Le verbiage scientifique
J’en viens maintenant à la démonstration censée éclairer le lecteur sur les « arguments scientifiques maltraités » dans mon documentaire. Je note que loin de se baser sur les éléments présentés dans mon enquête, celle-ci distord le récit pour lui faire dire ce qu’il n’a jamais dit : à savoir des généralités sur les biotechnologies.
Pour les lecteurs, qui n’ont pas encore vu le film (rendez-vous mardi 11 mars sur ARTE !), je rappelle qu’il raconte le passé de chimiste de Monsanto à travers quatre produits très controversés : les PCB, l’agent orange, l’hormone de croissance laitière et le roundup, ainsi que l’histoire du premier OGM autorisé dans les champs: le soja dit « roundup ready ».
Cet intérêt est d’autant plus légitime que 90% des OGM aujourd’hui cultivés dans le monde appartiennent à Monsanto et que le soja roundup ready représente la plante transgénique la plus cultivée au monde. De plus, son autorisation de mise sur le marché en 1995 a ouvert la voie aux autres OGM cultivés.
– Concernant le L-Tryptophan :
Sur ce point le verbiage scientifique utilisé par occulte l’une des révélations clés de mon enquête, à savoir, que les auteurs de la directive sur les OGM, publiée le 29 mai 1992, par la Food and Drug Administration, mentent quand ils écrivent:
« L’agence n’a jamais reçu d’information qui montre que les aliments dérivés des nouvelles méthodes diffèrent des autres aliments d’une manière significative ou uniforme, ni que, en tant que catégorie, les aliments dérivés des nouvelles techniques soient l’objet de préoccupations différentes ou plus grandes concernant leur sécurité que ceux développés par le croisement traditionnel »…
Six mois plus tôt, en effet, James Maryanski, le coordinateur des biotechnologies au sein de la FDA, qui encadra la rédaction de la directive, écrivait dans un document aujourd’hui déclassifié :
« Nous ne savons pas quelle est la cause de l’EMS mais nous ne pouvons pas exclure l’hypothèse qu’elle soit due à la manipulation de l’organisme ».
Pour ceux qui n’ont pas vu mon film ni lu mon livre, je rappelle que l’EMS est une maladie inconnue (« syndrome éosinophilie-myalgie », « EMS » en anglais) qui frappa les consommateurs de la version transgénique du L-Tryptophan, un supplément alimentaire fabriqué par une entreprise japonaise, et causa des dizaines de morts et laissa des milliers de personnes handicapées (cf. chapitre 7 de mon livre).
James Maryanski confirma les faits devant ma caméra, et contrairement à ce qu’affirme Marcel Kuntz, on ne sut jamais avec certitude quelle était l’origine de l’EMS, et encore moins en mai 1992…