.

Voici le compte rendu que je faisais de ma rencontre avec le chercheur danois dans mon livre Notre poison quotidien :

EXTRAIT

Chute de la fertilité des hommes et inquiétantes anomalies reproductives

Au moment où les pionniers de Wingspread forgeaient le terme « perturbateurs endocriniens », un scientifique danois, Niels Skakkebaek, préparait la publication d’une étude qui allait faire l’« effet d’un coup de tonnerre ». Avec ses collègues de l’hôpital universitaire de Copenhague, il a « analysé soixante et un articles publiés de 1938 à 1990, concernant un total de 14 947 hommes fertiles ou en bonne santé, issus de tous les continents, et a mis en évidence une décroissance régulière de la production spermatique au cours du temps. En effet, alors que les premières études datant de 1938 rapportaient une concentration moyenne de 113 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme, les dernières publications de 1990 faisaient état d’une concentration moyenne de 66 millions par millilitre[i] ». En clair : la quantité de spermatozoïdes contenue dans un éjaculat a baissé de moitié en moins de cinquante ans !

Publiés en septembre 1992 dans le très sérieux British Medical Journal[ii], les résultats de l’étude paraissaient tellement incroyables qu’ils suscitèrent le doute de Jacques Auger et Pierre Jouannet, deux spécialistes français de la santé reproductive et fondateurs des CECOS (Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme), organismes essentiels pour permettre le développement des fécondations in vitro (FIV). Ceux-ci décidèrent d’analyser et de comparer les éjaculats des 1 750 donateurs de spermes parisiens entre 1973 (date de la création du CECOS de l’hôpital Kremlin-Bicêtre) et 1992. Les résultats confirmèrent ceux de l’étude danoise : en deux décennies, la quantité de spermatozoïdes avait chuté d’un quart, soit une baisse de la concentration d’environ 2 % par an. Les hommes nés en 1945 et mesurés en 1975 avaient une moyenne de 102 millions de spermes par millilitre, contre 51 millions pour ceux nés en 1962 (et mesurés trente ans plus tard). De plus, la chute quantitative s’accompagnait d’une baisse de la qualité des spermatozoïdes, qui présentaient une mobilité réduite et des anomalies de forme, entraînant une réduction de la fertilité[iii]. Dans le livre qu’il a cosigné avec Bernard Jégou et Alfred Spina, Pierre Jouannet souligne le doute qu’a suscité de nouveau cette étude décidément fort dérangeante : « Ces résultats semblaient aller tellement à l’encontre d’une donnée communément admise – la stabilité de la production spermatique – que le prestigieux journal qui publia cet article (le New England Journal of Medicine) le fit spécialement évaluer par un statisticien externe[iv]. »

Les préjugés ayant la peau dure, Shanna Swan, une épidémiologiste américaine, entreprit en 2000 de reprendre la méta-analyse de Niels Skakkebaek, en y ajoutant quarante publications supplémentaires. Et elle confirma – définitivement et à la hausse – les conclusions de l’équipe danoise, puisqu’elle constata une baisse annuelle moyenne de la densité spermatique de 1,5 % aux États-Unis et de 3 % en Europe et en Australie sur la période 1934-1996[v].

Les remous suscités par sa publication font encore sourire Niels Skakkebaek, dont l’histoire a été racontée par Theo Colborn dans Our Stolen Future. « Quand mon étude est sortie, tout le monde s’est focalisé sur la baisse très spectaculaire des spermatozoïdes, a-t-il commenté lorsque je l’ai rencontré, le 21 janvier 2010, dans son laboratoire du Rigshospitalet, à Copenhague. Mais pour moi, elle comprenait une autre information tout aussi inquiétante, à savoir l’augmentation constante du taux de cancer des testicules, notamment au Danemark où il avait été multiplié par trois entre 1940 et 1980. C’était d’autant plus troublant que cette hausse n’était pas observée dans la Finlande voisine, un pays essentiellement forestier et très peu industrialisé. De plus, j’avais constaté la même différence pour deux anomalies de l’appareil génital masculin, quatre fois plus fréquente au Danemark qu’en Finlande : la cryptorchidie et l’hypospadias. »

Pour bien comprendre l’importance de la découverte réalisée par le chercheur danois, il faut savoir que « la descente des testicules dans les bourses est contrôlée par des hormones : l’insuline-like factor 3 et la testostérone. Quand les testicules ne sont pas descendus dans le scrotum avant trois mois, on parle de cryptorchidie », ainsi que l’expliquent les auteurs de La Fertilité est-elle en danger ? De même, concernant l’hypospadias, ils précisent : « La formation de l’urètre dans le pénis est contrôlée par la testostérone. Ce développement peut être perturbé. Au lieu de s’ouvrir au niveau du gland, l’urètre se termine alors par une ouverture plus ou moins large sous le pénis ou même au niveau des bourses[vi]. »

Perturbé par les résultats de son étude, Niels Skakkebaek se met en rapport avec son collègue écossais Richard Sharpe, qui a constaté les mêmes anomalies reproductives au Royaume-Uni. Ensemble, ils épluchent la littérature scientifique et découvrent que des expériences menées sur des rats exposés à du distilbène, un œstrogène de synthèse (voir infra, chapitre 17), ont révélé le même type de malformations congénitales. « C’est ainsi que, pour la première fois, nous avons émis l’hypothèse que la multiplication des anomalies reproductives pouvait être due à une exposition accrue à des œstrogènes pendant la vie prénatale[vii], m’a expliqué l’endocrinologue et pédiatre danois.

– Vous avez mené un vrai travail de détective ?

– Oui, je crois qu’on peut le dire, car à l’époque, ce champ d’investigation était complètement nouveau. La chance que j’ai eue, si je puis dire, c’est que ma recherche fondamentale était nourrie par ma pratique médicale, ici, au Rigshospitalet, où de nombreux hommes présentant des problèmes d’infertilité sont venus me consulter. En examinant les biopsies de leurs testicules, j’ai découvert que ceux-ci contenaient des cellules précancéreuses. Or, il s’est avéré que plusieurs de ces hommes que j’ai suivis pendant plusieurs années ont effectivement développé un cancer des testicules. L’autre fait troublant était que les cellules précancéreuses présentes dans les testicules de ces hommes infertiles étaient similaires aux cellules germinales que l’on trouve chez un fœtus. Ces cellules ne devraient pas être dans les testicules d’un homme adulte. Tout indique que quelque chose a bloqué le développement des cellules fœtales qui auraient dû mûrir et évoluer vers la production de sperme, mais elles se sont maintenues au stade de cellules germinales dans les testicules, ce qui fait que l’homme est né avec ces cellules immatures. Pendant l’enfance, elles sont restées dormantes, mais à la puberté elles ont commencé à se multiplier pour finalement développer un cancer.

– Comment expliquez-vous ce phénomène ?

– L’hypothèse la plus probable, c’est que les mères ont été exposées à des perturbateurs endocriniens pendant leur grossesse, à un moment crucial pour le développement de l’appareil génital de leur bébé. Cette contamination prénatale a entraîné une série de dysfonctionnements qui sont tous liés : les problèmes de fertilité, les malformations congénitales comme la cryptorchidie ou l’hypospadias et le cancer des testicules. Avec des collègues, j’ai baptisé ce phénomène le “syndrome de dysgénésie testiculaire”, car on est en face de plusieurs symptômes qui ont la même origine fœtale et environnementale. Cela veut dire aussi que les hommes qui ont des difficultés à faire un enfant doivent se faire régulièrement suivre, car le risque qu’ils développent un cancer des testicules avant quarante ans est considérablement accru[viii].

– Que répondez-vous à ceux qui disent que le cancer n’a rien à voir avec la pollution environnementale, mais qu’il est dû à une augmentation de la population âgée ?

– Pour le cancer du testicule, ce n’est pas vrai, car il est caractéristique des hommes jeunes, âgés de vingt à quarante ans, m’a répondu le docteur Skakkebaek. Les hommes de plus de cinquante-cinq ans ont un risque presque nul de développer une tumeur des testicules. Il se trouve aussi que le cancer des testicules est l’un des cancers qui a le plus progressé au cours des trente dernières années et la seule explication possible, c’est la contamination environnementale.

– Et comment peut-on protéger les hommes de ces troubles graves ?

– Le seul moyen de les protéger, c’est de protéger leurs mères ! Le problème c’est que les perturbateurs endocriniens sont partout. Mais il y a des produits que les femmes enceintes devraient absolument éviter comme les phtalates, que l’on trouve dans de nombreux emballages plastiques et films de protection alimentaires, des objets en PVC, mais aussi dans des produits de soin corporel comme les shampoings. J’ai récemment publié une étude qui montre qu’il y a une corrélation entre le taux de phtalates présent dans le lait maternel et celui des malformations congénitales, comme la cryptorchidie, chez les petits garçons[ix]. Il faut aussi éviter les produits qui contiennent du bisphénol A, comme les récipients en plastique dur ou certaines boîtes de conserve [voir infra, chapitre 18], mais aussi les poêles et casseroles antiadhésives qui contiennent de l’acide perfluorooctanoïque (PFOA)[x]. Je viens de publier une étude qui montre que les hommes fortement imprégnés de résidus de PFOA ont en moyenne 6,2 millions de spermes dans un éjaculat, ce qui est proche du seuil de la stérilité[xi]. Et puis, il est préférable de manger des fruits et légumes issus de l’agriculture biologique, car de nombreux pesticides sont des perturbateurs endocriniens.

– Mais concernant le bisphénol A ou le PFOA, les agences de réglementation ne cessent de répéter que les résidus que l’on trouve dans nos organismes sont négligeables, car ils sont bien en dessous de la dose journalière acceptable de ces produits : est-ce qu’elles se trompent ?

– Je ne suis pas toxicologue, mais en tant qu’endocrinologue, je peux vous dire que ces substances agissent à des doses infinitésimales qui sont bien inférieures à la DJA qui leur a été assignée. Tout indique que le système de réglementation n’est pas adapté aux perturbateurs endocriniens.

– Pensez-vous que l’espèce humaine est en danger ?

– Je pense que la situation est sérieuse. Au Danemark, aujourd’hui, 8 % des enfants sont conçus par des techniques de procréation médicale assistée comme la fécondationin vitro (FIV), c’est déjà beaucoup et les couples qui présentent un problème de fertilité sont de plus en plus nombreux. Il est urgent d’agir… »

FIN DE L’EXTRAIT


[i] Bernard Jégou, Pierre Jouannet et Alfred Spira, La Fertilité est-elle en danger ?, op. cit., p. 60.

 

[ii] Elisabeth Carlsen, Niels Skakkebaek et alii, « Evidence for decreasing quality of semen during past 50 years », British Medical Journal, vol. 305, n° 6854, 12 septembre 1992, p. 609-613.

[iii] Jacques Auger, Pierre Jouannet et alii, « Decline in semen quality among fertile men in Paris during the last 20 years », New England Journal of Medicine, vol. 332, 1995, p. 281-285.

[iv] Bernard Jégou, Pierre Jouannet et Alfred Spira, La Fertilité est-elle en danger ?, op. cit., p. 61.

[v] Shanna Swan, « The question of declining sperm density revisited : an analysis of 101 studies published 1934-1996 », Environmental Health Perspectives, vol. 108, n° 10, octobre 2000, p. 961-966.

[vi] Bernard Jégou, Pierre Jouannet et Alfred Spira, La Fertilité est-elle en danger ?, op. cit., p. 71-74.

[vii] Richard Sharpe et Niels Skakkebaek, « Are oestrogens involved in falling sperm counts and disorders of the male reproductive tract ? », The Lancet, vol. 29, n° 341, 29 mai 1993, p. 1392-1395.

[viii] Niels Skakkebaek et alii, « Testicular dysgenesis syndrome : an increasingly common developmental disorder with environmental aspects », Human Reproduction, vol. 16, n° 5, mai 2001, p. 972-978.

[ix] Katharina Main, Niels Skakkebaek et alii, « Human breast milk contamination with phthalates and alterations of endogenous reproductive hormones in infants three months of age », Environmental Health Perspectives, vol. 114, n° 2, février 2006, p. 270-276. De nombreuses études ont montré ce lien, comme : Shanna Swan et alii, « Decrease in anogenital distance among male infants with prenatal phthalate exposure », Environmental Health Perspectives, vol. 113, n° 8, août 2005, p. 1056-1061.

[x] « Alerte aux poêles à frire », <Libération.fr>, 30 septembre 2009. Dupont de Nemours, détenteur de la marque Téflon depuis 1954, a annoncé qu’il cesserait d’utiliser le PFOA d’ici… 2015.

[xi] Ulla Nordström, Niels Skakkebaek et alii, « Do perfluoroalkyl compounds impair human semen quality ? », Environmental Health Perspectives, vol. 117, n° 6, juin 2009, p. 923-927.

Voici, enfin, un montage que j’avais réalisé sur la baisse de fertilité des hommes mais que j’avais dû couper du montage, pour cause de longueur…

 

L’irrésistible succès des Moissons du futur

Je continue ma tournée française qui confirme ce que j’ai déjà écrit sur ce Blog : partout les salles sont pleines, et régulièrement les organisateurs sont obligés de refuser du monde, pour des questions de sécurité ! Partout, aussi, Les moissons du futur soulèvent l’enthousiasme pour des raisons similaires que je résume ici, en me basant sur ce que j’ai entendu à de nombreuses reprises :

Je continue ma tournée française qui confirme ce que j’ai déjà écrit sur ce Blog : partout les salles sont pleines, et régulièrement les organisateurs sont obligés de refuser du monde, pour des questions de sécurité ! Partout, aussi, Les moissons du futur soulèvent l’enthousiasme pour des raisons similaires que je résume ici, en me basant sur ce que j’ai entendu à de nombreuses reprises :

–       Ce film « fait du bien », car on voit qu’il y a des alternatives qui marchent au modèle dominant de l’agrobusiness ;

–       Les paysans ont l’air heureux et sont fiers de leur travail ;

–       On comprend que tout est imbriqué : le Nord et le Sud, le global et le local ; les producteurs et les consommateurs ;

–       Grâce à l’exemple de l’ALENA (Mexique/Etats Unis) et l’histoire du Sénégal (protection de la filière oignons), on comprend que le « libre échange » est une « farce » (comme le dit Ulrich Hoffmann, l’expert des Nations Unies) et que le protectionnisme n’est pas un gros mot…

–       Les images sont magnifiques et l’astuce du globe qui circule de main en main, et de continent en continent, nous rappelle que nous sommes tous des « terriens », reliés par un destin commun.

–       Ce film donne envie d’agir là où nous sommes.

Je constate avec plaisir, que contrairement à certains journaux réputés « sérieux » (comme Libération ou Le Monde), qui ont complètement « zappé » ce sujet lors de la présentation de mon film, le public est particulièrement sensible à la question des « externalités », c’est-à-dire des coûts induits par l’agriculture industrielle (pollution de l’eau, maladies provoquées par les pesticides, etc), qui ne sont pas pris en compte pour fixer le prix des aliments issus de l’agriculture « conventionnelle » ou chimique.

Cela conforte mon intuition qu’il faut continuer ce travail de pédagogie, en déconstruisant la machine économique, dont les indicateurs sont faussés par toute une série de mécanismes pervers qui occultent les processus de destruction des ressources de la planète. Il est urgent de tout remettre à plat, et notamment de questionner le mythe de la croissance qui est au cœur de l’idéologie productiviste et consumiériste, dont tout indique qu’elle nous mène droit dans le mur. C’est le but de ma prochaine enquête, intitulée provisoirement « Sacrée croissance ! »

Vous pouvez soutenir la production de ce nouveau film, en pré-achetant le DVD, ainsi que l’ont fait quelque 2000 souscripteurs pour Les moissons du futur.

J’en profite pour vous informer que ARTE Reportage diffusera, samedi 1er décembre, vers 18 heures 20, un documentaire de 26 minutes sur le drame des paysans de Fukushima, intitulé « Terre souillée »,  que j’ai tourné lors de mon voyage au Japon, en juin dernier.

Faites circuler ces informations pour lesquelles vous trouverez plus de détails sur le site de m2rfilms :

http://www.m2rfilms.com/crbst_19.html

Pour finir, je mets en ligne quelques images qui rendent compte du succès des Moissons du futur dans toutes les salles de France et de Navarre :

– Je remercie Audrey Hoc, qui a réalisé un joli reportage sur la projection qui s’est tenue à Bayonne, la semaine dernière :

http://lautretv.fr/actualites/video/regards-croises-sur-film-engage_140#

– 300 personnes à Lorient, le 5 novembre, où je ne suis jamais arrivée, en raison d’un retard (cinq heures!) de mon TGV.

– 250 personnes à Pessac, le 14 novembre

– 260 personnes à Arbois, pour Notre poison quotidien (le 23 novembre)

Lors de mon court séjour à Arbois, j’ai rencontré Pierre Overnoy (photo ci-dessous), un viticulteur de renommée internationale qui pratique l’agriculture biologique, sans aucun produit chimique (y compris le soufre) depuis … 1964. Installé à Pupillin, il a été chaleureusement applaudi lors du débat qui a suivi la projection de Notre poison quotidien, auquel participait le docteur Jean-Jacques Laplante, un médecin de la Mutualité sociale agricole (MSA), auteur d’un ouvrage intitulé Les maux de la terre, où il aborde les dégâts sanitaires causés par les pesticides chez les paysans.

– 400 personnes (auxquelles s’ajoute une centaine de « refoulés »)  à Lons le Saunier pour Les moissons du futur (le 24 novembre):

– 350 personnes à Chadrac près du Puy en Velay (le 25 novembre)

Photo: Vincent Pradier

Sans oublier Caen (200 personnes), Dijon (130 personnes), etc

Je renvoie aussi vers quelques liens glanés sur la toile:

http://www.sudouest.fr/2012/11/19/les-moissons-du-futur-ou-le-bon-grain-qui-dit-vrai-882817-706.php

http://www.starting-block.org/actus/focus/277-marie-monique-robin-il-faut-se-desintoxiquer-de-la-consommation

http://collectif-personnels.bergerie-nationale-rambouillet.over-blog.com/article-les-moissons-du-futur-a-la-bn-112411169.html

http://www.macommune.info/evenement/film-debat-notre-poison-quotidien-76038

http://www.msafranchecomte.fr/lfr/-notre-poison-quotidien-

http://www.lalsace.fr/loisirs/2012/11/16/du-reve-au-reveil-le-film-engage

http://www.ecolo-pratique.com/index.php/2012/11/12/les-moissons-du-futur-choisir-son-avenir/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=les-moissons-du-futur-choisir-son-avenir

Sans oublier ce quiz proposé par Babelio sur Le monde selon Monsanto! A vous de jouer!

http://www.babelio.com/quiz/2853/Le-Monde-selon-Monsanto?qq=1