Les grands producteurs d’OGM d’Amérique n’ont pas voulu du blé RR de Monsanto

Comme me l’a expliqué l’agronome René van Acker, auteur d’une étude commandée par la Commission canadienne du blé (pro OGM), la disparition de la filière bio du colza canadien, à cause de la contamination par le colza transgénique de Monsanto, a poussé les grands producteurs d’OGM d’Amérique à se battre contre la mise sur le marché du blé Roundup ready.
De fait, m’a -t-il expliqué, la pollution génétique est telle que pour revenir à la situation antérieure à l’introduction dans les champs du gène de résistance au roundup , un vrai cadeau pourri, « il faudrait tout arracher et demander aux paysans d’arrêter de cultiver le colza pendant au moins dix ans, car les graines de colza dorment très longtemps dans le sol »…
Je reproduis ici l’extrait de mon livre (chapitre 11: Blé transgénique la bataille perdue de Monsanto en Amérique du Nord) qui relate l’histoire d’un échec , passé sous silence par les défenseurs de Monsanto, qui prouve que même les producteurs d’OGM considèrent la « pollution transgénique » comme un fléau aussi incontournable que funeste….

Je rappelle que ces interviews ont été réalisées dans le cadre de mon documentaire » Blé : Chronique d’une mort annoncée », diffusé sur ARTE le 15 novembre 2005.

Monsanto se casse les dents sur le blé

On raconte que, le 10 mai 2004, les bouchons de champagne ont sauté au bureau de Greenpeace à Ottawa, ainsi que chez tous ses alliés naturels d’Amérique du Nord, mais aussi dans les… prairies transgéniques de l’Ouest du Canada et du Midwest des États-Unis.

Ce jour-là, la firme de Saint-Louis annonçait dans un communiqué de presse lapidaire qu’elle avait décidé de « différer tous ses efforts supplémentaires pour introduire un blé Roundup ready », après avoir mené une « consultation intense » avec les « clients et les leaders de l’industrie du blé ».
« C’est le dialogue qui a conduit à la décision sur le blé », insiste-t-elle dans son Pledge de 2004 .

Ce langage euphémisé cache un extraordinaire bras de fer qui conduisit au plus grand échec jamais enregistré par Monsanto. Pour la première fois de son histoire, la multinationale avait été contrainte de renoncer à la mise sur le marché d’un produit pour lequel elle avait investi plusieurs centaines de millions de dollars en « R & D » (recherche et développement).

« Pour nous, ce fut une victoire inespérée, qui entérine l’échec économique des cultures transgéniques », m’a expliqué quand je l’ai rencontré en octobre 2004, Dennis Olson, un économiste de l’Institute for Agriculture and Trade Policy (IAPR) de Minneapolis (Minnesota) qui participa très activement à la campagne américaine contre le blé Roundup ready.

« Elle était d’autant plus symbolique qu’elle fut obtenue en Amérique du Nord, où sont nés les OGM, et grâce au soutien déterminant de ceux qui les cultivent. »

Pourtant, lorsqu’à la veille de Noël 2002, la firme de Saint-Louis annonce qu’elle a déposé une demande de mise sur le marché, simultanément à Ottawa et Washington, pour un blé de printemps résistant au Roundup, l’affaire semble acquise, tant elle opère en terrain conquis.
Ce faisant, elle a oublié un « détail » qui lui sera fatal : jusqu’à présent, tous ses OGM ne concernaient que des cultures utilisées essentiellement comme fourrage ou pour la fabrication d’huiles et de vêtements (soja, colza, coton), plus rarement pour la consommation directe des humains (maïs).
Mais avec le blé, plante mythique s’il en est, c’est une autre histoire : en manipulant la céréale dorée qui couvre près de 20 % des terres cultivées de la planète et représente la nourriture de base d’un homme sur trois, elle touchait à un symbole — culturel, religieux et économique — né avec l’agriculture, il y a 10 000 ans, quelque part en Mésopotamie .

Et ce « symbole » est aussi le « pain quotidien » — au sens propre et figuré — des puissants céréaliers d’Amérique du Nord, qui cultivent précisément le blé roux de printemps, dans lequel Monsanto a introduit son gène Roundup ready.

Surnommé le « roi des blés », en raison de sa teneur exceptionnelle en protéines et en gluten, celui-ci est cultivé dans quatre États au nord des États-Unis — le Dakota du Nord et du Sud, le Montana et le Minnesota —, ainsi que, de l’autre côté de la frontière, dans les prairies du Saskatchewan, à l’Ouest du Canada .

Le pays de Percy Schmeiser, le héraut de la résistance aux OGM. Bien évidemment, ces grands céréaliers sont aussi des producteurs de soja, colza ou maïs transgéniques, mais s’ils se sont opposés au dernier avatar des bricoleurs du Missouri, c’est essentiellement pour des raisons économiques.

« Le Canada exporte 75 % de sa production annuelle de blé, qui s’élève en moyenne à 20 millions de tonnes », m’a expliqué Ian McCreary, le vice-président de la Commission canadienne du blé (CCB), dirigée par les producteurs et qui contrôle toute la commercialisation des grains produits dans les prairies, en vertu d’une loi fédérale de 1935.

« Cela représente environ 2 milliards d’euros de revenus chaque année. Or, tous nos clients internationaux, avec en tête le Japon et l’Europe, ont clairement exprimé qu’ils ne voulaient pas de blé transgénique. Si le blé de Monsanto avait été mis sur le marché, les 85 000 céréaliers de l’Ouest du Canada pouvaient mettre la clé sous la porte. »

À quarante-deux ans, Ian McCreary exploite une ferme de 700 hectares près de Bladworth, au cœur de cette immense province plate et morne, surnommée la « corbeille à pain ». Quand je le rencontre, en septembre 2004, il procède, avec sa femme Mary, aux derniers réglages de sa moissonneuse-batteuse. Ambiance de bout du monde avec, à perte de vue, des milliers d’hectares de blé, qui scintillent sous le ciel d’un bleu d’acier, vers lequel se dressent, ici et là, d’immenses silos à grains posés sur les prairies comme des pièces de Lego.

« Ici, nous sommes très loin de tout, sourit Ian McCreary, après avoir prononcé un benedicite pour ouvrir le déjeuner familial. Les coûts de transport sont astronomiques et, pour que notre travail soit rentable, nous devons nous concentrer sur la qualité de notre blé, très prisé par tous les minotiers du monde, qui le mélangent avec des variétés d’une qualité boulangère inférieure. Comme pour le colza ou le maïs, les OGM auraient entraîné une baisse des prix et nous ne pouvons pas nous permettre de vendre du blé pour le fourrage.
– Mais Monsanto dit que son blé aurait permis de résoudre le problème des mauvaises herbes, dis-je.
– Contrairement au soja, les mauvaises herbes ne représentent pas vraiment un problème pour le blé, me répond Ian McCreary. Je crois que c’est surtout Monsanto qui avait un problème : son brevet sur le Roundup venait d’expirer et la firme voulait se rattraper en vendant de l’herbicide et des semences pour l’une des plus grandes cultures nourricières du monde. Quant aux céréaliers, ils craignaient que le blé Roundup ready augmente les dépenses en herbicides à cause de l’apparition de “volontaires”, sans parler du coût exorbitant des semences brevetées : dans les prairies, nous avons l’habitude de conserver nos semences de blé au moins dix ans avant d’en acheter de nouvelles… »

Voilà comment la puissante CCB s’est retrouvée à battre la campagne, aux côtés de Greenpeace et du Conseil des Canadiens (la plus importante association de consommateurs du pays), « deux organisations avec lesquelles elle était entrée en conflit dans le passé », ainsi que le souligne en février 2003 le Toronto Star, pour « opposer un front uni contre le blé OGM ».

Dans leur article, les journalistes citent une lettre adressée par un représentant de Rank Hovis, le plus grand meunier britannique, à la CCB :

« Si vous cultivez du blé modifié génétiquement, nous ne serons plus en mesure d’acheter aucun de vos blés, transgénique ou conventionnel, […] car nous ne pourrons tout simplement pas les vendre. »

Au même moment, Grandi Molini Italiani, le plus important minotier italien, adressait un message similaire aux céréaliers nord-américains , bientôt rejoint par la puissante association des meuniers japonais, qui, par la voix de Tsutomu Shigeta, son directeur exécutif, prédisait un « effondrement du marché » si le blé de Monsanto envahissait les prairies, la majorité des consommateurs n’en voulant pas (en mai 2003, un sondage réalisé pour la Western Organization of Resource Councils avait révélé que 100 % des importateurs de blé japonais, chinois et coréens contactés refuseraient d’acheter du blé transgénique).

Aux États-Unis, où 50 % du blé est exporté, pour un montant annuel alors de quelque 5 milliards de dollars, le message a été reçu cinq sur cinq par tous les céréaliers, y compris ceux qui ne cultivent pas de blé de printemps.

« L’impact sur le marché concerne tous les producteurs », expliquait ainsi Alan Tracy, le président de la US Wheat Associates, qu’avait ébranlé une étude publiée en octobre 2003 par Robert Wisner, un économiste de l’université de l’Iowa. Celui-ci avait examiné l’impact qu’aurait la mise sur le marché du nouvel OGM sur l’économie du blé et son tableau était très sombre : chute de 30 % à 50 % des exportations du blé roux de printemps, et plus encore pour les autres variétés de blé dur ; réduction des prix des deux tiers ; perte d’emplois sur toute la filière et répercussions en cascade sur toute la vie rurale.

« Une large majorité de consommateurs et acheteurs étrangers ne veulent pas de blé transgénique, expliquait l’économiste. Qu’ils aient tort ou raison, les consommateurs représentent la force motrice dans les pays où l’étiquetage permet de choisir . »

C’est ainsi qu’on a vu des centaines de farmers, qui avaient applaudi l’arrivée des OGM moins de dix ans auparavant, parcourir les « grandes plaines du nord » pour « lutter contre la biotechnologie ».

Dans le Dakota du Nord, mais aussi dans le Montana, la résistance s’est « consolidée en un mouvement politique », qui a demandé le vote d’un moratoire pour le blé de Monsanto. La firme de Saint-Louis a remué ciel et terre pour faire capoter ces initiatives. Pour faire rentrer au bercail les brebis égarées, elle est allée jusqu’à affréter un avion, qui a conduit une délégation de rebelles du Dakota du Nord à son siège du Missouri, où ils ont été reçus par… Robert Fraley, l’un des « inventeurs » du soja RR, promu vice-président. Celui-ci leur a laissé entendre que le fait de « s’opposer à Monsanto faisait le jeu des groupes environnementaux radicaux ». « À ce moment-là, raconte Louis Kuster, l’un des paysans invités, j’ai senti la moutarde me monter au nez. Je l’ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit : “Vous n’êtes pas en train de parler aux Verts. Nous aussi nous avons besoin de gagner de l’argent” … »

FIN DE L’EXTRAIT

Et suite bientôt!

L’échec du coton BT en Inde/ Rushes

Je mets ici en ligne l’interview de femmes indiennes qui ont suivi et filmé la culture du coton BT dans le secteur de Warangal (Andhra Pradesh).

Pour plus d’informations, je retranscris la partie de mon livre s’y référant:

DÉBUT EXTRAIT:

Le dramatique échec du coton transgénique de Monsanto

Le 20 février 2002, au grand dam des organisations écologistes et paysannes, le Comité d’approbation du génie génétique du gouvernement indien donne son feu vert aux cultures de coton Bt. Cela fait déjà belle lurette que les fameux négociants de Mahyco Monsanto Biotech sillonnent les campagnes du sous-continent pour vendre leurs produits transgéniques à un moment où la première vague de suicides décime les villages.
Pour attirer le chaland, la firme ne lésine pas sur les moyens : elle engage une star de Bollywood pour vanter les OGM à la télévision (très regardée en Inde), tandis que des dizaines de milliers d’affiches sont apposées dans tout le pays où l’on voit des paysans tout sourire posant à côté d’un tracteur flambant neuf, prétendument acquis grâce aux bienfaits du coton Bt.

La première année, 55 000 paysans, soit 2 % des producteurs de coton indiens, acceptent de se lancer dans l’aventure transgénique.
« J’ai entendu parler de ces semences miraculeuses qui allaient me libérer de l’esclavage des pesticides, témoigne en 2003 pour The Washington Post un paysan de vingt-six ans de l’Andhra Pradesh, l’un des premiers États à avoir autorisé la commercialisation des OGM (en mars 2002).
La saison dernière, dès que je voyais les parasites arriver, je paniquais. J’ai pulvérisé des pesticides sur mes cultures au moins vingt fois, mais cette année, ce ne fut que trois fois . »
Indépendamment de cet avantage manifeste (qui, comme nous le verrons, disparaîtra rapidement en raison de la résistance développée par les insectes aux plantes Bt), le reste du tableau est beaucoup moins brillant, ainsi que le rapportent les paysans interrogés par The Washington Post, au terme de leur première récolte OGM :
« J’ai été moins bien payé pour mon coton Bt, parce que les acheteurs ont dit que la longueur de sa fibre était trop courte, rapporte ainsi l’un d’entre eux. Les rendements n’ont pas augmenté, et comme le prix de la semence est si élevé, je me demande si cela valait la peine . »

En effet, le brevetage des semences étant (pour l’heure) interdit en Inde, la firme de Saint-Louis ne peut pas faire appliquer le même système qu’en Amérique du Nord, à savoir exiger que les paysans rachètent tous les ans leurs semences sous peine de poursuite ; pour compenser ses « pertes », elle a donc décidé de se rabattre sur le prix des semences, en le quadruplant : alors qu’un paquet de 450 grammes coûte 450 roupies pour les semences conventionnelles, son prix s’élève à 1 850 roupies pour les OGM.

Enfin, note mon confrère du Washington Post, « le ruineux ver américain n’a pas disparu »…
Ces résultats plus que médiocres n’empêchent pas Ranjana Smetacek, la directrice des relations publiques de Monsanto India , de déclarer avec un bel aplomb :
« Le coton Bt a très bien marché dans les cinq États où il a été cultivé . »

Les témoignages rapportés par The Washington Post ont pourtant été confirmés par plusieurs études.
La première a été commanditée, dès 2002, par la Coalition pour la défense de la biodiversité (CDB) de l’Andhra Pradesh, qui regroupe cent quarante organisations de la société civile, dont la Deccan Development Society (DDS), une ONG très respectée, spécialiste de l’agriculture raisonnée et du développement durable.
La CDB a demandé à deux agronomes, le docteur Abdul Qayum, ancien cadre du ministère de l’Agriculture de l’État, et Kiran Sakkhari, de comparer les résultats agricoles et économiques du coton Bollgard avec ceux du coton non transgénique, dans le district du Warangal, où
1 200 paysans avaient succombé aux promesses de Monsanto.
Pour cela, les deux scientifiques ont observé une méthodologie très rigoureuse, consistant à suivre mensuellement les cultures transgéniques, depuis les semis (août 2002) jusqu’à la fin de la saison (mars 2003), dans trois groupes expérimentaux : dans deux villages, où vingt-deux paysans avaient planté des OGM, quatre ont été sélectionnés par tirage au sort ; à la mi-saison (novembre 2002), vingt et un paysans, provenant de onze villages, ont été interrogés sur l’état de leurs cultures transgéniques, avec, à la clé, une visite de leurs champs ; enfin, à la fin de la saison (avril 2003), un bilan a été dressé auprès de 225 petits paysans, choisis de manière aléatoire parmi les 1 200 producteurs OGM du district, dont 38,2 % possédaient moins de cinq acres (deux hectares) de terres, 37,4 % entre cinq et dix acres et 24,4 % plus de dix acres (ces derniers étant considérés en Inde comme de gros paysans).
Bien évidemment, dans le même temps, étaient enregistrées, avec la même rigueur, les performances des producteurs de coton conventionnel (groupe contrôle). Si je donne tous ces détails, c’est pour bien souligner qu’une étude scientifique digne de ce nom est à ce prix, à moins de n’être que de la propagande fumeuse…

Les résultats de cette vaste enquête de terrain sont sans appel :
« Les coûts de production du coton Bt ont été en moyenne plus élevés de 1 092 roupies (par acre) que pour le coton non Bt, parce que la réduction de la consommation de pesticides a été très limitée, écrivent les deux agronomes. De plus, la baisse de rendement a été significative (35 %) pour le coton Bt, ce qui a entraîné une perte nette de 1 295 roupies en comparaison avec le coton non transgénique, lequel a enregistré un profit net de 5 368 roupies. 78 % des agriculteurs qui avaient cultivé du coton Bt ont déclaré qu’ils ne recommenceraient pas l’année prochaine . »
Pour donner de la chair à ce dispositif irréprochable d’un point de vue scientifique, la Deccan Development Society (DDC) a joint à l’initiative une équipe de « camerawomen aux pieds nus », pour reprendre l’expression du docteur P.V. Satheesh , le fondateur et directeur de l’association écologiste.
Ces six femmes qui sont toutes des paysannes illettrées et dalit (elles font partie des intouchables, situés tout en bas de l’échelle sociale traditionnelle) ont été formées aux techniques vidéos dans un atelier ouvert par la DDC, en octobre 2001, dans le petit village de Pastapur et baptisé « Community Media Trust ».
D’août 2002 à mars 2003, elles ont filmé mensuellement chez six petits producteurs de coton Bt du district de Warangal, également suivis par les deux agronomes de l’étude.
En résulte un film qui constitue un document exceptionnel sur l’échec des cultures transgéniques : on comprend, d’abord, tout l’espoir que les paysans ont mis dans les semences Bt. Les deux premiers mois, tout va bien : les plants sont en bonne santé et les insectes absents ; arrive le désenchantement : la taille des plants est très petite et les capsules moins nombreuses que dans les champs de coton conventionnel adjacents ; en octobre, alors qu’avec la sécheresse, les parasites ont déserté les cultures traditionnelles, les plantes OGM sont assiégées par les thrips du cotonnier et les mouches blanches ; en novembre, alors que débute la moisson, l’angoisse se peint sur les visages : les rendements sont très bas, les capsules difficiles à cueillir, la fibre du coton plus courte, d’où un prix de 20 % plus bas…

J’ai rencontré mes consœurs indiennes, un jour de décembre 2006, dans un champ de coton du Warangal, où elles étaient venues filmer, en compagnie de Abdul Qayum et Kiran Sakkhari. Je dois dire que j’ai été impressionnée par le professionnalisme de ces femmes magnifiques, qui, bébé dormant dans le dos, ont déployé caméra, pied, microphones et réverbérateur pour interviewer un groupe de paysans, désespérés par l’échec catastrophique de leurs cultures Bt.
Car depuis le premier rapport publié par les deux agronomes, la situation n’a fait qu’empirer, déclenchant la seconde vague de suicides qui gagnera bientôt l’État du Maharashtra.
Inquiet de cette situation dramatique, le gouvernement de l’Andhra Pradesh a conduit à son tour une étude qui a confirmé les résultats obtenus par Abdul Qayum et Kiran Sakkhari . Conscient des conséquences électorales que ce désastre pouvait entraîner, le ministre de l’Agriculture Raghuveera Reddy a alors sommé Mahyco Monsanto d’indemniser les agriculteurs pour l’échec de leurs cultures, ce que la firme s’est empressée d’ignorer.

FIN DE L’EXTRAIT

Soirée à Joinville Le Pont/ agenda semaine du 16 juin

L’association Joinville Ecologie vient de m’envoyer cette photo de la soirée de vendredi dernier à Joinville Le Pont.

Par ailleurs, j’ai décidé de lever le pied concernant les projections débats. Je dois me consacrer au tournage de mon prochain film pour Canal + , diffusé en novembre prochain.

La semaine prochaine, je n’ai que deux rendez-vous qui ont lieu le même jour, vendredi 20 juin:

– 17 heures, signature à la FNAC Odéon
– 19:30 le film sera présenté au festival de la Terre Paris Bercy au Cinéaqua, au coeur des jardins du Trocadéro (voir affiche). J’animerai le débat avec Christian vélot

Le « golden rice »

N’en déplaise au cher Zobi, je maintiens que le « riz doré » est un « miroir aux alouettes », ainsi que me l’a d’ailleurs confirmé le journaliste du journal Le Temps (Genève) qui est bien placé pour suivre ce dossier de près. Il a confirmé tout ce que j’ai écrit à ce sujet dans mon livre (voir ci-dessous): la performance agronomique du riz doré est si dérisoire qu’il faudrait que les enfants en absorbent une quantité de neuf kilos par jour, pour couvrir leurs besoins en pro-vitamine A…

Pour les fabricants, en revanche, l’introduction du riz doré permet d’introduire en Asie le premier riz OGM , ouvrant ainsi la porte aux semences brevetées de cet aliment fondamental…

Plutôt que de bricoler le riz, on ferait mieux d’encourager les paysans à développer leurs cultures vivrières plutôt que de les piéger avec des cultures de rente comme le coton qui font leur malheur.

Pour faire le point sur ce dossier, brandi comme un trophée par les pro-OGM, depuis une dizaine d’années, sans que rien de concret n’ait jamais vu le jour, j’encourage les lecteurs à parcourir cet excellent dossier.

EXTRAIT DE MON LIVRE

« Contrairement à ce qu’affirme Monsanto, elle n’est pas une entreprise agricole, mais chimique, affirme Marc Brammer, un analyste financier de New York. La preuve en est que les seuls OGM qu’elle a réussi à mettre sur le marché sont des plantes résistantes à son herbicide vedette, le Roundup, qui représente toujours 30 % de son chiffre d’affaires , ou des plantes insecticides. Ces produits n’ont aucun intérêt pour les consommateurs, qui attendent toujours les OGM miracles que la firme n’a cessé de leur promettre, comme le riz doré qu’elle a annoncé à grand renfort de publicité. »

Pour être précise, la firme de Saint-Louis n’a pas inventé le fameux « riz doré », qui fut bricolé, avec les meilleures intentions du monde, par deux chercheurs européens : le Suisse Ingo Potrykus (Zurich) et l’Allemand Peter Beyer (Fribourg).
Ce riz OGM était censé produire de la beta-carotène, la vitamine A, que l’on trouve abondamment dans les carottes, dont la déficience entraîne, chaque année, la mort d’un million d’enfants du tiers monde et provoque la cécité de 300 000 autres.

Publiés dans Science en 2000, les résultats de laboratoire semblaient si prometteurs que le « riz doré » fit la une de nombreux journaux comme l’incarnation des « belles promesses » des biotechnologies.
Financés par la Fondation Rockefeller, les deux chercheurs décident de lancer leur bébé sur le marché, mais ils se trouvent confrontés à un inextricable problème de brevets : pour fabriquer leur « riz doré », ils ont utilisé des gènes et procédés couverts par pas moins de soixante-dix brevets appartenant à trente-deux entreprises ou centres de recherche !

Autant dire qu’à moins de vendre les précieuses graines à prix d’or, l’affaire est condamnée à l’échec. C’est là qu’intervient une association philanthropique, du nom de… Monsanto. Lors d’une conférence agricole organisée en Inde en août 2000, la firme annonce qu’elle va « faire don de certains de ses brevets pour accélérer l’utilisation du riz OGM, qui pourra sauver des millions d’enfants sous-alimentés ».

« Le développement de ce riz, assure alors Hendrik Verfaillie, qui succédera bientôt à Robert Shapiro à la tête de la firme de Saint Louis, , montre clairement que les biotechnologies peuvent aider non seulement les pays occidentaux mais aussi les pays en voie de développement . »
Seulement voilà : le « riz doré » a fini dans les oubliettes de l’histoire, car dès qu’il a été cultivé dans des conditions réelles, il produisait une quantité de béta-carotène si dérisoire qu’il ne servait absolument à rien…
« On n’a jamais su pourquoi, commente Marc Brammer, mais cette histoire illustre bien les inconnues qui entourent le processus de manipulation génétique. Or, celles-ci constituent un risque pour la performance de Monsanto à moyen et long terme : rien ne peut nous assurer que les OGM ne seront pas l’agent orange de demain… »

Les conséquences sanitaires du soja roundup ready en Argentine

Un journaliste argentin de Pagina 12, un journal argentin réputé pour la qualité de ses articles, m’a transmis un article publié récemment que le site combat-monsanto.org a traduit et mis en ligne sur les effets sanitaires des pesticides, et notamment du roundup sur la population. Cette étude, la première du genre en Argentine, confirme ce que mon documentaire « Argentine: le soja de la faim » rapportait déjà en 2005 ( www.vodeo.tv/94-148-1981-argentine-le-soja-de-la-faim.html)et ce que je raconte dans mon livre.

La version originale peut être consultée ici.

Et la traduction que je copie ci-dessous:

Une étude argentine confirme les effets sanitaires néfastes des pesticides et du roundup sur les populations agricoles.

Malformations, cancers et problèmes reproductifs ont tous des liens avérés avec l’utilisation et l’exposition aux polluants, dont entre autres les pesticides utilisés dans l’agriculture industrielle.
« Les découvertes sur les effets des pesticides et de leurs solvants sont indiscutables. » affirme Alejandro Oliva, médecin et coordinateur de l’investigation qui a inclus dans son protocole six villages de la Pampa Humeda, et qui confirme que dans ces localités le taux de cancer (de la prostate, des testicules, des ovaires, du foie, du pancréas, des poumons ou des seins) est largement au dessus de la moyenne nationale.
Le rapport explique aussi que quatre sur dix des hommes venus consulter pour infertilité avaient été exposés à des produits chimiques agricoles dans le passé. Le rapport avertit que les effets sanitaires des pesticides pourraient se manifester sur les générations futures :
« Les fils et les neveux des travailleurs ruraux, et des populations proches, sont ceux qui pourraient souffrir le plus de ces conséquences [troubles de la reproduction] dans dix ans. »

L’étude a été réalisée entre 2004 et 2007 par une équipe de l’Hôpital Italien de Rosario et conduit par le Dr Oliva, avec le support du Centre d’Investigation en Biodiversité et Environnement (Ecosur), l’Université Nationale de Rosario, la Fédération Agraire locale et l’ Institut National de Technologie Agricole (INTA).
L’hypothèse d’étude du groupe multidisciplinaire -formé d’écologues, épidémiologistes, agronomes, endocrinologues et sociologues- soulevait le fait que certains produits agrochimiques pourraient perturber la physiologie hormonale.
Les données de terrain confirment que les fonctions reproductives, tant féminines que masculines, sont très sensibles aux différents agents chimiques utilisés dans les activités agricoles.
« Il existe des relations causales ente les cas de cancer et les malformations infantiles qui touchent les habitants exposés à des facteurs de contamination environnementale comme les produits agrochimiques », affirme le rapport, réalisé par étapes pendant plus de trois ans et dont les résultats finaux viennent tout juste d’être rendus publique par « Les Cahiers de la Santé Publique » ( Cuadernos de Salud Pública) au Brésil.

L’investigation rappelle que toute la zone étudiée a été fumigée pendant des années avec des « organochlorés » (comme on dénomme des produits tel que le DDT, l’heptachlore, ou le HCH), qui, de 1960 à 1978, ont eu une large diffusion en même temps que les« organophosphorés », tel que le Parathion.
De 1978 à 1994, la tendance a été à l’introduction de nouveaux produits chimiques, comme les monocrotophos, l’endosulfan et la pyréthrine. Depuis 1994 ces deux derniers produits s’appliquaient avec du chlorpyriphos. « Sans oublier, la fracassante arrivée du glyphosate et de ses adjuvants » rappelle le scientifique.
Justement les organisations paysannes et indigènes accumulent les dénonciations contre ce produit, dont le nom commercial est le Roundup, du chimiste américain Monsanto, le pesticide le plus utilisé dans l’agriculture actuelle.
Seulement lors de la dernière année, et à raison de dix litres de glyphosate pur par hectare, les terres les plus productives d’Argentine ont été aspergées avec 165 millions de litres du produit toxique en question.
« Selon les chiffres de la FAO, l’Argentine a augmenté de plus de 200% son usage de pesticides, principalement dans la Pampa Humeda, à cause des herbicides utilisés pour la culture du soja transgénique. » peut-on lire dans le rapport.

Le groupe de professionnels soulignait que le taux général de cancer est moins important dans les zones rurales que citadines, mais leur étude a remarqué des résultats contradictoires en fonction du type de cancer. Certains cancers se retrouvent beaucoup plus en zone rurale, comme les lymphomes non hodgkiniens ou les cancers de la prostate, qui sont directement liés à la fabrication et à l’usage d’agrochimiques.
De plus, il ressort aussi un taux plus important de cancers des testicules et des ovaires, montrant une répercussion trois fois supérieure dans le premier cas, et de quasiment deux fois dans le second cas, en comparaison avec les estimations nationales. Les taux de cancers du foie ont été dix fois plus élevés que prévu, ceux du pancréas ou des poumons deux fois plus élevés. Quant à la femme, on a enregistré une augmentation significative du taux de cancer du sein. Les cancers du système digestif ont aussi été observés en plus grand nombre.

« Cela s’explique peut-être parce que ce sont des zones qui ont été très exposées aux produits chlorés, et maintenant des zones exposées au glyphosate, dont nous savons qu’il provoque des irritations permanentes du système digestif. »

En plus de l’usage de produits agrochimiques sur les plantes céréalières dans les champs, on signale comme autres sources de contamination les entrepôts d’insecticides, les lieux où sont lavés et entreposés les équipements de fumigation, les dépotoirs et les transformateurs électriques avec des PCB. Le relevé d’étude démontre que 90% des cancers se rencontrent dans une périphérie de 300 mètres autour de ces zones contaminées.

Ce travail d’investigation a choisi comme objet d’étude des zones considérées comme représentatives du modèle de l’agro-industrie prédominant dans le Pampa Humeda : des localités rurales allant jusqu`à cinq mille habitants, dans des régions où le soja couvre plus de 95% des terres cultivables, des terres qui servent à la production agricole au moins depuis les années 50. Il s’agit des villes de Perez Millan, dans le nord de l’Etat de Buenos Aires, et de Alcorta, Carreras, Máximo Paz, Santa Teresa et Bigand dans la localité de Santa Fe.

C’est justement à Bigand, que le Ministère de la Santé argentin avait réalisé une étude ayant pour objectif de « déterminer les facteurs de vulnérabilité des populations exposées aux pesticides ». Dans le cadre du Plan National de Gestion Environnementale, avec la participation de la Chaire de Toxicologie et Chimie de la l’Université de Buenos Aires, les conclusions de l’enquête détaillent que « plus de la moitié des personnes interrogées et 100% des travailleurs en charge des fumigations déclarent, que eux ou des membres de leur entourage, ont été victimes d’intoxication aux pesticides au moins une fois. A 90%, ces personnes ajoutent qu’elles ne connaissent personne résistant aux intoxications ».

Cette étude confirme les effets aggravants que provoquent les intoxications comme les allergies, les maux de tête, les nausées, les irritations respiratoires, dermiques ou oculaires. D’un point de vue du travail, il est constaté dans ce rapport national que les travailleurs agricoles « dans leur grande majorité ne bénéficient pas d’un contrat, ni de couverture médicale, et sont payés sur des bases forfaitaires. » « Nous avons rencontré plus de 40 pesticides utilisés, avec une prédominance de l’usage de glyphosate. » relève enfin ce rapport d’Etat.

Ce rapport a été publié en 2002, depuis cette date le Ministère de la Santé n’a plus publié d’information sur les pesticides.

Source : Traduction de l’article « Una investigación del Hospital Italiano de Rosario confirmó los efectos en la salud de los agrotóxicos en los pueblos sojeros. » du journal argentin Pagina 12, mai 2008

Des nouvelles du Japon et de l’Express

Je mets en ligne deux liens qui mettent du baume au coeur :
– l’un concerne la diffusion du film sur la NHK , la télévision publique japonaise le 14 juin. Ce même jour l’une des chaînes de la NHK diffusera une interview de 25 minutes que j’ai enregistrée mardi dernier.

– L’autre concerne un article publié dans l’Express de cette semaine.

Hier soir, j’étais à Rouen: 400 personnes!