Message au parlement japonais

Comme je l’écrivais depuis le Japon, j’ai été sollicitée par Masahiko Yamada, un député démocrate, pour adresser au parlement japonais un message concernant le Trans Pacific Partnership  (TPP), un traité de « libre échange » qui vise à « intégrer » les économies de la région Asie-Pacifique, dont celle du Japon, en « partenariat » avec les États Unis. Ce projet provoque un vif débat dans l’archipel où on s’inquiète des conséquences qu’il pourrait avoir, notamment pour l’agriculture du pays. La question est d’autant plus pertinente que le Japon représente aujourd’hui l’un des pays les plus dépendants de l’extérieur pour son alimentation, puisqu’il importe plus de 50% des aliments qu’il consomme. C’est dans ce contexte que mon film Le monde selon Monsanto a été projeté, deux fois le 14 juin , devant deux commissions parlementaires et qu’on m’a demandé de présenter mes travaux sur l’Accord de libre échange nord américain (ALENA) qui, comme je l’ai expliqué dans mon reportage Les déportés du libre échange, constitue un « laboratoire » de la mondialisation appliquée à l’agriculture. Ne pouvant participer physiquement au débat parlementaire, car j’étais alors en tournage dans la province de Saitama, j’ai accepté d’enregistrer mon  message  qui a été projeté devant les parlementaires, après la diffusion du Monde selon Monsanto.

http://www.uplink.co.jp/monsanto/message.php

Je retranscris ici le texte de mon message, suivi de la vidéo filmée par Marc Duployer avec son appareil photo, lors de l’enregistrement dans une salle du parlement japonais.

Mesdames, Messieurs, je suis très honorée d’avoir l’opportunité de m’adresser  aux représentants de la nation japonaise. Je sais que le pays est sur le point de signer un accord important avec les Etats Unis, le « TPP », et j’aimerais témoigner de mon expérience concernant l’Accord de libre échange nord-américain, qui a été signé, en 1992, entre les Etats Unis, le Canada et le Mexique, et qui est entré en vigueur le 1er janvier 1994.

J’ai réalisé récemment un reportage sur l’ALENA et j’ai pu constater, sur le terrain, les effets économiques et sociaux très néfastes que cet accord a entraînés au Mexique. Les méfaits les plus importants sont les suivants : Du jour au lendemain, le Mexique, qui représente le centre d’origine du maïs, a été envahi par le maïs transgénique de la multinationale Monsanto, qui a été vendu 19% au-dessous de son coût de production, grâce aux énormes subventions dont bénéficient les producteurs nord-américains.

Ce dumping a contraint trois millions de petits paysans mexicains à quitter l’agriculture, car ils ne pouvaient pas concurrencer les grands céréaliers des Etats Unis. La plupart sont partis clandestinement de l’autre côté du Rio Grande : on estime que de 1994 à 2008, 500 000 Mexicains ont franchi, chaque année, illégalement la frontière.

Alors qu’avant l’ALENA, le Mexique était autosuffisant d’un point de vue alimentaire, aujourd’hui, il importe plus de 40% de ses aliments. En 2008, il a connu ses premières émeutes de la faim, car la distribution du maïs est désormais contrôlé par les multinationales de l’agroalimentaire, comme Cargill ou Monsanto, qui spéculent sur les marchés internationaux.

Le maïs transgénique importé a contaminé les variétés locales, et on craint, qu’à terme, il les fasse disparaître, en entraînant une réduction dramatique de la biodiversité, qui est, pourtant, une clé de la souveraineté alimentaire.

La promesse des « avantages comparatifs », selon laquelle chaque pays de l’accord allait tirer parti de ses atouts, fut un leurre, y compris dans le domaine industriel.

Je sais que l’économie japonaise est bien plus puissante que celle du Mexique. Mais je me permets d’attirer votre attention sur les conséquences que pourrait avoir le TPP sur l’agriculture et la qualité des aliments consommés dans le pays. Tout indique que le TPP entraînera une dépendance accrue du Japon, vis à vis des Etats Unis, pour se nourrir.

A l ‘heure du réchauffement climatique et de l’extrême volatilité du prix des matières premières agricoles, le TPP rendra la nation japonaise extrêmement vulnérable.

Je prépare actuellement un nouveau documentaire et livre qui m’ont conduite dans quatre continents, et, aujourd’hui, au Japon. Il en ressort que si les pays veulent pouvoir relever les nombreux défis du XXIème siècle, comme le réchauffement climatique, la fin annoncée des énergies fossiles, mais aussi la crise de la biodiversité, il faut absolument retirer les denrées alimentaires des marchés de la mondialisation, en  relocalisant leur production, et en s’appuyant sur un modèle agricole biologique, respectueux des ressources naturelles et plus résilient aux aléas du climat.

Le TPP représente tout le contraire de ce modèle.  Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention.

Voici maintenant la vidéo de l’enregistrement. Je précise que , lorsque j’ai lu mon texte, j’ai fait une erreur, en parlant de « NPP » et non de « TPP »! Il faut dire que je venais de passer deux semaines à tourner au Japon, dont une très éprouvante dans la province de Fukushima. Bref, j’étais très fatiguée, d’autant plus qu’avant cet enregistrement, je venais d’accorder une quinzaine d’interviews à la presse nippone!

10 réflexions sur « Message au parlement japonais »

  1. L’ALENA c’est Le rêve américain pour les entreprises américaines.
    Une vraie guerre économique, immonde et impitoyable, pire qu’une guerre militaire, infiniment moins couteuse et diablement efficace.
    Quand on pense que les USA sont « nos alliés » et ceux du Japon… USA un ami qui vous veut du mal.

  2. Bonjour,

    J’espère que vos conférences et vos ouvrages auront donné à réfléchir aux dirigeants japonais. Je voudrais surtout réagir à … l’absence des lobbyistes. C’est drôle comme ils ont brusquement disparu de tous les blogs ou autres forums ayant trait à l’écologie (anti ogm, notamment) depuis le début de la campagne présidentielle. Faut-il y voir un lien ? Personnellement, je pense qu’un certain NS n’est pas étranger à l’affaire. Mais ça n’engage que moi.

  3. Bonjour,

    J’espère que le message fera « mouche » au parlement Japonais.

    Bonne continuation et continuez, quand vous le pouvez, de nous tenir informé!! On est là quoi qu’il arrive!
    Tom

  4. « ….si les pays veulent pouvoir relever les nombreux défis du XXIème siècle, comme le réchauffement climatique, la fin annoncée des énergies fossiles, mais aussi la crise de la biodiversité, il faut absolument retirer les denrées alimentaires des marchés de la mondialisation, en relocalisant leur production, et en s’appuyant sur un modèle agricole biologique, respectueux des ressources naturelles et plus résilient aux aléas du climat. »

    – 100% d’accord et j’attends avec impatience la sortie de ce nouveau livre.

  5. Pas grand chose à voir avec le sujet de l’article, je voulais juste attirer l’attention de tous sur la décision du 12 juillet dernier de la Cour de Justice de l’UE concernant l’association KOKOPELLI (pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une association qui s’efforce de sauvegarder des variétés anciennes de plantes et fait des actions pour aider des gens défavorisés à produire leur propre alimentation). La CJUE donne tort à KOKOPELLI au nom d’une « productivité agricole accrue ». Vous pouvez en lire plus sur le site de l’assoc:
    http://kokopelli-semences.fr/juridique/proces_perdu_2012

    Je ne suis pas surprise de cette décision, mais c’est quand même très choquant et révoltant. Le grand public ne s’intéresse pas trop je crois à tout ce qui est réglementation des semences, mais il devrait, car l’alimentation est la base de tout. Or l’alimentation fait de plus en plus l’objet d’appropriation d’entreprises privées, les semences sont protégées par des droits intellectuels, il y a des enjeux économiques dont on n’a même pas idée. Les plus grandes entreprises chimiques sont aussi les plus grands semenciers (y compris en France. Par exemple Monsanto, eh oui. Donc ceux qui croyaient qu’il n’y avait « pas de ça chez nous », détrompez-vous). On met des bâtons dans les roues à ceux qui tentent de s’opposer à ce système, comme l’association Kokopelli, laquelle vend des semences anciennes libres de droits, librement reproductibles (quel grand crime!).

    Si on ne défend pas notre alimentation, bientôt toute notre vie fera l’objet d’appropriation privée, un jour on va payer pour respirer. Arrêtons de nous mettre la tête dans le sable. Merci Marie-Monique Robin de mettre depuis des années ces sujets sur la table, avec courage et persévérance.

  6. Je ne connaissais pas cette dame, mais je lis son livre, Notre Poison Quotidien, comme un roman passionnant. Ce que je ne comprends pas c’est comment que cette bombe de mots à fragmentation illimitée ne fait pas plus de bruit que ça? Pourtant c’est une arme qui devrait faire sauter ou du moins ébranler sérieusement ces industries de destruction massive et pourtant tout suit son cour comme si de rien n’était. Sommes-nous sado-masochistes?

  7. Vous n’avez pas assez bien lu votre « référence » Joceline, selon Mme Robin c’est la main de la CIA ! Qu’il faut voir içi ….

  8. «  je lis son livre, Notre Poison Quotidien, comme un roman passionnant. »

    Vous avez bien raison de le lire ainsi.

    « Ce que je ne comprends pas c’est comment que cette bombe de mots à fragmentation illimitée ne fait pas plus de bruit que ça? »

    Justement, c’est parce que c’est un roman.

  9. @ Wackes Seppi

    « Justement, c’est parce que c’est un roman. »

    – si çà n’était qu’un roman, tu n’en aurait absolument rien a cirer . Ta présence récurrente sur ce blog et tes tentatives vaines de le discréditer sont bien des preuves irréfutables et incontestables que çà n’est PAS DU TOUT du roman mais bien la réalité.
    On ne cherche pas à discréditer un roman , mon pauvre Wackes Seppi !

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