Désaccord historique à l’EFSA sur les OGM

J’invite les internautes à lire cet article, publié dans le Journal de l’environnement: intitulé « Impact des OGM: désaccord» scientifique à l’Efsa », Sabine Casalonga y rapporte un désaccord au sein de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), concernant l’usage de marqueurs de résistance aux antibiotiques pour la fabrication des OGM.

Dans mon livre, j’explique longuement quelles inquiétudes soulève cet usage que je résume ici en quelques mots: pour fabriquer leurs OGM, les techniciens de la manipulation génétique utilise un canon à gènes qui bombarde de petites boules d’or sur lesquelles ont été attachées le gène dit d' »intérêt » (comme le gène de résistance au roundup) sur une culture de cellules.

En moyenne , seule une cellule sur mille, « attrape » le gène, en l’insérant par la force dans son ADN, toutes les autres étant détruites ou intouchées( en d’autres termes, sans ces techniques de guerre, il est impossible de fabriquer des OGM…)

Le problème des apprentis sorciers du génie génétique c’est qu’ils ne savent pas quelle cellule a capté le gène pour la cultiver et reproduire d’où leur idée d’adjoindre à la construction génétique insérée par effraction ce qu’ils appellent un « marqueur de sélection », en l’occurrence un gène de résistance aux antibiotiques (généralement la kanamycine).

Pour vérifier que le transfert a bien eu lieu, on arrose les cellules d’une solution antibiotique, les « élues » étant celles qui survivent à ce traitement de choc. Cette technique suscite logiquement des inquiétudes sanitaires: à l’heure où la résistance aux antibiotiques est en passe de devenir un grave problème de santé publique, certains Cassandre craignent que le « marqueur de sélection » soit absorbé par les bactéries qui peuplent la flore intestinale des humains, réduisant la capacité de lutter contre les agents infectieux.

Cette inquiétude a été partagée par le gouvernement allemand , lorsqu’il a examiné la demande de mise sur le marché de Monsanto pour son maïs BT MON 863, qui contient un gène de résistance aux antibiotiques. Pourtant, le 19 avril 2004, l’EFSA se fendait d’un communiqué de presse qui écartait d’un revers de main cette inquiétude légitime:

« Le comité confirme que les marqueurs de résistance aux antibiotiques sont, dans la majeure partie des cas, nécessaires pour permettre une sélection efficace des OGM », y déclarait son président, Harry Kuiper. Certes, mais comme le faisait remarquer Les Amis de la terre :

« La directive européenne (sur les OGM) ne demande pas de confirmer si les marqueurs de résistance aux antibiotiques sont un outil efficace pour l’industrie de la biotechnologie, mais s’ils peuvent avoir des effets nocifs sur l’environnement et la santé humaine. »

Les Amis de la terre avaient quelques raisons de trouver la réponse de l’EFSA suspecte. En effet, en novembre 2004, l’association avait publié un rapport très détaillé (et très inquiétant) sur le fonctionnement de l’EFSA :

« Throwing caution to the wind », A review of the European Food Safety Authority and its work on genetically modified foods and crops ».

Voici le résumé que j’ai fait de ce rapport dans mon livre:

DÉBUT EXTRAIT

Créée en 2002, dans le cadre de la directive européenne 178/2002 sur la sécurité des produits alimentaires, cette institution compte huit comités scientifiques, dont un est chargé exclusivement de l’évaluation des OGM. C’est précisément ce dernier, que nous appellerons « comité OGM », qui est l’objet du rapport.

Premier constat des Amis de la terre : « Après un an d’activité, le comité a émis dix avis scientifiques, tous favorables à l’industrie des biotechnologies. Ces avis ont été utilisés par la Commission européenne, qui subit une pression croissante de la part des industriels et des États-Unis, pour pousser les nouveaux produits transgéniques sur le marché. Ils ont aussi servi à créer la fausse impression qu’il y avait un consensus scientifique, alors que la réalité est qu’il existe [au sein du Comité] un débat intense et continu et beaucoup d’incertitudes. Des inquiétudes quant à l’utilisation politique de leurs avis ont été exprimées par des membres de l’EFSA eux-mêmes. »

D’après le rapport, cette situation serait due aux liens étroits qui unissent « certains membres » du comité OGM avec les géants des biotechnologies, avec en tête son président, le professeur Harry Kuiper. Celui-ci est en effet le coordinateur d’Entransfood, un projet soutenu par l’Union européenne pour « favoriser l’introduction des OGM sur le marché européen et rendre l’industrie européenne compétitive » ; à ce titre, il fait partie d’un groupe de travail comprenant Monsanto et Syngenta.

De même, Mike Gasson travaille pour Danisco, un partenaire de Monsanto ; Pere Puigdomenech est le co-président du septième congrès international sur la biologie moléculaire végétale, sponsorisé par Monsanto, Bayer et Dupont ; Hans-Yorg Buhk et Detlef Bartsch sont « connus pour leur engagement en faveur des OGM, au point d’apparaître sur des vidéos promotionnelles, financées par l’industrie des biotechnologies » ; parmi les (ra-res) experts extérieurs sollicités par le comité, il y a notamment le docteur Richard Phipps, qui a signé une pétition en faveur des biotechnologies pour AgBioWorld (voir supra, chapitre 12) et apparaît sur le site de Monsanto pour soutenir l’hormone de croissance laitière …

FIN EXTRAIT

Voici maintenant l’article du Journal de l’environnement qui souligne, à juste titre, que c’est la première fois que les membres de l’EFSA ne sont pas unanimes dans leurs décisions et avis!

S’agissant d’un sujet aussi controversé que les OGM, l’unanimité dont faisait preuve systématiquement l’EFSA ne pouvait que surprendre

Pour la première fois, deux scientifiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ont émis des réserves sur l’innocuité des plantes transgéniques contenant des gènes marqueurs de résistance aux antibiotiques (GMRA), comme la pomme de terre Amflora commercialisée par le groupe allemand BASF. Ces opinions minoritaires n’ont toutefois pas été prises en compte dans l’avis final de l’Efsa, publié mercredi 11 juin.

A la demande de la Commission européenne, l’Efsa a consulté deux groupes d’experts scientifiques sur l’utilisation des GMRA dans des plantes génétiquement modifiées (GM), l’un sur les OGM qui n’a rien trouvé à redire, et l’autre sur les «risques biologiques».

Les scientifiques du second groupe ont conclu que «lors de l’utilisation de plantes GM, il est peu probable que le transfert des deux GMRA à partir de plantes GM vers des bactéries engendre des effets indésirables sur la santé humaine et sur l’environnement». Toutefois, deux membres du groupe ont exprimé un avis s’opposant à ces conclusions. Christophe Ngyuen-Thé et Ivar Vagholm, ont estimé qu’il serait «imprudent» de relativiser des effets négatifs sur la santé, et jugé «probable» des conséquences de la culture OGM sur l’environnement par dissémination, rapporte l’AFP.

Malgré cela, les présidents des deux groupes ont indiqué que les opinions minoritaires avaient longuement été examinées lors de la préparation de l’avis commun, et qu’aucun travail scientifique ou clarification supplémentaires n’étaient requis. L’Efsa a également conclu «qu’aucune nouvelle preuve scientifique n’avait été apportée qui pourrait l’inviter à modifier ses avis précédents concernant ces plantes GM».

La Commission européenne s’est refusée à tout commentaire sur ce désaccord au sein de la communauté scientifique. Le groupe BASF a affirmé à l’AFP que «l’évaluation rendue par l’Efsa permettait à la Commission d’approuver Amflora». Le gouvernement allemand a donné son feu vert en avril à un essai de culture en plein champ de l’Amflora, en attendant une autorisation européenne.

Greenpeace souligne que «pour la première fois un désaccord apparaît au sein de l’Efsa sur les risques liés aux semences génétiquement modifiées». «Nous saluons cette opinion sans précédent et la reconnaissance du manque de certitudes au sein de la communauté scientifique sur les semences génétiquement modifiées», a déclaré Marco Contiero conseiller politique de Greenpeace.

L’Amflora est une semence de pomme de terre conçue pour être renforcée en amylopectine, un composant de l’amidon utilisé par l’industrie pour fabriquer des textiles, du béton ou du papier.

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