La tournée continue!

Partout, les salles sont combles!

Tout d’abord, merci à Jean-Luc de m’avoir permis de corriger une erreur qui s’était glissée dans mon blog dans mon post sur la soirée de Pamiers. A dire vrai j’ai eu un peu de mal à rédiger ce texte, car les gens qui m’hébergeaient avaient un équipement informatique un peu dépassé et j’ai dû récrire ce post plusieurs fois car le système n’arrêtait pas de boguer! La dernière version fut écrite dans l’urgence car je devais reprendre la route!

Tout cela n’est pas bien grave, et je m’amuse de voir que cela a permis à mes détracteurs patentés de se déchaîner!

Merci en tout cas à François et Françoise qui m’ont gentiment reçue dans leur jolie maison de l’Ariège…

Mardi soir, j’étais à la médiathèque de Narbonne où les organisateurs ont dû refuser une cinquantaine de personnes. Merci à Annie et Gilbert qui m’ont accueillie et nourrie et assuré mon transport d’une ville à l’autre!

Puis, hier soir, j’étais à Carcassone, où le cinéma a affiché complet (250 personnes). Il faut dire que les gens de Carcassone se sentent particulièrement concernés, puisque , tout près de la jolie cité, très précisément à Trèbes, se trouve l’un des sites de Monsanto (société Asgrow , aujourd’hui filiale de Monsanto).

Je rappelle que le 13 décembre 2006 Jean-Bernard Bonastre et Serge Reymond, deux anciens PDG de Monsanto-Trèbes, ont été condamnés par le tribunal de Carcasonne respectivement à 15 000 Euros d’amende pour “mise sur le marché sans autorisation d’OGM, vente et détention de produit agricole falsifié, corrompu ou toxique, publicité mensongère et tromperie sur la nature et la qualité d’une marchandise”.

Le jugement avait retenu 4 infractions constituées :

– Mise sur le marché d’OGM sans autorisation
– Publicité mensongère
– tromperie sur la nature, la qualité d’une marchandise – Vente de produits agricoles falsifiés ou corrompus

En effet, en août 2000, la DGCCRF (Direction de la répression des fraudes) avait effectué un contrôle sur le site de Monsanto et constaté que celui-ci avait importé 100 tonnes de semences de soja contaminées par les OGM transgéniques de Monsanto. L’enquête avait révélé que 50 tonnes avaient été vendues par des coopératives locales à 23 agriculteurs qui avaient emblavé ces semences et 50 tonnes renvoyées aux USA.

Or, a estimé le tribunal, Monsanto était parfaitement au courant de cette contamination qui peut-être une stratégie de la firme pour imposer ses semences transgéniques et placer les autorités devant le fait accompli, ainsi que ce fut le cas au Paraguay et au Brésil…

Je suis arrivée, cette nuit (à deux heures du matin) à Toulouse, où s’ouvre aujourd’hui le procès des faucheurs volontaires.

Il faut dire que ce procès est une curiosité qui doit constituer un véritable casse-tête pour la justice: en effet, les 41 prévenus, dont José Bové, sont accusés d’avoir détruit , le 30 juillet 2006, à Saint Hilaire, près de Muret, une parcelle de maïs… MON 810, dont les cultures ont été suspendues en février dernier par le gouvernement au nom du principe de précaution!

Comme le souligne Libération:

« La justice pourra-t-elle condamner un action encore illégale lorsqu’elle a été commise, mais légitimée depuis par les autorités de l’Etat? »

Cette affaire confirme en tout cas ce que j’ai déjà écrit dans mon Blog: les faucheurs volontaires sont bel et bien des lanceurs d’alerte, puisque la validité de leur action a depuis été confirmée par une décision de l’Etat.

Au lieu d’être poursuivis en justice, ils devraient donc être protégés par le statut des lanceurs d’alerte que le Grenelle de l’environnement a appelé de ses voeux et sur lequel le gouvernement a promis de plancher…

Voilà pourquoi, en tout cas, j’ai accepté d’être témoin au procès: mon audition est prévue demain.

Les faucheurs relaxés à Chartres!

Alors que les auditions des prévenus se poursuivent au tribunal de Toulouse, la nouvelle est tombée: les faucheurs du procès de Chartres (voir sur mon blog) ont été relaxés!

En ce qui concerne mon témoignage – j’ai été citée par le tribunal comme « experte » – il aura lieu demain dans la matinée.

Ce soir à Toulouse, a lieu à la salle Mermoz, à 20 heures 30, un débat public auquel participeront Christian Vélot, Arnaud Apoteker, José Bové et l’économiste Gérald Assouline.

450 personnes à Pamiers

Gros succès hier à Pamiers , une petite ville de l’Ariège (16 000 habitants) , où 450 personnes ont participé à la projection de mon film. Normal: on se sent très concerné dans le département où les agriculteurs sont tentés par les semences transgéniques de Monsanto. L’année dernière, on comptait 1100 hectares de maïs MON 810 dans le département, jusqu’à l’interdiction provisoire de cet OGM BTpar legouvernement.

Hier soir, certains producteurs de maïs étaient présents dans la salle et sont repartis très troublés…

Encore une fois, je ne leur jette pas la pierre: je sais combien il est dur de survivre dans l’agriculture et à quel point ils sont coincés et intoxiqués (dans tous les sens du terme) par les injonctions des « fantassins du développement » (voir mon post intitulé « l’appel au secours des agriculteurs »).

C’est ainsi que les producteurs de maïs ont été encouragés à utiliser l’atrazine, un pesticide très toxique, par les vendeurs de « produits phytosanitaires » et autres techniciens de chambres d’agriculture, jusqu’au dernier moment.

Mon frère, agriculteur, m’a raconté que quelques mois avant le retrait de ce produit du marché, qui est un véritable poison, les vendeurs faisaient le tour des fermes pour dire « faites des stocks, le produit va être bientôt interdit! »

Hier soir, une pétition a circulé pour demander aux maires des communes environnantes de bannir les OGM de leur territoire.

La ville de Foix a déjà pris un arrêté interdisant les cultures transgéniques sur la commune.

La loi d’airain des brevets (3)

Je poursuis mon récit des conséquences du brevetage des semences pour les agriculteurs. Le rapport rédigé par le Center for Food Safety de Washington dresse un portrait glaçant du « monde selon Monsanto »…

DÉBUT EXTRAIT DE MON LIVRE:

« Nous possédons tous ceux qui achètent nos produits »

La plupart des agriculteurs condamnés que le CFS a contactés racontent la même histoire : un jour, un agent, généralement de la Pinkerton, sonne à leur porte, parfois accompagné par la police. Il demande à consulter leurs factures de semences et d’herbicides, exige de se rendre dans leurs champs, où il prélève des échantillons de plantes et prend des photos. Le ton est souvent menaçant, voire brutal.
Parfois aussi, aucun agent ne se présente jamais, mais le cultivateur reçoit une assignation en justice, sur la base d’un « dossier » constitué de vues aériennes et d’analyses de plantes qui ont été récoltées sur sa propriété à son insu. Il n’est pas rare que les agriculteurs attaqués n’aient jamais signé d’« accord d’utilisation de la technologie » (25 affaires sur 90), soit parce que le négociant qui leur a vendu les semences ne leur en a jamais parlé, soit parce qu’ils l’ont signé sans l’avoir vraiment lu, tant cette pratique est inhabituelle…
C’est le cas de Homan McFarling, un paysan du Missouri traîné en justice en 2000 pour avoir « sauvegardé des semences de soja RR ». Ce qu’il n’a jamais nié… En première instance, il a été condamné à payer cent vingt fois la valeur des graines conservées, soit 780 000 dollars, conformément à ce que stipulait l’« accord » qu’il ne se souvenait même pas d’avoir signé et dont il n’avait pas trace. Il a fait appel, et une fois n’est pas coutume, il a obtenu une réduction de l’amende : la cour s’est interrogée sur la « constitutionnalité d’un contrat demandant des dommages et intérêts énormes eu égard au préjudice très faible ». L’histoire ne dit pas combien il a finalement payé…
D’autres ont été condamnés, sans savoir qu’ils cultivaient des plantes OGM ! Ainsi Hendrik Hartkamp, un Hollandais, a-t-il eu la mauvaise idée d’acheter un ranch dans l’Oklahoma en 1998. Il y a trouvé une réserve de semences de soja, qu’il a semées… Le 3 avril 2000, il a été poursuivi par Monsanto pour « violation de la loi sur les brevets », car une partie des semences était transgénique. Après s’être ruiné pour assurer sa défense, il a vendu son ranch à perte, puis a quitté définitivement les États-Unis.

« Ce qui est terrible, m’explique Joseph Mendelson, c’est que les tribunaux ne font pas de différence entre ceux qui réutilisent sciemment leurs semences et ceux qui n’ont pas planté intentionnellement les OGM. La seule chose qui compte, c’est que le fameux gène a été retrouvé dans un champ : quelle qu’en soit la raison, le propriétaire du champ est considéré comme responsable. »

À un paysan qui assurait n’avoir jamais signé de contrat, et qui a transigé pour 100 000 dollars (d’où son anonymat), un représentant de Monsanto a rétorqué, avec une franchise remarquable : « Nous vous possédons, nous possédons tous ceux qui achètent nos produits . »

Dans le rapport du CFS, on découvre aussi que pour au moins six des 90 procès intentés par Monsanto, l’« accord » exhibé par la firme présenterait une signature falsifiée, une « pratique reconnue courante par les négociants en semences ».
Ce serait le cas notamment pour Eugène Stratemeyer, un agriculteur de l’Illinois tombé dans un piège tendu par un « inspecteur » : en juillet 1998, un individu se présente sur sa ferme pour lui demander de lui vendre une petite quantité de semences. Comme la saison des semis est terminée, il explique qu’il veut faire un test d’érosion. Eugène Stratemeyer accepte de le dépanner… Condamné à payer 16 874,28 dollars d’amende pour avoir enfreint le brevet, il a engagé une procédure contre Monsanto pour usage de faux.

Lorsque les agriculteurs décident de se défendre en contestant publiquement l’interdiction de ressemer une partie de leur récolte, ils s’exposent à un véritable harcèlement, voire à une campagne de diffamation soigneusement orchestrée dans les médias et auprès de tous les intermédiaires agricoles.

C’est ce qui est arrivé à Mitchell Scruggs, un exploitant du Mississipi qui a toujours assumé avoir conservé ses semences de soja RR et de coton Bt. Pour lui, c’est un droit inaliénable qu’il défend pour le principe, mais aussi pour les implications financières qu’entraîne l’exigence de Monsanto. Son calcul est simple : en 2000, il a cultivé 5 200 hectares de soja, dont 75 % étaient transgéniques ; et pour emblaver un champ d’une acre (0,4 hectare) avec du soja RR, il a dû payer 24,50 dollars pour un sac de cinquante livres, contre 7,5 dollars pour du soja conventionnel. Pour illustrer les « profits énormes réalisés par Monsanto », il rappelle que s’il décidait de vendre « légalement » comme semences le surplus de sa récolte conventionnelle, il en obtiendrait 4 dollars le sac . Pour le coton Bt, note-t-il, le rapport est de un à quatre entre les semences conventionnelles et transgéniques.

Condamné à payer 65 000 dollars d’amende en 2003, Mitchell Scrugg s’est engagé ensuite — j’y reviendrai — dans une class action qui accuse Monsanto de violer la loi antitrust américaine et demande à ce que les OGM soient soumis au régime commun du certificat d’obtention végétale. Pour avoir résisté délibérément à la « loi de Monsanto », sa vie est devenue un enfer : les agents de la firme sont allés jusqu’à acheter un hangar désaffecté situé en face de son magasin de fournitures agricoles, où ils ont installé une caméra de surveillance, tandis que des hélicoptères survolaient régulièrement sa propriété …

Parfois, les affaires tournent carrément au drame, avec à la clé des peines de prison. Ainsi, en janvier 2000, Kem Ralph, un agriculteur du Tennessee, a-t-il été poursuivi pour avoir conservé 41 tonnes de soja et de coton transgéniques. Le juge Rodney Sippel, du tribunal de Saint-Louis, le condamne à une première amende de 100 000 dollars, en exigeant qu’il garde les semences incriminées pour que puisse être évalué le « préjudice » exact subi par Monsanto. Exténué, le paysan, qui a pourtant pu prouver que la signature apposée sur l’« accord » fourni par la firme était un faux, décide de brûler le stock.
« Nous en avons marre d’être maltraités par Monsanto, a-t-il déclaré à l’Associated Press. Nous sommes tirés au collier comme une horde de chiens au bord de la route . »

Finalement, le juge Sippel l’a condamné à payer 1,7 million de dollars, tandis qu’un jury lui infligeait une peine de huit mois de prison et une amende supplémentaire de 165 469 dollars pour « entrave à la justice et destruction de preuves ».
L’affaire a fait beaucoup de bruit, parce qu’elle a permis de révéler une autre pratique abusive de la firme : les fameux « accords d’utilisation de la technologie » comprennent une clause prévoyant qu’en cas de litige, les procédures doivent être obligatoirement portées devant la juridiction de Saint-Louis.
Pour les victimes, issues de tous les États-Unis, cela entraîne des frais supplémentaires pour pouvoir assurer leur défense ; et surtout, cela donne à Monsanto ce que le Chicago Tribune appelait en 2005 un « avantage du domicile » non négligeable. Installée depuis plus d’un siècle dans son fief, la firme a l’habitude de travailler avec les mêmes cabinets d’avocats, dont Hush & Eppenberger . Or, il se trouve que le juge Rodney Sippel, réputé pour son intransigeance envers les « pirates », a débuté sa carrière de juriste chez… Hush & Eppenberger .

À noter aussi qu’en 2001, au moment où la grogne gagnait les prairies américaines contre le brevetage des semences, un certain John Ashcroft, alors ministre de la Justice de George W. Bush et qui fut aussi gouverneur du… Missouri de 1983 à 1994, demandait à la Cour suprême des États-Unis de donner son avis sur la question. Le 10 décembre, celle-ci, sous la plume de Clarence Thomas (qui fut, comme nous l’avons vu, l’un des avocats de Monsanto) tranchait — par six voix contre deux — en faveur du brevetage des semences …

FIN DE L’EXTRAIT

Radio Canada

J’ai donné une dizaine d’interviews sur Radio Canada à Montréal, Québec et Toronto, comme celle-ci dans l’émission quotidienne de Christiane Charette.

Pour la petite histoire, si vous tapez « The World according to Monsanto » dans votre moteur de recherche préféré, vous verrez qu’une rumeur court aux Etats Unis: « the documentary you won’t ever see » (le film que vous ne verrez jamais) disent de nombreux papiers…
En fait, le DVD sera lancé aux Etats Unis par l’ONF (Office canadien du cinéma) début juillet.
En attendant, l’ONF a décidé de faire retirer le film de Daily Motion et de Google Video, droits d’auteur obligent…
L’opération a dû être répétée plusieurs fois, parce que le film est remis « environ tous les deux jours » sur les sites pirates, m’a dit Yves Bisaillon, l’un des patrons de l’ONF.

Du coup, la rumeur court que c’est Monsanto qui intervient pour censurer le film!!

La loi d’airain des brevets (2)/ Rush

Je continue à présenter la face cachée et réelle des OGM qui n’intéressent Monsanto que pour une seule raison: ils sont brevetés à cause de la dérive du système général des brevets que j’ai décrite dans mon post « la Loi d’airain des brevets (1) ».

Comme je l’ai raconté dans mon film, pour s’assurer que les agriculteurs n’ont pas gardé une partie de leur récolte pour la re-semer, Monsanto fait appel aux services d’une agence de détectives privés (la Pinkerton aux Etats Unis et la Robertson au Canada) que l’on surnomme « la police des gènes » et qui sème la terreur dans les prairies et plaines d’Amérique du Nord.
Je retranscris ici la partie de mon livre qui rapporte l’étude conduite par le Center and Food Safety (CFS) de Washington sur une centaine de paysans poursuivis par Monsanto pour « violation du brevet ».
Ensuite, je mets en ligne l’interview que j’avais réalisée (prémontée et finalement coupée) de Joseph Mendelson, le directeur juridique du CFS.

DEBUT EXTRAIT

La police des gènes

« Les OGM sont protégés par la loi américaine sur les brevets, m’explique John Hofman, le vice-président de l’Association américaine du soja (ASA), avec l’indéfectible sourire qui ponctue chacune de ses phrases. C’est pourquoi je n’ai pas le droit de garder des graines pour les replanter l’année suivante. C’est une protection pour Monsanto et les sociétés de la biotechnologie, parce qu’elles ont investi des millions et des millions de dollars pour créer cette nouvelle technologie que nous sommes très heureux d’utiliser. »

À entendre le farmer de l’Iowa, je pense à… Hugh Grant, le P-DG de Monsanto qui, dans une interview à Daniel Charles, ne disait pas autre chose : « Notre intérêt est de protéger notre propriété intellectuelle et nous n’avons pas à nous en excuser. […] C’est aussi dur que cela. Il y a un gène qui appartient à Monsanto et il est illégal qu’un agriculteur prenne ce gène pour le recréer dans une deuxième récolte . »

« Comment la firme Monsanto peut-elle savoir que quelqu’un a ressemé ses graines ?, demandé-je à John Hofman.

– Euh…, hésite-t-il, visiblement embarrassé. Je ne sais pas répondre à cette question… C’est une bonne question pour Monsanto… »

Malheureusement, comme je l’ai dit au début de ce livre, les responsables de Monsanto ont refusé de me recevoir, ce qui m’a été notifié par Christopher Horner, le responsable des relations publiques de la firme à Saint-Louis. Il eût pourtant été intéressant que j’interviewe ce dernier, car d’après un article du Chicago Tribune, c’est lui qui a dû monter au créneau pour défendre les pratiques de son employeur, quand le Center for Food Safety de Washington a publié un rapport très dérangeant en novembre 2004.

Intitulé Monsanto vs. U.S. Farmers , ce document très fouillé de quatre-vingt-quatre pages confirme l’existence de ce qu’on appelle en Amérique du Nord la « police des gènes », assurée effectivement par les agences Pinkerton aux États-Unis et Robinson au Canada . Il révèle aussi que depuis 1998, la firme de Saint-Louis mène une véritable chasse aux sorcières dans les prairies américaines, qui a conduit à des « milliers d’enquêtes, une centaine de procès et de nombreuses faillites ».

« Ces procédures représentent un pourcentage infime par rapport aux quelque 300 000 usagers de notre technologie, a rétorqué Christopher Horner. Les procès constituent le dernier recours de la firme . »
Quant à Joseph Mendelson, le directeur juridique du Center for Food Safety, il dénonce les « méthodes dictatoriales » de la multinationale, prête à tout selon lui, pour « imposer son contrôle sur tous les rouages de l’agriculture ».
Il faut dire que la lecture du rapport qu’il a coordonné donne froid dans le dos : après avoir rappelé qu’en 2005, 85 % du soja cultivé aux États-Unis était transgénique, 84 % du colza, 76 % du coton et 45 % du maïs, celui-ci note qu’« aucun paysan n’est à l’abri des investigations brutales et des poursuites implacables de Monsanto : certains agriculteurs ont été condamnés après que leur champ a été contaminé par du pollen ou des semences issus du champ transgénique d’un voisin ; ou quand des “graines rebelles” restées d’une culture précédente ont germé, l’année suivante, au mi-lieu d’une plantation non transgénique ; certains n’avaient même jamais signé de contrat technologique. Dans tous ces cas, en raison de la manière dont la loi sur les brevets est appliquée, tous ces paysans ont été considérés comme techniquement responsables ».

Pour mener son étude, le Center for Food Safety (CFS) a consulté les données fournies par la firme elle-même, qui rend régulièrement publics les cas de « piraterie de semences » qu’elle a détectés dans le pays.
Une mesure inhabituelle de transparence destinée à dissuader les éventuels contrevenants à sa loi d’airain. On découvre ainsi qu’en 1998, la multinationale a « enquêté » sur 475 cas de « piraterie » et que jusqu’en 2004, la moyenne annuelle dépassait les 500.
Le CFS a recoupé ces données avec le recensement des « poursuites engagées par Monsanto contre des agriculteurs américains », établi par le registre des greffes des tribunaux fédéraux, qui, à la date de 2005, avait enregistré 90 procès.
La moyenne des indemnités obtenues par la firme s’est élevée à 412 259 dollars, avec un maximum de 3 052 800 dollars, soit un total de 15 253 602 dollars (dans certains cas, exceptionnels, les agriculteurs n’ont pas été condamnés). Les procédures ont entraîné la faillite de huit exploitations agricoles.

« En fait, m’explique Joseph Mendelson, ces chiffres ne représentent que la partie immergée de l’iceberg, puisqu’ils ne concernent que les rares affaires qui sont allées en justice. La grande majorité des paysans attaqués, très souvent injustement, préfèrent négocier à l’amiable, car ils ont très peur des frais que leur coûterait un procès contre Monsanto. Or, tous ces règlements à l’amiable n’apparaissent pas, car ils s’accompagnent d’une clause de confidentialité. C’est pourquoi nous n’avons pu décortiquer que les affaires qui avaient été jugées. »

Dans le rapport du CFS, on découvre que Monsanto dispose d’un budget annuel de 10 millions de dollars et d’un staff de soixante-quinze personnes pour mener ses « enquêtes ».
Sa première source d’information, c’est le numéro vert « 1-800-Roundup », que la firme a officiellement mis en ligne le 29 septembre 1998, par un communiqué de presse en bonne et due forme :

« Laissez un message sur le répondeur si vous voulez rapporter d’éventuelles violations de la loi sur les semences ou tout autre type d’information, dit ainsi la voix sur le numéro vert. Il est important d’utiliser des lignes fixes, car les téléphones portables peuvent être interceptés par de nombreuses personnes. Vous pouvez appeler anonymement, mais s’il vous plaît laissez votre nom et numéro de téléphone au cas où le suivi le nécessiterait . »

D’après Daniel Charles, la « ligne des mouchards » a reçu
1 500 appels en 1999, dont 500 ont déclenché une « enquête » . Interrogée sur cette « ligne des mouchards », soupçonnée d’« effilocher les liens sociaux qui soutiennent les communautés rurales », pour reprendre les termes mesurés du Washington Post, Karen Marshall, la porte-parole de Monsanto, s’est contentée de répondre :

« Cela fait partie de la révolution agricole, et toute révolution est douloureuse. Mais la technologie est une bonne technologie . »

FIN DE L’EXTRAIT

Suite dans le prochain post!