La postface de l’édition poche de mon livre (4)

Postface, suite…

Ça bouge !

Au-delà des objections, finalement très minoritaires, à mon travail de la part des supporters de Monsanto et des multinationales productrices d’OGM, mon livre/film a suscité bien d’autres réactions qui permettent d’affirmer que, lentement mais sûrement, les choses bougent.

Ainsi, lors de l’examen parlementaire de la loi française sur les OGM au printemps 2008, on a vu des élus UMP très courageux monter au créneau pour dénoncer les pressions exercées par Monsanto sur leurs collègues. En avril 2008, le sénateur de la Manche Jean-François Legrand, qui avait émis des « doutes sérieux » sur le MON 810 lorsqu’il présidait le comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM, déclarait au Monde :

« Certains ont fait main basse sur l’UMP afin de défendre des intérêts mercantiles, “ripolinés” pour les rendre sympathiques : on a parlé de l’avenir de la science, de celui de la recherche… La force de frappe de Monsanto et des autres semenciers est phénoménale. Il fallait voir la violence des réactions de Bernard Accoyer [président de l’Assemblée nationale] et d’autres au lendemain de l’avis rendu par le comité de préfiguration. Il suffit de comparer les argumentaires des uns et des autres – identiques – pour comprendre l’origine de leur colère. Ils ont été action-nés. J’ai été approché par Monsanto et j’ai refusé de leur parler. Je veux rester libre . » (Note: « Un sénateur UMP estime que des parlementaires pro-OGM sont “actionnés” par les semenciers », Le Monde, 2 avril 2008).

Le 12 juin 2008, dans une interview à L’Express, le sénateur – qui a finalement été mis au ban du groupe UMP au Sénat lors de l’examen de la loi – confirmait le rôle qu’avait joué mon enquête dans sa prise de position :

« J’ai vu le film et j’ai été vraiment impressionné », témoignait-il, notant que certains de ses collègues ont, eux aussi, été « ébranlés ». « Mais je ne peux pas donner de noms », ajoutait-il. Quant à Antoine Herth, rapporteur du texte sur les OGM à l’Assemblée, il avouait à mon collègue de L’Express :

« L’effet a surtout été indirect : il y a eu un tel battage autour de sa diffu-sion que nous avons été harcelés. On recevait deux cents messages des altermondialistes par jour ! » (Note: L’Express, 12 juin 2008).

Au même moment, le député UMP de Moselle François Grosdidier s’exprimait quant à lui dans Libération pour dénoncer l’activisme de la FNSEA, le principal syndicat agricole, et du lobby semencier, pour que le projet de loi soit détricoté :

« Mes collègues sont grandement intoxiqués. […] Les députés ruraux sont soumis à de fortes pressions. » Il évoquait des « démarches individuelles faites auprès des députés ruraux, qui constituent la majorité des députés de la majorité, par les branches départementales de la FNSEA avec plus ou moins, disons, de véhémence. […] Certains de mes collègues, dont je tairai le nom, se sont entendu dire que leur permanence risquait d’être mise à sac . »

(Note: Voir son livre : François GROSDIDIER, Tuons-nous les uns les autres. Qu’avons-nous retenu des grandes catastrophes sanitaires ?, Le Rocher, Paris, 2008).

Depuis, j’ai rencontré François Grosdidier à plusieurs reprises. Il m’a confirmé que, sans ce lobbying forcené de Monsanto, des semenciers comme Limagrain et de la FNSEA, la loi sur les OGM ne serait jamais passée. Dans les faits, elle a été refusée à une voix près, puis finalement imposée par le gouvernement de M. Fillon, qui a sorti de son chapeau une commission paritaire, permettant de contourner le rejet du Parlement. Ce que j’ai appelé dans mon blog un « déni de démocratie pur et simple ».

Le 26 novembre 2008, François Grosdidier et Serge Lepeltier, maire de Bourges et ancien ministre de l’Environnement d’Alain Juppé, qui ont créé une association baptisée « Valeurs écologiques », m’ont invitée à animer un petit déjeuner conférence à l’Assemblée nationale. À leur grande surprise, près de soixante-dix élus et membres de diverses institutions se sont déplacés. J’ai concentré mon exposé sur l’enjeu des semences brevetées et le dessein de Monsanto de s’emparer du contrôle de la chaîne alimentaire à travers l’outil des OGM (un sujet complètement absent du débat parlementaire), sur l’inévitable contamination des filières conventionnelles et biologiques si les cultures transgéniques étaient autorisées en France et, enfin, sur la nécessité de revoir l’homologation du Roundup.

Entre-temps, en effet, la condamnation de Monsanto pour « publicité mensongère » (relative au Roundup) avait été confirmée le 29 octobre 2008 par la cour d’appel de Lyon, tandis qu’une nouvelle étude publiée par le professeur Gilles-Éric Séralini avec sa collègue Nora Benachour, dans la revue Chemical Research in Toxicology, confirmait « l’impact de diverses formulations et constituants » du Roundup « sur des lignées cellulaires humaines. Et ce à des doses très faibles », pour reprendre les termes du Monde . (Note: Hervé MORIN, « Le désherbant le plus vendu au monde mis en accusation », Le Monde, 10 janvier 2009).

Au même moment, en Argentine, où les cultures transgéniques couvrent aujourd’hui au moins 17 millions d’hectares, le gouvernement de Cristina Kirchner décidait, enfin, de bouger : à la suite notamment de différents articles parus dans le quotidien Página 12, largement déclenchés par mon livre/film, la présidente a créé par dé-cret, le 16 janvier 2008, une commission nationale d’enquête pour étudier les conséquences sanitaires dramatiques des « agrotoxiques », en particulier les épandages de Roundup dans les zones de production de soja transgénique.

Quelques jours plus tôt, à Córdoba, le juge Carlos Matheu a pris une décision, qui, de l’avis général, fera jurisprudence, interdisant les épandages du poison de Monsanto à moins de 1 500 mètres des lieux d’habitation. Dans le même temps, une série de plaintes étaient déposées à la suite de la multiplication de cancers, notamment chez les enfants nés dans les zones de culture de soja RR. Particulièrement alarmant est le cas du quartier de Ituzaingó à Córdoba, où les mères se battent depuis des années pour que cesse cet empoisonnement, responsable d’un taux particulièrement élevé de cancers, malformations fœtales et pathologies multiples. Enfin, en mai 2008, une équipe médicale de l’hôpital italien de Rosario, dirigée par le docteur Alejandro Oliva, a confirmé les conséquences sanitaires désastreuses du modèle transgénique . (Note: Darío ARANDA, « Varias generaciones están comprometidas », Pagina 12, 14 mai 2008).

Dans toutes mes conférences, j’insiste tout particulièrement sur l’importance de revoir l’homologation du Roundup, qui constitue à mes yeux une urgence sanitaire et qui, de plus, est lié à 70 % des plantes transgéniques cultivées sur la planète. L’argument semble faire son chemin : un peu partout en France, mais aussi au Canada, des citoyens ont décidé de rapporter au vendeur leurs bidons de l’herbicide le plus vendu au monde, et nombreuses sont les communes qui ont déjà interdit (ou vont interdire) son usage, ainsi que celui d’autres produits similaires tout aussi dangereux.
Par exemple, en juin 2008, j’ai été invitée à faire un exposé sur le Roundup par la région Poitou-Charentes, qui organisait un « forum participatif régional pour la réduc-tion des pesticides dans les collectivités ». Plus de cent cinquante élus et techniciens des espaces verts avaient répondu à l’appel, révélant leur inquiétude face à la catastrophe sanitaire qu’a déjà commencé à provoquer l’usage massif de pesticides, jusque dans les cours de récréation.

Le 24 novembre 2008, un article du Monde dénonçait, pour la première fois, les effets néfastes sur la fertilité masculine des pesticides (et plastiques), qui sont des perturbateurs endocriniens (comme le Roundup de Monsanto). Leur « présence diffuse dans l’environnement » pourrait expliquer que « le nombre et la qualité des spermatozoïdes » des hommes ont « diminué environ de 50 % par rapport à 1950 ». (Note: Paul BENKIMOUN, « La reproduction humaine menacée par la chimie », Le Monde, 24 novembre 2008.)

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