Avis aux amateurs !
Lundi 8 avril se tiendra au Palais du Luxembourg un colloque sur l’agro-écologie organisé par le sénateur Joël Labbé (EELV) qui m’a demandé d’en assurer la coordination et la modération. Cette journée est ouverte au public, mais il est impératif de s’inscrire pour pouvoir y participer, car le nombre de places est limité (200).
Le colloque sera ouvert par Stéphane Le Foll, le ministre de l’agriculture, dont on attend avec impatience qu’il prenne des mesures au plus vite pour « faire de la l’agro-écologie une force pour la France ». C’était le titre de la conférence nationale sur l’agriculture que son ministère a organisée, le 18 décembre 2012, au Conseil économique, social et environnemental (Place d’Iéna, à Paris). Après cette journée « prometteuse » où il était question de « produire autrement », force est de reconnaître qu’aucune mesure concrète n’a été annoncée…
Pour ma part, je vois deux chantiers urgents :
– aider la conversion des paysans qui sont prêts à changer de système. Et, comme j’ai pu le constater lors de ma tournée française, ils sont très nombreux ;
– encourager le développement de l’agroforesterie, en aidant les paysans à acheter et replanter des arbres, y compris au milieu de leurs champs de blé !
Pour mon enquête Les moissons du futur, j’ai notamment filmé la ferme expérimentale de l’INRA, sur le domaine de Restinclières, dans l’Héraut, où Christian Dupraz mène un programme d’agro-foresterie unique en Europe, où il fait pousser du blé sous les noyers !
Vous pouvez avoir un aperçu de cette expérience sur le site d’ARTE :
http://www.arte.tv/fr/france/6984730.html
Vous pouvez aussi en savoir plus en lisant le chapitre de mon livre que j’ai consacré à ce programme pilote qui n’attend qu’à être reproduit partout en France !
Lors du colloque au sénat, auquel participera Olivier de Schutter, le rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, Fabien Liagre, le collègue de Christian Dupraz, présentera les multiples avantages environnementaux et économiques de l’agro-foresterie.
Parmi les intervenants, il y aura aussi Sjored Wartena, le fondateur de Terre de Liens, une association qui fait appel à l’épargne populaire et solidaire pour acheter des fermes et permettre l’installation d’agriculteurs biologiques.
Alors qu’en France, deux cents exploitations agricoles disparaissent, chaque semaine, le rôle de Terre de Liens est capital. Depuis sa création, en 2003, l’association a réussi à lever 30 millions d’Euros de capital (7600 actionnaires) pour acquérir 97 fermes , louées à ce jour à 210 agriculteurs.
http://www.terredeliens.org/spip.php?page=accueil
Les terres acquises ne sont pas destinées à être revendues. L’objectif de Terre de Liens est, en effet, de sanctuariser les terres agricoles, pour les soustraire à la spéculation et à la concentration de la propriété de la terre.
En effet comme cela sera souligné lors du colloque, l’un des plus gros freins au développement de l’agro-écologie c’est l’accès au foncier. La logique agroindustrielle a conduit à un agrandissement considérable de la taille moyenne des fermes et à la concentration toujours plus poussée de la propriété de la terre. Dans tous les départements, on assiste régulièrement au même scénario: une ferme se « libère », à la suite du départ à la retraite ou au décès d’un agriculteur sans successeur. Comme le prévoit la loi d’orientation agricole de … 1960, le terres disponibles ne peuvent être vendues sans l’accord des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) qui ont un droit de préemption. comme j’ai pu le constater dans de nombreux départements où j’étais en « tournée », bien souvent les SAFER – où siègent les organisations professionnelles agricoles, dont la FNSEA) ont souvent tendance à accorder la ferme disponible à un gros exploitant agricole, qui agrandit ainsi ses surfaces. Récemment, à Avignon, j’ai entendu le témoignage d’un jeune maraîcher bio, qui avait essayé d’acquérir trois hectares pour s’installer, mais la SAFER a préféré attribuer les terres au fils d’un agriculteur qui possédait déjà une très grande ferme.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé de « marrainer » un projet d’installation, soutenue par Terre de Liens Normandie.
Fin janvier, je me suis ainsi rendue sur la ferme des Clos Mignons, à Sainte Marguerite en Ouche , dans l’Eure. J’y ai rencontré Sophie et Vincent Ozeblio qui cherchent à s’installer depuis huit ans ! Grâce à Terre de Liens, qui a déjà réuni plus de 100 000 Euros (sur les 160 000 Euros requis), le couple va pouvoir s’installer, avec ses deux enfants, sur une exploitation appartenant à Françoise Moraine, une agricultrice qui part à la retraite. En arrivant, j’ai découvert avec bonheur que la ferme comprenait un verger agro-forestier (trois hectares), avec des moutons qui paissent sous les pommiers.
Sophie et Vincent envisagent aussi de fabriquer du fromage de chèvres (ils vont récupérer le troupeau de Michel, un voisin qui part aussi à la retraite) et d’élever des poulets fermiers.
Vous pouvez soutenir leur installation à cette adresse:
Je mets ici en ligne une petite vidéo que j’ai filmée avec mon portable lors de ma visite sur la ferme le 26 janvier dernier. Le soir, Terre de Liens Normandie avait organisé une projection des Moissons du futur pour continuer à récolter des fonds. Avis aux amateurs !!
Enfin, je salue l’initiative de Terre de Liens Normandie qui vient de lancer un « convertisseur alimentaire », permettant de calculer combien de paysans et paysannes nous devrions avoir si la France passait massivement à l’agriculture biologique et si les consommateurs relocalisaient leur consommation.
Je vous invite à faire un test sur le site de Terre de Liens Normandie en calculant combien d’emplois agricoles l’agriculture biologique pourrait créer dans votre ville :
http://convertisseur.terredeliensnormandie.org/
Pour la France, le développement d’une agriculture biologique de proximité nécessiterait 1187 000 paysans (travaillant sur 22 963 759 ha, équivalant à 80% de la Surface Agricole Utile) , soit deux fois plus qu’aujourd’hui, et donc une création de plus de 400 000 emplois !
Qu’attend le gouvernement pour aller au plus vite dans cette direction ?