Un journaliste argentin de Pagina 12, un journal argentin réputé pour la qualité de ses articles, m’a transmis un article publié récemment que le site combat-monsanto.org a traduit et mis en ligne sur les effets sanitaires des pesticides, et notamment du roundup sur la population. Cette étude, la première du genre en Argentine, confirme ce que mon documentaire « Argentine: le soja de la faim » rapportait déjà en 2005 ( www.vodeo.tv/94-148-1981-argentine-le-soja-de-la-faim.html)et ce que je raconte dans mon livre.
La version originale peut être consultée ici.
Et la traduction que je copie ci-dessous:
Une étude argentine confirme les effets sanitaires néfastes des pesticides et du roundup sur les populations agricoles.
Malformations, cancers et problèmes reproductifs ont tous des liens avérés avec l’utilisation et l’exposition aux polluants, dont entre autres les pesticides utilisés dans l’agriculture industrielle.
« Les découvertes sur les effets des pesticides et de leurs solvants sont indiscutables. » affirme Alejandro Oliva, médecin et coordinateur de l’investigation qui a inclus dans son protocole six villages de la Pampa Humeda, et qui confirme que dans ces localités le taux de cancer (de la prostate, des testicules, des ovaires, du foie, du pancréas, des poumons ou des seins) est largement au dessus de la moyenne nationale.
Le rapport explique aussi que quatre sur dix des hommes venus consulter pour infertilité avaient été exposés à des produits chimiques agricoles dans le passé. Le rapport avertit que les effets sanitaires des pesticides pourraient se manifester sur les générations futures :
« Les fils et les neveux des travailleurs ruraux, et des populations proches, sont ceux qui pourraient souffrir le plus de ces conséquences [troubles de la reproduction] dans dix ans. »
L’étude a été réalisée entre 2004 et 2007 par une équipe de l’Hôpital Italien de Rosario et conduit par le Dr Oliva, avec le support du Centre d’Investigation en Biodiversité et Environnement (Ecosur), l’Université Nationale de Rosario, la Fédération Agraire locale et l’ Institut National de Technologie Agricole (INTA).
L’hypothèse d’étude du groupe multidisciplinaire -formé d’écologues, épidémiologistes, agronomes, endocrinologues et sociologues- soulevait le fait que certains produits agrochimiques pourraient perturber la physiologie hormonale.
Les données de terrain confirment que les fonctions reproductives, tant féminines que masculines, sont très sensibles aux différents agents chimiques utilisés dans les activités agricoles.
« Il existe des relations causales ente les cas de cancer et les malformations infantiles qui touchent les habitants exposés à des facteurs de contamination environnementale comme les produits agrochimiques », affirme le rapport, réalisé par étapes pendant plus de trois ans et dont les résultats finaux viennent tout juste d’être rendus publique par « Les Cahiers de la Santé Publique » ( Cuadernos de Salud Pública) au Brésil.
L’investigation rappelle que toute la zone étudiée a été fumigée pendant des années avec des « organochlorés » (comme on dénomme des produits tel que le DDT, l’heptachlore, ou le HCH), qui, de 1960 à 1978, ont eu une large diffusion en même temps que les« organophosphorés », tel que le Parathion.
De 1978 à 1994, la tendance a été à l’introduction de nouveaux produits chimiques, comme les monocrotophos, l’endosulfan et la pyréthrine. Depuis 1994 ces deux derniers produits s’appliquaient avec du chlorpyriphos. « Sans oublier, la fracassante arrivée du glyphosate et de ses adjuvants » rappelle le scientifique.
Justement les organisations paysannes et indigènes accumulent les dénonciations contre ce produit, dont le nom commercial est le Roundup, du chimiste américain Monsanto, le pesticide le plus utilisé dans l’agriculture actuelle.
Seulement lors de la dernière année, et à raison de dix litres de glyphosate pur par hectare, les terres les plus productives d’Argentine ont été aspergées avec 165 millions de litres du produit toxique en question.
« Selon les chiffres de la FAO, l’Argentine a augmenté de plus de 200% son usage de pesticides, principalement dans la Pampa Humeda, à cause des herbicides utilisés pour la culture du soja transgénique. » peut-on lire dans le rapport.
Le groupe de professionnels soulignait que le taux général de cancer est moins important dans les zones rurales que citadines, mais leur étude a remarqué des résultats contradictoires en fonction du type de cancer. Certains cancers se retrouvent beaucoup plus en zone rurale, comme les lymphomes non hodgkiniens ou les cancers de la prostate, qui sont directement liés à la fabrication et à l’usage d’agrochimiques.
De plus, il ressort aussi un taux plus important de cancers des testicules et des ovaires, montrant une répercussion trois fois supérieure dans le premier cas, et de quasiment deux fois dans le second cas, en comparaison avec les estimations nationales. Les taux de cancers du foie ont été dix fois plus élevés que prévu, ceux du pancréas ou des poumons deux fois plus élevés. Quant à la femme, on a enregistré une augmentation significative du taux de cancer du sein. Les cancers du système digestif ont aussi été observés en plus grand nombre.
« Cela s’explique peut-être parce que ce sont des zones qui ont été très exposées aux produits chlorés, et maintenant des zones exposées au glyphosate, dont nous savons qu’il provoque des irritations permanentes du système digestif. »
En plus de l’usage de produits agrochimiques sur les plantes céréalières dans les champs, on signale comme autres sources de contamination les entrepôts d’insecticides, les lieux où sont lavés et entreposés les équipements de fumigation, les dépotoirs et les transformateurs électriques avec des PCB. Le relevé d’étude démontre que 90% des cancers se rencontrent dans une périphérie de 300 mètres autour de ces zones contaminées.
Ce travail d’investigation a choisi comme objet d’étude des zones considérées comme représentatives du modèle de l’agro-industrie prédominant dans le Pampa Humeda : des localités rurales allant jusqu`à cinq mille habitants, dans des régions où le soja couvre plus de 95% des terres cultivables, des terres qui servent à la production agricole au moins depuis les années 50. Il s’agit des villes de Perez Millan, dans le nord de l’Etat de Buenos Aires, et de Alcorta, Carreras, Máximo Paz, Santa Teresa et Bigand dans la localité de Santa Fe.
C’est justement à Bigand, que le Ministère de la Santé argentin avait réalisé une étude ayant pour objectif de « déterminer les facteurs de vulnérabilité des populations exposées aux pesticides ». Dans le cadre du Plan National de Gestion Environnementale, avec la participation de la Chaire de Toxicologie et Chimie de la l’Université de Buenos Aires, les conclusions de l’enquête détaillent que « plus de la moitié des personnes interrogées et 100% des travailleurs en charge des fumigations déclarent, que eux ou des membres de leur entourage, ont été victimes d’intoxication aux pesticides au moins une fois. A 90%, ces personnes ajoutent qu’elles ne connaissent personne résistant aux intoxications ».
Cette étude confirme les effets aggravants que provoquent les intoxications comme les allergies, les maux de tête, les nausées, les irritations respiratoires, dermiques ou oculaires. D’un point de vue du travail, il est constaté dans ce rapport national que les travailleurs agricoles « dans leur grande majorité ne bénéficient pas d’un contrat, ni de couverture médicale, et sont payés sur des bases forfaitaires. » « Nous avons rencontré plus de 40 pesticides utilisés, avec une prédominance de l’usage de glyphosate. » relève enfin ce rapport d’Etat.
Ce rapport a été publié en 2002, depuis cette date le Ministère de la Santé n’a plus publié d’information sur les pesticides.
Source : Traduction de l’article « Una investigación del Hospital Italiano de Rosario confirmó los efectos en la salud de los agrotóxicos en los pueblos sojeros. » du journal argentin Pagina 12, mai 2008