« Gros poissons »(1): Dan Glickman

L’aveu de Dan Glickman

Tandis que je naviguais sur la toile pour préparer mon documentaire sur Monsanto, j’ai découvert un article passionnant, publié par ma consoeur Stéphanie Simon dans The Los Angeles Times du 1er juillet 2001.

J’invite les lecteurs anglophones à consulter ce papier qui raconte l’extrême difficulté avec laquelle les scientifiques de Monsanto, encadrés par Stephen Padgette (aujourd’hui vice-président de la firme) , sont parvenus à mettre au point le soja roundup ready, le premier OGM de grande culture autorisé aux Etats Unis ( 1995). La preuve que , contrairement à ce qu’affirment les défenseurs des biotechnologies, celles-ci ne représentent pas le simple prolongement des techniques de croisement traditionnel des plantes, mais un processus absolument contre nature.

Je rappelle que le soja roundup ready, qui représente en 2008 la plante transgénique la plus cultivée au monde, a été manipulé génétiquement pour résister au roundup, l’herbicide phare de Monsanto, dont j’ai découvert au cours de mon enquête (j’y reviendrai ultérieurement) qu’il était hautement toxique…
Toujours est-il que dans son article, ma collègue des Etats Unis, a interviewé Dan Glickman, qui fut secrétaire d’État à l’Agriculture de Bill Clinton de mars 1995 à janvier 2001, et à ce titre supervisa le lancement dans les champs de tous les OGM qui suivirent le soja Roundup ready.
Un an après avoir quitté ce poste stratégique, il exprime quelques regrets qui en disent long sur l’ambiance qui règnait alors à la Maison Blanche:

« Ceux qui étaient en charge de la réglementation se considéraient comme les défenseurs de la biotechnologie. Ils la considéraient comme la science qui allait de l’avant, et tous ceux qui n’allaient pas de l’avant étaient vus comme des luddites . »

(Le mot « luddite » a été inventé en Angleterre au début du XIXe siècle, d’après le nom d’un ouvrier du textile – Ned Ludd – qui, dans un geste de révolte, avait détruit des métiers à tisser dont il estimait qu’ils mettaient son travail en péril. Par extension, un « luddite » désigne une personne qui s’oppose à la mécanisation et à tout ce qui incarne le progrès technique.)

Intriguée par cet aveu, régulièrement servi par ceux qui écartent d’un revers de main le moindre questionnement sur la sécurité des OGM, j’ai donc cherché à contacter Dan Glickman. J’ai découvert qu’ il avait complètement changé de casquette, puisqu’en septembre 2004, il a été nommé P-DG de la Motion Picture Association of America, qui regroupe les six majors du cinéma d’Hollywood, comme la Buena Vista Pictures Distribution (Walt Disney) ou la 20th Century Fox…
Je lui ai adressé un E mail, auquel, à ma grande surprise, il a immédiatement répondu, en précisant qu’il m’avait « googlelisée » et qu’il était prêt à me recevoir à Washington.

La rencontre a finalement eu lieu en juillet 2006.

« Pourquoi avez-vous dit cela ?, lui ai-je demandé après lui avoir lu la citation du Los Angeles Times.

– Quand je suis devenu secrétaire à l’Agriculture , l’ambiance qui entourait la réglementation était fondamentalement orientée vers l’homologation des cultures transgéniques, dans le but de faciliter le transfert de technologie dans l’agriculture du pays, tout en poussant les exportations, m’a-t-il répondu. Il régnait un consensus dans l’agroalimentaire et au sein du gouvernement des États-Unis : si on ne marchait pas tête baissée en faveur du développement rapide de la biotechnologie et des cultures OGM, alors on était considéré comme anti-science et anti-progrès.

– Pensez-vous que le soja de Monsanto aurait dû recevoir plus d’attention avant sa mise sur le marché ?

– Franchement, je pense qu’on aurait dû faire plus de tests, mais les entreprises agroindustrielles ne voulaient pas, parce qu’elles avaient fait d’énormes investissements pour développer ces produits. Et en tant que responsable du service qui réglementait l’agriculture, j’ai subi beaucoup de pressions, pour, disons, ne pas être trop exigeant… La seule fois où j’ai osé en parler pendant le mandat de Clinton, je me suis fait taper sur les doigts, non seulement par l’industrie, mais aussi par les gens du gouvernement. En fait, j’ai prononcé un discours où j’ai dit qu’il fallait qu’on étudie plus sérieusement la réglementation des OGM. Et il y avait des gens à l’intérieur du gouvernement Clinton, surtout dans le domaine du commerce extérieur, qui étaient fâchés contre moi. Ils m’ont dit : “Comment peux-tu, toi qui travailles dans l’agriculture, mettre en cause notre système de réglementation ?” »

À noter que le secrétaire du commerce extérieur était alors Michael Kantor, l’ancien directeur de campagne de Bill Clinton, qui rejoindra le conseil d’administration de Monsanto…

Photo:

Avec Guillaume Martin, le cameraman, lors de notre rencontre à Washington avec Dan Glickman.

De la chimie aux OGM

Avec 17 500 salariés, un chiffre d’affaires de 7,5 milliards de dollars en 2007 (dont un milliard de bénéfices) et une implantation dans quarante-six pays, Monsanto représente l’une des multinationales les plus puissantes du monde.

Leader mondial des OGM (90% des cultures transgéniques lui appartiennent), la firme n’a cessé de faire la manchette des journaux, depuis sa création en 1901, en incarnant l’un des plus grands…. pollueurs de l’histoire industrielle: production de PCB (polychlorobiphényles), de polystyrène , d’agent orange pendant la guerre du Vietnam, de pesticides à l’efficacité redoutable comme le Roundup, ou des très controversées hormones de croissance bovine et laitière.

Pourtant, aujourd’hui, Monsanto se présente comme une entreprise des « sciences de la vie », récemment convertie aux vertus du développement durable . Grâce à la commercialisation de semences transgéniques, elle prétend vouloir faire reculer les limites des écosystèmes pour le bien de l’humanité.

Qu’en est-il exactement ? En quoi le passé de la firme peut-il éclairer ses pratiques actuelles? Et peut-on lui faire confiance quand elle prétend que les OGM vont résoudre le problème de la faim dans le monde ou réduire les effets de l’agriculture sur l’environnement?

Quels sont les fondements économiques de cette entreprise, qui, après avoir longtemps négligé les impacts écologiques de ses activités, met soudainement l’environnement au cœur de ses préoccupations ? Comment expliquer qu’après avoir travaillé étroitement avec les stratèges militaires du Pentagone, elle s’intéresse tout à coup au problème de la faim dans le monde au point de se donner des allures d’organisation humanitaire ?

« LE MONDE SELON MONSANTO » tente de répondre à ces questions, en retraçant l’histoire trouble et délictueuse de la compagnie de Saint Louis (Missouri), dont la plupart des produits phares ont fini par être interdits à la vente, après avoir causé des dégâts écologiques et humains considérables.

S’appuyant sur le témoignage de représentants de la Food and Drug Administration (FDA) et de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), de victimes de ses activités toxiques, d’avocats ou d’hommes politiques, de scientifiques, l’enquête reconstitue la genèse d’un empire industriel mortifère, qui, à grand renfort de rapports mensongers, de collusion avec l’administration nord-américaine, de pressions et corruption en tout genre, est devenu le premier semencier de la planète.

Elle montre comment, derrière l’image de société propre et verte que décrit la propagande publicitaire, se cache un projet hégémonique menaçant la sécurité alimentaire du monde mais aussi l’équilibre écologique de la planète.

De fait, en instrumentalisant la problématique environnementale à ses propres fins, Monsanto écrit un nouveau chapitre de son histoire sulfureuse, que le film (et livre) décortique, étape par étape.

L’enquête est construite sur deux axes intimement liés:

– une partie historique qui raconte l’histoire de quatre produits phares de la compagnie, dont deux sont désormais interdits à la vente, après avoir gravement contaminé des centaines de milliers de personnes : les PCB et l’herbicide 2-4-5 T (dioxine); et un hautement controversé : l’hormone de croissance laitière (rBGH).

Le quatrième est le Roundup qui, contrairement à ce que la multinationale a toujours affirmé n’est pas « biodégradable » ni « respectueux de l’environnement », mais, au contraire, très toxique…

Cette partie éclaire la méthode récurrente de Monsanto pour imposer des produits hautement dangereux : mensonges, dissimulation de données, études scientifiques truquées, corruption, pression sur les journalistes ou scientifiques indépendants, etc.

– une partie contemporaine qui raconte comment la compagnie utilise la biotechnologie comme un outil pour vendre ses produits chimiques et mettre la main sur les semences du monde.
Car, contrairement à ce qu’elle affirme à grand renfort de publicité, elle n’a pas renoncé à son passé de chimiste, bien au contraire : 7O% de ses semences transgéniques (soja, colza, coton, maïs) ont été manipulées pour résister à son herbicide Roundup.

En imposant ses OGM un peu partout dans le monde, elle fait d’une pierre deux coups : maintenir ses ventes de pesticides et inféoder les paysans par le verrouillage des semences brevetées…

Photo:
En tournage aux Etats Unis

Appel à la vigilance

J’appelle tous les lecteurs volontaires de ce blog à exercer leur vigilance en me signalant tout papier sur Internet qui pourrait s’apparenter à du « marketing viral » destiné à jeter le trouble sur la validité de mon enquête.

Photo:Avec Jonathan Matthew dans son bureau à Norwich (Royaume Uni).

À dire vrai, je m’attends à ce que soit lancée sur Internet une campagne de diffamation pour me discréditer ainsi que mon enquête.

Ainsi que je le raconte dans Le Monde selon Monsanto ce ne serait pas la première fois que la multinationale aurait recours à ce qu’on appelle le « marketing viral ». Pour preuve, l’histoire incroyable du Professeur Ignacio Chapela, qui a publié dans la revue Nature une étude sur la contamination du maïs mexicain par les OGM.

Je livre ici en exclusivité la partie de mon livre où je relate la « guerre sale » (dirty tricks) qu’a menée la firme de Saint Louis contre le chercheur de Berkeley.

DÉBUT EXTRAIT:

Le jour même de la publication de l’article de Chapela et Quist dans Nature, le 29 novembre 2001, une certaine Mary Murphy, manifestement bien informée, poste un courriel sur le site scientifique pro-OGM AgBioWorld, où elle écrit :

« Les activistes vont certainement faire courir le bruit que le maïs mexicain a été contaminé par des gènes de maïs OGM. […] On doit noter que l’auteur de l’article de Nature, Ignacio H. Chapela, fait partie du directoire du Pesticide Action Network North America (PANNA), un groupe d’activistes. […] Ce n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler un auteur impartial . »

Et le même jour, une certaine Andura Smetacek poste sur le même site un courriel intitulé :

« Ignatio (sic) Chapela : un activiste avant d’être un scientifique », où elle n’est pas à un mensonge près : « Malheureusement, la publication récente par le magazine Nature d’une lettre (et non pas un article de recherche soumis à l’analyse de scientifiques indépendants) de l’écologiste de Berkeley Ignatio (sic) Chapela a été manipulée par des activistes antitechnologie (comme Greenpeace, les Amis de la terre et la Organic Consumers Association) et les médias dominants pour alléguer faussement l’existence de maladies associées à la biotechnologie agricole. […] Une simple recherche dans l’histoire des relations de Chapela avec ces groupes [écolo-radicaux] montre sa collusion avec eux pour attaquer la biotechnologie, le libre échange, les droits de propriété intellectuelle et d’autres sujets politiques . »

Au moment où s’amorce la « campagne de diffamation » qui brisera la carrière d’Ignacio Chapela, un homme « tombe par hasard » sur ces étranges courriels. Il s’appelle Jonathan Matthews et il dirige GMwatch, un service d’information sur les OGM basé à Norwich, dans le sud de l’Angleterre.

« À l’époque, je faisais une enquête sur AgBioWorld, m’explique-t-il lorsque je le rencontre en novembre 2006, installé comme il se doit devant son ordinateur. C’était vertigineux : les deux courriels postés par Mary Murphy et Andura Smetacek ont été distribués aux 3 400 scientifiques enregistrés sur la liste de diffusion d’AgBioWorld. À partir de là, la campagne a enflé, certains scientifiques, comme le professeur Anthony Trewavas, de l’université d’Édimbourg, appelant au désaveu de l’étude par Nature ou au licenciement d’Ignacio Chapela.

– Qui est derrière AgBioWorld ?

– Officiellement, c’est une fondation à but non lucratif, qui affirme “fournir de l’information scientifique sur l’agriculture biologique aux décideurs à travers le monde”, comme le proclame son site, me répond Jonathan Matthews, démonstration à l’appui . Elle est dirigée par le professeur Channapatna S. Prakash, le directeur du centre de recherche sur la biotechnologie végétale de l’université Tuskegee, dans l’Alabama. D’origine indienne, il est conseiller de l’USAID, l’agence des États-Unis pour le développement international ; à ce titre, il intervient régulièrement en Inde et en Afrique pour promouvoir la biotechnologie. Il s’est rendu célèbre en lançant en 2000 la “Déclaration de soutien à la biotechnologie agricole”, qu’il a fait signer par 3 400 scientifiques, dont vingt-cinq Prix Nobel . Sur son site, il n’hésite pas à accuser les défenseurs de l’environnement de “fascisme, communisme, terrorisme, y compris de génocide”. Un jour, alors que je consultais les archives d’AgBioWorld, j’ai reçu un message d’erreur m’indiquant le nom du serveur qui héberge le site : appollo.bivings.com. Or, le Groupe Bivings, basé à Washington, est une entreprise de communication qui compte parmi ses clients… Monsanto et qui s’est spécialisée dans le lobbying sur Internet. »

Et Jonathan Matthews d’exhiber un article, publié en 2002 par le journaliste George Monbiot dans The Guardian, où l’on découvre que la firme a présenté son « savoir-faire » dans un document mis en ligne, intitulé : « Marketing viral : comment infecter le monde. »

« Pour certaines campagnes, il n’est pas souhaitable et il est même désastreux que le public sache que votre entreprise y est directement impliquée, explique-t-elle à ses clients. En termes de relations publiques, ce n’est tout simplement pas une bonne chose. Dans ces cas-là, il est d’abord important de bien “écouter” ce qui se dit en ligne. […] Une fois que vous vous en êtes bien imprégné, il est possible de vous brancher sur ces sites pour présenter votre position en faisant croire qu’elle vient d’une tierce personne. […] Le grand avantage du marketing viral, c’est que votre message a plus de chance d’être pris au sérieux.

« Dans son document, note le journaliste du Guardian, Bivings cite un « dirigeant de Monsanto » qui « félicite la firme » pour son « excellent travail » .

« Savez-vous qui sont Mary Murphy et Andura Smetacek, ai-je demandé à Jonathan Matthews, avec l’impression de nager en plein polar…

– Ah !, me répond le directeur de GmWatch, avec un sourire. Comme l’a bien résumé The Guardian , à qui j’ai transmis mes découvertes, ce sont des “fantômes”, ou des “citoyens factices” ! J’ai passé beaucoup de temps à chercher qui étaient ces deux “scientifiques” qui avaient déclenché la campagne contre Ignacio Chapela. Pour ce qui est de Mary Murphy, elle a posté au moins un millier de courriels sur le site d’AgBioWorld. Elle a notamment mis en ligne un faux article de l’agence Associated Press qui critique les “activistes anti-OGM”. Quand on remonte à l’adresse du serveur dont dépend son adresse électronique, on obtient : Bw6.Bivwood.com ! “Mary Murphy” est donc une salariée de l’agence Binvings ! Quant à “Andura Smetacek”, je me suis dit qu’il devrait être facile de retrouver une scientifique avec un nom si peu commun, d’autant plus qu’elle prétendait écrire depuis Londres. C’est elle qui a notamment initié une pétition demandant l’incarcération de José Bové. J’ai épluché l’annuaire électronique, le registre des électeurs et des cartes bancaires, mais impossible de retrouver sa trace… J’ai engagé un détective privé aux États-Unis, mais il n’a rien trouvé non plus. Finalement, j’ai épluché les détails techniques en bas de ses courriels qui indique l’adresse de protocole Internet : 199.89.234.124. Quand on la copie sur un annuaire des sites Internet, on tombe sur “gatekeeper2.monsanto.com”, avec le nom du propriétaire, “compagnie Monsanto de Saint-Louis” !

– Qui se cacherait, d’après vous, derrière “Mary Murphy” ?

– Avec George Monbiot, du Guardian, nous pensons qu’il s’agit de Jay Byrne, qui fut responsable de la stratégie Internet chez Monsanto. Lors d’une réunion avec des industriels, qui s’est tenue à la fin de 2001, il a notamment déclaré : “Il faut considérer Internet comme une arme sur la table : soit c’est vous qui vous en emparez, soit c’est votre concurrent, mais dans tous les cas, l’un de vous deux sera tué .”

– De faux scientifiques et de faux articles, c’est incroyable !
– Oui, me répond Jonathan Matthew, ce sont vraiment des coups tordus, qui représentent l’exact opposé des qualités que Monsanto prétend incarner dans son Pledge : “Dialogue, transparence, partage ”… Ces méthodes révèlent une firme qui n’a aucune envie de convaincre avec des arguments et qui est prête à tout pour imposer ses produits partout dans le monde, y compris à détruire la réputation de tous ceux qui peuvent lui faire obstacle… »

FIN DE L’EXTRAIT

Les débuts de l’enquête

Cette enquête fut tout à fait particulière, car, en vingt-cinq ans de « carrière », c’est la première fois que j’ai préparé toute mon investigation sur … internet.

Officiellement, j’ai commencé à travailler en mars 2006. Je dis « officiellement », car cela faisait déjà deux ans que j’accumulais des informations sur Monsanto, ainsi que je l’ai déjà expliqué dans mon message » Pourquoi un film sur Monsanto ? ».
En fait, entre mon retour d’Inde, en décembre 2004, et le lancement véritable de la production, il s’est écoulé … deux ans. Développé avec Image et Compagnie, la maison de production de Serge Moati, le projet a été refusé une première fois par ARTE, puis s’est promené à France 2, qui l’a également refusé, avant d’être accepté par l’Unité documentaire de Thierry Garrel à … ARTE.

Pendant tout ce temps, j’ai dû bien sûr faire « autre chose », ce qui n’est pas vraiment grave, car, en tant que réalisatrice-journaliste free-lance, j’ai toujours plusieurs projets sur le feu.
C’est ainsi que j’ai réalisé un documentaire passionnant sur l’histoire du Mouvement français pour le planning familial (MFPF), diffusé le 8 mars 2006 sur France 5 (et rediffusé le 11 mars à minuit, juste après Le monde selon Monsanto !).

J’ai aussi écrit un livre, intitulé  » L’école du soupçon. Les dérives de la lutte contre la pédophilie » ( Editions La Découverte), qui faisait suite à deux documentaires que j’avais réalisés pour France 3 (2002) et Canal + (2005), et qui donnera lieu à un nouveau film diffusé en octobre 2006 sur France 5.

Bien évidemment, quand le 15 février 2006, Pierre Merle de ARTE a annoncé que finalement la chaîne prenait le film sur Monsanto comme le premier d’une nouvelle « case » consacrée au documentaire d’investigation, j’étais aux anges… Et de suite, la machine s’est emballée.

Quand on sait qu’on a enfin les moyens d’enquêter à fond sur un sujet qui vous tient à coeur, c’est carrément excitant! Les deux mois qui ont suivi j’ai navigué sur la toile pendant des jours et jusque tard dans la nuit. J’ai téléchargé deux Gigas de documents, essentiellement en anglais, que j’ai lus, classés, épluchés, recoupés, en constituant une liste de témoins ou acteurs de cette incroyable histoire.
Ma première liste comptait quelque 300 noms. Il y avait des victimes des activités industrielles de Monsanto (PCB, dioxine, OGM), des représentants des agences de réglementation américaines (Food and Drug Administration, Environment Protection Agency), des scientifiques, des avocats, des ministres ou ex ministres, des représentants de la firme de Saint Louis, etc.

Puis, un à un, je les ai localisés, en recherchant leur numéro de téléphone ou leur adresse électronique. Je les ai contactés, parfois avec une infinie précaution, car je savais que parfois le premier contact peut être fatal.

Je me souviens de l’impatience qui minait mon sommeil et virait à l’obsession, quand j’attendais la réponse d’un « gros poisson ». Par « gros poisson », j’entendais les acteurs clés dont tout indiquait qu’ils n’accepteraient pas de parler devant une caméra…

Photo:
L’ancienne usine de Monsanto à Anniston dans l’Alabama où la firme a fabriqué des PCB pendant plus de quarante ans.

Les rendez vous de la presse/ événements

Quelques nouvelles de la presse. J’ai donné une vingtaine d’interviews en dix jours. Pour les lecteurs qui veulent en savoir plus sur mon enquête, ils peuvent déjà consulter:

– l’Express (bonnes feuilles) du 14 février (le numéro avec la couverture sur la nouvelle première dame de France!)
– Rue 89: dossier très complet: une interview en plusieurs parties; deux extraits du livre que je trouve particulièrement bien choisis, et à ne pas manquer un entretien avec le Pr. Robert Bellé (CNRS/ Université Pierre et Marie Curie) que j’ai interviewé pour mon documentaire et qui confirme de manière encore plus nette ce qu’il m’avait dit, à savoir que le roundup (l’herbicide phare de Monsanto) est cancérigène et que si les pouvoirs publics ne réagissent pas il pourrait constituer l' »amiante de demain ».
– Mediapart: une interview axée sur les méthodes et difficultés de l’investigation.

FRANCE INTER

– Lundi 25 février , à 20 heures 15: en direct avec Kathleen Evin (Humeur vagabonde)
-Vendredi 29 février, à 10 heures, en direct avec Isabelle Jordano (Service public)
-Dimanche 9 mars, avec Fabienne Chauvière (Osmose)
-Lundi 10 mars, à 14 heures, en direct avec Mathieu Vidard (La tête au carré).

FRANCE CULTURE

– Mardi 11 mars, à 17 heures , en direct avec Julie Clarini et Brice (Du grain à moudre)
– Samedi 15 mars, à 7 heures, « Terre à terre » de Ruth Stégassy

FRANCE INFO

– Mardi 11 mars, à 9 heures 30, avec Danièle Ohayon

France Info est partenaire de ARTE et la découverte pour le lancement du DVD et livre.

RFI

– Mardi 11 mars, à 10h15 avec Caroline Lachowsky (Les visiteurs du jour)

Europe 1

– Enregistrement avec Bérangère Bonte, le lundi 25 février, mais la date de diffusion ne m’a pas été communiquée.

Radio protestante

– Enregistrement le vendredi 29 février (date de diffusion non communiquée).

Radio Alligre

– Mardi 18 mars, à 8 heures 30.

TÉLÉVISIONS

– Le film sort sur la RTBF (Belgique) le lundi 25 février à 22 heures.
– FRANCE  » POITOU CHARENTES (diffusé le 22 février)
– FRANCE 3 IDF, journal du mercredi 27 février.
– I TÉLÉ, le lundi 10 mars vers 18heures 15
– FRANCE 3 AQUITAINE ( mardi 26 février)

JOURNAUX/MAGAZINES

J’ai donné des interviews à:
– Télérama
– Téléstar
– Libération
– Charlie Hebdo
– Télécâble Sat
– Ca m’intéresse
– L’humanité
– Géo (site internet)
– Figaro Madame

PAPIERS ANNONCÉS (journalistes présents à la projection à la presse)

– Le Point
– le Monde
– Télépoche
– Télé 7 Jours
Etc!

ÉVÉNEMENTS

– Mardi 26 février, 21 heures, avant-première à Bègles, ville de Noël Mamère.
– Jeudi 28 février, 11 heures, Conférence de presse et projection à la Maison de la radio devant les journalistes de la presse internationale.
– Lundi 10 mars, à 20 heures, avant-première au cinéma Les Trois Luxembourg, avec les amis de l’Humanité.
– Dimanche 16 mars, à 18 heures: débat/dédicace au salon du livre de Paris.
– Jeudi 20 mars, projection/dédicace à Rouen (détails à venir)
– Samedi 22 mars, dédicace/ projection à Melle (Deux Sèvres)
– Mercredi 26 mars, projection de mon film « Blé: Chronique d’une mort annoncée? », puis dédicace de « Le monde selon Monsanto », à Noisy le Roy.
– Vendredi 28 mars, 19 heures, soirée spéciale au Festival international du grand reportage et du documentaire d’actualité du Touquet (FIGRA).
– Lundi 31 mars, à 18 heures, projection du film à l’Assemblée nationale; organisée par les Verts.
– Lundi 7 avril, projection/débat du film, à Chartres.

Les demandes de projection/débat/dédicace affluent: à suivre!

Photo:
Avec le caméraman Frédéric Vassort et l’ingénieur du son Marc Duployer, lors du tournage à la foire internationale du lait à Madison (Wisconsin). Monsanto y tenait un stand pour vanter les mérites de son hormone de croissance laitière transgénique… Pour preuve: les sacs!
Un grand merci à Marc qui a pris toutes les photos du blog (y compris celle-ci!)

Rencontre avec Yves Manguy à Poitiers

Hier soir (jeudi 21 février), Ségolène Royal (en meeting électoral à Paris) organisait une avant première de mon documentaire « Le monde selon Monsanto », au cinéma Le Castille de Poitiers. Je m’y suis rendue avec Marie Laure Lessage, directrice du développement de ARTE. Nous avons été accueillies par la presse régionale réunie au grand complet: le Courrier de l’Ouest, la Nouvelle République, France 3, etc. Alors qu’elle avait été montée à la dernière minutes, la projection a fait le plein: environ deux cents personnes!
Il faut dire que j’étais sur mes terres: je suis née en 1960 sur une ferme , située dans les Deux Sèvres à une cinquantaine de kilomètres de Poitiers. Mon père était agriculteur, comme son père et grand père et arrière grand père. Ma mère, elle, était fille d’artisans. Mes parents se sont rencontrés à la JAC (jeunesse agricole catholique) qui fut le creuset d’une nouvelle élite paysanne, fière de ses origines et très engagée dans le développement du monde rural. Comme tous les jeunes agriculteurs de leur génération, ils croyaient aussi aux bienfaits de l’agriculture productiviste censée résoudre le problème de l’autosuffisance alimentaire. Qui se souvient aujourd’hui des grandes disettes de blé qui ont jalonné l’histoire de la France jusqu’au début du XXe siècle?

Très marqués par le Concile de Vatican II, mes parents croyaient aussi que l’on pouvait changer le monde en balayant devant sa porte: ils ont fondé l’un des premiers GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun) de France, une sorte de ferme communautaire où vivaient trois familles « associées » (et deux salariés). A l’école du village, on nous appelaient les « enfants du kolkhoze », et je me souviens qu’en mai 1968, des étudiants en sociologie de Lyon étaient venus filmer cette « expérience » communautaire dans cette terre traditionnelle (et conservatrice) de Gâtine. Mon père (Joël) a raconté cette aventure dans un livre « Au nom de la terre. La foi d’un paysan » (Presses de la Renaissance).

Hier, donc, était présent Yves Manguy, un agriculteur de Charente qui fut le premier porte parole de la Confédération paysanne ( à sa création en 1987) et participa récemment à la grève de la faim, avec José Bové, contre l’introduction du maïs MON 810 de Monsanto.
Yves a été si ému par le film qu’il en… pleurait, incapable d’ouvrir le débat, ainsi qu’on le lui avait demandé…
Quand il eut retrouvé son souffle, il a expliqué pourquoi il avait rompu avec le modèle agro-industriel qui « va droit dans le mur, ainsi que le montre ce film capital »…

Puis, s’adressant directement à moi, il a ajouté: « j’ai appris, ce soir, que tu étais la fille de Joël, avec qui j’ai partagé tant d’idéaux… J’avais vu ton film sur le soja transgénique en Argentine et les biopirates (diffusés tous les deux sur ARTE et disponibles sur www.alerte-verte.com/), sans savoir qui en était l’auteur… »

La pudeur veut que je m’arrête là dans l’émotion partagée…

Photo: lors de mon tournage aux Etats Unis, avec Troy Roush, un agriculteur victime de la « police des gènes » de Monsanto…