Les liens entre l’AFIS et MONSANTO: la preuve

Un internaute vient de me transmettre un courrier adressé par le Dr. Marcel-Francis Kahn à Christian Vélot, où il dénonce les liens entre l’AFIS et Monsanto, raison pour laquelle il a démissionné de l’association scientiste.

Vous pouvez consulter ce document à l’adresse suivante.

J’ai copié la partie qui nous intéresse:

Le 4 févr. 08 à 16:11, Marcel Francis Kahn a écrit :

Mon cher collègue,

Je viens de signer la pétition protestant contre la suppression des facilités de recherche dont vous bénéficiez.L’élément suivant peut vous intéresser.Je faisais partie du Comité scientifique et de patronage de l’AFIS qui édite le bulletin « Science et pseudo-science ».Je combats depuis longtemps en médecine tous les charlatanismes.
Il ne vous a peut-être pas échappé que ,sous l’influence de son rédac chef Jean-Paul Krivine,l’AFIS s’est transformé-sans que notre avis soit sollicité- en un véritable lobby pro OGM.Certes,je ne suis pas du tout persuadé que le maïs 810 oud’autres soit toxique.Ce que j’ai lu ne m’en convainc pas.Mais en revanche je
combats la stratégie monopolistique agressive de Monsanto et de ses diverses sociétés écran.

J’ai donc demandé à la rédaction de Science et
Pseudoscience que mes lettres où je demandais( avec courtoisie et sans mettre encause a priori leur honnêteté scientifique…) que Marcel Kuntz et Louis-Marie Houdebine indiquent leurs liens avec Monsanto et ses filiales,comme en médecine ( je m’occupe d’un journal scientifique médical) il est devenu obligatoire de préciser ce qu’on nomme conflits d’interêt.

La publication de mes courriers et la réponse à mon interrogation) m’ont été refusées bien que j’avais indiqué que ma présence au sein des comités scientifique et de patronage dépendrait de cette publication;J’ai donc démissionné de ces deux comités et j’ai indiqué que je rendrai public cette démission.Si vous le jugez utile,vous pouvez utiliser cette lettre et mon nom.

Avec toute ma sympathie

Docteur Marcel-Francis KAHN,
Professeur (émérite) de Médecine Paris 7

On comprend mieux l’attaque malhonnête de l’AFIS contre mon film, à laquelle, je le rappelle, j’ai longuement répondu …

Monsanto communique sur mon enquête

Je suis heureuse de vous informer que la filiale française de Monsanto a dit quelques mots sur mon film et livre sur son site internet:

A mesure que se poursuit la croissance à deux chiffres des plantes biotechnologiques – cultivées en 2007 sur près de 115 millions d’hectares à travers le monde par 12 millions d’agriculteurs qui en ont fait le choix, la frustration des personnes qui sont opposées aux biotechnologies végétales augmente.
De fait, Monsanto continue de mettre au point des solutions innovantes pour relever le défi de l’agriculture mondiale, à savoir accroître la production sans augmenter les surfaces cultivées, tout en réduisant l’utilisation d’intrants et en préservant précieusement les ressources telles que l’eau.
Le film et le livre de Marie-Monique Robin sont les dernières illustrations de la frustration des opposants aux biotechnologies.
Ces travaux sont tellement partiaux qu’ils n’appellent aucun commentaire de la part de notre entreprise.
Néanmoins, si vous souhaitez en savoir plus sur qui nous sommes, ce que nous faisons et ce que nous représentons, nous vous invitons à cliquer sur les liens suivants :

. Leading brand
. Benefits of our products
. Product Pipeline

Pour plus d’informations sur les valeurs fondamentales qui nous animent et la manière dont nous opérons en tant que société :

. Charte éthique de Monsanto
. Politique des Droits de l’Homme de Monsanto
. Business Conduct
. Product safety summaries
. Biotech Advisory Council

La réponse de l’AFIS au Dr. Kahn…

Voici la réponse de l’AFIS au courrier rendu public par le Dr. Kahn où il expliquait les raisons de sa démission, à savoir les liens étroits qui unissent Monsanto à l’association scientiste.
A chacun de juger la richesse de l’argumentation…

www.pseudo-sciences.org/spip.php

Mise au point
Afis – Paris le 19 mars 2008
Certains réseaux diffusent par internet un courrier électronique du rhumatologue Marcel-Francis Kahn adressé à Christian Vélot. Ce courrier fait état que la rédaction de Science et pseudo-sciences aurait refusé de publier une lettre dans laquelle Marcel-Francis Kahn entendait demander publiquement aux biologistes Marcel Kuntz et Louis-Marie Houdebine, membres du conseil scientifique de notre association et du comité de parrainage de la revue Science et pseudo-sciences, d’indiquer l’existence éventuelle de « liens avec Monsanto et ses filiales ».

Nous avons tout d’abord demandé à Marcel-Francis Kahn de reformuler ses critiques relatives à l’introduction des biotechnologies végétales dans l’agriculture ainsi qu’au statut de l’expertise scientifique sous une forme dans laquelle les insinuations et attaques ad hominem seraient écartées car telle est notre conception de « l’éthique de la discussion ». Il a refusé.

Nous avons alors refusé de publier cette lettre en l’état pour ne pas céder, par principe, à des demandes de nature inquisitoriale, aussi bien pour notre association que pour ses membres à titre individuel ; nous savons également que le seul fait de publier de telles interrogations aurait donné corps à la calomnie.

L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) est une association selon la loi 1901. Elle regroupe des adhérents de toute origine et toute formation. Le premier objectif qu’elle poursuit est d’informer sur l’avancement des sciences et des techniques en éclairant de façon active les choix de société dans l’optique de l’amélioration des conditions d’existence des êtres humains. Le second est de mettre en garde contre les fausses sciences et l’exploitation de la crédulité. Le troisième enfin réside dans la défense et la promotion de l’esprit scientifique. Elle est indépendante de tout intérêt privé. Ses ressources sont les cotisations de ses membres et les ventes de la revue Science et pseudo-sciences. L’orientation de l’AFIS est définie par ses adhérents. La ligne éditoriale de la revue Science et pseudo-sciences reflète son orientation.

Nous regrettons que le débat sur l’utilisation des biotechnologies végétales au bénéfice de l’agriculture et pour l’alimentation animale et humaine, au lieu de se concentrer sur des faits et des arguments, fasse place régulièrement à des accusations, des procès d’intention et des mises en cause personnelles. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que les mises en cause personnelles cesseront, pas plus que nous ne sommes assez naïfs pour penser que les dénégations mettront fin aux rumeurs. Les rumeurs font partie des sujets sur lesquels notre association est amenée régulièrement à se pencher. Nous en sommes aujourd’hui à notre tour les victimes ; sans doute parce que notre propos, sans passion et ouvert aux arguments fondés dérange : nous restons en effet toujours attentifs et nous ne manquerions pas de corriger nos analyses si des données scientifiques qui auraient échappé à notre attention nous parvenaient, mais cela n’a pas été le cas jusqu’à présent et les « alertes »régulièrement relayées depuis quelques années se sont toutes révélées non fondées.

Réponse à l’apprenti journaliste de Libération

La rédaction du Libération d’aujourd’hui a été confiée à des « étudiants de Nanterre », clin d’oeil aux événements du 22 mars 1968 qui constituèrent le prélude au « joli mai  » de la même année .

Je n’épiloguerai pas sur l’intérêt d’une telle initiative, mais, dans tous les cas, il faut la prendre pour ce qu’elle est: l’occasion de donner la parole à des jeunes, issus de tous les horizons universitaires (qui n’étudient pas le journalisme) pour qu’ils donnent leur point de vue instantané sur l’actualité. L’opération a ses limites, car, bien évidemment, on ne s’improvise pas journaliste en quelques heures…

C’est ainsi que j’ai été contactée, hier, sur mon portable (j’aurais aimé savoir comment il avait eu mon numéro), par un jeune inconnu, dont je découvre le nom, ce matin, dans Libération: « Christopher Chriv licence 3 histoire-géo et anthropologie ».

De manière péremptoire il a asséné:

« Je prépare un article très critique sur votre film, et Libération m’a dit de vous appeler ».

Soit. J’étais alors en train de finir la rédaction urgente d’un texte pour mon prochain film, mais j’ai accepté d’accorder quelques minutes à l’inconnu.

« On reproche à votre film de ne pas avoir présenté les avantages que présentent les OGM », me dit-il.

Je lui réponds que mon « film n’est pas sur les OGM, en général, mais sur ceux que produit Monsanto, qui représentent 90% des plantes transgéniques cultivées, aujourd’hui, sur la planète » et que les « autres OGM sont des produits virtuels, puisqu’il n’existe pas dans les champs ». Et donc que « je me suis intéressée aux OGM existants, pas à ceux qui existeront peut-être un jour »…

L’argument de l’inconnu ressemblant étrangement à celui développé par l’AFIS, je lui signale que j’y ai déjà répondu longuement sur mon Blog, ce qu’il semble ignorer…

Je découvre , aujourd’hui, qu’effectivement c’était bien l’AFIS, et précisément Marcel Kuntz qui était derrière les inquiétudes de l’apprenti journaliste.

Interrogé, le scientifique, dont les liens avec Monsanto sont confirmés par la lettre du Dr. Kahn que j’ai postée hier sur mon Blog, ainsi que par une enquête d’ATTAC France, dont j’ai également parlé, ressert le même argument, concernant les « maïs monstrueux » qui inquiètent les paysans mexicains :

«Le film insinue que ces [mutations] aléatoires pourraient survenir par croisements d’une lignée transgénique de maïs avec des variétés non-transgéniques. Ce qui est faux, puisque la lignée transgénique commercialisée possède une seule insertion, qui est stable et ne saute plus aléatoirement dans le génome.» De plus, «la moitié du patrimoine génétique du maïs est formée […] d’éléments génétiques résultant d’insertions de fragments d’ADN, générés par le maïs lui-même, nommés rétro-transposons.»

Malgré la belle assurance de M. Kuntz ce point est loin de faire l’unanimité, ainsi que je l’ai déjà expliqué dans mon blog, à propos de l’affaire Chapela.

Bien au contraire, un certain nombre de scientifiques, dont les généticien Christian Vélot (Université de Paris Sud) et Pierre-Henri Gouyon (Muséum national d’histoire naturelle) soulignent que la technique d’insertion est aléatoire (elle s’effectue avec un canon!) et qu’elle ne garantit en rien la stabilité du gène inséré dans la génome hôte.

Mais par delà ces inquiétudes, je note l’arrogance qui sous-tend « l’argument » de M.Kuntz: les paysans mexicains, qui cultivent le maïs depuis la nuit des temps, sont des ignares et le fait qu’ils assurent n’avoir jamais vu de tels monstres dans leurs champs est absolument sans intérêt…

L’autre argument sur lequel s’appuie mon jeune détracteur est livré par Jean-Paul Charvet, « géographe à Paris X Nanterre », dont j’ai lu plusieurs livres fort intéressants, lorsque je réalisais mon film sur l’histoire du blé (« Blé : chronique d’une mort annoncée? », diffusé sur ARTE le 15 novembre 2005) :

«L’analyse économico-politique n’est pas mauvaise, ce que je critique en revanche, c’est que l’on met systématiquement en avant les aspects négatifs sans jamais regarder ce que les OGM peuvent apporter.» Un exemple ? «Le semis direct [avec OGM] permet d’économiser une tonne de CO2 par hectare cultivé».

En effet, la technique dite du « semis direct » est étroitement associée aux cultures roundup ready, c’est même l’un des arguments commerciaux récurrents de Monsanto, ainsi que je l’ai expliqué dans un autre film réalisé pour ARTE ( « Argentine: le soja de la faim » (diffusé le 18 octobre 2005), et dans mon livre (chapitre 13).

De quoi s’agit-il?
Avant d’ensemencer leurs champs, les paysans doivent les désherber , et donc labourer.

Depuis l’avènement des OGM dits « roundup ready » , les promoteurs des plantes transgéniques disent que ce n’est plus la peine de gaspiller du temps et de l’argent (fuel), puisqu’il suffit d’arroser les champs de roundup, puis de semer y compris dans les résidus de leur récolte antérieure.

Cet argument a séduit beaucoup d’agriculteurs, ce qui est bien normal, sauf qu’à l’usage, les bénéfices escomptés ( économie de temps, d’argent, préservation des sols ou réduction de l’émission de CO2) ont été anéantis par un phénomène constaté partout: la résistance des mauvaises herbes, qui fait basculer l’agriculteur dans un cercle vicieux
absolument dévastateur, ainsi qu’a pu le constater, notamment en Argentine, l’agronome Walter Pengue, un collègue de Michel Charvet, qui réalise depuis dix ans un suivi permanent de l’évolution des cultures roundup ready un peu partout dans le monde, et bien sûr dans son pays…

Cette question étant capitale, j’y consacrerai un message à part, en racontant ce que j’ai vu en Argentine.

En attendant, je n’en veux pas à Christopher Chriv (!) : son expérience d’un jour confirme que le journalisme est un métier qui suppose de travailler pour éviter de tomber dans des simplifications ou manipulations, surtout quand le sujet qu’on traite représente des enjeux économiques colossaux énormes…

Argentine: bilan du soja roundup ready

Les « SEMENCES MAGIQUES TOURNENT AU CAUCHEMAR »

Ce message constitue une réponse aux affirmations véhiculées dans l’article publié par un étudiant dans Libération du 22 mars ( cf: message précédent)

Il est constitué d’extraits du chapitre 13 de mon livre, où je raconte ce que j’ai découvert en Argentine, où , aujourd’hui, la moitié des terres cultivées sont recouvertes de soja roundup ready.Ces informations ont été réunies lors de mon enquête pour le film « Argentine: le soja de la faim »

EXTRAIT:

Les « semences magiques »

L’homme qui me reçoit, après cinq heures de route, est un vrai paysan, de père en fils, habité par cette vision nourricière de l’agriculture. Âgé d’une quarantaine d’années, Hector Barchetta exploite cent vingt-sept hectares à une soixantaine de kilomètres de Rosario, la capitale de l’empire transgénique. Membre de la Fédération agraire argentine, qui regroupe 70 000 petites et moyennes exploitations agricoles, il avoue être « complètement désemparé ».
Tandis qu’il arpente ses champs de soja roundup ready ( RR), qui couvre désormais 70 % de sa ferme, il me raconte l’histoire d’un miracle qui est en train de tourner au cauchemar.

Dans les années 1990, il est confronté à un problème qui concerne tous les paysans de la Pampa : l’érosion des sols due à leur exploitation trop intensive.
D’après l’INTA, l’institut agronomique national, les rendements ont chuté de 30 %.

« Nous ne savions plus à quel saint nous vouer, explique Hector, et c’est dans ce contexte qu’est arrivé le soja RR. Au début, c’était vraiment des semences magiques, parce que nous avons retrouvé des rendements élevés, en réduisant les coûts de production et en travaillant moins. »

De fait, comme aux États-Unis, la culture transgénique se développe avec la technique du semis direct (siembra directa), qui permet de semer, sans labour préalable, dans les résidus de la récolte précédente.

La promotion et l’encadrement technique sont assurés par l’AAPRESID, l’Association argentine des producteurs de soja, qui ressemble à s’y méprendre à l’American Soybean Association (ASA) , son homologue nord-américaine.

Regroupant 1 500 grands producteurs, l’AAPRESID représente le principal promoteur du soja Roundup ready et l’allié le plus dévoué de Monsanto en Argentine.

« La technique de la siembra directa fait partie intégrante du modèle de culture transgénique, commente l’agronome Walter Pengue. C’est vrai que, dans un premier temps, elle entraîne une restauration de la fertilité des sols, grâce à une augmentation de la matière organique, fournie par les résidus de surface qui retiennent l’eau. Cette technique est indissociable de ce que Monsanto appelle le “paquet technologique”, à savoir les semences transgéniques et le Roundup, vendus ensemble, et là la compagnie a fait preuve d’une grande habilité en lançant son “paquet” à un prix trois fois inférieur à celui pratiqué aux États-Unis. »

À un prix si bas, en effet, que les producteurs nord-américains, qui sont pourtant largement subventionnés, ont poussé des cris d’orfraie en dénonçant une « concurrence déloyale »…

Hector, en tout cas, mord à l’appât avec enthousiasme. « Avant, raconte-t-il, pour détruire les mauvaises herbes, je devais appliquer quatre ou cinq herbicides différents, mais avec le soja RR, deux applications de Roundup suffisaient. Et puis, comble de bonheur, la crise de la vache folle a fait flamber les cours du soja, et j’ai arrêté de produire du maïs, du blé, du tournesol, des lentilles, comme tous mes voisins. »

En effet, l’interdiction des farines animales en Europe entraîne une demande accrue de protéines végétales, et donc de tourteaux de soja. Le cours de l’oléagineuse atteint des records historiques, provoquant dans la Pampa une ruée sur le nouvel or vert.

« C’est grâce au boom du soja que j’ai pu survivre à la crise, poursuit Hector. Tout a été fait pour que les producteurs soient épargnés. Alors que les taux d’intérêt s’envolaient, nous pouvions nous procurer le paquet de Monsanto et ne le payer qu’après la récolte. »

En 2001, l’Argentine est au bord de la faillite. Sous la pression de la rue, le gouvernement de Fernando de la Rua est contraint de démissionner. Tandis que les piqueteros – les chômeurs – tiennent le pavé, la misère s’installe aux quatre coins du pays, où 45 % de la population vit désormais au-dessous du minimum vital.

Étranglés par une dette extérieure colossale, les gouvernements d’Eduardo Duhalde, puis de Nestor Kirchner, se servent du soja comme d’une bouée de secours.

« C’est le moteur de notre économie, m’ assure Miguel Campos, le secrétaire à l’agriculture. L’État prélève un impôt de 20 % sur les huiles et 23 % sur les grains, ce qui représente dix milliards de dollars [par an], soit 30 % des devises nationales. Sans le soja, le pays aurait tout simplement coulé… »

La « sojisation » du pays

Pour Monsanto, la crise argentine est une aubaine qui dépasse ses espoirs les plus fous.
Depuis la Pampa, le soja Roundup ready se répand comme une traînée de poudre, toujours plus vers le nord, dans les provinces du Chaco, de Santiago del Estero, Salta et Formosa. Alors qu’elles ne représentaient que 37 000 hectares en 1971, les cultures de l’oléagineux passent de 8,3 millions d’hectares en 2000 à 9,8 en 2001, 11,6 en 2002, pour atteindre les 16 millions d’hectares en 2007, soit 60 % des terres cultivées.

Le phénomène est tel que l’on parle de « sojisación » du pays, un néologisme qui désigne une restructuration profonde du monde agricole dont les effets funestes ne tarderont pas à se manifester.

(…)

Le « soja rebelle » : vers la stérilisation des sols

Ce jour-là, Walter Pengue a programmé une visite chez Jesus Bello, un paysan de la Pampa qui s’est lancé dans le soja RR dès 1997.

Depuis sept ans, l’agronome effectue un suivi de plusieurs fermes de la région, en épluchant scrupuleusement leurs comptes d’exploitation.

« Au début, explique-t-il, j’étais plutôt favorable au soja transgénique, car je pensais qu’avec une rotation des cultures et une utilisation raisonnable du glyphosate, il pouvait être bon pour l’environnement et pour le portefeuille des producteurs, le contrôle des mauvaises herbes représentant jusqu’à 40 % des coûts de production. Mais aujourd’hui, je suis très inquiet, car tous les postes sont au rouge… »

À ses côtés, Jésus Bello opine du chef :

« On va dans le mur, murmure-t-il. On dépense de plus en plus et les sols sont épuisés. »

De fait, Jésus, comme à 300 kilomètres de là Hector Barchetta, est confronté à un problème qui s’accentue d’année en année : la résistance des mauvaises herbes au roundup .

« D’un point de vue agronomique, c’était couru d’avance, soupire Walter. Avant l’arrivée du soja transgénique, les producteurs utilisaient quatre ou cinq herbicides différents, dont certains très toxiques comme le 2-4 D, l’atrazine ou le paraquat . Mais l’alternance entre les différents produits empêchait les mauvaises herbes de développer une résistance à l’un ou l’autre d’entre eux. Aujourd’hui, l’utilisation exclusive du Roundup, à n’importe quel moment de l’année, a entraîné l’apparition de biotypes qui furent d’abord “tolérants” au roundup : pour venir à bout de ces mauvaises herbes , il a fallu augmenter les doses de l’herbicide. Après la tolérance vint la résistance, que l’on peut déjà constater dans certains secteurs de la Pampa.

– L’argument commercial de Monsanto, qui dit que la technologie Roundup Ready permet de réduire la consommation d’herbicide, serait donc erroné ?

– Complètement !, me répond Jésus Bello. Je fais deux applications de roundup, l’une après les semis, l’autre deux mois avant la récolte. Au début, j’utilisais deux litres d’herbicide par hectare, aujourd’hui il m’en faut le double!

– Avant l’arrivée du soja RR, l’Argentine consommait une moyenne annuelle d’un million de litres de glyphosate, renchérit Walter Pengue. En 2005, nous sommes passés à 150 millions de litres ! Monsanto ne nie pas qu’il y ait un problème de résistance et annonce un nouvel herbicide plus puissant, avec une nouvelle génération d’OGM, mais on ne sort pas du cercle vicieux ! »

Pour les producteurs, la facture est salée. Finie l’époque où, pour amorcer la pompe, Monsanto consentait une ristourne des deux tiers sur le prix de son herbicide. Très vite, le prix a retrouvé un cours normal, ce qui a poussé les producteurs à se rabattre sur les génériques (principalement chinois), dès que le brevet de la compagnie a expiré en 2000.

Mais dans le même temps, apparaissait un nouveau problème, qui a alourdi encore la facture : ce qu’on appelle en Argentine le « soja rebelle » (ou « volontaire » au Canada), qui confirme que, du nord au sud de l’Amérique, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Et comme aux États-Unis, Syngenta, le concurrent suisse de Monsanto, qui produit le paraquat et l’atrazine (récemment interdite), ne s’y est pas trompé : en 2003, l’une de ses publicités phares clamait : « Le soja est une mauvaise herbe ! »

De plus, l’usage intensif du Roundup tend à rendre la terre stérile.

« Je consomme toujours plus d’engrais, reconnaît Jésus Bello, car sinon les rendements s’effondrent. »

On voit mal comment un « herbicide total », capable d’éliminer n’importe quelle plante, épargnerait la flore microbienne, essentielle pour la fertilité des sols.
« La disparition de certaines bactéries rend la terre inerte, explique Walter Pengue, ce qui empêche le processus de décomposition et attire les limaces et les champignons comme le fusarium »…

FIN DES EXTRAITS

Photo:
épandage de roundup au Paraguay

Lettre de Christian Vélot

Christian Vélot vient d’adresser cette lettre à tous ceux qui ont signé la pétition de soutien sur le site de la Fondation sciences citoyennes du Pr. Jacques Testart:

Bonjour à toutes et à tous,

Tout d’abord, je tiens à vous remercier infiniment pour votre soutien et pour les différents relais de cette pétition.
Toutefois, des messages circulent où il est dit que j’ai eu des ennuis supplémentaires suite à mon passage sur Arte le 10 mars auprès de José Bové après la diffusion du documentaire de Marie-Monique Robin « Le Monde selon
Monsanto », et que j’avais été aussitôt licencié.

Cette information est fausse et j’attire votre attention sur le fait de ne pas déformer les choses ! Ce n’est pas depuis mon passage sur Arte que j’ai des ennuis, et je n’ai d’ailleurs pas eu de pressions supplémentaires suite à
cette intervention.
Les pressions que je subis suite à mes prises de position publiques sur les OGM remontent à fin 2006.
Ce fut d’abord des remontrances qui sont devenues récurrentes et qui se sont suivies par des pressions matérielles allant jusqu’à mon éviction de l’institut dans lequel j’effectue ma recherche (par courrier officiel reçu en septembre 2007) à partir de fin 2009 (date de renouvellement du contrat qui lie mon institut au CNRS).

Etant fonctionnaire, je conserve mon poste d’enseignant universitaire et on ne peut pas vraiment parler de licenciement, mais plutôt de mise au placard. En effet, un enseignant-chercheur n’est évalué que sur son activité de recherche (et pas du tout sur celle de l’enseignement), et le priver d’affectation de
recherche, c’est bloquer sa carrière (rien de mieux pour le discréditer !).

Vous pouvez avoir plus de précisions sur ce site où vous trouverez notamment des texte récapitulatifs ainsi qu’une vidéo-interview où j’explique tout le contexte.
Soyons prudents car une déformation des faits peut se retourner contre moi et desservir plus généralement la cause des lanceurs d’alerte.

Merci de votre compréhension et merci encore de votre soutien.
Bien amicalement,
Christian Vélot