Prix de l’impact du FIGRA 2015: alerte sur le sable

J’étais dans le jury du « Prix de l’impact  » du Festival International du grand reportage d’actualité et du documentaire de société (FIGRA) qui s’est tenu au Touquet du  25 au 29 mars (voir le palmarès). Cette année encore, je n’ai pas pu y présenter de documentaires, car la règle ABSOLUE du FIGRA c’est que les films ne doivent pas dépasser les 90 minutes! Exit mes quatre derniers « opus »: Le monde selon Monsanto, Notre poison quotidien, Les moissons du futur et, bien sûr, Sacrée croissance!

L’an passé mon film Escadrons de la mort: l’école Française (Prix de l’investigation du FIGRA en 2004) avait reçu le premier « Prix de l’impact », créé à l’instigation de Paul Moreira (dont le film Bientôt dans vos assiettes a reçu le prix de l’investigation 2015) et d’Amnesty International. Chaque lauréat se retrouvant l’année d’après dans le jury de la catégorie, voilà comment j’ai rejoint Bertin Leblanc, directeur de la communication de Amnesty International et président du jury, et mes confrères Douglas Herbert, Michael Zumtein et Claude Guibal. Nous eûmes la tache difficile de choisir parmi cinq documentaires qui étaient tous d’une très grande valeur ce qui provoqua de longs débats passionnants autour de la question fondamentale: comment mesure-t-on l’impact d’un film? Nous avons retenu quatre critères:

– la dimension « lanceur d’alerte », à savoir que le sujet traité par le film aborde une problématique inconnue ou méconnue ayant de fortes conséquences pour les droits humains;

– la prise de conscience que suscite le film dans la presse , chez les autorités, les institutions , associations ou chez un large public;

– la dimension « pièce à conviction », à savoir que le film servira de plaidoyer pour les citoyens ou organisations qui promeuvent la cause qu’il défend;

– la durabilité, à savoir que l’impact du film se déroulera sur la longueur, idéalement jusqu’à la résolution du problème grave qu’il a soulevé.

C’est ainsi que nous avons décidé de primer Le sable: enquête sur une disparition, un film de Denis Delestrac que nous avons tous reçu comme un coup de poing. Il raconte comment le sable marin est en train de disparaître en raison de la folie des hommes qui en consomment chaque année des millions de tonnes pour construire des routes, autoroutes, trottoirs, et immeubles en béton armé (dont la majorité ne sont pas habités car ils alimentent la spéculation immobilière). Après avoir épuisé le sable des rivières, les bipèdes humains se sont attaqués aux plages, puis aux fonds marins (le sable du désert est inutilisable pour la construction), entraînant des bouleversements qui menacent la biodiversité marine (déjà en danger en raison de la surpêche et du réchauffement climatique), font disparaître des îles entières (par l’effet de vase communicant que provoque l’incessant pompage)  et , à terme, les plages elles-mêmes, comme on le voit déjà sur les côtes du Maroc ou aux Maldives. Cet énorme gaspillage d’une ressource rare et précieuse, contrôlée par la « mafia du sable » constitue un énorme enjeu écologique et social qui pousse à l’exil des millions de familles vivant près des côtes, déjà menacées par les effets du réchauffement climatique.

Avec ce film, nous avons compris que la défense de l’environnement n’était pas seulement un combat de « bobos » mais qu’elle conditionne celle de tous les autres droits humains : liberté de la presse et d’opinion, respect de la personne, etc. Quand les plages, la biodiversité et les ressources naturelles auront disparu, les autres combats (essentiels certes) seront définitivement vains. Et au fur et à mesure que progressera l’impitoyable destruction, due à la cupidité des intérêts privés mais aussi aux dégâts que celle-ci cause, la barbarie proliférera, comme c’est déjà le cas dans de nombreuses parties du monde (Moyen Orient, Afrique et même en Europe). Un exemple: l’atroce guerre qui se mène actuellement en Syrie ou en Irak n’aurait jamais eu lieu s’il n’y avait pas eu de pétrole dans ces territoires très convoités. C’est pourquoi je dis et je répète que la question écologique sous toutes ses formes (épuisement des ressources, de la biodiversité, pollutions, réchauffement climatique) représente l’urgence absolue et qu’elle devrait constituer la préoccupation N°1 de tous les journalistes car elle englobe désormais tous les autres problèmes (« classiques ») du monde…

Pour finir, je vous informe que la députée EELV Michèle Bonneton organise, le 2 avril, un colloque sur TAFTA, l’accord de « libre échange » que préparent l’Union européenne et les États Unis. Je participerai à une table ronde où je présenterai le bilan de l’ALENA (l’accord de libre échange nord-américain) fondé sur l’enquête que j’ai réalisé pour mes films (et livre) Les déportés du libre échange et Les moissons du futur. L’inscription préliminaire au colloque est obligatoire.