La recherche corrompue ou étouffée par l’industrie

Pour les internautes qui, comme moi, ont quelques doutes sur l’ indépendance désintéressée des scientifiques qui peuplent les agences de réglementation, je recommande la lecture du dossier du magazine Books d’avril 2009, intitulé « le scandale de l’industrie pharmaceutique. Notre santé otage de la corruption ».

On y découvre comment les professeurs d’université se font acheter par les majors de l’industrie pharmaceutique, en faisant la promotion de médicaments très mal évalués ou en publiant des articles de complaisance dans de grandes revues scientifiques, et pourquoi « il n’est plus possible de croire les recherches publiées, ni de se fier au jugement de son médecin de famille », comme l’écrit Marcia Angell, qui fit partie de la rédaction en chef du New England Journal of Medicine, et est l’auteur de La vérité sur les compagnies pharmaceutiques. Comment elles nous trompent et comment les contrecarrer.

Ce qu’elle décrit – encore une fois corruption, conflits d’intérêts, noyautage des agences de réglementation, censées protéger l’intérêt des consommateurs, par l’industrie – ne concerne pas que les Etats Unis, ainsi que le prouve l’interview de Philippe Even, ancien doyen de la faculté de médecine de l’hôpital Necker, professeur émérite à l’Université Paris V, qui dirige aujourd’hui l’Institut Necker.

À LIRE ABSOLUMENT!

Par ailleurs, je participais récemment à un colloque sur « Cancer et environnement », où le Docteur Annie Sasco, qui travailla pendant vingt-deux ans au CIRC, le Centre international de recherche sur le cancer ( un organisme dépendant de l’Organisation mondiale de la Santé, installé à Lyon) a présenté l’épidémie de cancers qui frappe le monde depuis vingt ans.

De fait, les chiffres officiels de l’OMS révèlent que l’incidence du cancer a augmenté de 63% entre 1980 et 2000, avec une augmentation annuelle de 1 à 3% pour les jeunes enfants. L’augmentation est telle qu’on parle désormais d’ « épidémie », alors que le terme désigne normalement des maladies virales ou infectieuses.

Le même constat a été fait pour l’incidence des maladies de Parkinson et d’Altzheimer, qui frappent des personnes de plus en plus jeunes. Sans oublier le diabète (de type 2) ou les maladies autoimmunes, qui connaissent aussi une explosion.

Le coupable? La pollution environnementale et notamment les pesticides organochlorés ou organophosphorés.

Pour mettre fin à ce fléau qui touche toutes les familles de France ou d’ailleurs, il faudrait interdire tout ce qui est à l’origine de l’épidémie, à savoir les molécules chimiques qui ont des effets cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques et qui ont envahi notre environnement et notre assiette depuis une cinquantaine d’années.

Ce qui ne fait pas l’affaire de l’industrie pharmaceutique ni des scientifiques, au CV prestigieux, qu’elle arrose généreusement…

Les manoeuvres décrites ci-dessus ne concernent pas que l’industrie pharmaceutique, mais aussi les multinationales de la biotechnologie.

Récemment, 26 scientifiques américains ont dénoncé dans une déclaration commune, adressée à l’agence de protection de l’environnement (EPA) l’impossibilité de conduire des recherches sur les effets possibles des OGM,car les fabricants , comme Monsanto et Syngenta, leur interdisent d’utiliser leurs semences transgéniques sous prétexte qu’elles sont couvertes par des brevets!

Résultat: les seules études disponibles sont celles qui sont contrôlées par les fabricants!!

Voici le texte de la Déclaration :

« Les accords de technologie / gestion exigés pour l’achat de semences modifiées génétiquement interdisent explicitement la recherche. Ces accords empêchent les scientifiques publics de poursuivre le rôle qui leur est imparti au nom du bien public, à moins que l’industrie n’approuve la recherche. Il résulte de cet accès limité qu’aucune recherche vraiment indépendante ne peut être légalement menée sur de nombreuses questions critiques concernant la technologie, ses performances, ses implications pour la gestion (des cultures), la gestion des résistances aux insectes et ses interactions avec la biologie des insectes. Il en résulte que les données en provenance du secteur public parvenant à un panel scientifique consultatif de l’EPA, sont excessivement restreintes. »

Pour les anglophones, voici l’article du New York Times qui a révélé le « malaise des scientifiques ».

Pour les non anglophones, voici la traduction réalisée par les Amis de la Terre.

Enfin, j’ai présenté récemment les travaux du Pr. Andres Carrasco, qui dirige depuis trente ans un laboratoire d’embryologie moléculaire en Argentine. Son étude a montré l’impact du roundup qui tue les embryons d’amphibiens, ce qui confirme les résultats obtenus par le chercheur américain Rick Relyea, de l’Université de Pittsburgh (cf: mon livre).

Son étude avait entraîné la décision du ministère de la défense d’interdire l’usage du roundup sur les terrains lui appartenant.

Et bien le Professeur Carrasco a été menacé de mort, victime d’une campagne d’intimidation (des gros bras ont débarqué dans son laboratoire) et de diffamation.

J’invite les lecteurs hispanophones à lire son interview dans Página 12.

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