La nécessité de changer de paradigme et de soutenir les résistants de Notre Dame des Landes

Je poursuis mon tour de France et d’Europe, pour présenter Les moissons du futur, enchaînant les TGV (qui arrivent de plus en plus rarement à l’heure), les voyages en voiture, tramway et autres moyens de transport. Partout où je vais, les salles sont combles, preuve que ce film et livre répondent à une attente d’un public de plus en plus large. Au moment de boucler ma valise, je suis régulièrement assaillie par un sentiment de lassitude, car ces déplacements rapprochés sont épuisants. Mais celui-ci disparaît, comme par enchantement, dès que j’entends les applaudissements chaleureux qui ponctuent systématiquement la fin du film, comme un « remerciement », pour reprendre les termes de Yashinori Kaneko, le paysan bio des Moissons du futur. Les débats qui suivent s’étirent jusque tard dans la nuit, car les questions et témoignages sont nombreux.

Il est frappant de voir le décalage qui existe entre la prise de conscience du public qu’il « faut changer de cap », ainsi que le dit dans le film Olivier de Schutter, le rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, et l’inertie des politiques qui continuent d’ignorer l’imminence des crises majeures qui nous attendent dans les deux prochaines décennies. Je suis surprise – pour ne pas dire déçue- de constater que le gouvernement actuel n’ait pas encore émis de signaux clairs, annonçant au minimum une amorce de changement de cap… Tout indique que nos dirigeants continuent de fonctionner avec un , vieux logiciel qui date de XXème siècle où l’on croyait le « développement » et la « croissance » illimités, au point d’en faire l’alpha et l’oméga de toute action politique. Or ces temps sont résolus, car les énergies fossiles bon marché appartiendront bientôt au passé, d’où la nécessité d’anticiper, en prenant des mesures qui préparent l’incontournable transition, sous peine d’avoir à les prendre sous la contrainte, ce qui sera beaucoup plus douloureux.

Ces mesures indispensables concernent, bien sûr , l’agriculture française, qui s’avère d’une extrême vulnérabilité, car très liée aux énergies fossiles. Mais, pour l’heure, c’est le statu quo du côté du ministère de l’agriculture et de Stéphane Le Foll, dont je crains qu’il ressemble fort à son prédécesseur (vedette des Moissons du futur !).

Même constat du côté de Matignon,Jean-Marc Ayrault continue de défendre bec et ongles son projet d’extension de l’aéroport de Nantes, à Notre Dame des Landes, qui constitue une véritable aberration, pour plusieurs raisons : d’abord, parce que l’avenir n’est pas à l’augmentation du trafic aérien, mais à sa diminution. Si nous continuons sur cette voie, seuls les nantis pourront continuer à prendre l’avion, pour se « dépayser » quelques jours dans de lointaines contrées, car tout indique que dans un avenir proche, le prix des billets d’avion sera exorbitant. De plus, comme l’a écrit Hervé Kempf, dans Le Monde (23 avril 2012), les dégâts écologiques qu’entraînera la construction de l’aéroport à l’ « utilité douteuse » sont « indiscutables » : bétonner 2000 hectares de zones humides rares, en chassant les paysans qui y travaillent, relève de la plus grande irresponsabilité et d’une cécité que seule l’addiction à un modèle dépassé – le « progrès », le « productivisme », la « croissance »– peut expliquer.

C’est pourquoi j’appelle tous les lecteurs de ce Blog à rejoindre la grande manifestation prévue à Notre Dame des Landes, samedi 17 novembre.

Au delà du projet lui-même , aussi insensé que ringard, cette bataille est hautement symbolique, car il s’agit de dire au gouvernement, élu sur des promesses de « changement » : « ça suffit ! Il faut maintenant changer de paradigme ! »

Pour toute information concernant les activités de résistance à l’aéroport de Notre Dame des Landes, consultez le site de la ZAD :

http://zad.nadir.org/

De mon côté, je continue mon travail qui consiste à ouvrir les « boîtes noires », pour reprendre l’expression du sociologue Bruno Latour, c’est-à-dire à chercher ce qui se cache derrière les « vérités établies », et les « TINA » – « There is no alternative » – selon l’affirmation lancée par Margareth Thatcher en 1980.

La prochaine « boîte noire » que je voudrais décortiquer c’est le dogme de la « croissance », dont l’aéroport de Nantes constitue une parfaite illustration.

Comme pour Les moissons du futur, je lance une nouvelle souscription (préachat d’un DVD en tirage limité avec bonus) pour soutenir la production de mon prochain film (et livre), intitulé provisoirement « Sacrée croissance ! »

Je suis convaincue que ce nouveau projet correspond à une attente du public, car, chaque jour, j’en reçois la preuve dans ma … boîte à lettres. En effet, les quelque 2000 souscripteurs (près de 2300 souscriptions) qui ont soutenu la réalisation des Moissons du futur (dont le titre provisoire était « Comment on nourrit les gens ? ») ont reçu récemment leur DVD (avec 70 minutes de bonus) et un flyer pour souscrire à « Sacrée croissance ! ». En une semaine, j’ai déjà reçu une soixantaine de souscriptions par la poste !

Pour plus d’informations sur ce projet, consultez le site de m2rfilms :

http://www.m2rfilms.com/crbst_19.html

Jeudi dernier, j’ai présenté Les moissons du futur au Parlement européen. Cette projection était organisée par les députés européens Thijs Berman (S&D), Charles Goerens (ALDE), Mariya Gabriel (EPP) et Bart Staes (the Greens) . Une soixantaine de députés, assistants parlementaires et représentants de la Commission européenne étaient présents :

http://www.festival-alimenterre.org/breve/8-novembre-2012-marie-monique-robin-parlement-europeen

Le lendemain, vendredi, j’ai ouvert le colloque « The Potential of Agroecology » , organisé par Bart Staes, un député flamand écologiste, auquel ont participé 500 personnes (plus de 200 n’ont pas pu y assister faute de place !)

http://www.greens-efa.eu/the-potential-of-agroecology-7300.html

Au cours du colloque, un extrait de 20 minutes des Moissons du futur, concernant l’expérience de Manfred et Friedrich Wenz (voir vidéo –ci dessous) a été présenté :



Pour l’agenda des projections où je serai présente, consultez le site de m2rfilms, car je vais sillonner la France pendant un mois quasi complet !

http://www.m2rfilms.com/crbst_13.html

http://www.cg64.fr/actualites/moissons-du-futur-ou-comment-lagroecologie-peut-nourrir-monde.html

Pour finir, je constate avec plaisir que mon livre Les moissons du futur rencontre un beau succès. Voici un commentaire glané sur la toile, parmi de nombreux autres :

http://leblogdemylene.centerblog.net/204-les-moissons-du-futur

5 réflexions sur « La nécessité de changer de paradigme et de soutenir les résistants de Notre Dame des Landes »

  1. Bonjour Madame ROBIN,
    Bravo, bravo, bravo….
    je viens de recevoir un rapport du sénat sur les pesticides, qui fait suite à l’audition du fondateur de phyto victimes.
    Il semble à la commission qui est à la base de ce rapport que les perturbateurs endocriniens soient un problème bien plus grave qu’il n’est actuellement signalé. Ce rapport tient les mêmes propos que vous quand au devenir des produits phytosanitaires. Il dit même que la logique n’a pas été respectée quand aux évaluations qui auraient du précéder leur mise sur le marché. Celles ci sont faîtes maintenant, la commission souhaite rétablir la logique et aller vers zéro pesticides….
    Merci à vous de continuer votre travail de fond.

  2. Merci Johann. J’ai parlé de ce rapport sur ce blog, dans « Les pesticides rendent les paysans et les plantes malades ». Cordialement,Marie-Monique Robin

  3. Bonjour, « les moissons du futur » est un formidable documentaire qui évoque à le fois des difficultés actuelles partout à travers le monde mais surtout recherche et trouve des solutions viables. Cela nous a donné beaucoup d’espoir. Existe t ‘il des associations où l’on peut faire des dons afin de promouvoir ces belles idées et qu’elles continuent à être mise en pratique par les petits producteurs? Comment faire pour que votre documentaire soit diffusé plus largement? Mille merci.

  4. Oui en effet, pardon Madame ROBIN. Comme je le lis en ce moment, je suis confus. Je vous souhaite que cela puisse donner plus d’ampleur à votre travail. Merci.

  5. Bravo Marie-Monique de vous saisir de cette affaire de l’Ayraultport de Notre Dame des Landes. Il n’a jamais été « nécessaire », il ne l’est pas plus aujourd’hui et le sera encore moins demain. Alors pourquoi cet acharnement à vouloir réaliser, contre toute logique, ce très grand projet destructeur, inutile et coûteux ? La réponse est à la fois multiple et unique : Vinci, emploi et croissance.
    Le paradigme de la croissance est tellement bien installé et intériorisé, qu’il ne va pas être aisé de le remettre en cause. Surtout en ces temps de décroissance (durable) de l’emploi qui engendrent logiquement une très forte inquiétude (voire plus) chez tous ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre pour espérer vivre ou survivre : sainte croissance donnez nous notre emploi quotidien.
    Je pense qu’intuitivement une bonne partie de nos concitoyens ont intégré que les incantations et les politiques croissancistes ne sont pas la « solution », mais je pense aussi que l’immense majorité d’entre eux n’arrivent pas à se projeter dans un futur basé sur un autre paradigme.
    La tâche à laquelle vous vous attelez est rude. Montrer que la Croissance mène tout droit à l’effondrement et ouvrir de nouvelles fenêtres pour éviter l’écueil de la désespérance sur lequel se fracasserait la perspective d’une rusticité conviviale et néanmoins confortable qui permettrait enfin à chacun(e) de vivre une vie décente.

    Tous mes encouragements et plus (aide concrète) si vous le voulez.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *