L' »imposture » des OGM BT (suite!)

J’étais cet après-midi au lycée agricole les Sicaudières , à Bressuire, dans les Deux Sèvres (voir photo), situé à une trentaine de kilomètres de la ferme de mes parents. Les élèves de cet établissement qui préparent les futurs agriculteurs avaient travaillé en cours sur mon film « Le monde selon Monsanto » et après avoir fait un exposé d’une heure sur le bilan des cultures transgéniques en Amérique et Asie, j’ai répondu à leurs nombreuses questions. Celles-ci ont porté principalement sur l’avenir de l’agriculture biologique (le lycée propose un enseignement sur l’élevage de poulets bio), les liens entre les maladies (cancers, Parkinson, maladie de Charcot) dont souffrent certains membres – agriculteurs- de leurs familles et l’exposition aux pesticides qu’ils ont longtemps manipulés sans aucune précaution, et les résultats des cultures BT (maïs et coton) en Amérique, Asie et Afrique du Sud.

Concernant les cultures BT, le bilan est catastrophique pour Monsanto et consorts:

– interdiction du MON 810 dans six pays de la Communauté européenne

– apparition d’insectes résistants dans plusieurs Etats des Etats Unis (voir sur ce Blog)

– récolte nulle en Afrique du Sud (voir sur ce Blog).

J’ai rappelé aux élèves du lycée agricole dans quelles conditions rocambolesques et amateures les plantes BT avaient été mises sur le marché.

Voici ce que j’ai écrit dans mon livre:

La résistance des insectes aux plantes Bt : une « bombe à retardement »
(…)

De fait, la perspective que les parasites du coton (ou du maïs) mutent en développant une résistance à la toxine Bt a été soulevée avant même que Monsanto mette ses OGM sur le marché. Dès le milieu des années 1990, la stratégie retenue par la multinationale, en accord avec l?Agence de protection de l?environnement des États-Unis (EPA), a été que les producteurs de plantes Bt s?engagent contractuellement à préserver des parcelles de cultures non Bt, baptisées « refuges », où sont censés pulluler les insectes « normaux » pour que ceux-ci se croisent avec leurs cousins devenus résistants au bacillus thurigiensis, provoquant ainsi une « dilution génétique ».

En effet, lorsque des insectes sont confrontés en permanence à une dose de poison a priori mortelle, ils sont tous exterminés, sauf quelques spécimens dotés d?un gène de résistance au poison. Les survivants s?accouplent avec leurs congénères, transmettant éventuellement le fameux gène à leurs descendants ; et ainsi de suite sur plusieurs générations. C?est ce qu?on appelle la « co-évolution » qui, au cours de la longue épopée du vivant, a permis à des espèces menacées d?extinction de s?adapter pour survivre à un fléau fatal.

Pour éviter que ce phénomène se développe chez les parasites des plantes Bt, les apprentis sorciers ont imaginé qu?il suffisait d?entretenir une population d?insectes « sains » sur des parcelles non transgéniques ? les « zones refuges » ? pour qu?ils batifolent avec leurs cousins devenus résistants au Bt, en les empêchant ainsi de se reproduire entre eux.
Une fois cela établi, restait à déterminer la taille que devaient avoir les fameux « refuges » pour que le scénario fonctionne. Le sujet fut l?objet d?âpres négociations entre Monsanto et les scientifiques, l?Agence de protection de l?environnement se contentant d?enregistrer l?issue du match.

Au début, certains entomologistes prônaient que la surface des refuges soit au moins équivalente à celle des parcelles transgéniques. Monsanto, bien sûr, a protesté, en proposant un premier compromis généreusement chiffré à 3 % (la superficie du refuge devait être égale à 3 % de la surface OGM).

En 1997, un groupe de chercheurs universitaires travaillant dans la « corn belt » (la « ceinture du maïs » qui couvre l?Iowa, l?Indiana, l?Illinois et l?Ohio, dans le nord-est des États-Unis) se lança courageusement dans l?arène en recommandant que les refuges soient équivalents à 20 % des parcelles transgéniques, et au double si ceux-ci étaient traités avec d?autres pesticides que le Bt.

Pour la firme de Saint-Louis, c?était encore trop, comme le rapporte Daniel Charles dans son livre Lords of the Harvest :

« Monsanto a regardé les recommandations et a dit : ?Nous ne pourrons pas vivre avec ça?, raconte Scott McFarland, un avocat qui a suivi le dossier de très près. La multinationale contacte alors l?association nationale des producteurs de maïs, dont le siège se trouve aussi à Saint-Louis. Elle parvient à convaincre ses représentants que ?de grands refuges constitueraient une menace pour la liberté des agriculteurs d?utiliser les semences Bt? . »

Jusqu?à ce jour de septembre 1998 où les parties se rencontrent à Kansas City pour trouver un accord. Alors que les débats s?enlisent dans des batailles de pourcentages surréalistes, un économiste de l?université du Minnesota, spécialiste de l?agriculture, démontre avec brio que, selon ses estimations, si les refuges ne font que 10 % des cultures transgéniques, alors les pyrales ? le parasite cible du maïs Bt ? auront 50 % de chance de développer une résistance à court terme et que cela coûtera très cher aux farmers. Touchés droit au porte-monnaie, ceux-ci basculent dans le camp des entomologistes.

Voilà pourquoi, un peu partout dans le monde, les manuels de cultures Bt exigent depuis que les zones refuges soient équivalentes à au moins 20 % des surfaces OGM. Mais, on en conviendra, tout cela relève une fois de plus du bricolage et de l?improvisation, puisqu?aucune étude sérieuse n?a été réalisée pour vérifier que ce compromis arraché dans un coin du Missouri ait une quelconque validité scientifique.

Et quand, en 1998, le journaliste du New York Times Michael Pollan, dont j?ai déjà cité l?enquête décapante (voir supra, chapitre 11), interroge les représentants de Monsanto sur la question, ils répondent que, « si tout va bien, la résistance peut être repoussée de trente ans », ce qui s?appelle de la politique à courte vue.

Puis, quand mon confrère insiste auprès de Jerry Hjelle, le vice-président de la firme en charge des affaires réglementaires, pour savoir ce qui se passera après ce délai fatidique, la « réponse est encore plus troublante » :

« Il y a des milliers d?autres Bt un peu partout, explique-t-il, nous pourrons traiter ce problème avec d?autres produits. Ceux qui nous critiquent ne savent pas tout ce que nous avons encore dans notre pipeline. [?] Faites-nous confiance ! »
En attendant, dix ans après le lancement des cultures Bt, il est possible d?établir un premier bilan de la jolie construction bureaucratique. D?abord, comme le soulignait dès janvier 2001 une dépêche de l?agence Associated Press, d?après un sondage conduit en 2000, « 30 % des producteurs [américains] de maïs Bt ne suivent pas les recommandations émises pour la gestion de la résistance », parce qu?ils les jugent trop contraignantes. À dire vrai, je les comprends, sauf que, bien sûr, ils devraient arrêter de cautionner un système aussi absurde, qui finira tôt ou tard par s?écrouler comme un château de cartes, ainsi que l?indique une étude réalisée en 2006 par des chercheurs de l?université Cornell (États-Unis), en collaboration avec l?Académie chinoise de la science .

Considérée comme la « première étude sur l?impact économique à long terme du coton Bt », celle-ci a été conduite auprès de 481 producteurs d?OGM de Chine, parmi les 5 millions que compte le pays. Elle constate que les « profits substantiels engrangés pendant quelques années grâce à une économie sur les pesticides sont maintenant érodés ». En effet, écrivent les auteurs, si pendant les trois ans qui ont suivi l?introduction des cultures Bt, les paysans étaient parvenus à « réduire de 70 % leur usage de pesticides et à augmenter de 36 % leurs gains », en revanche, en 2004, « ils ont dû pulvériser autant d?insecticides que les producteurs conventionnels, ce qui s?est traduit par un revenu net moyen inférieur de 8 % à celui des producteurs conventionnels, parce que le coût des semences est trois fois plus élevé ».

Enfin, au bout de sept ans, « les populations d?insectes [?] ont tellement augmenté que les paysans doivent asperger leurs cultures jusqu?à vingt fois au cours d?une saison pour pouvoir les contrôler ». La conclusion des auteurs, pourtant partisans des OGM, est sans appel : « Ces résultats constituent un signal d?alerte très fort en direction des chercheurs et des gouvernements, qui doivent trouver des solutions pour les producteurs de coton Bt, faute de quoi ceux-ci arrêteront les cultures transgéniques, ce qui serait très dommage. »

FIN DE L’EXTRAIT

Photo: rencontre avec les élèves du lycée agricole de Bressuire.

Merci à Philippe Engerbeau, photographe à La Nouvelle République.

Obama favorise l’agriculture bio

Hier soir, de 18 à 19 heures, j’ai participé à l’émission du Dr. Gary Null sur PRN, une radio qui émet depuis New York. L’heure était consacrée aux OGM, pour lesquels l’administration Obama a annoncé un processus de révision de la réglementation, ce qui est une très bonne nouvelle.

Au moment où le président Obama demandait à l’USDA (le secrétariat à l’agriculture) d’amorcer une réflexion sur la réglementation des OGM , ou plutôt la non-réglementation des OGM, telle qu’elle est pratiquée depuis 1992 (voir mon film et livre) , son épouse Michelle Obama faisait la Une des journaux en annonçant la création à la Maison Blanche d’un jardin potager entièrement bio.

Ainsi que le rapporte The New York Times, c’est plus qu’une anecdote. Tout indique, en effet, que la Première dame a décidé de montrer l’exemple dans un pays ravagé par la malbouffe, où l’épidémie d’obésité, cancers, diabète ( de type 2), malformations génétiques, stérilité et allergies ne cesse de progresser.

Comme l’expliquait la scientifique qui participait, hier, à l’émission de Gary Null, il est tout à fait possible que les OGM pesticides qui contaminent toute la chaîne alimentaire aux Etats Unis soient l’une des causes de cette épidémie, aux côtés d’autres polluantschimiques.

www.nytimes.com/2009/03/20/dining/20garden.html

Enfin, on apprenait récemment que l’administration Obama a nommé la professeure Kathleen Merrigan comme numéro 2 à l’USDA. Kathleen Merrigan s’est beaucoup engagée pour promouvoir une agriculture écologiquement durable, familiale et bio, un modèle totalement opposé à celui des monocultures transgéniques brevetées.

Cette nomination compense celle de Tom Vilsack comme Secrétaire à l’agriculture car l’ancien gouverneur de l’Iowa, l’un des Etats le plus transgénique des Etats Unis , est plutôt associé à l’agriculture industrielle. Récemment la Biotechnology Industry Organization, où Monsanto est très actif, lui a remis le « prix du meilleur gouverneur de l’année »…

L’arrivée de Kathleen Merrigan à l’USDA va peut-être permettre des progrès vers une agriculture plus verte.

À peine nommée, Kathleen Merrigan a annoncé la création d’un fonds de 50 millions de dollars pour soutenir la reconversion d’agriculteurs vers l’agriculture bio. Une somme encore modeste dont on espère qu’elle ne constitue qu’un début…

Pétition pour soutenir le Dr. Andres Carrasco et la science indépendante

Dans un post précédent, j’ai évoqué les pressions, menaces et la campagne de diffamation menées contre le Pr. Andres Carrasco, qui a conduit une étude sur les effets mortels du roundup sur les embryons d’amphibiens.

Je viens de signer la pétition, lancée par 300 scientifiques et intellectuels argentins pour les soutenir, et invite les internautes à faire de même:

Plus que jamais nous avons besoin de scientifiques indépendants des multinationales qui évaluent rigoureusement et dans l’intérêt de la collectivité les produits que celles-ci mettent sur le marché, dans le but exclusif de satisfaire leurs intérêts économiques et ceux de leurs actionnaires.

Voici le texte de la pétition qui circule en espagnol, anglais et français:

Alerte
Nous, scientifiques, académiques, intellectuels, artistes, souhaitons rendre publique notre position critique face à toute intromission mercantiliste et pragmatique du pouvoir économique dans l’indépendance du système scientifique et universitaire. Avec la rhétorique du “productivisme” devenue courante ces derniers temps -et différente de l´accumulation financière typique des décennies précédentes-, on cherche à éviter le débat sur ce qui depuis longtemps fait l’objet de préoccupations et d’actions au sein des réseaux scientifiques et académiques au niveau de la communauté internationale: le savoir, et le savoir public surtout, est-il assiégé par le marché ? Dans quelles conditions l’indépendance scientifique peut-elle être réelle, notamment celle qui mène à exercer le droit éthique de donner l´alarme face aux dommages subis par la communauté, sans souffrir de représailles ou de sanctions plus ou moins voilées ? La communauté scientifique et universitaire a ses voix d´alerte, avec les arguments que lui donnent les “sciences dures” –biologie, géologie, glaciologie, chimie, entre autres- et de même en est-il pour les “sciences molles” –médicine, sociologie, écologie sociale, économie politique, archéologie, anthropologie, éducation, etc. Des chercheurs et des universitaires essaient de se faire entendre pour éviter ou diminuer les risques certains de dommages irréparables et, surtout, de grandes souffrances sociales.
Le discours des politiques, des fonctionnaires, des communicateurs et des médiateurs recrutés par les corporations économiques produisent une sorte de discours unique semblable à un chant des sirènes sur le “développement durable” du modèle d`agrobussines (celui du soja en particulier) et des “mines responsables » comme facteur de transformation, et ce discours hégémonique est stratégiquement légitimé par des acteurs universitaires et scientifiques financés par les compagnies transnationales au sein d’un système public qui a été soumis à une désappropriation. Comment les voix critiques des universitaires et des chercheurs contre le modèle basé sur l’extraction pourraient-elles être entendues? Quelles possibilités y a-t-il de développer une discussion publique sur ces thèmes si importants pour le bien commun? Comment caractériser cette scène en termes de promotion de la citoyenneté et des droits qu’il est possible d’exiger, là où les voix indépendantes et critiques associés à des savoirs aux trajectoires non cooptées se voient niées, diffamées, réduites au silence, voire détournées ?
En ce moment où fait rage le débat sur la publication des résultats d’une enquête sur des produits agrochimiques largement utilisés dans l’agriculture argentine, nous réaffirmons notre décision de préserver un système scientifique et universitaire indépendant des intérêts économiques des grandes corporations, ou dominent la liberté de penser et de chercher, encadrée à la fois par les principes éthiques propres à chaque champ disciplinaire ainsi que l’incontournable responsabilité face aux secteurs sociaux les plus démunis.
Pour signer cette pétition, veuillez envoyer un email à muchasredes09@gmail.com
Pour lire les signature, voir www.voces-de-alerta.blogspot.com

L' »imposture » des OGM BT

J’invite les internautes à lire cet excellent article sur la « supercherie » que constituent les OGM BT, ainsi que je l’ai longuement démontré dans mon livre:

Imposture scientifique
Un chercheur rend publiques des études jamais diffusées sur les OGM

Par Nolwenn Weiler (4 mai 2009)

Le Haut conseil des biotechnologies, nommé le 22 mars dernier, commencera ses travaux à la mi-mai. Concernant le dossier OGM, il a devant lui un programme chargé, et polémique. Il devra notamment définir le « sans OGM », ainsi que des mesures de coexistence entre culture OGM et cultures non OGM. Pour ce faire, on lui suggère (entre autres) la lecture du petit précis scientifique de Lilian Ceballos, intitulé Plantes Insecticides : évaluation de l’impact sur les insectes auxiliaires, et édité par Le Rés-OGM. L’auteur, écologue et scientifique indépendant, y propose une synthèse d’études scientifiques dont les résultats mettent en doute l’innocuité des Plantes génétiquement modifiées. Ces études n’ont jamais été portées à la connaissance du grand public.


Bacillus Thuriengensis, ou Bacille de Thuringe, (BT) est le nom barbare d’une bactérie qui vit dans le sol et qui secrète toute une gamme de protéines insecticides (quatre au total). Isolées au début du 20ème siècle, et pulvérisées sur les plantes attaquées, ces protéines ne sont activées par un mécanisme complexe seulement quand elles se trouvent dans l’intestin de l’insecte cible. Cela garantit un spectre d’action restreint, avantage significatif par rapport aux insecticides chimiques qui tuent sans distinction insectes en tout genre mais aussi petits vertébrés, et oiseaux. Cette spécificité d’action fait que l’utilisation de BT est autorisée en agriculture biologique depuis les années 1970.

Plantes insecticides

Les fabricants de plantes génétiquement modifiées (PGM) se sont évidemment penchés sur les vertus du BT. Grâce au formidable concept de « l’équivalence en substance », ils ont pu créer et mettre sur le marché des PGM Bt (maïs, soja, coton) sans évaluation toxicologique. Dénoncé par Marie-Monique Robin dans son ouvrage Le monde selon Monsanto, mais aussi par de nombreux scientifiques, le principe d’équivalence en substance indique que, si un aliment ou un composé alimentaire est essentiellement semblable à un aliment ou à un composé alimentaire existant, il peut être traité de la même manière en ce qui concerne la sécurité. C’est ainsi que « l’utilisation des formulations BT en Agriculture biologique a permis d’exclure tout impact négatif sur la biodiversité sans effectuer de suivi environnemental », explique Lilian Ceballos, écologue et scientifique indépendant, auteur d’une étude sur les conséquences des PGM Bt sur les insectes., édité par l’association lyonnaise Res-OGM.

Supercherie scientifique

Or, le postulat de départ, à savoir BT= PGM Bt est une supercherie. « L’assimilation des toxines transgéniques Bt aux préparations insecticides autorisées en agriculture biologique n’est absolument pas scientifique, poursuit Lilian Ceballos. Tout biochimiste honnête vous dira que deux molécules qui ne pèsent pas le même poids sont différentes. Or, les protéines des toxines transgéniques sont de plus petite taille que celles du BT. Et ce n’est pas la seule différence. Les PGM Bt produisent des toxines végétales sous forme soluble et active ce qui influe sur l’activité et la spécificité des protéines synthétisées puisque l’activation des toxines ne dépend plus des conditions intestinales spécifiques à l’insecte cible. Bref, ces toxines transgéniques ont une structure altérée, et leurs impacts sur l’environnement sont susceptibles d’être différents de ceux que provoquent la bactérie BT. » La suspension, en janvier 2008, de la culture en plein champ du maïs MON 810 en France a d’ailleurs été justifiée, entre autres, par cette différence : l’ avis du 9 janvier 2008 du « Comité de préfiguration d’une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés » stipule en effet que « la protéine produite par le transgène n’est pas identique à celle que produit le Bacille de Thuringe.(…) Seules les études à partir du maïs contenant l’évènement MON 810 sont pertinentes pour évaluer la toxicité humaine et environnementale. »

Toxicité élargie

Eludées par les firmes qui commercialisent les OGM « BT », ainsi que par les instances d’autorisation des PGM, diverses études, dont Lilian Ceballos fait la synthèse dans son ouvrage, semblent effectivement aller dans ce sens d’une différence d’effets, montrant que la toxicité des toxines transgéniques est supérieure à celle des protoxines sécrétées par la bactérie BT.

Premièrement, les PGM produisent la toxine en permanence, que les ravageurs soient présents ou non, alors que les formulations à base de protoxine BT ne sont appliquées que sur les plantes attaquées. De plus les préparations bios ne sont appliquées qu’à la surface des végétaux et les protoxines sont rapidement détruites pas les UV. Les plantes transgéniques synthétisent les toxines à l’intérieur des cellules, ce qui exclue la dégradation rapide par des UV. « Cette protection intracellulaire leur permet de conserver plus longtemps leur activité insecticide. Elles vont s’accumuler dans l’environnement et en particulier dans le sol, qui vont conserver une activité insecticide plusieurs mois après la fin des cultures transgéniques », avertit Lilian Ceballos.

« Cette diffusion dans l’écosystème suggère que certains organismes non cibles pourraient être exposés avec des conséquences méconnues sur le fonctionnement des services écosystémiques qui en dépendent »,note-il encore. L’élargissement du spectre d’activité des toxines Bt et leurs répercutions sur l’abondance des groupes d’insectes non cibles dans les champs ont notamment été étudiés par Michelle Marvier en 2007. Son étude, publiée dans la revue Science, montre que « les hyménoptères auxquels appartiennent les abeilles voient leur abondance relative fortement diminuée dans les champs de maïs ou de coton Bt ». Rappelons que les abeilles sont essentielles à la pollinisation de 90 cultures fruitières et maraîchères dans le monde !

Résistance des ravageurs

Outre ces risques associés à la perte de biodiversité, la diffusion massive de toxines Bt va entraîner, irrémédiablement, une résistance des insectes cibles. On connaît déjà ce problème avec les pesticides. « En 1934, 236 espèces étaient classées comme parasites des cultures. Parmi elles : des virus, des bactéries, des champignons, des insectes, des mollusques, des oiseaux, des mammifères, des nématodes, des acariens. 236 au total, dont 140 espèces d’insectes. En 1972, Elles étaient 643 au total, soit environ trois fois plus. Dont 278 espèces d’insectes ! », avertissent ainsi François Veillerette et Fabrice Nicolino dans leur ouvrage Pesticides : révélations sur un scandale français. « La résistance aux toxines Bt a été documentée dans plus de 17 espèces d’insectes, alors que ces plantes ne sont dans la nature que depuis une dizaine d’années », rapporte Lilian Ceballos.

Les firmes créatrices et vendeuses de PGM ne nient pas ce risque d’apparition de résistance, qui, en plus d’une prolifération d’insectes ravageurs, rendrait inutilisable la bactérie BT par les producteurs bios. Ils ont même mis en place des stratégie de lutte contre l’apparition de résistance. L’un des axes de cette stratégie conseille la mise en place d’une zone refuge. D’une surface indéterminée, et non obligatoire d’un point de vue légal, cette zone est plantée de plantes non OGM, afin d’éviter que les insectes résistants ne se croisent entre eux. L’efficacité de ces zones refuges, et la possibilité de les mettre en place suscitent la controverse. En Europe, où les parcelles agricoles sont bien plus réduites qu’aux Etats-Unis, la mise en place d’une zone refuge est parfois simplement impossible. Quoi qu’il en soit, cette stratégie n’est qu’un retardateur de catastrophe puisque tôt ou tard les insectes deviendront résistants. « Dans deux ou trois dizaines d’années au mieux. Demain, au pire », selon Lilian Ceballos. Voilà qui est rassurant ! Nous espérons que le haut Conseil aux biotechnologies ramènera un peu, de rigueur scientifique dans ce dossier très brûlant. Et conseillons aux citoyens de surveiller le dit Haut conseil, et ses décisions, de très près.

Campagne pour l’étiquetage au Canada

Je suis donc rentrée du Canada, où j’ai fini ma (troisième) mini tournée à l’Assemblée nationale du Québec. Greenpeace, en effet, a lancé une campagne pour l’étiquetage des OGM, auquel s’était d’ailleurs engagé le candidat Jean Charest (libéral), qui, depuis qu’il préside le gouvernement, a oublié ses promesses.

Je rappelle qu’une vingtaine de sondages réalisés en Amérique du Nord indiquent que la très grande majorité des consommateurs des Etats Unis et du Canada veulent que les aliments contenant des OGM soient étiquetés, comme en Europe, mais qu’ils n’ont, pour l’heure, pas été entendus.

Ainsi que je le révèle dans mon livre, Monsanto mène un lobbying incessant pour que l’étiquetage ne soit pas obligatoire en Amérique du Nord, car la firme sait très bien que l’étiquetage entraînera la fin des plantes transgéniques pesticides.

Comme je le disais encore récemment aux journalistes canadiens qui m’ont interviewée: entre une huile faite avec des graines arrosées de roundup et une huile sans résidus de roundup, laquelle choisissez-vous? Même chose pour le maïs: entre un maïs insecticide (BT) et un maïs sans insecticide, pour les consommateurs, le choix est évident…

Je retranscris ici la partie de mon livre que j’avais consacrée à l’étiquetage des OGM en Amérique du Nord.

DÉBUT EXTRAIT

Une entreprise à « hauts risques » pour les investisseurs

Manhattan, toujours, à quelques encablures du siège de TIAA-CREF. Cette fois-ci, je rencontre Marc Brammer, qui travaille pour Innovest Strategic Value Advisor, le leader de ce qu’on appelle l’« analyse extra-financière », qui consiste à noter les performances sociales et environnementales des entreprises, selon un barème allant de AAA (pour les entreprises meilleures de la classe) à CCC (pour les cancres). Ces notes servent à conseiller les investisseurs pour qu’ils puissent réduire leurs risques financiers et augmenter le rendement de leurs placements.

Installé à New York, mais aussi à Londres, Tokyo et, plus récemment, Paris, Innovest s’est fixé pour mission de développer la clientèle des portefeuilles axés sur le développement durable.

En janvier 2005, Marc Brammer a publié un rapport intitulé « Monsanto et le génie génétique : les risques pour les investisseurs », dans lequel il dresse un bilan de l’activité de la firme de Saint-Louis et note sa « gestion et stratégie » dans le domaine des biotechnologies.

Résultat : CCC. « C’est la plus mauvaise note environnementale, m’explique l’analyste financier. Or, nous avons constaté que dans presque tous les secteurs industriels, les compagnies ayant des notes environnementales au-dessus de la moyenne dépassent en général sur le marché des valeurs les entreprises en dessous de la moyenne, de 300 à 3 000 points par an. Cela veut dire que la firme représente une entreprise à risques pour les actionnaires à moyen ou long terme.

– Qui sont les actionnaires de Monsanto ?

– C’est un actionnariat très dispersé, mais les principaux investisseurs sont les fonds de pension et les banques, qui représentent des dizaines de milliers de petits porteurs.

– Comment expliquez-vous qu’un fonds comme TIAA-CREF ait investi dans Monsanto ?

– C’est surprenant, me répond Marc Brammer, car c’est une institution qui encourage vraiment l’investissement responsable. D’un autre côté, c’est assez caractéristique du mode de fonctionnement des fonds de pension, qui calculent à très court terme et sont très sensibles aux rumeurs de la Bourse. Or, dans le cas de Monsanto, il est clair que sa valeur est surévaluée, grâce à un soutien inconditionnel de Wall Street.

– Quels sont les principaux facteurs de risques pour les investisseurs ?

– Le premier d’entre tous, c’est le rejet des marchés, qui, pour Monsanto, constitue une véritable bombe à retardement. Les OGM font partie des produits les plus fortement rejetés qui aient jamais existé. Plus de trente-cinq pays ont adopté ou annoncé des législations limitant les importations d’OGM ou exigeant l’étiquetage des aliments contenant des ingrédients transgéniques. La plupart des distributeurs alimentaires européens ont mis en place des mesures pour s’assurer qu’aucun ingrédient transgénique n’est utilisé dans leurs produits. C’est le cas de Nestlé, Unilever, Heinz, ASDA (Wal-Mart), Carrefour, Tesco et bien d’autres. Hors d’Europe, il existe aussi une forte opposition des consommateurs aux OGM, en Asie ou en Afrique.
Même aux États-Unis, Monsanto a dû, par exemple, retirer ses pommes de terre Bt du marché, après que des firmes comme McDonald’s, Burger King, McCain et Pringles ont refusé d’en acheter. Je suis sûr que si la Food and Drug Administration décidait d’étiqueter les OGM, Monsanto perdrait 25 % de son marché en une nuit… De fait, une vingtaine de sondages, réalisés entre 1997 et 2004, indiquent clairement que plus de 80 % des Américains veulent un étiquetage des produits transgéniques . C’est tellement vrai que l’une des conséquences du non-étiquetage des OGM est le développement absolument exponentiel du marché des produits biologiques aux États-Unis. »

Monsanto a bien compris le danger que représentait l’étiquetage pour son business transgénique. Lorsqu’en 2002, une initiative citoyenne a obtenu de l’État de l’Oregon qu’il organise un référendum sur l’étiquetage des OGM, la firme de Saint-Louis n’a pas hésité à monter une campagne, baptisée « Coalition contre la loi sur l’étiquetage coûteux », avec le renfort de ses « alliés des biotechnologies et de l’industrie alimentaire », qui a coûté la bagatelle de 6 millions de dollars.

« Le sentiment général, a argumenté Shannon Troughton, le porte-parole de Monsanto, c’est que si cette mesure passe, elle créera un nouveau paquet de règles bureaucratiques, en fournissant une information sans importance au frais des consommateurs … »

Finalement, l’initiative, qui constituait une première aux États-Unis, a été rejetée par 73 % des votants, au motif que l’étiquetage allait coûter trop cher…

« L’autre facteur de risque qui menace la performance de Monsanto, ce sont les failles du système réglementaire, qu’illustre parfaitement le désastre de StarLink, poursuit Marc Brammer. Nous avons calculé que si elle était confrontée à une affaire similaire, la firme perdrait 3,83 dollars par action. Le problème fondamental avec les OGM, c’est qu’il n’y a que Monsanto qui en tire des bénéfices : les risques sont pour les autres, alors que les agences réglementaires ont abdiqué leur rôle d’évaluation et de contrôle. L’opacité du processus réglementaire alimente le rejet des consommateurs aux États-Unis, où ceux-ci n’ont pas le droit de choisir ce qu’ils veulent manger, mais aussi en Europe, ainsi que le montre l’affaire du maïs MON 863. »

FIN DE L’EXTRAIT

Je rappelle qu’en France et en Europe l’étiquetage des animaux nourris aux OGM sera bientôt obligatoire, pour répondre au souhait des consommateurs européens. En attendant, la meilleure manière d’éviter les OGM pesticides, c’est , bien sûr, de manger de la viande bio!

L’Argentine montre la voie

Je vous écris de Montréal où j’ai présenté , aujourd’hui, mon film « Le monde selon Monsanto » au 5ème Congrès mondial d’éducation relative à l’environnement, en présence du Dr. Shiv Chopra, le lanceur d’alerte de Santé Canada, qui avait dénoncé la tentative de corruption de Monsanto pour imposer la mise sur le marché de son hormone de croissance bovine transgénique (voir mon film et livre). Le Dr. Chopra vient de publier un livre, intitulé Corrompus jusqu’à la moelle. les mémoires d’un scientifique de Santé Canada qui a choisi de sonner l’alarme. J’en ferai un compte rendu dès que je l’aurai lu.

En rentrant d’une journée bien remplie, j’ai découvert sur ma boîte mail deux articles publiés par le journal argentin Página 12, qui, après ma visite en Argentine à la fin du mois de mars (voir sur mon Blog) enchaîne les révélations sur la manière dont Monsanto a introduit le soja roundup ready au pays de la vache et du lait.

Récemment, je racontais comment le Pr. Andrés Carrasco, qui a montré dans une étude les effets mortels du roundup sur des embryons d’amphibiens, avait été menacé de mort et victime d’une campagne de diffamation orchestrée par les promoteurs du modèle transgénique et leur relai dans la presse complaisante comme Clarín ou la Nación.

Cette lamentable affaire a provoqué le réveil de 300 scientifiques et intellectuels argentins qui viennent de publier une pétition en soutien au Dr. Carrasco où ils dénoncent ce qu’ils appellent l’ « intromission mercantile » dans la science , à savoir les pressions exercées par les multinationales de l’agro-alimentaire comme Monsanto et consorts pour contrôler la production scientifique et empêcher toute recherche indépendante des pouvoirs économiques sur les OGM et les pesticides qui leur sont liés.

C’est un événement sans précédent dans ce pays laminé par une dictature sanglante et une crise économique dramatique qui compte, aujourd’hui dix-huit millions d’hectares de soja roundup ready.

Pour les hispanophones, voici l’article de Página 12.

Par ailleurs, Página 12 publie un communiqué de l’association des petits producteurs agricoles qui dénonce les conséquences néfastes de l’agrobusiness sur la sécurité alimentaire et la biodiversité :

Tout indique qu’après avoir longtemps ignoré la catastrophe transgénique qui a conduit à une pollution environnementale et à un désastre sanitaire dramatiques, l’Argentine montre la voie de la résistance à un modèle dévastateur que j’avais déjà dénoncé en 2005 dans mon film  » Argentine: le soja de la faim » (consultable sur ce Blog, dans la rubrique « les films qui m’ont conduite à Monsanto ».