Je suis heureuse de vous informer que mon film Le monde selon Monsanto sera rediffusé sur ARTE le 23 avril, à 14 heures 10.
Logiquement, la chaîne franco-allemande m’a demandé d’ « actualiser l’impact« qu’ a eu le film (et le livre) depuis sa sortie en mars 2008. À dire vrai, la tache m’a paru incommensurable, tant les répercussions de cette enquête sont proprement innombrables au point qu’il m’arrive, aujourd’hui – soit cinq ans plus tard- , au moins cinq à dix demandes de projection ou de débat par semaine! Difficile dans ces conditions de dresser un bilan exhaustif du fameux « impact », sauf à y consacrer des jours!
J’ai donc décidé de reprendre la postface que j’avais écrite, en janvier 2009, à l’édition poche de mon livre, en l’agrémentant de photos et vidéos, et en la complétant par les événements les plus importants qui ont jalonné les années 2010 à 2012.
Un succès certifié durable[1]
Je vous écris du Pérou
J’écris d’une chambre d’hôtel à Lima ( Pérou). Les 28 et 29 janvier 2009, j’ai été invitée à participer à un colloque intitulé « Les semences de la diversité face aux OGM » qu’organisait une dizaine d’associations , impliquées dans le développement durable et les droits de l’homme. Pour ce pays mégadivers, qui , avec la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Equateur, le Mexique et le Vénézuéla, détient 70% de la biodiversité du monde, l’enjeu est de taille : un projet de loi va bientôt être discuté au parlement pour « encadrer les cultures transgéniques ». Si la loi passe, le maïs transgénique de Monsanto (BT) fera son entrée au Pérou, menaçant de contaminer les centaines de variétés « criollas » (traditionnelles) de la céréale mythique des Incas « capable de pousser dans les zones littorales mais aussi à 3000 mètres d’altitude », comme l’a rappelé lors du colloque le docteur Antonieta Gutiérrez, professeur à l’Université nationale d’agronomie de La Molina à Lima. Preuve , s’il en était besoin, que les millions de paysans péruviens qui entretiennent cette extraordinaire biodiversité depuis des millénaires, n’ont pas attendu le « génie génétique » de multinationales comme Monsanto, pour développer des variétés adaptées aux terroirs, climats, et aléas agronomiques. Même chose pour la pomme de terre ou la quinoa, dont le Pérou constitue le centre d’origine, avec des milliers de variétés cultivées partout dans le pays.
Affiche pour le colloque de LIma
Le problème pour Monsanto et consorts c’est que ces variétés ne sont pas brevetées, et que les paysans continuent de développer leurs propres semences, au besoin en les échangeant avec leurs voisins. Or, par l’un des plus « grands hasards », le Pérou vient d’adopter récemment une loi autorisant le brevetage des semences, ce qui ouvre la voie aux OGM … Dans le même temps, le gouvernement péruvien subissait de nombreuses pressions pour interdire l’étiquetage des OGM, qui entrent déjà dans le pays, notamment sous forme d’huile de soja importée du Brésil, au motif que cet étiquetage serait préjudiciable au consommateur, en entraînant une « augmentation des prix » ( un argument déjà mis en avant par Monsanto notamment aux Etats Unis) . Enfin, des informations concordantes signalent la présence de cultures transgéniques illégales dans au moins une région péruvienne, grâce à un trafic de semences fort opportun, organisé depuis les pays voisins…
Extrait de la revue de presse péruvienne couvrant ma venue au Pérou
Le lecteur de ce livre l’aura compris : on retrouve là toute la stratégie de la firme de Saint Louis, pour imposer par tous les moyens ses plantes transgéniques pesticides : pression sur les gouvernements pour modifier les lois concernant le brevetage du vivant, ou pour empêcher l’étiquetage des OGM, et création d’un « état de fait » (comme au Paraguay ou au Brésil, et plus récemment au Mexique) pour revendiquer ses « droits de propriété intellectuelle » sur les cultures transgéniques illégales, et, donc de juteuses royalties, entraînant in fine la légalisation des cultures de contrebande .
Le colloque de Lima a débuté par la projection de mon film devant quelque trois cents participants. Au même moment, une autre projection était organisée pour vingt-cinq journalistes, suivie d’une conférence de presse qui a duré près de deux heures, tant les questions étaient nombreuses.
Conférence de presse à Lima
Puis, j’ai rejoint la salle du colloque pour écouter le discours d’ouverture de Antonio Brack, ministre de l’environnement, et, par ailleurs, un écologue réputé . Celui-ci a réitéré sa proposition de déclarer le « Pérou libre d’OGM », en soulignant qu’elle était loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement. En fait, elle est même l’objet d’intenses frictions avec le ministère de l’agriculture, qui, comme au Brésil, soutient mordicus les OGM de Monsanto, censés entraîner une augmentation de la productivité agricole. Pendant le déjeuner, Antonio Brack m’a « avoué » , avec un grand sourire , que son cabinet était coupable de « piraterie » : « N’ayant pas pu nous procurer le film en espagnol , m’a-t-il expliqué, nous avons donc regardé la version pirate mise en ligne sur Google ! » À ma plus grande tristesse , en effet, au moment où j’écris ces lignes, aucun DVD espagnol n’était disponible sur le marché, et pour pallier ce manque, un internaute avisé a pris la peine de sous-titrer entièrement le film et de mettre sa version pirate sur Internet ![2]
En France comme à l’étranger, un écho stupéfiant
L’anecdote péruvienne est exemplaire de l’incroyable succès planétaire qu’a rencontrée mon enquête sur Monsanto. Depuis mars 2008, date de parution de la première édition de ce livre et de la diffusion sur Arte de mon documentaire éponyme, j’ai été prise jusqu’à ce jour dans un tourbillon, que personne – ni moi, ni La Découverte ou ARTE – n’auraient pu espérer même dans nos rêves les plus fous !
Ovation à Montréal, lors de la présentation du film à l’association des retraités québécois.
Sollicitée de partout (d’Europe, d’Amérique du Nord et du Sud, mais aussi d’Afrique), j’ai dû jongler tant bien que mal avec les centaines de demandes d’interview des médias ou de projections débats que m’ont adressées des associations, des représentants politiques ou institutionnels, et répondre aux multiples interrogations soulevées par ce travail. J’étais bien convaincue d’avoir mis à nu les agissements pervers de l’une des grandes multinationales de la technoscience contemporaine, mais je n’imaginais pas que mon livre et mon film, qui présentent notamment les travaux de tant de « lanceurs d’alerte » jusque-là étouffés, auraient un tel impact international.
http://www.mariemoniquerobin.com/crbst_15.html
Curieusement, alors que j’ai débuté ma longue enquête sur internet, c’est précisément de la toile qu’est parti l’incroyable ras de marée. Dans mon blog, ouvert le 18 février 2008[3], trois semaines avant la diffusion de mon film sur ARTE, j’écrivais le 29 février : « Il se passe vraiment un drôle de phénomène sur la toile. Alors que la presse commence tout juste à commenter mon film (et livre), si on tape “Le monde selon Monsanto” dans Google, on atteint les 22 000 hits ! Depuis deux semaines, ça ne cesse de monter… À dire vrai, cela fait chaud au cœur et j’espère que le 11 mars, l’audience sur Arte sera à la hauteur de l’attente suscitée par ce film… » De fait, elle le fut : 1 569 000 téléspectateurs le premier jour (le 11 mars 2008) , soit presque deux fois plus que l’audience habituelle d’Arte pour ce genre de documentaire, et la meilleure audience de l’année pour la chaîne. S’y ajoutent 170 000 visionnages sur ARTE +7, qui permet de visionner les films en ligne pendant une semaine, sans oublier les rediffusions et les ventes du DVD, qui se sont arrachés le soir même de la diffusion, au point de faire exploser le système informatique d’ARTE Boutique ! A ce jour, plus de 50 000 exemplaires du DVD ont été vendus.
À Montréal
Le 14 mars 2008, trois jours après la diffusion du film, Joël Ronez, responsable du pôle Web sur Arte France, écrivait « Le monde selon Monsanto a généré un buzz assez colossal dans la blogosphère (…) Plus de 338 blogs francophones citant le titre du documentaire ont été identifiés , dont 224 depuis la diffusion ». Si, aujourd’hui, on tape « le monde selon Monsanto » sur le Service Blog Search de Google, on obtient 8669 Blogs francophones ! Si on tape « The World according to Monsanto », le résultat est de 9428 Blogs anglophones ! Et, avec « El mundo según Monsanto », le chiffre est de 3314 Blogs hispanophones , alors que le film a eu une diffusion confidentielle sur la chaîne espagnole Tele Cinco, et qu’encore une fois, il n’y a pas, à ce jour, de version espagnole disponible sur le marché ! Au-delà des Blogs, c’est par centaines de milliers que se comptent les « hits » si on tape sur Google ou tout autre moteur de recherche « Le monde selon Monsanto », « The World According to Monsanto » ou « El mundo según Monsanto ».
À ce jour, le documentaire a été diffusé ou programmé sur une vingtaine de chaînes internationales, en Europe, mais aussi en Australie, au Japon et au Canada, et y compris aux Etats Unis, où il a été acheté par Sundance Channel. Même phénomène pour le livre, qui s’est vendu à 100 000 exemplaires dans le monde francophone, tandis que les éditeurs de seize pays ont décidé de le traduire (y compris en Corée, où des agents se sont littéralement battus pour obtenir les droits d’édition !)
La couverture de huit éditions internationales du Monde selon Monsanto
J’ai accompagné la sortie du livre (Stanké) et film au Canada ( l’Office national du Canada, coproducteur, avait décidé de lancer le documentaire d’abord en salle, où il a fait quelque 20 000 entrées au Québec, un score excellent pour un documentaire), où je me suis rendue par deux fois, en mai et en septembre 2008, et ai enchaîné les interviews (près de trente) , constatant avec étonnement que les journalistes de ce pays, qui comptent , pourtant, sept millions d’hectares de cultures transgéniques, ne savaient pas, pour la plupart, quels OGM ils avaient dans leurs champs, et donc dans leurs assiettes. Quand je leur expliquais qu’en achetant une huile de colza (non étiquetée), ils consommaient très probablement des résidus de roundup, mes confrères écarquillaient immanquablement les sourcils, confirmant qu’ils découvraient la « réalité des OGM de Monsanto ».
600 personnes à Sherbrooke (Québec)
J’ai fait le même constat en Espagne, où j’ai passé une petite semaine en novembre 2008, pour le lancement de la version espagnole de mon livre (Peninsula). Dans ce pays – le seul de la Communauté européenne à avoir des cultures transgéniques – 80 OOOO hectares, principalement en Catalogne et Aragón, sont plantés en maïs BT 810, celui-là même qui a été provisoirement suspendu par le gouvernement français en février 2008. Avant chaque interview (une bonne vingtaine) , je faisais un petit test : « Savez-vous quels OGM sont cultivés en Espagne ? » Suivait , à chaque fois, un long silence, et parfois cette réponse sidérante : « Des plantes manipulées génétiquement pour résister à la sécheresse » ! « Malheureusement , étais-je obligée de répondre immanquablement , ces plantes magnifiques n’existent pas ! Les seuls OGM cultivés en Espagne sont des plantes insecticides, ce qui veut dire que, sans le savoir, vous consommez – vous ou les animaux que vous mangez – des résidus d’insecticide … » Je n’oublierai jamais le regard inquiet de mes confrères de la péninsule ibérique…
http://wp.arte.tv/robin/2008/12/01/clip-espagnol/
Dernière anecdote : alors que le film n’était pas encore disponible aux Etats Unis, des internautes avisés l’ont acheté sur Arte Boutique (le DVD a été édité en français, allemand et anglais) puis l’ont découpé en dix parties pour le mettre sur Google Video , You Tube ou Daily Motion. Responsable de la distribution du documentaire en Amérique du Nord, l’Office national du film du Canada est intervenu, à plusieurs reprises, pour demander son retrait de la toile, tant qu’il n’avait pas été légalement commercialisé. Le lecteur pourra vérifier que des papiers ont immédiatement circulé sur le Web, intitulés « The documentary you won’t ever see » (le documentaire que vous ne verrez jamais), expliquant que c’était la faute à … Monsanto, qui usait de son légendaire entregent pour le censurer !
500 personnes à Ruffec (Charente)
Comment expliquer un tel écho ? D’abord, je crois, par la violence même des pratiques d’une multinationale qui s’affiche paradoxalement « au dessus de tout soupçon ». Mais aussi par l’effet souterrain du travail obstiné conduit depuis des décennies, dans le monde entier, par toutes celles et ceux qui s’y sont opposés et dont j’ai tenté ici de restituer la parole : les syndicats et mouvements paysans d’Inde ou d’Amérique latine en butte aux dégâts des OGM, les « faucheurs volontaires » de champs d’OGM en France, les scientifiques « lanceurs d’alerte » en Amérique et en Europe, ou les avocats, en particulier américains, des victimes des pratiques de Monsanto, du PCB d’hier aux OGM d’aujourd’hui. Enfin, et peut-être surtout, par le fait que la multinationale de Saint Louis représente un paradigme du modèle industriel mortifère qui s’est imposé un peu partout dans le monde après la seconde guerre mondiale. Or ce modèle, qui repose sur une course effrénée vers le seul profit, et dont chacun d’entre nous a largement profité, entretient une peur diffuse due aux effets néfastes qu’il a entraînés sur l’environnement et la santé de l’homme.
Interview de la télévision brésilienne après la projection du film au parlement
À toutes ces raisons , qu’un sociologue serait plus à même de décortiquer plus en détail, s’en ajoute une absolument fondamentale : la puissance des réseaux du Web, qui se sont emparés de mon enquête comme d’un outil démocratique d’information, avec en tête le site « combat-monsanto.org » qui s’est créé, dans la foulée de mon livre et film, et qui poursuit mon travail et l’enrichit avec rigueur et ténacité. Conçu à l’initiative d’un collectif d’associations, dont Greenpeace, la Fondation sciences citoyennes du Professeur Jacques Testart, Via Campesina, Attac, Les amis de la terre, Sherpa, et parrainé par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme , ARTE et La Découverte, ce site trilingue (français, anglais, espagnol) a pour vocation de centraliser toutes les informations internationales et de mettre en synergie les réseaux qui, un peu partout dans le monde, se battent « pour que le monde de Monsanto ne devienne jamais le nôtre ».
La réaction de Monsanto et de ses supporters
Comment Monsanto a-t-il réagi à toutes ces mises en cause ? Pendant, plus de dix mois, par le silence, comme si le service de communication de la firme avait jugé préférable de se taire, pour tenter de « limiter les dégâts ». En France, les journalistes, qui ont contacté sa filiale française, dans la banlieue lyonnaise, se sont fait gentiment éconduire, conformément à ce qu’avait annoncé le site de Monsanto France : « Le film et le livre de Marie-Monique Robin sont les dernières illustrations de la frustration des opposants aux biotechnologies. Ces travaux sont tellement partiaux qu’ils n’appellent aucun commentaire de la part de notre entreprise. » D’où ce commentaire de Hervé Kempf, grand spécialiste des OGM au Monde, que je cite régulièrement dans mon livre : « Qui ne dit mot, consent » . [4]
Queue lors de la projection du film à Mexico
En revanche, et j’allais dire comme d’habitude, la multinationale a essayé de faire porter la critique par une tierce personne, en l’occurrence une obscure association, dénommée Association française pour l’information scientifique (AFIS). [5] Comme je l’écrivais dans mon Blog , le 9 mars 2008, c’est-à-dire deux jours avant la diffusion de mon film sur ARTE, « des internautes vigilants m’ont signalé un article mis en ligne sur le site de l’Association française pour l’information scientifique (AFIS) qui ‘ se donne pour but de promouvoir la science contre ceux qui nient ses valeurs culturelles, la détournent vers des œuvres malfaisantes ou encore usent de son nom pour couvrir des entreprises charlatanesques ‘… Cette association est connue pour ses prises de position scientistes pures et dures et son soutien sans faille à l’establishment scientifique, dont elle estime que la parole et les travaux ne sauraient être questionnés par des citoyens aussi ignares qu’impies parce que non scientifiques. C’est précisément au nom de cette science « au-dessus de la mêlée » et qui n’a de compte à rendre à personne, qu’ont pu avoir lieu les grands scandales sanitaires des vingt dernières années : affaire du sang contaminé, crise de la vache folle, drame de l’hormone de croissance, ou désastre criminel de l’amiante. »
Toujours est-il que ledit article de l’AFIS comprenait un avant propos d’un certain Michel Naud, un « ingénieur et chef d’entreprise », président de l’AFIS, qui se présente comme un « rationaliste scientifique » et un « bright »… [6] Il est intéressant de noter que pour lancer leur « mise en garde » contre ce que Michel Naud appelle les « contrevérités et les approximations relayées sans esprit critique » de mon enquête sur Monsanto, les auteurs de l’AFIS n’ont rien trouvé de mieux que d’avoir recours à la calomnie et à la désinformation. Parmi les quelque deux cents reportages et documentaires que j’ai réalisés pour la télévision ils en ont retenu deux qui leur semblaient pouvoir jeter le discrédit sur mon travail : l’un intitulé « Voleurs d’organes », qui m’a valu sept prix internationaux , dont le Prix Albert Londres, et l’autre, intitulé « La science face au paranormal », diffusé sur Canal + et ARTE. Je ne reviendrai pas sur la réponse substantielle que j’ai adressée à l’AFIS et j’invite le lecteur à consulter les neuf messages que j’ai placés sur mon Blog à ce sujet (dans la rubrique « les nouvelles de la toile ») [7], mais je souligne que dans le long article développé par le Dr. Marcel Kuntz, celui-ci semble gêné aux entournures, car il est incapable de démonter ce qui aux yeux de tous les commentateurs honnêtes constitue le cœur de mon investigation, à savoir, comme je l’ai écrit dans mon Blog :
« 1) le « principe d’équivalence en substance » ne repose sur aucune donnée scientifique mais sur une « décision politique » de la Maison Blanche, destinée à favoriser, au plus vite, la mise sur le marché des OGM, en permettant que les produits issus des biotechnologies échappent aux tests sanitaires ou environnementaux.
2) ce principe d’équivalence en substance était vivement critiqué par les propres scientifiques de la FDA qui pensaient, au contraire, que le processus de manipulation génétique pouvait entraîner des « risques spécifiques » et recommandaient donc que les OGM soient minutieusement testés avant leur mise sur le marché, mais ils n’ont pas été écoutés.
3) effectivement, ce « principe a évolué depuis l’origine », puisque le Codex alimentarius de l’ONU recommande depuis … 2000 qu’il soit considéré comme une « étape ». Mais c’était quatre ans après la mise sur le marché du soja roundup ready, qui recouvre aujourd’hui des millions d’hectares!
4) les chercheurs européens ont brillé par leur silence quand ce principe a été introduit, sous la houlette de la FDA et de Monsanto, au début des années 1990, à l’OMS, la FAO et l’OCDE, alors qu’aucun OGM n’était encore cultivé (cf. chapitre 8 de mon livre). »
Très clairement l’AFIS était en lien étroit avec Monsanto ainsi qu’a pu le vérifier Christina Palmeira, la correspondante du journal brésilien Carta Capital , à qui les représentants français de la firme ont décliné sa demande d’interview, en la renvoyant sur … l’AFIS ![8]
Et puis, comble de malchance pour mes sympathiques détracteurs, le 29 mars 2008, je révélais sur mon Blog une lettre disponible sur Internet , adressée par le Dr. Marcel-Francis Kahn à Christian Vélot, enseignant-chercheur en génie génétique moléculaire à l’Université Paris Sud, l’un des rares scientifiques français , qui a le courage de dénoncer l’absence d’évaluation sérieuse des plantes pesticides de Monsanto, et qui fut menacé de perdre son travail . Voici ce qu’écrit le Dr. Kahn, qui a démissionné de l’association scientiste, en dénonçant ses liens, et notamment ceux du … Dr. Marcel Kuntz, avec Monsanto :
« Je viens de signer la pétition protestant contre la suppression des facilités de recherche dont vous bénéficiez. L’élément suivant peut vous intéresser. Je faisais partie du Comité scientifique et de patronage de l’AFIS qui édite le bulletin « Science et pseudo-science ». Je combats depuis longtemps en médecine tous les charlatanismes.
Il ne vous a peut-être pas échappé que ,sous l’influence de son rédac chef Jean-Paul Krivine, l’AFIS s’est transformée sans que notre avis soit sollicité en un véritable lobby pro OGM.Certes , je ne suis pas du tout persuadé que le maïs 810 ou d’autres soit toxique. Ce que j’ai lu ne m’en convainc pas. Mais en revanche je combats la stratégie monopolistique agressive de Monsanto et de ses diverses sociétés écran. J’ai donc demandé à la rédaction de Science et Pseudoscience que … Marcel Kuntz et Louis-Marie Houdebine indiquent leurs liens avec Monsanto et ses filiales , comme en médecine ( je m’occupe d’un journal scientifique médical et il est devenu obligatoire de préciser ce qu’on nomme conflits d’interêt) »…
http://wp.arte.tv/robin/2008/03/21/les-liens-entre-lafis-et-monsanto-la-preuve/
Il faudra attendre la sortie en novembre 2008 de l’édition en portugais de ce livre au Brésil – où étaient cultivés en 2007, on l’a vu, plus de quinze millions d’hectares de soja RR – pour enregistrer une première réaction officielle de la firme de Saint Louis, expliquant dès le jour de mon arrivée dans le pays (le 8 décembre 2008) sur le site Web de sa filiale brésilienne [9] que mon « livre-documentaire » «tend à dénigrer l’image de Monsanto ». Le papier passe en revue tous les sujets traités dans mon enquête et qui manifestement fâchent la multinationale (et à ce titre il est fort instructif ) : les PCB, l’hormone de croissance, l’agent orange, le roundup, les revolving doors , la police des gènes, etc, avec la mauvaise foi et le déni habituels : on peut y lire, par exemple, qu’ « aucune étude scientifique n’a pu montrer le lien causal entre une exposition aux PCB et le cancer » ! Le 20 décembre, Annie Gasnier, correspondante du Monde au Brésil, et qui était présente à la projection-débat organisée par le Consul de France à Rio de Janeiro, a eu la bonne idée d’appeler le service de communication de Monsanto Brésil, lequel a avoué que le papier était « une traduction littérale du texte envoyé par le siège américain de la firme ». D’où le commentaire de la journaliste : « La réaction publiée témoigne de l’importance du Brésil dans la stratégie de la multinationale » . Au passage, ma consoeur révèle une information qui confirme tout ce que j’ai écrit dans ce livre : » Dans le Sud, des agriculteurs tentent d’abandonner le soja OGM, déçus par les rendements, mais ils ne trouvent plus de graines traditionnelles à cultiver ».
Annie Gasnier (2ème rangée avec le collier)
Alors que j’étais au Brésil, Soazig Quemener, journaliste au Journal du Dimanche a cherché à m’interviewer. Malheureusement, mon programme très chargé et le décalage horaire ne m’ont pas permis de répondre à ses questions. Le 14 décembre 2008, le journal a donc publié une interview de Laurent Martel, qui représente une anthologie de langue de bois , où commentant mon livre, il assène : « C’est un livre à charge qui assène tout un tas d’erreurs ». On n’en saura pas plus, car aussitôt le cadre de Monsanto enfourche le cheval habituel de la firme : « En France, nous sommes avant tout des agronomes qui travaillent au service des agriculteurs. Monsanto participe à des défis essentiels. Nous sommes 6,5 milliards d’habitants sur Terre, nous serons 9 milliards d’ici quarante ans… »
Avec le gouverneur de l’État du Paraná (Brésil)
Mais auparavant, j’ai été l’objet d’une assez extraordinaire campagne de dénigrement de mon travail, conduite sur le Web par quelques internautes jouant les spécialistes , et signant leurs attaques de divers pseudos (« Anton », « Gatteca », « Zobi », « Ryuujin » ou « GPF »). Postant » leurs commentaires à toute heure du jour et de la nuit, – y compris le soir du nouvel an ! -sur mon blog et sur bien d’autres[10], comme s’ils n’avaient que cela à faire, ces partisans fanatiques des OGM ont prétendu démolir, point par point, mon enquête. Curieusement, tous (à moins que ce ne soit une et même personne, travaillant pour le compte d’une agence de communication, spécialisée dans le « marketing viral », comme je le raconte dans ce livre) ont décliné ma proposition de participer ensemble à un débat public, préférant garder leur anonymat somme toute bien confortable. Ainsi que je le soulignais un peu plus haut, ceux que je dénomme sur mon Blog « mes détracteurs personnels », et qui ont avoué, pour certains, qu’ils n’avaient pas lu mon livre ni vu mon film, se gardent bien en tout cas de revenir sur les points essentiels de mon investigation : l’inanité du « principe d’équivalence en substance », dont découle l’absence (voire la manipulation ) d’études scientifiques sérieuses sur les OGM (comme avant sur les PCB, la rBGH, etc) et le système des revolving doors qui permet de tout verrouiller.
Ca bouge !
Au-delà des objections, finalement très minoritaires, à mon travail de la part des supporters de Monsanto et des multinationales productrices d’OGM, mon livre/film a suscité bien d’autres réactions qui permettent d’affirmer que lentement mais sûrement les choses bougent. Ainsi, lors de l’examen parlementaire de la loi sur les OGM au printemps 2008, on a vu des élus UMP très courageux monter au créneau, pour dénoncer les pressions exercées par Monsanto sur leurs collègues. Le 2 avril 2008, Jean-François Legrand, sénateur de la Manche, qui avait émis des « doutes sérieux » sur le MON 810, lorsqu’il présidait le comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM, déclarait au Monde : « Certains ont fait main basse sur l’UMP afin de défendre des intérêts mercantiles, « ripolinés » pour les rendre sympathiques : on a parlé de l’avenir de la science, de celui de la recherche… La force de frappe de Monsanto et des autres semenciers est phénoménale. Il fallait voir la violence des réactions de Bernard Accoyer [président de l’Assemblée nationale] et d’autres au lendemain de l’avis rendu par le Comité de préfiguration. Il suffit de comparer les argumentaires des uns et des autres – identiques – pour comprendre l’origine de leur colère. Ils ont été actionnés. J’ai été approché par Monsanto, et j’ai refusé de leur parler. Je veux rester libre. »[11]
Le 10 juin 2008, dans une interview à l’Express, le sénateur qui a finalement été mis au ban du groupe UMP au Sénat lors de l’examen de la loi, confirmait le rôle qu’avait joué mon enquête dans sa prise de position : « J’ai vu le film et j’ai été vraiment impressionné« , témoignait- t-il, notant que certains de ses collègues ont, eux aussi, été « ébranlés ». « Mais je ne peux pas donner de noms« , ajoutait-t-il.
Quant à Antoine Herth, rapporteur du texte sur les OGM à l’Assemblée, il avouait à mon collègue de l’Express : « L’effet a surtout été indirect: il y a eu un tel battage autour de sa diffusion que nous avons été harcelés. On recevait 200 messages des altermondialistes par jour! » [12]
Au même moment, le député UMP de Moselle François Grosdidier [13] s’exprimait lui dans Libération pour dénoncer l’activisme de la FNSEA, le principal syndicat agricole, et du lobby semencier, pour que le projet de loi soit détricoté : « Mes collègues sont grandement intoxiqués (…) Les députés ruraux sont soumis à de fortes pressions« . Il évoquait des « démarches individuelles faites auprès des députés ruraux, qui constituent la majorité des députés de la majorité, par les branches départementales de la FNSEA avec plus ou moins, disons, de véhémence (…)Certains de mes collègues, dont je tairai le nom, se sont entendus dire que leur permanence risquait d’être mise à sac ». [14]
J’ai rencontré, depuis, François Grosdidier à plusieurs reprises. Il m’a confirmé que sans ce lobbying forcené de Monsanto, des semenciers comme Limagrain et de la FNSEA, la loi sur les OGM ne serait jamais passée, avec une confortable majorité de refus. Dans les faits, elle a été refusée à une voix, puis finalement imposée par le gouvernement de Mr.Fillon, qui a sorti de son chapeau une commission paritaire, permettant de contourner le rejet du parlement. Ce que j’ai appelé dans mon Blog un « déni de démocratie pur et simple ».
Le 26 novembre 2008, François Grosdidier et Serge Lepeltier, le maire de Bourges et ancien ministre de l’environnement de Alain Juppé, qui ont créé une association baptisée « Valeurs écologiques », m’ont invitée à animer un petit-déjeuner conférence à l’Assemblée nationale. À leur grande surprise, près de soixante-dix élus et membres de diverses institutions se sont déplacés. J’ai concentré mon exposé sur l’enjeu des semences brevetées et le dessein de Monsanto de s’emparer du contrôle de la chaîne alimentaire à travers l’outil des OGM (un sujet complètement absent du débat parlementaire ), l’inévitable contamination des filières conventionnelles et biologiques, si les cultures transgéniques étaient autorisées en France, et, enfin, sur la nécessité de revoir l’homologation du roundup.
550 personnes à Chemillé (Maine et Loire).
Entre-temps, en effet, la condamnation de Monsanto pour « publicité mensongère » avait été confirmée par le Tribunal de Lyon, tandis qu’une nouvelle étude publiée par le professeur Gilles-Éric Séralini avec sa collègue Nora Benachour, dans la revue Chemical Research in Toxicology, confirmait « l’impact de diverses formulations et constituants » du roundup « sur des lignées cellulaires humaines. Et ce à des doses très faibles », pour reprendre les termes du Monde. [15]
Au même moment en Argentine, où les cultures transgéniques couvrent aujourd’hui dix-huit millions d’hectares, le gouvernement de Christina Kirchner décidait, enfin, de bouger : A la suite de différents articles parus dans le journal Página 12, largement déclenchés par mon livre et film sur Monsanto, la présidente vient de créer , par décret, une commission d’enquête officielle sur les conséquences sanitaires dramatiques des épandages de roundup dans les zones de production de soja transgénique. Récemment, le juge Carlos Matheu a pris une décision, qui, d’avis général, fera jurisprudence, interdisant les épandages du poison de Monsanto à moins de 1500 mètres des lieux d’habitation. Dans le même temps , une série de plaintes étaient déposées, à la suite de l’explosion de cancers notamment chez les enfants, nés dans les zones de cultures de soja roundup ready. Particulièrement alarmant est le cas du quartier de Ituzaingó à Córdoba, où les mères se battent depuis des années pour que cesse cet empoisonnement, responsable d’un taux particulièrement élevé de cancers , malformations foetales et de pathologies multiples.. Enfin, une équipe médicale de l’hôpital italien de Rosario, dirigée par le Dr. Oliva, a confirmé les conséquences sanitaires désastreuses du modèle transgénique.
Avec Alberto Hernandez, ministre de l’agriculture argentin
Sofia Gattica (à gauche) du quartier de Ituzaingó (Córdoba). Elle a reçu le prestigieux Prix Goldman (voir sur ce blog) pour le travail d’alerte qu’elle a menée contre les dégâts sanitaires provoqués par les épandages de roundup.
Dans toutes mes conférences, j’insiste tout particulièrement sur l’urgence de revoir l’homologation du roundup, qui constitue, à mes yeux, une urgence sanitaire, et qui, de plus, est lié à 70% des plantes transgéniques cultivées sur la planète. L’argument semble faire son chemin : un peu partout en France, mais aussi au Canada, des citoyens ont décidé de rapporter leurs bidons de l’herbicide le plus vendu au monde au vendeur, et nombreuses sont les communes qui ont déjà (ou vont) interdit son usage, ainsi que celui d’autres produits similaires tout aussi dangereux.
Par exemple, en juin dernier, j’ai été invitée à faire un exposé sur le roundup par la région Poitou Charentes, qui organisait un « forum participatif régional pour la réduction des pesticides dans les collectivités » . Plus de 150 élus ou techniciens des espaces verts avaient répondu à l’appel , révélant l’inquiétude des élus face à la catastrophe sanitaire qu’a déjà commencé à provoquer l’usage massif de pesticides, jusque dans les cours de récréation. Un article paru, le 24 novembre 2008, dans Le Monde dénonçait, pour la première fois, les effets néfastes sur la fertilité masculine des pesticides (et plastiques), qui sont des perturbateurs endocriniens (comme le roundup de Monsanto). Leur « présence diffuse dans l’environnement » pourrait expliquer que « le nombre et la qualité des spermatozoïdes » des hommes a « diminué environ de 50% par rapport à 1950 ».[16]
Lors de mes projections/débats, qui réunissent toujours entre 2OO et 6OO personnes, je pose immanquablement la même question : « Qui a dans son entourage très proche quelqu’un qui souffre d’un cancer, de la maladie de Parkinson ou d’Altzheimer ? » Systématiquement, 80% des personnes présentes dans la salle lèvent la main. Suivent alors invariablement les deux mêmes questions, venues, cette fois, du public : « Pourquoi ? Qu’est ce qu’on peut faire ? »
Par un « hasard » de calendrier, « Le monde selon Monsanto » est arrivé au bon moment, permettant de cristalliser les inquiétudes de la société civile, face à cet énorme enjeu que représentent les plantes transgéniques, et au-delà face à l’angoissante épidémie de cancers, maladies neurologiques ou auto-immunes , dysfonctionnement de la reproduction, qui frappe , aujourd’hui, chaque famille dans les pays dits « développés ».
Ce sera, d’ailleurs, le sujet de mon prochain film et livre, que je vais réaliser au cours de l’année 2009 pour ARTE et La Découverte, car comme dit le dicton, « on ne change pas une équipe qui gagne »…
Lors de la remise du prix des médias (section télévision) à Berlin (novembre 2009). Pendant cette soirée exceptionnelle, où le prix m’a été remis par Renate Künast, l’ancienne ministre de l’environnement du gouvernement Schröder, j’ai eu la surprise d’avoir un message filmé de Vandana Shiva, prix Nobel alternatif (introduit par le président de l’association Umwelthilfe):
De 2009 à 2013, de nombreux événements ont jalonné l’histoire du Monde selon Monsanto. J’invite les internautes à consulter mon Blog où j’ai tenu un compte rendu détaillé des nouvelles les plus importantes.
Parmi elles, il y a bien sûr la condamnation de Monsanto dans l’affaire de Paul François. Une première mondiale!
http://wp.arte.tv/robin/2012/02/13/paul-francois-a-gagne-son-proces-contre-monsanto/
[1] Titre d’un article du journal Livres Hebdo, du 18 avril 2008, rapportant que mon livre Le monde selon Monsanto « arrive en deuxième position des meilleures ventes des essais ».
[2] Je viens d’apprendre qu’ARTE avait (enfin !) décidé de fabriquer le DVD espagnol réclamé à cors et à cris un peu partout en Amérique latine.
[3] <http://blogs.arte.tv/LemondeselonMonsanto>.
[4] Le Monde, 10 mars 2008
[5] http://www.pseudo-sciences.org/
[6] http://brightsfrance.free.fr/michel.naud.htm.)
[7] Lire aussi deux critiques très pointue de l’article de l’AFIS :
http://www.alexis.lautre.net/wp/2008/03/13/le-monde-selon-monsanto/
[8] http://blogs.arte.tv/LemondeselonMonsanto/frontUser.do?method=getHomePage&rubricId=33300&blogName=LemondeselonMonsanto
[9] http://www.monsanto.com.br/monsanto/para_sua_informacao/documentario_frances.asp
[10] Voir notamment <http://imposteurs.over-blog.com>.
[11]Le Monde, 2 avril 2008.
http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article112&var_recherche=Legrand
[12] L’Express, 12 juin 2008.
[13] François Grosdidier,a publié Tuons-nous les uns les autres. Qu’avons nous retenu des grandes catastrophes sanitaires ?, aux Editions du Rocher , 2008.
[14] Libération, 1 avril 2008
[15] « Le désherbant le plus vendu au monde mis en accusation« , Le Monde, 9 janvier 2009.
[16] « La reproduction humaine menacée par la chimie », Le Monde, 24 novembre 2008.