Un échange de mail fort instructif entre l’AFIS et un médecin (2)

——- Original Message ——–
Subject: question
Date: Sat, 19 Apr 2008 16:07:32 +0200
From: Francis D?éprez
To: webmestre01@pseudo-sciences.org

Bonjour,
Pourquoi ne voulez-vous pas publier vos conflits d’intérêts?
Merci de votre réponse.
Dr Francis Déprez

La réponse de Michel Naud:

Bonjour à vous,

Je vous réponds à chaud et à titre strictement personnel : autrement dit ce n’est pas une position institutionnelle de l’association.

En ce qui me concerne je n’ai pas l’ombre d’une relation avec ni l’agriculture ni la biologie ni les biotechnologies ni ni ni… je suis un inégnieur métallurgiste, chef d’une entreprise de fonderie de quatorze salariés que j’ai créée en 2000 après avoir été salarié pendant 22 ans en usine dans différents groupes sidérurgiques à capitaux privé ou public. Voilà : ça c’est réglé.

Sur le fond, maintenant, je vais vous répondre en deux fois deux points :

1) D’abord raisonnons indépendamment de ceux qui nous somment de montrer patte blanche. La question n’est absolument pas pertinente.
Nous sommes une association ; nous existons depuis quarante ans ; nous défendons une certaine posture qui est parfaitement définie dans nos statuts ; le seul conflit d’intérêt qui nous préoccupe au plus haut point est que quelqu’un qui s’exprime peu ou prou au nom de l’association le fasse en respectant l’orientation de notre association.
A contrario nous ne sommes bien évidemment pas ni une agence du service public de l’expertise scientifique ni une expression institutionnelle ou quasi institutionnelle des institutions scientifiques.
Donc… rien, absolument rien, ne justifie que l’association se préoccupe de savoir si tel propos tenu sur les productions énergétiques rejetant peu de CO2 dans l’atmosphère est tenu par quelqu’un qui est en lien de près ou de loin avec EDF ou de savoir si tel biologiste de notre association est en lien ou non avec une entreprise de biotechnologie. Ces préoccupations sont hors sujets : nous sommes une association « citooyenne » comme on dit maintenant, pas une agence gouvernementale.

2) Les activistes anti-OGM, et particulièrement ceux qui le sont au titre (ou en même temps) d’un engagement politique antisystémique (anticapitaliste ou altermondialiste), ont choisi d’un point de vue tactique (ou pour tout autre motif, cela m’indiffère) de porter le discrédit sur tout chercheur ou expert n’allant pas dans leur sens en susurrant un lien de dépendance plus ou moins direct, plus ou moins caché avec les industriels, et si possible avec le diable en personne, autrement dit l’entreprise de Saint Louis Missouri dont il est devenu presque indécent de prononcer le nom. En ce qui concerne l’AFIS ces accusations touchent bien sûr les biologistes qui sont engagés avec nous, et en premier lieu ceux qui font partie de notre conseil scientifique : Louis-Marie Houdebine et Marcel Kuntz. Je connais ces biologistes. Ils pourraient avoir un intérêt personnel (outre qu’ls ne pourraient pas être expert à l’AFSSA comme LMH par exempe). Ils se trouvent qu’ils n’en ont pas et que de leur propre initiative ils ont produit des « déclarations d’intérêt » au sein de l’AFIS, et je défends le point de vue qu’il ne faut pas les publier ou en tout cas pas maintenant !

Pourquoi donc ?

1) D’abord parce que je ne supporte pas les méthodes inquisitoriales et qu’en ce qui me concerne la première raison qui justifie de ne pas montrer patte blanche est que des gens qui ne m’apparaissent pas du tout respectables demandent de le faire ! Peut-être est-ce une réaction passionnelle, je suis prêt à l’admettre, mais je ressens comme une agression insupportable d’être ainsi sali par des insinuations de la sorte.

2) Ensuite parce que, quand j’arrive à dépasser cette réaction instinctive, je suis intimement persuadé que le fait de montrer patte blanche ne sert à rien ; ces gens trouveront toujours le moyen de lancer une nouvelle rumeur discréditante du genre « oui mais… » suivi d’un nouveau venin, et on ne s’en sort pas ! Je le vois sur les blogs : si j’interviens on me reproche soit de ne pas être compétent (je ne suis certes pas un spécialiste) soit des liens que que certains distillent avec des entreprises de biotechnologies (sur le blog de marie monique robin un internaute a jeté en pâture l’hypothèse abracadabrante que j’aurais des liens avec une entreprise intitulée Advanced Cell Technology ???? …), et en ce qui concerne ceux qui sont compétents soit on met néanmoins en cause leur compétence soit on les taxe de liens… la logique de l’inquisition ou des tribunaux du peuple est infernale ; comme je le dis souvent, mon premier patron me disait que face à l’adversité « ne vous justifiez pas : c’est une preuve de faiblesse », je crois que c’est un conseil pertinent de quelqu’un d’expérience.

Communiquerons dans le futur sur cette dimension ? je ne sais pas ; je ne crois pas ; je pense qu’il vaut mieux communiquer sur le caractère profondément indigne de discréditer les experts de notre service public de l’expertise scientifique, sur la nécessité impérieuse qu’ils soient désignés exclusivement sur des critères de compétence démontrée et reconnue par leurs pairs, et par contre, effectivement, pour ceux à qui une mission de service public d’expertise est confiée, que la transparence nécessaire soit apportée.

J’espère avoir répondu à votre question ; un peu longuement certes, mais vous ne pouvez pas ressentir à quel point ces agressions répétées, car c’en sont bel et bien, sont nauséabondes pour nos chercheurs.

Cordialement

Michel Naud, qui se trouve être le président actuel de l’afis et qui vous répond à titre personnel

La réponse du Dr. Déprez:

Monsieur,
Votre réponse est assez surprenante. Ma question s’adressait à l’ensemble de l’équipe de l’AFIS, association que je connais non seulement par le bulletin du Conseil de l’Ordre des médecins, mais aussi parce que je consulte périodiquement votre site, pour voir quelles sont vos conceptions de l’exercice de la médecine. C’est aussi en tant que médecin, pour pouvoir répondre aux inquiétudes de mes patients que je consulte les sites les plus divers pour compléter mes connaissances, et éviter de raconter n’importe quoi. Ayant appris à me méfier des informations unilatérales, je passe mon temps à croiser les sources d’informations.
Contrairement à vous, je ne pense pas que les choix énergétiques ou alimentaires d’une société doivent être confiés aux seuls experts, aussi qualifiés soient-ils. Les exemples des experts menteurs du Comité Permanent de l’Amiante, du centre de Transfusion sanguine, de l’Hormone de croissance, et du Pr Pellegrin lors de l’accident de Tchernobyl nous ont beaucoup appris sur les bassesses de certains éminents experts. Je pense que tous les citoyens ont le droit de s’exprimer sur les choix qui les concernent. C’est d’ailleurs ce que vous faites quand, ingénieur métallurgiste, vous vous exprimez sur les OGM ou l’exercice de la médecine (en revanche, c’est contraire au communiqué de l’AFIS du 20 janvier 2008 qui dit que « les experts rattachés (aux) ONG n’ont aucune légitimité scientifique » et n’ont donc pas droit à la parole).
Quand je m’exprime publiquement, je trouve normal, conformément à la loi, d’exposer mes conflits d’intérêts. Cela ne me pose aucun problème, car je n’ai rien à cacher. Or, lors de mes recherches internet, j’ai vu sur le site Criigen que le Pr Kahn avait quitté votre équipe, parce que vous refusiez de communiquer vos conflits d’intérêts. Et votre réponse n’est pas faite pour me rassurer.
De quel droit jugez-vous que les gens qui vous posent cette question (dont le Pr Kahn) « ne sont pas respectables »? En quoi cette question normale relève-t-elle de « méthodes inquisitoriales »? ou de la « logique des tribunaux du peuple »? ou « d’agressions nauséabondes »? Tout ce vocabulaire n’est pas très scientifique.
Je réitère donc ma question : pourquoi ne voulez-vous pas publier vos conflits d’intérêts?
Meilleures salutations.
Dr Francis Déprez

La réponse de Michel Naud et de Louis-Marie Houdebine:

Cher docteur,

ma réponse vous surprend voire vous inquiète ;
bien sûr je connais la réaction de Marcel-Francis Kahn,
elle est entièrement dictée par son engagement politique à la gauche de la gauche,et je déplore de constater que la politique puisse à ce point affecter le comportement ;
je sais que dans les revues de médecine les déclarations d’intérêt sont réalisées,
mais nous ne sommes pas une revue de médecine, nous sommes une association,comme greenpeace ou le criigen ou france nature environnement,nous sommes simplement moins riches et moins nombreux 🙂
plus sérieusement… à qui doit revenir la charge de la preuve ?
aux accusateurs ou aux accusés ?
nous sommes harcelés sur le sujet parce que d’aucuns et d’aucunes ontargumenté en disant que si nous affirmons que les biotechnologies sont prises en otage d’un débat qui ne les concerne pas, c’est la preuve que nous sommes payés par Monsanto…
Et alors nous devrions cèder à la pression inquisitoriale ?
On nous accuse et nous devrions prouver notre innocence ?
Voilà pourquoi cela me révolte…
Je ne vous dis pas que c’est une réaction raisonnée :
oui elle a une dimension passionnelle,
je ne supporte pas que l’on m’accuse et m’injurie pour la seule raison que je ne laisse pas désinformer tranquillement…
je ne suis pas prêt à accepter les torrents de haine qui se déversent dans les forums,je ne suis pas prêt à accepter de plier à des sommations arrogantes.
Vous exercez dans les Pyrénnées Orientales, vous ne pouvez donc pas ignorer le rugby.
J’ai toujours joué au rugby, et j’y joue encore
– désormais et depuis quelques années déjà, j’ai 55 ans, au sein de l’équipe des vétérans
de mon club, le stade nantais université club – ; et je complèterai que j’ai quasiment toujours joué en première ligne ; vous imaginerez que je n’ai pas caractère à me laisser impressionner par l’adversité et à me laisser marcher sur les pieds.

Ceci dit, je vous donne mon avis personnel,
si mes amis pensent différemment,
si la pression devient telle que nos amis biologistes préfèrent calmer le jeu,
ne serait-ce que l’espace fugace d’un instant, en cédant à la pression de l’inquisition
ils le feront : ils n’ont pas besoin de mon autorisation 🙂

Je vous mets en copie ci-dessous la réaction de Louis-Marie Houdebine.

Si en plus on pouvait croire que cela servirait à quelque chose…

Cordialement à vous,
Michel Naud

—– Original Message —–
From: Louis-Marie HOUDEBINE
To: Michel NAUD
Sent: Monday, April 21, 2008 9:12 AM
Subject: Re: question]

Dur, dur. La question est toujours celle de savoir quoi faire en face des gens de mauvaise foi et qui de plus sont haineux. Ma première réaction quand tu as proposé de ne pas publier nos réponses à ceux qui nous accusent d’intelligence avec l’ennemi a tout d’abord été la surprise. J’ai rapidement été convaincu que c’était mieux ainsi. Il est difficile de prouver quelque chose de négatif dans ces domaines et impossible avec des tricheurs. J’ai rarement été accusé de connivence avec Monsanto ou autre et je n’avais donc pas bien réfléchi à ce problème. Ma réponse sera désormais que je n’ai rien à prouver mais que c’est à ceux qui m’accusent d’apporter des faits précis pour justifier leur accusation. J’ai un siècle tranquillité assurée avec cette réponse.
Bon courage
Louis-Marie

La réponse du Dr. Déprez:

De : Francis D?éprez
Date : 22 avril 2008 16:47:30 HAEC
À : Michel NAUD
Objet : privé-public

Monsieur,
Décidément, pour vous « science » rime avec secret. Comme secret d’Etat, ou secret commercial, principal argument de Monsanto pour refuser de divulguer ses études gênantes. Vous regrettez que Monsanto n’ait pas bonne presse. Mais une firme qui fait du fric en temps de guerre avec l’agent orange tératogène et cancérigène déversé sur les populations indochinoises, et en temps de paix en couvrant la planète de Round Up cancérigène ne peut pas être vraiment sympathique. Quant à ceux qui, en toute connaissance de cause, se mettent au service de telles entreprises, ils ont certainement des raisons très personnelles de le faire.
Mon boulot ne consiste pas seulement à soigner les gens, mais aussi à les mettre en garde contre ce qui peut nuire à leur santé. Dans mon deuxième courriel je vous ai d’ailleurs précisé : « C’est (…) pour pouvoir répondre aux inquiétudes de mes patients que je consulte les sites les plus divers pour compléter mes connaissances, et éviter de raconter n’importe quoi. » Je vous ai posé, à visage découvert, une question simple, pas une question d’ordre privé, une question d’intérêt public. Vous prétendez que votre réponse est d’ordre privé. Si tel était le cas, à une réponse d’intérêt public, vous ne donneriez que des réponses d’ordre privé, adaptées au profil de chacun de vos interlocuteurs. Ce qui serait très curieux de la part des adorateurs de la science que vous affectez d’être.
Meilleures salutations.
Dr Francis Déprez

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